Prologue

Toute tragédie a ses figures, toute tragédie a son histoire pour racine.

Et ici, c'est votre temps, votre attention, et surtout votre interprétation, que je vais solliciter.

Qui ne connaît pas le funeste destin de Roméo et Juliette, écrit par ce Shakespeare dont le nom évoque tant ? Toi, par exemple, derrière ton écran, qui lit ces mots ! Roméo, tu le connais Roméo, pas vrai ? Et toi, qui te demande quand cette histoire débutera vraiment, connais tu l'histoire de la belle Iphigénie ?

Entre poisons et châtiments des théâtres enchanteurs, sous le flot de sang déjà écoulé sur les scènes ou entre les lignes d'œuvres qui nous ont marqués, je vous présente une tragédie plutôt particulière.

Non, vous ne l'aurez encore jamais lue ou vue interprétée par ces acteurs cachés derrière leurs masques de quelques heures, car je me décide enfin à écrire ce récit qui est mon plus douloureux souvenir.

Je m'appelle Kouyou. Mon ascendance a voulu que je porte à la suite de cela le nom de Takeshima. Mes amis proches m'appelaient, et le font parfois encore, Uruha. Il paraît que ça me correspond bien. Et j'avoue y croire.

J'ai aujourd'hui trente-sept ans, et je me décide enfin.

Je me décide enfin à vous raconter comment, il y a vingt ans, j'ai tué un jeune homme de mon âge.

Et ce que cet acte a eu comme conséquences sur moi-même.

Moi qui vais vous faire part de ce souvenir qui, en ce jour, continue de me torturer sans répit.

Simplement, avant de vous laisser commencer, je tiens à vous demander de me pardonner pour ce que j'ai fais. Je ne la réitèrerais pas à la fin, cette sollicitation. Mais, s'il vous plaît, n'alourdissez pas davantage mon cœur et ma conscience.

Vous pensez que c'est égoïste ?

Hé bien pas tellement. Car moi, je n'ai pas le droit de m'accorder le repos.

Je continuerais de subir chaque jour cette vive douleur, jusqu'à ce que la grande faucheuse ne vienne me chercher d'elle-même…

A Suivre