Disclaimer : plusieurs des personnages de cette histoire appartiennent à leur créateur, M. Leiji Matsumoto.
Bob l'Octodian appartient à Aerandir Linaewen qui m'autorise à le lui emprunter et à l'utiliser.
Les autres personnages sont à bibi
1.
Assis sur l'une des banquettes du couloir d'attente du quai d'arrimage, en une impression de déjà vu, à répétition, Aldéran fixait les étoiles et plus particulièrement le point des coordonnées où le capitaine de l'Arcadia avait l'habitude de débouler à la sortie de l'ultime saut spatio-temporel de son voyage.
- C'est inutile de sans cesse revenir ici, releva le clone mémoriel du Lightshadow qui lui était arrimé à un autre quai du Dock Orbital. Nous savions tous que si sa femme s'éteignait la première, ton père disparaîtrait de la mer d'étoiles, sans regune trace. Et il a quitté le sol de Ragel le jour même de la crémation, en emportant l'urne. Je crois que même Clio n'avait aucune idée de où ton père emmènerait l'Arcadia, et pour elle qui l'a bien évidemment suivi, la surprise ne pouvait qu'être de taille. La seule chose de sûre, depuis ces deux dernières années, c'est que l'Arcadia n'a plus été signalé, nulle part.
- Et papa s'y entend parfaitement pour disparaître ! grinça le grand rouquin balafré. Je sais que bien que Karémyne ait été de son monde, et même plus puisqu'elle était la descendante des premiers colons humains et donc d'une lignée parmi les plus pures, mais nombreux sont ceux qui se sont demandés ce qu'il avait pu lui trouver pour se caser !
- Karémyne avait du caractère, des appétits aiguisés par les parties fines de sa jeunesse, mais rien de comparable avec une panthère comme ton Ayvanère ! compléta Toshiro.
- Ne nous dispersons pas, soupira Aldéran. Mon père a perdu sa troisième rose, mais nous, nous sommes encore tous là, ses enfants, petits-enfants et même trois arrière-petits-enfants ! Ca n'aura pas suffi à le retenir… Si seulement nous pouvions savoir. Il aurait au moins dû comprendre que nous nous poserions toutes ces questions et qu'on ne cesserait jamais d'espérer son retour !
- Ton père a suffisamment fait part de ses intentions, insista le clone mémoriel. Il n'avait plus à se répéter. Laisse-le partir, Aldie, et ne reviens plus ici, en ce but tout du moins.
- Je ne peux pas !
- Et tu ne le veux pas, tout le monde l'a parfaitement compris. Mais, Aldéran, commence par appliquer à toi-même ce que tu viens de remarquer au sujet de ton père.
- Pardon ?
- Pense d'abord à ta famille, tous s'inquiètent pour toi, et sois auprès des tiens au lieu de faire une fixation sur la disparition de ce vieux pirate !
Aldéran se releva, passant les mains sur ses joues que couvrait une fine barbe piquante.
- Une dernier question, un dernier avis, Toshiro : il a interrompu son traitement, c'est ça ?
- L'Arcadia avait beau être désormais équipé du matériel nécessaire à ses séances d'irradiations, je doute en effet qu'il s'y soit soumis…
- … Il n'avait plus la motivation qui les lui avait faites l'accepter ! Je sais que, pour changer, je m'illusionne, mais cela fait partie des réalités qui me sont insupportables !
- Aldie ?
- Oui, Toshiro, je ne reviendrai plus, pour cela, promis.
Accable, le dos voûté, Aldéran se dirigea vers les ascenseurs les plus proches devant l'amener à son spacewolf pour retourner à la surface de la planète où ne pouvaient que l'attendre fébrilement sa femme et leurs trois fils.
« Où que tu sois dans la mer d'étoiles, papa, vivant ou mort, j'espère que tu es en paix ! ».
Ayvanère retint longuement son mari entre ses bras, le serrant de toutes ses forces.
- Je m'inquiète toujours tant quand tu vas sur ce Dock Orbital. J'ai tellement peur que tu ne fasses une irréparable bêtise dans un moment de déprime absolue !
- Je ne suis pas de ce bois-là, Ayvi. Et Toshiro vient de me le rappeler : je dois faire passer ma famille avant tout.
- Ton père fait partie de ta famille. Sans lui, forcément, tu ne serais pas là. Je comprends que cela fasse près de deux ans que tu ne saches absolument plus où tu en es ! Nos garçons sont des ados, avec les troubles et les émotions de leur âge, eux ils ont du mal à supporter cette situation. Alyénor et Albior vont revenir du pensionnat, Alguénor est dans son Campus Universitaire du Nord pour des mois encore, va te débarbouiller, tu es chiffonné et sale à faire peur !
- J'avoue que sur cette banquette, je n'ai pas vu le temps passer…
- Comme à chaque fois. Allez, va te rendre présentable, les enfants seront bientôt là !
- A tes ordres, ma féline !
Du bout du pied, Aldéran repoussa Drixie, la jeune molosse noire et feu qui avait depuis quelques mois remplacé Ungold tombé en mission, et se dirigea vers l'escalier en colimaçon du duplex et vers la salle de bain.
Il avait à peine disparu qu'Ayvanère avait pris son téléphone et fait se composer un numéro automatique.
- Sky, c'est moi, Aldie est bien rentré… Ereinté, affamé, après vingt-quatre heures passées là-haut et où, dans ses pensées, il n'a pas dû boire ou manger quoi que ce soit… Mais il est là, c'est tout ce qui importe… Oui, on va accueillir les garçons. Tu peux rassurer le reste de la famille !… Comment je l'ai trouvé ? Résigné, il a baissé les bras, et c'est presque pire que cette interminable et sans issue attente.
2.
Talvérya, la Sylvidre de l'Unité Anaconda tendit un gobelet de café, double, à son Colonel.
- Jarvyl arrive avec les pâtisseries, il est pris dans les embouteillages.
- Aucune importance, je n'ai pas faim. En revanche, ce café sent bien bon !
- Et il semble que tu en aies grand besoin, sourit Soreyn. Alors, les garçons ?
- Ils sont rentrés en pleine forme, avec des histoires à n'en plus finir, et ils nous les ont racontées jusqu'en milieu de nuit ! Forcément, là ils sont en vacances pour deux mois et demi, j'espère que la canicule va vite les exténuer. Et, de toute façon, ils ont prévu bien des activités de leurs côtés.
- Ils sont encore mineurs ! releva précipitamment Jarvyl, fraîchement arrivé et présentant son sachet de viennoiseries.
- J'ai vérifié, ils partent à chaque fois en groupe, et j'ai eu les dossiers de leurs amis, qu'ils soient de longue date ou non. Mais, surtout, ils prévoient un mois entier sur notre île et là ils ne risquent rien. Sans compter que leur mère et moi les appellerons tous les jours, plusieurs fois !
A l'hilarité des membres de l'Unité Anaconda, du Leader de celle Léviathan, ainsi que de Kycham Kendeler, Aldéran opposa ses prunelles bleu marine les plus candides !
- Ben quoi ? Ce sont mes gamins !
- Aldie, tu vas finir par te faire virer comme un malpropre, sous peu ! Comme si toi, à leur âge, tu aurais supporté que… Désolé, Aldie, ajouta aussitôt Soreyn dans la foulée.
- Oui, mon père n'était pas là à mes retours de pension, ou pour s'assurer si j'allais bien. Il se contentait de venir me chercher au poste de Police… C'était sa façon à lui de m'aimer.
Aldéran esquissa machinalement un sourire tendre et nostalgique.
- Deux coqs dans un poulailler, et j'étais devenu un coquelet, il s'est effacé, élégamment, avec toute sa pudeur et il m'a laissé me construire, dans mes rares bonnes initiatives et dans toutes ces erreurs qui m'ont formé. Même lui ignorait avait opté pour le meilleur choix !
Aldéran eut toutes les peines du monde à retenir un bâillement, ne pouvant pas davantage dissimuler à subordonnés et équipiers, ses traits tirés par une fatigue désormais permanente et des joues trop creuses bien qu'il se gave comme à son habitude de saloperies – sucrées et salées – tout au long de la journée.
Soreyn lui tapota l'épaule.
- Allons à ton bureau, Aldie, s'il te plaît. J'ai à te parler de la révolte en cours suite aux licenciements et aux choix des policiers à garder au sein de cette Division Sectorielle.
- Je doute que ce soit ton intention réelle, mais, allons-y, puisqu'il semble que je ne sois pas en mesure d'échapper à tes sempiternelles leçons de morale !
Dans son bureau aux parois de verre transparentes, Aldéran se laissa tomber dans son fauteuil orthopédique, rejetant sur le côté café et pâtisserie.
- Si c'est pour me sermonner une millionième fois sur mon père, c'est inutile ! J'ai abandonné, en actions, mais cet espoir ne quittera jamais mon cœur !
- Aldéran, je me fous de ce que tu penses, de ce que tu ressens ! siffla alors froidement Soreyn. Sous peu, dans trois ans, j'ai à te succéder à la tête de l'AL99-DS1, tu as déjà entrepris mon enseignement – même si tu as commencé à me former dès mon arrivée, il y a vingt-quatre ans de cela !
- Alors, que me veux-tu ? soupira Aldéran en débouchant une petite bouteille d'eau pétillante.
- Aldéran, deux ans que tu fonctionnes au radar, au ralenti – et c'est un miracle que tu n'aies pas perdu la vie ! Tu te mines, tu te détruits inexorablement depuis tout ce temps. Tu t'es éteint, lentement, tu as perdu presque quinze kilos que tu n'as jamais repris, c'est beaucoup pour quelqu'un qui n'a jamais eu une once de graisse superflue… Comment espères-tu tenir le coup encore seulement quelques semaines ? !
- Ca m'a brisé le cœur et l'âme, Soreyn, mais j'ai pris la décision d'en finir avec cette spirale autodestructrice, de ne plus me bercer d'un seul espoir, et de n plus m'en référer qu'à la froide et terrible réalité. Je ne me consacre plus qu'à l'AL99-DS1, quoi qu'il me coûte de mes ultimes lambeaux de rêves et de souvenirs. Je suis là, Soreyn à 200 %, je te l'assure, et je ne faillirai plus.
- Merci, Aldie, je n'espérais plus ce revirement. Nous tous étions tellement inquiets ! Te revoilà, nous allons soupirer d'aise et affronter cette situation de terrorisme permanent avec ton entier appui et toute ta concentration.
- Je reprends la barre, Soreyn.
Le Leader de l'Unité Anaconda eut alors à son tour un sourire d'infini soulagement, il serra amicalement le poignet de son Colonel avant de se retirer.
- Il aura fallu du temps, mais tu es là, Aldie ! A présent, ajoute à tes bonnes résolutions, celles de reprendre du poids et de ne plus penser qu'au boulot, durant les heures de service, bien sûr !
- Promit, tenta d'avancer sincèrement Aldéran tout en sachant que tout à ses inquiétudes quant au sort de son père, il ne trouverait jamais la paix.
Du regard, il suivit Soreyn qui se retirait, appréciant la fidélité et le courage de celui choisi par ses soins pour, un jour, lui succéder.
« Non, Soreyn. Non, vous tous. Si je mets mon utopie d'espoir en berne, jamais je ne renoncerai tout au fond ! Je ne me rendrai que face au cadavre de mon père ! Et, vu ses voyages passés, vu ce dernier voyage, il y a tant d'entités qui auraient voulu s'assurer de l'ancien amant de la Magicienne ! Si ça se trouve, tu erres entre les dimensions, comme ce fut le cas pour moi à plus d'une reprise. Je te retrouverai, papa, et si je ne peux te ramener, je saurai à quoi m'en tenir ! ».
