Marko Karkaroff, qui a succédé vingt-sept ans plus tôt à son frère au poste de directeur de l'école Durmstrang est préoccupé. L'un de ses élèves, Scorpius Malefoy, s'est une fois de plus fait remarqué, une fois de trop.
Il l'a convoqué dans son bureau, il est temps de faire quelque chose. Voilà des années, depuis sa première rentrée ici en fait, que Scorpius accumule les bêtises et fait de la vie de Karkaroff un enfer. Il l'a rappelé à l'ordre et convoqué plus souvent que tous les élèves connus dans sa carrière réunis.
Des coups à la porte. Karkaroff dit ''entrez !'' et Scorpius entre.
Scorpius Malefoy est un grand dadais blond au teint pâle, il ressemble beaucoup à son père, une vieille connaissance de Karkaroff. Il se souvient comme si c'était hier quand, désireux que son fils ne suive pas ses mauvaises traces, il a demandé à inscrire son fils à Durmstrang afin qu'il ne tombe pas dans la magie noire ou du moins la mauvaise réputation de Serpentard à Poudlard, l'école concurrente de Durmstrang. Karkaroff a accepté avec plaisir mais Scorpius lui en a depuis tellement fait voir de toutes les couleurs qu'il a fini par regretter amèrement sa décision.
''Vous vouliez me voir, monsieur ?'' dit Scorpius d'une voix faussement innocente.
''Oui, assis-toi, Malefoy,'' dit Karkaroff avec un regard froid qui laisse Scorpius indifférent.
Scorpius obéit et regarde le directeur d'un œil perçant. Il se joue entre eux depuis quatre ans un jeu de chat et souris. Scorpius semble même éprouver un certain plaisir à tourmenter Karkaroff. Celui-ci redresse ses lunettes et dit avec fermeté :
''Bon. Malefoy, tu seras d'accord avec moi que cette fois, tu as dépassé les limites de la provocation. Glisser un pétard sous la chaise du professeur Poliakoff, c'est la bêtise de trop.''
''C'est un des Pétards mouillés du Dr Flibuste, monsieur,'' dit Scorpius. ''Je les ai acheté chez Weasley Farces pour…''
''Peu importe où tu les as acheté ! Tu n'as pas à utilisé ces machins aussi impunément, qui plus est avec un professeur pour cible !''
''Il m'a provoqué, monsieur, je n'ai fait que de lui répondre,'' réplique Scorpius avec désinvolture.
Karkaroff devient cramoisi, comme si Scorpius venait de le gifler.
''Mais enfin, Malefoy, quand on est un tant soit peu civilisé, on ne glisse pas des pétards sous les chaises des professeurs !''
''Absolument, monsieur.''
''Absolument, monsieur ! Mais enfin, tu te rends compte que tu fous ta scolarité en l'air avec tes conneries ? Et imagine un peu la réputation que peut avoir mon école !''
''Désolé, monsieur, mais je suis comme ça, je n'y peux rien. J'ai l'âme d'un farceur.''
Si Karkaroff avait eu le pouvoir d'un basilic, il aurait tué Scorpius sur-le-champ.
''En tout cas, ton avenir n'est plus de mon ressort. Après cet entretien, tu vas faire tes valises, tu ne fais plus partie de cette école.''
Karkaroff est effaré de voir que cette nouvelle ne semble nullement affecter ni attrister Scorpius.
''Vais-je être envoyé à Poudlard ?'' demande Scorpius avec espoir.
Il a toujours voulu aller dans l'école de sorcellerie réputée la meilleure au monde, où ses parents ont fait leurs études.
''Bien sûr que non, mon garçon,'' dit Karkaroff avec un sourire mauvais. ''Tu crois sans doute que le professeur McGonagall accepterait un élève comme toi avec ton dossier ? Non, certainement pas. J'ai discuté avec elle et avec ma collègue de Beauxbâtons et nous avons eu une excellente idée.''
''Laquelle, monsieur ?'' demande Scorpius, toujours de marbre.
''Et bien, puisque tu ne sembles pas capable de te tenir tranquille dans le monde des sorciers, nous avons décidé qu'une petite expérience de quelques mois chez les Moldus ne pourra pas te faire de mal.''
Cette fois, Scorpius ne peut masquer une certaine surprise, à la plus grande satisfaction de Karkaroff qui comprend qu'il a touché un point sensible.
''Que voulez-vous dire par là, monsieur ?''
''Il y a dans la banlieue nord de Londres un pensionnat de moldus réputé et le directeur est un de mes amis. Il connait parfaitement l'existence du monde magique,'' ajoute-t-il en voyant le regard interrogateur de Scorpius. ''Il sera ravi de t'accueillir dans son établissement. La rentrée a lieu dans une semaine.
Maintenant, écoute-moi bien, espèce de petit con,'' poursuit Karkaroff d'une voix féroce avant que Scorpius ait pu répliquer. ''Même si tu changes d'école, sache que je t'aurai à l'œil, tout le monde t'aura à l'œil. Là-bas, tu auras tout intérêt à te tenir tranquille et à te ranger. Si JAMAIS tu commets la moindre incartade, tu seras… cuit. Suis-je bien clair ?''
''Oui, monsieur.''
''Oui, monsieur… très bien. Maintenant, fiche-moi le camp.''
Les apparences peuvent se révéler trompeuse. S'il a fait mine de rester impassible dans le bureau de Karkaroff, Scorpius a en réalité été très touché par son renvoi. Même s'il n'aime pas particulièrement Durmstrang, il a constitué depuis ses onze ans sa deuxième maison. L'idée de ne plus y revenir, peut-être à tout jamais, lui pince le cœur.
Scorpius n'a pas un mauvais fond. Il ne veut que faire le bien. S'il passe son temps à faire des farces, c'est pour combler un certain ennui car aucun des professeurs ne se soucie de lui et il n'est guère apprécié de ses camarades qui le trouvent trop différent.
Cependant, ce qui le préoccupe le plus, c'est la réaction de la famille – si elle n'est pas déjà au courant – quant à son envoi dans un pensionnat moldu. Un Malefoy dans une école de non-magiciens, on n'a sans doute encore jamais vu ça. Son père, qui a placé beaucoup d'espoirs en l'inscrivant à Durmstrang, va être déçu mais son grand-père va avoir une attaque. Chez les Malefoy, les Moldus n'ont pas la côte et c'est peu dire, même si Drago Malefoy et Astoria Greengrass, les parents de Scorpius, ont beaucoup changé depuis la Seconde Guerre des Sorciers après avoir pendant longtemps affirmé la fierté des sang-pur.
Scorpius a quinze ans et ne veut que faire le bien, il ne demande qu'à pouvoir saisir sa chance de montrer qu'il a avant tout le cœur pur. Ce n'est pas un hasard si Harry Potter, le Héros, est le personnage célèbre pour qui il affiche la plus grande admiration, en dépit du fait qu'il est aussi l'ennemi intime de son propre père. Son rêve le plus fou serait de le rencontrer en personne, un rêve qu'il sait cependant irréalisable car son évocation est à proscrire chez les Malefoy, même s'il a sauvé la vie de la famille.
Aussi, même s'il redoute beaucoup, il sait que l'expérience qu'il s'apprête à vivre – malgré lui – chez les Moldus est sa chance ultime, il ne doit pas la rater. Au moins, il espère là-bas être enfin considéré à sa juste valeur, refreinant ainsi son irrésistible envie de se faire remarquer par des catastrophes à se rouler par terre.
Il commence donc à préparer ses affaires, à une semaine de son départ. Il n'y aura pas d'adieu déchirant, personne ici ne le regrettera. L'espoir d'une vie meilleure, c'est bien là sa seule motivation…
EXTRAIT DU PROCHAIN CHAPITRE :
''VOUS NE M'AVEZ PAS ENTENDU ?'' hurle Rose. ''J'IRAI PAS DANS VOT' PENSION DE MERDE !''
''JE TE PREVIENS ROSE!'' aboie Ron. ''SI TU NE BAISSES PAS D'UN TON...''
''ESSAIE DE ME FRAPPER ET TU VAS VOIR!''
Et sur ce, elle tourne les talons et retourne dans sa chambre en claquant la porte.
