La mémoire en lambeaux
Le silence est le pire meurtrier qui soit. Il croyait pouvoir tout programmer et maîtrise, mais il avait tort. Rien ne s'était déroulé comme prévu. Pourtant, pour une fois, il n'avait pas voulu être si égoïste. Maintenant, il fallait attendre, peut-être en vain.
"Seul ce qui ne cesse de nous faire souffrir reste dans la mémoire."
- Friedrich Nietzsche
Note de l'auteur :
Habituellement, je suis fan du couple Grimmjow x Renji ou Grimmren. J'avais, avant de tout effacer de mon compte (que je pensais d'ailleurs totalement supprimé avant d'avoir vu que c'était en pratique impossible), écrit pas mal de fics sur ce couple que je reposterai peut-être si je ne suis pas attaqué par la flemme...
Donc, vous l'aurez compris, ce Aizen x Renji a une origine précise. Il vient en fait d'une idée qui m'est venue à l'occasion d'une discussion avec une amie.
Je préfère prévenir : je ne compte pas totalement coller au scénario originel. Et, comme je n'ai pas encore tout le scénario en tête, il est possible que Grimmjow joue un rôle prépondérant dans cette histoire.
Sur ce, bonne lecture !
Prologue
Il n'avait jamais essayé de faire ce genre de propositions. Mais il devrait s'y forcer, prendre le risque. Au pire, il essuierait un refus... Non, l'échec n'était pas une option. Leur temps était déjà compté, avant même que quoi que ce soit n'ait commencé entre eux. Le compte à rebours était lancé. Gin ne cessait de le lui rappeler chaque jour.
Aizen attendit que l'entraînement prît fin, puis, l'air de rien, aussi naturel que possible, se dirigea vers un jeune homme aux longs cheveux écarlates et au corps mince, couvert de tatouages noirs. Celui-ci parut très impressionné et, pour cause, même si le capitaine Sozuke était connu pour son amabilité et sa souplesse à l'égard des règles, il était rare qu'il s'adressât en tête-à-tête avec un de ses disciples. Surtout lorsqu'il s'agissait de sa plus récente recrue, arrivée il y avait à peine un mois. Il fit de son mieux pour calmer son cœur qui battait la chamade et salua son supérieur avec le respect qui lui était dû.
- Sozuke-taicho.
Il s'inclina cérémonieusement.
- Abandonnons ces politesses fastidieuses lorsque nous sommes juste tous les deux, veux-tu Renji ?
Le plaisir de prononcer son prénom. Le frisson imperceptible qui parcourut Aizen tout entier. Il était le seul à provoquer ça, à le faire se sentir vivant, avec des peurs stupides de décevoir et des envies aussi bêtes de faire plaisir.
- J'aimerais que tu m'accompagnes dans mon bureau. J'ai à te parler.
A ce moment, comprenant qu'il devait avoir un sérieux motif pour le convoquer, Renji fronça les sourcils. Aizen tâcha de le tranquilliser :
- Ne t'alarmes pas. Je veux juste discuter avec toi.
Renji détacha son bandeau ; ses cheveux libérés s'éparpillèrent et recouvrirent ses épaules. Sa chevelure était incroyablement dense pour un homme. Il s'essuya le front. Il ne réalisait pas l'effet qu'il produisait sur son capitaine, qui ne le lâchait pas des yeux, mais dont le visage ne trahissait rien. Renji ne ressentait pas les choses de la même façon. Il sortait d'un rude entraînement, était en sueur, éreinté, et n'aspirait qu'à une bonne douche. Il dit, un peu embêté et gêné :
- Je devrais peut-être me changer...
- Oui, fais comme tu voudras. Je t'attendrai dans mon bureau.
Il souriait toujours, mais ce sourire était étrange. Il y avait des gens comme ça, qui souriaient tout le temps. Il apparaissait impossible de leur arracher cette mimique. Renji évitait de s'y fier. Il avait connu les horreurs des rues malfamées du 78ème district, leurs pièges, les sadiques et les monstres qui aimaient un peu trop les enfants, si bien qu'aujourd'hui son cœur s'était asséché, endurci. Il n'accordait plus sa confiance, n'en plaçait qu'une once en Rukia. Par conséquent, même s'il n'avait rien à reprocher à Aizen, il se tenait sur ses gardes. Rien n'était gratuit dans ce monde.
Il se pressa jusqu'à son dortoir, se doucha. Pendant que le jet d'eau un peu froide lui frappait le visage, il réfléchissait à ce qu'Aizen pouvait lui vouloir. Il avait dit désirer s'entretenir avec lui... Mais à quel sujet ? Renji avait bien une idée, mais il espérait vivement se tromper. Une fois nettoyé, il se dépêcha de revêtir un uniforme propre et courut jusqu'au bureau de son chef. Il toqua à la porte, attendait une réponse, quand le lieutenant de sa division sortit. L'homme aux cheveux blancs lui adressa un de ses fameux trop grands sourires.
- Abarai-kun. Tu peux entrer.
- Merci...
Renji s'empressa de le quitter et de rejoindre Aizen à l'intérieur ; il avait détesté d'emblée Gin, avec son air hypocrite. Dès qu'il le croisait, son instinct s'éveillait et lui criait « danger ».
- Installe-toi, je t'en prie, Renji, l'accueillit la voix affable de Sozuke.
Renji prit place, pas très à l'aise, malgré les efforts de son taicho. Celui-ci, avec son habituel sourire, ne cessait de le regarder. Ses yeux ne dérivèrent même pas lorsqu'il tendit un tas de feuilles à Renji.
- De quoi s'agit-il taicho ?
- J'espérais justement que tu me le dises.
Renji entama sa lecture, encore assez lente. Il n'avait débuté son apprentissage qu'à son entrée dans le Gotei ; on apprenait pas la lecture ou l'écriture à l'école de la rue. Aizen ne le brusquait pas, mais il gardait les yeux rivés sur lui, scrutant la moindre de ses expressions.
- Ce sont... des plaintes pour vol, dit enfin Renji et il voulut rendre les papiers à Aizen, qui les repoussa aussitôt vers lui.
- Et tu n'as rien de plus à m'apprendre ?
Un silence. Coupable. Renji retint sa respiration. Merde. Il était fait. Il allait être puni, chassé du Gotei, sans espoir de revoir Rukia... Son esprit s'affolait.
- Écoute, Renji, je sais que c'est toi l'auteur de ces vols. Je ne te dénoncerai pas, mais, dorénavant, si tu as besoin de quelque chose, ne le chipes pas. Demande-le moi. Je te le donnerai.
Renji aurait voulu disparaître, s'enfoncer sous terre. Affreusement embarrassé par ses actes et par la bonté inexplicable de son taicho, il fixait ses doigts qu'il tordait nerveusement.
- Je ne pourrai pas te couvrir éternellement, poursuivit Aizen, sans se départir de son sourire. Gin finirait par se douter de quelque chose.
De nouveau, nul bruit, pendant une minute, puis deux. Renji avait envie d'exprimer de la reconnaissance, mais il craignait encore l'arrivée d'une contrepartie à cette gentillesse. Il restait prostré, apeuré. Aizen aurait voulu étendre la main et le rassurer, mais il se contint. Il était trop tôt ; il aurait tout gâché. Il essaya quand même de renouer le contact. Le silence s'allongeait. Ce n'était pas bon signe.
- Renji ?
- Je... Je suis désolé... de vous mettre dans cette situation... Je ne mérite pas d'être dans votre division.
Le tout prononcé, la tête baissée, par une voix blanche, qui ne laissait rien présager de l'audace qu'il avait fallu pour commettre certains des vols.
- Renji, ne t'accables pas. Je ne suis pas fâché. Je me contente de te prévenir.
Enfin, le jeune homme releva le menton et ses yeux observèrent Aizen quelques secondes. Puis un sourire se dessina sur sa bouche encore juvénile. D'abord, un sourire faible, puis franc. Ce sourire. Aizen le grava dans sa mémoire aussitôt ; il ne l'oublierait jamais.
Tu es magnifique.
Aizen le pensa en le gardant pour lui, sinon la méfiance de Renji aurait réapparu.
- Puis-je... disposer ? s'enquit Renji.
Une éternité devait s'être écoulée pour Renji ; seulement quelques secondes trop courtes pour Aizen. Ce dernier accepta, à contrecoeur, le voir partir.
- Oui, bien sûr. Demain matin, à la bibliothèque ?
- Sans faute, acquiesça Abarai.
Il paraissait presque enthousiaste. Pourtant, il détestait lire ; il était plus tourné vers l'action. Il se force pour moi. A cette pensée, Aizen sourit davantage. Il le suivit des yeux lorsqu'il quitta la pièce. Il ne devait pas trop accélérer les choses, au risque de tout perdre. Mais le temps... Ce fichu temps qui passait sans se soucier de rien... Il retournait le cerveau d'Aizen. Il jouait contre lui.
Le lendemain, Aizen se présenta au lieu de rendez-vous, avant l'heure prévue. Il était de nature ponctuelle, jamais en retard, mais pas non plus en avance d'ordinaire. Lorsque Renji se montra enfin, la moitié de la matinée avait passé. Aizen avait déjà fini sa théière de thé. Il était agacé et surtout déçu. Mais le pire était encore à venir.
Quand Renji s'assit face à lui, une odeur d'alcool fort s'insinua dans les narines d'Aizen. Puis il vit le regard fatigué, un peu vitreux. Renji était complètement saoul. Aizen soupira à s'en fendre l'âme. Il se rappela les paroles de Zaraki, lorsqu'ils avaient inspecté les nouveaux disciples pour se les partager. Zaraki avait observé Renji de son unique oeil, l'intimidant, tandis qu'Aizen s'était tenu en retrait. Une fois que Zaraki avait fini son numéro, il avait insisté pour prendre Renji dans sa division, mais Aizen s'y était fermement opposé. Renji est à moi. Zaraki avait ri et dit :
- Un élément difficile, perturbateur de toute évidence. Pourquoi le veux-tu ? Laisse-le moi. Tu sais que j'me charge mieux de ces types-là ! J'suis habitué à eux !
Oui, un élément difficile. Mais je ne pouvais pas te laisser passer. Je l'aurais combattu pour t'obtenir. Aizen scruta le jeune perdu face à lui. De la sévérité. Il en faudrait pour le recadrer.
- Renji, tu es saoul.
Juste un constat, mais effectué sèchement. Pas de réaction chez Renji. Il dévisageait Aizen, comme s'il le défiait. Le taicho ne perdit pas son calme. Il en avait vu d'autres des rebelles... Quoique... Renji était peut-être le pire. Averti la veille pour vols et, la semaine dernière, interpellé pour des bagarres.
- J'en conclus que tu as passé ta nuit à boire avec ceux de la onzième.
- Et alors ?
La réponse typique et absurde de l'adolescent en crise à son parent qui le grondait. Mais Aizen ne voulait pas jouer ce rôle, plus maintenant.
- Ne me fais pas regretter ma clémence d'hier.
Renji répondit du tac-au-tac, débridé par l'alcool :
- Vous allez me demander quelque chose pour ça ! Me prenez pas pour un con !
Aizen trancha ; Renji était bien le disciple le plus problématique qu'il ait vu passer par sa division. Pas de respect chez ce gosse en colère. Que de la déviance... De la crainte aussi...
- J'en ai connu des gars comme vous, qui jouent les gentils, qui vous rendent service et qui, après, vous demandent de la leur sucer ! Le dernier, j'la lui ai coupée !
Mais pas ceux d'avant, parce qu'il n'avait pas encore la force nécessaire. Aizen le devinait dans son regard dégouté de lui-même, empli de mésestime. Toujours imperturbable, il se défendit calmement :
- Je ne suis pas comme eux.
- Ils disent tous ça ! Ils disent tout ça !
Il hurlait. Plusieurs personnes levèrent la tête. La bibliothécaire allait intervenir, mais Aizen lui fit signe de ne pas s'inquiéter, qu'il maîtrisait la situation. En fait, il ne contrôlait plus rien du tout.
- Regarde-moi Renji.
Soudain, sa voix s'était faite très grave, si sérieuse que Renji, même déshinibé, se tut pour l'écouter.
- Tu vas te rasseoir...
Jusque-là, il lui obéissait.
- Et maintenant, tu vas m'écouter.
Renji avança les coudes sur la table, dans une attitude de provocation. Ses yeux sombres, presque noirs tout à coup, fixèrent Aizen. Il n'avait plus rien de l'adolescent timide de la veille.
- Je ne suis pas ton ennemi.
- On vient pas du même monde.
Et il voulut partir, comme ça, sans raison, juste pour avoir le dernier mot. Aizen attrapa son poignet à une vitesse incroyable et le serra si fort que Renji se rassît pour que la douleur se calme.
- C'est ça que tu veux ? Que j'agisse comme ces connards ? Que je te traite mal ?
Renji baissa enfin les yeux, preuve qu'il regrettait ou, au moins, reconnaissait son emportement disproportionné. La pression des doigts sur son poignet s'atténua vite.
- J'ai trop mal au crâne, lâcha-t-il d'une voix pourtant assez sèche. Je devrais aller dormir.
Le regard d'Aizen s'était fait acéré derrière ses lunettes. Il libéra Renji, sans douceur.
- Je crois aussi. Je tâcherai d'oublier ce "regrettable" incident.
Il ne s'en sortirait pas avec lui. Ses craintes se renforçaient de jour en jour.
Il lui fallut deux jours pour pouvoir affronter de nouveau le regard de son taicho. Il avait tellement honte. Il avait laissé son passé le hanter trop longtemps. Pourquoi rejetait-il cette main tendue ? Aizen ne lui voulait pas de mal. S'il avait voulu abuser de lui ou l'utiliser, il aurait pu aisément l'y contraindre bien plus tôt. Il le tenait. Renji n'aurait même pas eu besoin de l'aider et n'aurait jamais rien pu tenter contre lui. La parole d'un disciple ne valait pas cher. En tout cas, moins que celle d'un capitaine...
Renji demeura devant la porte, à tergiverser. Il savait que les visites de ce genre n'étaient pas autorisées normalement. Un disciple ne pouvait pas se rendre au domicile de n'importe quel capitaine, sans une raison valable. Mais... il en avait une, pas vrai ?
Et si Aizen pensait qu'il se moquait de lui ? Il avait bu une gorgée de saké avant de venir, mais juste pour se donner du courage. Il soupira ; il cumulait les erreurs. Il s'apprêtait à tourner les talons et à s'en retourner à son dortoir, quand la porte s'ouvrit pour sa plus grande surprise.
- Entre, ordonna simplement Aizen.
- Tu es déjà pardonné, sourit Aizen, d'une manière si douce que Renji se sentît aussitôt apaisé. Gin m'a dit que... tu as fait preuve d'un comportement exemplaire ces deux derniers jours.
- J'essaye de me rattraper.
- Tu ne dois pas le faire pour moi, mais pour toi.
- En fait, j'étais venu vous dire...
Ce n'était pas aussi facile que ça le semblait devant le miroir, dans la salle de bain. Je suis si con... Renji se secoua.
- Je vous respecte.
Aizen ressentit un certain bien-être, en entendant ces mots, et pas seulement parce qu'ils le flattaient. Il corrigea Renji, avec un petit sourire en coin :
- Je "te" respecte.
Alors que Renji paraissait sur le point de protester, il reprit :
- Pas de formules de politesse et ça inclut le vouvoiement.
Il se tourna et rangeait quelques dossiers, quand il entendit une voix plutôt amusée demander :
- Alors... Où se situent les limites ?
Enfin. Aizen ne se retourna pas tout de suite ; il savourait l'instant.
- En fait... elles dépendent entièrement de ta seule volonté, répondit-il d'une voix quelque peu charmeuse, avec un regard tout aussi joueur.
Renji éclata de rire pendant une seconde. Au début, Aizen appréhenda sa réaction, de la colère, mais le ton qu'il adopta le rassura vite.
- Alors en fait j'avais raison ! s'écria le jeune homme, qui souriait. Tu me veux dans ton lit !
En le voyant toujours confiant, Aizen se sentit encouragé. Il garda son air séduisant, posa ses lunettes et fit un pas vers Renji, qui ne chercha pas à s'esquiver.
- Seulement si c'est que tu veux aussi. Tu vois... Tu avais tort.
Ils se contemplèrent l'un l'autre. Aizen, avec un mélange de désir et de tristesse, parce que lui savait ce qui échappait totalement à Renji. Il savait qu'il le ferait souffrir s'ils prenaient le risque de s'attacher. On est tellement foutus... Tellement... La date sur le calendrier. Plus que deux semaines. Si peu. Il compta les jours ; ça faisait peu, beaucoup trop peu. Mais...
J'en aurais besoin pour tenir le coup. Il resterait au moins le souvenir dans l'absence. Aizen savait qu'il devait se montrer prudent et très doux. De toute manière, il n'était pas du genre violent en gestes et paroles. Certes, il lui était arrivé d'être en rage et, dans ces moments, il devenait le monstre le plus horrible qui soit. Pire que tous les autres. Comme si tout ce qu'il contenait, ne montrait pas le reste du temps, sortait à ces moments-là. Mais, dans l'instant, il se sentit juste... si bien.
Il passa sa main dans les cheveux rouges, pour la faire descendre sur la nuque, et attira Renji à lui pour l'embrasser. Renji hésita d'abord ; la crainte qu'avaient imprimé certains hommes en lui était perceptible. Puis il se laissa aller à la tendresse et se débarrassa de ses réserves. Aizen avait quelque chose de rassurant, d'apaisant. Comment ne l'avait-il pas remarqué plus tôt ? Peut-être s'était-il refusé à le voir. Il passa la nuit chez son capitaine. Pour une fois, ils étaient deux à violer les règles.
Lorsque Renji se réveilla le lendemain, il eut le sentiment d'enfin respirer après tant d'années. Il s'installa sur le dos, fixant le plafond pâle, vidant son esprit, simplement goûtant le plaisir d'exister et d'être aimé. Il rougit en s'apercevant qu'Aizen l'observait.
- Quelle heure est-il ?
Il baîlla un peu, ce qui arracha un sourire affectueux à Aizen.
- Bientôt l'heure de ton entraînement, répondit-il.
Renji poussa un juron et rassembla ses affaires en hâte. Aizen lui offrit de prendre sa douche chez lui et d'ensuite sortir discrètement par la porte à l'arrière de sa maison. Alors que son disciple préféré s'apprêtait à partir, il le retint par le poignet, mais, cette fois-ci, la poigne était aimante.
- Tu reviendras ce soir ?
Le jeune homme ne lui répondit rien, sauf qu'il allait être en retard. Mais, le soir, à la même heure, il était revenu. Et tous les soirs après.
Sozuke se sentait étonnamment... heureux. En tout cas, il était convaincu que ce qu'il ressentait s'apparentait au bonheur. Il ne pouvait pas s'afficher avec Renji, mais il saurait se contenter de leurs rencontres nocturnes. Naturellement, certains jasaient. Si Aizen excellait dans l'art de ne rien dévoiler, Renji n'était pas aussi doué. Il était si impulsif, si jeune. Dans les premiers temps, il lui arriva de rougir légèrement, de baisser les yeux en croisant Aizen. Ses camarades se marraient, mais aucun n'aurait pu imaginer que le disciple et le maître étaient vraiment amants. Il existait pourtant une personne qui accordait du crédit à ces rumeurs.
Gin. Il voyait chaque jour Aizen "s'humaniser", se désintéresser de plus en plus du plan qu'ils avaient fomenté. Par contre, il ne manquait jamais une occasion de glisser discrètement une question au sujet de Renji. Il s'intéressait à ses progrès, si bien que Gin finît par se demander s'il ne comptait pas l'emmener avec lui à Las Noches, quand le jour serait venu.
La relation d'Aizen avec Renji prenait effectivement de plus en plus d'ampleur. Aizen essayait d'oublier qu'il passait ses dernières journées avec lui. Il profitait du moindre moment qu'il pouvait sauver pour qu'ils se retrouvent. Renji s'en rendait compte, mais il ressentait le même besoin. Il ne pouvait pas se douter de ce qui se préparait. Ce jour-là, ils n'avaient pas hésité à bloquer le bureau pour une heure. Renji commença ensuite à se rhabiller en vitesse.
- Je suis si mauvais que ça ? S'enquit Aizen, avec un sourire amusé.
- Pire que ça, répondit-il et il rit amoureusement. On se retrouve cette nuit. Y a rien qui presse.
Oh que si. Si tu savais... Si seulement... Mais Aizen fit mine que tout allait bien et resta silencieux. Renji l'embrassa rapidement.
- A tout à l'heure.
Et il sortit en claquant la porte. Une vraie tornade, un courant d'air qui lui glissait entre les doigts. Aizen renfila ses vêtements, le coeur un peu lourd. Il se redressa vivement, au son de la porte s'ouvrant. Et ce n'était pas Renji.
- Je comprends mieux pourquoi ce gamin bénéficie d'un traitement de faveur, fit remarquer une voix pincée, un brin écœurée. Alors les ragots de ces imbéciles étaient vrais...
- Ne t'avises plus à l'avenir de nous observer, riposta Aizen, d'une voix plus tranchante que d'ordinaire.
Il se flagella mentalement ; il se préoccupait trop de Renji pour avoir senti la présence de Gin.
Son lieutenant, Gin Ichimaru, s'appuya contre le panneau de bambou derrière lui, les bras croisés. Son sourire déjà exagéré s'accentua encore. Il pouffa à mi-voix, avec ironie.
- Vous étiez très... tendres.
- Qu'est-ce que tu insinues ?
- Qu'il est très attaché à toi.
Aizen répondit avec le plus de détachement possible :
- Je suis son taicho et, contrairement à la plupart des gens qu'il a connus avant, je suis gentil avec lui... alors c'est possible. En quoi serait-ce un problème ?
- Ce qui me poserait problème... c'est que la réciproque soit vraie.
Se décollant brusquement du mur, il s'approcha tout aussi vite et regarda son capitaine de travers.
- Il va te rendre faible et ce n'est pas du tout le moment de se ramollir.
Le regard brun d'Aizen se moqua clairement de lui. La plupart des gens ne savaient pas discerner ce genre de détails, tant la reste de son visage était immuable, demeurait imperméable à toute émotion. Mais Aizen ne pouvait pas tromper Gin, le seul doté d'une intelligence et d'une clairvoyance avoisinant les siennes.
- Crois-tu m'apprendre quelque chose ?
- Tu as raison, ricana finalement Gin. Qu'importe ce que vous ressentez, puisqu'il finira par te haïr.
Tu vas lui briser le coeur.
- Pauvre petit, poursuivit Gin, avec cette même ironie insupportable. Alors qu'il venait de réapprendre à faire confiance et à aimer...
Aizen tomba de haut, mais il n'en montra rien. Comme d'habitude, il garda la même expression. Seul son sourire s'estompa à peine. Il savait encaisser. Renji le pardonnerait... un jour ; il comprendrait pourquoi il avait dû faire tout ça. Aizen l'espérait plus qu'il n'en était assuré. Quoi qu'il en soit, ce qu'il lui apporterait vaudrait bien toute cette haine.
Voilà ! On démarre avec un gros gros prologue, sûrement le chapitre le plus « gai » de l'histoire.
Merci aux lecteurs,
Beast Out
