Il y avait de cela des millénaires, l'union de deux êtres magiques donnait naissance à une nouvelle contrée. Le mariage de Reïy, roi des elfes, et d'Aphys, reine des anges, avait scellé à jamais le destin de ces deux peuples, connus pour leur longévité. Cependant, cette nouvelle contrée avait rencontré quelques difficultés à ses débuts. Toute la hiérarchie des deux peuples avait été remise en question lors de sa création. Chacun avait eu sa propre opinion sur le sujet. Certains avaient été d'avis qu'il fallait trouver des compromis pour parvenir à un équilibre entre les us et coutumes de chaque royaume, tandis que d'autres avaient voulu faire table rase du passé pour repartir sur un gouvernement neuf symbolisant, selon eux, le renouveau du pays. Des conflits avaient même commencé à émerger, mais ils furent bien vite étouffés par la décision finale du grand conseil. Celui-ci avait décidé de conserver les lois anciennement en vigueur. Ainsi Célestia avaient conservé ses différentes branches et le royaume sylphe ses cinq grades.

Il avait également fallu créer des passages permettant de relier les diverses terres du nouveau royaume. Ces passages étaient seulement une formalité pour les habitants de Célestia puisque, bien que les portails étaient plus rapides comme moyen de transport, ces derniers avaient la faculté de voler. Ils avaient été en revanche plus que nécessaires pour le royaume des elfes qui ne possédaient pas leurs fameux appendices. Quelques dizaines de mages de chacune des contrées avaient cherché l'emplacement idéal pour ce pont entre leur deux mondes. Il avait été décidé de cacher le premier dans la plus grande clairière du royaume sylphe. Elle était assez reculée pour qu'en cas d'invasion, les autorités puissent bloquer l'accès aux hauteurs et ainsi ralentir une possible prise de pouvoir. Le deuxième portail se situait quant à lui dans lieu plus accessible puisqu'il se trouvait au centre de la place centrale du royaume des anges. L'enchantement des dits portails avait duré plusieurs jours. Des pierres blanches furent prélevées parmi celles qui délimitaient les sentiers des elfes ainsi que de l'eau de plusieurs fontaines angéliques pour réaliser l'enchantement de ces passages inter-mondes.

Une fois que ce lien entre les deux royaumes fut stabilisé et permettait sans risques le transport des habitants de l'une à l'autre des contrées, le pouvoir fut délocalisé vers Célestia. Des travaux eurent lieu pour agrandir le palais en place. Il se devait d'accueillir la famille royale et leur myriade de serviteurs. Quant au palais sur lequel le roi Reïy avait régné depuis son couronnement, il fut décrété d'un commun accord qu'il serait réhabilité en un nouvel hôpital. Tous ces bouleversements dans leur quotidien avaient entrainé une vague de peur, notamment chez les elfes. En effet, malgré les tentatives pour leur faire comprendre que placer le palais en hauteur permettait d'avoir une vue sur la totalité de la contrée et ainsi optimiser leur sécurité, ceux-ci n'avaient pas l'air convaincus par cet argument. Cette peur avait fini par se tasser avec les années car la défense du pays ne faillit à aucun moment.

Au-delà de ce qui pourrait être considéré comme des détails, cette contrée avait besoin d'un nom. Le grand conseil avait débattu pendant des semaines sans trouver de terrain d'entente. Les représentants anges argumentaient qu'il fallait un nom qui rappelait le ciel puisque le palais se trouvait dans l'ancien Célestia. Ce à quoi les élus elfes répliquaient que leurs deux royaumes étaient d'une égale étendue de terre et qu'ils n'allaient certainement pas accepter un nom prenant seulement ses racines dans les astres et les nuages. Un jour, le conseiller royal était venu assister à l'assemblée pour tenter de résoudre ce problème.

Teliel Kwïnn, car c'était son nom, n'avait pas mis longtemps à comprendre la situation et le cœur de ce soucis. À la fin de la séance, il avait tenu à ce que tous les membres du grand conseil restent. Il leur avait alors adressé ces mots :

" Vous ne trouverez jamais un nom en voulant qu'il tire ses origines d'un détail de notre nouvelle contrée, pensez plutôt à ce qui unit l'ensemble de nos habitants. Cherchez le point commun entre nos peuples. "

Teliel avait alors quitté la pièce. Une semaine avait passé et les membres du grand conseil désespéraient trouver une idée convenable. Celle-ci s'était imposé à l'un d'entre eux une nuit, comme une évidence. La réunion suivante avait à peine débuté qu'il avait pris la parole pour la leur partager. La veille, une magnifique aurore boréale trônait dans le ciel, visible par les deux espèces. Ce phénomène astral était chose courante et aucun des autres membres n'avait donc cherché à contredire le nom qu'on leur proposait pour baptiser la nouvelle contrée. Ils avaient donc convoqué Teliel pour lui faire part de leur décision. L'ange fut ravi de constater que ses conseils avaient porté ses fruits et avait donné son approbation quant à la proposition qu'ils lui avaient soumise. La nation de Boréalis était véritablement née ce jour-ci.

Les années avaient passé, les elfes comme les anges avaient fini par s'habituer à leur nouvelle patrie. Certains avaient même décidé de déménager de l'ancienne Célestia pour s'installer sur ce que les aînés continuaient de nommer le royaume Sylphe, et vice-versa. Les voyages à travers les deux portails se faisaient de plus en plus nombreux chaque année, tellement qu'il avait fallu les réguler. Tout allait donc pour le mieux pour les peuples vivant au sein de Boréalis, même s'il arrivait parfois que quelques anciens regrettent l'ancienne époque.

En ce mois de juin, toute la contrée était en émoi. Les habitants échangeaient joyeusement autour de la nouvelle qui venait de tomber. Le roi et la reine avaient enfin une héritière après de longues années de vie commune. Les naissances étaient des évènements rares puisque, les créatures magiques de Boréalis ayant une forte longévité, les enfants étaient une préoccupation secondaire dans les esprits. Personne ne savait encore son nom, mais les anges et les elfes émettaient moult rumeurs à ce sujet. À qui ressemblerait-elle le plus ? Quel nom leurs souverains allaient-ils lui donner ? Sera-t-elle digne de monter sur le trône quand le temps viendra ? Bien loin de toute cette agitation, le couple royal observait tendrement leur petite fille. Celle-ci dormait à poing fermé, ses mains étreignant un loup en peluche que ses parents lui avaient offert. Un cadeau de naissance en quelque sorte.

Le bébé était doté de petites oreilles en pointe, caractéristique des elfes et d'une peau diaphane sur laquelle ressortaient quelques taches de rousseur. Tout à coup, le grincement de la porte vint troubler la quiétude ambiante. Un messager royal venait d'entrer, réveillant au passage l'enfant. La petite se frotta les yeux de ses petits poings, délaissant sa peluche un instant. Malgré le fait qu'elle venait de se faire réveiller, aucun pleur ne vint. Elle se contenta seulement de fixer sa mère, qui était la plus proche du berceau à cet instant. Ses yeux, d'un vert profond, ressortaient d'autant plus avec le noir de ses cheveux de nourrisson clairsemés. Reïy fut le premier à réagir à cette interruption.

" Que se passe-t-il Ephthael ?

- Dame Galaté requiert une entrevue avec vous et votre femme, mon roi.

- Vraiment ? Vous a-t-elle précisé la raison de cette demande ? "

Le messager répondit par la négative d'un unique signe de tête.

" Bien. Faites-la monter.

- J'y vais de ce pas. "

Ephthael s'inclina respectueusement devant le couple et repartit, faisant de nouveau grincer la porte au passage. Aphys soupira.

" Je pense qu'il va être grand temps de changer ces panneaux de bois pour de nouveaux... "

Ils n'eurent pas longtemps à attendre avant que leur messager ne revienne. Il était accompagné d'une femme ailée qui semblait n'avoir qu'une trentaine d'année. Ephthael fut remercié, puis congédié par la reine. Celle-ci émit un énième soupir en entendant la porte se refermer, sous le regard rieur de son mari. Les trois adultes s'installèrent alors dans un coin confortable, prévu à l'occasion. Ils échangèrent à propos de banalités dans un premier temps, avant de passer à une conversation plus sérieuse.

" Si je puis me permettre Galaté, que nous vaut l'honneur de votre présence au palais ? D'ordinaire vous restez dans vos appartements pour vos affaires.

- Je suis venue apporter ma bénédiction à la princesse. Depuis ce matin, j'ai entendu bon nombre de spéculations qui, je l'avoue, ont éveillé ma curiosité. Un évènement de la sorte est assez singulier pour que je me déplace. Elle marqua une pause dans son discours, hésitant à continuer. Elle sembla peser le pour et le contre de cette décision. Je dois vous avouer que les astres étaient alignés d'une bien étrange manière la nuit dernière. J'aimerais donc, si vous me le permettez, m'ôtez d'un doute concernant l'enfant. "

L'inquiétude commençait à gagner le couple. Aphys et Reïy se jetèrent un regard entendu et acceptèrent. Galaté était l'une des meilleures voyantes de Boréalis, si ce n'était la meilleure... L'ange alla se placer à côté du berceau, puis passa sa main avec délicatesse au-dessus du corps de la princesse. Celle-ci, toujours aussi calme, suivait la main du regard. Lorsque la voyante arriva au niveau de son visage, les cheveux bruns blanchirent et ses yeux prirent une teinte bleutée, voir même argentée. L'effet se dissipa quand Galaté éloigna sa main. La voyante arbora un sourire teinté de tristesse.

" C'est bien ce que je redoutais... "

Elle se tourna vers les deux souverains qui la dévisageaient, sans comprendre ce qui venait de se produire.

" Votre fille possède en elle le pouvoir de tous nous sauver. Malheureusement, elle est aussi la preuve vivante que Paymon va revenir. Cette petite sera soumise à un lot de situations dangereuses auxquelles elle devra faire face avec courage. "

Aphys vacilla légèrement à cette révélation. Son mari la soutint par réflexe. Les deux parents avaient considérablement pâli à l'évocation du nom que Galaté venait de prononcer.

" Êtes-vous sûre de ce que vous avancez ? " Tenta Reïy.

La voyante remarquant leur désarroi réitéra l'opération et le phénomène se répéta.

" Certaine. C'est une fée du cristal. "

Voyant que le couple était encore sous le choc de cette nouvelle, elle préféra les laisser seuls et rejoignit donc la sortie après les avoir salués.

Plus tard dans la soirée, tous les habitants de Boréalis étaient rassemblés sous le balcon royal. Ils attendaient avec fébrilité que leurs souverains leur annoncent la naissance de leur enfant, mais également qu'ils annoncent officiellement le nom de ce nouveau venu. Certains avaient même fait le trajet par le portail pour venir y assister en personne. Le roi et la reine apparurent finalement après un court délai, leur bébé dans les bras. Reïy s'avança alors et le silence se fit dans la foule.

" Mes chers citoyens, nous sommes réunis ici aujourd'hui car, comme vous avez sans doute été mis au courant, nous accueillons dans notre famille une jeune héritière. Elle se nommera Zelda Titania Linaeewen Whyth. Son ataressë officiel sera Linaeewen. Je vous demande donc d'accueillir votre nouvelle princesse. "

Un tonnerre d'applaudissements résonna dans les secondes qui suivirent. Cependant, quelques habitants avaient noté que le couple avait l'air grave, malgré leur sourire de façade. Ils ne comprenaient pas pourquoi et très vite, de nombreuses rumeurs se propagèrent pour en expliquer la raison.