-« On sert pas les oreilles pointues ici ! »
L'elfe svelte aux cheveux blonds dévisagea le tavernier d'un air amusé. Ce dernier était tout sauf ragoutant. Chauve mais toutefois barbu, le visage de l'humain était marqué par des pustules. Le pauvre diable souffrait plus que probablement de la petite vérole. Un petit souvenir des catins du port sans l'ombre d'un doute. Au vue de l'apparence peu avenante du bonhomme, il apparaissait évident à l'elfe que nulle créature féminine n'aurait offert ses faveurs à cet énergumène bedonnant si ce n'est une catin au bout du rouleau. Le nez du gaillard était tellement difforme qu'il avait probablement dû être brisé à maintes reprises au cours de bagarres multiples. L'humain beugla à nouveau en fixant l'elfe avec des yeux bovins. Devant le sourire désinvolte de l'elfe, le visage du tavernier se déforma en un rictus hideux mettant en avant les chicots qui composaient ce qui avait naguère dû être une denture convenable.
-« T'es sourd grandes oreilles ? Ça sert à quoi d'en avoir d'aussi longues si t'es pas fichu de comprendre un traitre mot ! » Aboya-t-il en postillonnant.
-« Hélas l'acuité auditive ne va pas de pair avec la longueur du lobe mais j'imagine que je n'apprends rien à un homme aussi instruit que vous. Cela étant, mon ami je vous rassure, j'ai bel et bien saisi vos propos. Je choisis tout simplement de ne pas tenir compte de votre avertissement. D'ailleurs puisque nous abordons la thématique de la longueur, oserais-je vous demander si ce sujet n'est pas, pour vous, objet de moquerie ? » Susurra malicieusement l'elfe tatoué en jetant un regard moqueur
Un silence qui parut interminable s'empara soudainement de la taverne. Les clients complètement incrédules devant la nonchalance et l'insolence de l'elfe ne purent piper mot. Le Tavernier quant à lui semblait frappé de stupeur, les joues plus rouges qu'une fraise. Une serveuse éclata soudainement de rire. Tel un catalyseur, le rire cristallin de la jeune femme souleva une vague d'hilarité. La taverne entière résonnait désormais sous les rires. Furieux d'être ainsi humilié devant ses pairs, le tavernier obèse s'avança furieusement vers l'elfe bien décidé à en découdre quand une voix glacée et autoritaire le stoppa net.
-« L'elfe est avec moi. Veuillez cesser de l'importuner et mettre deux nouvelles pintes sur mon ardoise. En vitesse je vous prie. »
La moitié de la salle se retourna comme envoutée par le nouvel intervenant. Assi à l'arrière de la taverne, un homme en tunique accoudé sur la table fixait l'elfe d'un regard intense. Il était plutôt avenant. Ses cheveux courts et marron mettaient en évidence son front délicat. Ses yeux noisette et profonds creusaient son regard. Une courte barbe délicatement taillée laissait entrapercevoir ses lèvres fines. L'homme portait deux lames courbées attachées derrière son dos. Bien que calme, l'humain dégageait une aura glaçante. Les clients détournèrent bien vite leurs regards et reprirent leurs buveries en échangeant quelques racontars. Le regard de l'inconnu passa de l'elfe au tavernier toujours figé. L'inconnu plissa des yeux d'un air sinistre. Le tavernier malgré lui déglutit puis lança un dernier regard venimeux à l'elfe avant de tourner les talons et retourner derrière son comptoir. L'elfe élancé lui lança un regard goguenard avant de rejoindre l'inconnu isolé.
Il s'assit en face de lui tandis qu'une serveuse rousse posa timidement les pintes sur la table avant de s'éclipser. L'elfe tatoué la suivi du regard non sans porter un intérêt certain pour ses courbes.
-« Tu ne devrais pas te donner ainsi en spectacle. » L'interpella l'humain en portant la première pinte à ses lèvres.
-« Je n'ai pas cherché à attirer l'attention sur moi mais mère nature m'a doté de nombreux atouts. »
L'humain releva la tête d'un air amusé. Il plaqua ses mains devant lui l'une contre l'autre de façon à ce que ses 10 doigts se touchent aux extrémités.
-« Tu n'as ni la grâce, ni l'habilité d'un maitre assassin mais tu en possèdes déjà l'arrogance petit Corbeau.
-Et je les supplante sur bien d'autres points.
-Tiens donc ? Et de quels domaines parles-tu ? L'art de te faire repérer et remarquer ou l'art de te faire des ennemis et de provoquer des rixes ? En tant que Corbeau, ce comportement est à proscrire. Peut-être que les maitres de guilde se sont montrés laxistes mais je puis t'assurer qu'ils ne tolèrent ni la désinvolture, ni le manque de professionnalisme.
-A vrai dire, je pensais à des domaines plus intimes. » Se défendit l'elfe d'un air enjôleur.
-« Es-tu un assassin ou garçon de bordel ? Tu siérais mieux dans un bordel que parmi les Corbeaux avec ta toison blonde, tes yeux en amande et ton teint exotique. A choisir je te baiserais bien volontiers plutôt que de te confier un assassinat. »
L'elfe se pencha en avant et avança sa main droite pour effleurer l'avant-bras de son interlocuteur.
-« Pourquoi se limiter à une seule option ? »
L'humain écarta son bras en poussant un petit rire.
-« Tu te nommes Zevran Aranai c'est bien cela ?
-Et tu te nommes Taliesin. » Rétorqua Zevran en vidant sa pinte.
-« Comme tu sors tout juste de ta formation, les maitres de guilde ont jugé bons de te confier à mes mains délicates pour te guider mais également pour te mettre à l'épreuve.
-J'imagine que j'aurais pu tomber entre de plus mauvaises mains. » Fit l'elfe avec un petit sourire.
-« La flatterie ne te mènera pas loin mon joli. Ce que j'attends de toi c'est que tu fasses tes preuves.
-Ma foi, je pourrais te surprendre.
-Vraiment ? Dans ce cas es-tu disposé à passer un petit test immédiatement ?
-Tout dépend de la nature du test. »
Taliesin demeura silencieux un petit moment, son regard balayant la taverne bruyante et ses occupants. Subitement il se caressa le menton.
-« Tu vas tuer quelqu'un dans cette taverne. En toute discrétion.
-Qui ?
-Disons, le tavernier justement. Vu la piètre qualité de son service et de ses alcools tu rendras par la même occasion service à la communauté. Vois cela comme une action d'utilité publique.
-Je dois assassiner en toute discrétion, l'individu le plus important de cet établissement et ce alors que la pièce regorge de témoins ?
-Et tout cela en moins de 10 minutes.
-Il y a tant d'autres choses que je pourrais faire en 10 minutes.
-Je n'en doute pas mais pour l'heure c'est de tes compétences en matière d'assassinat et de furtivité qu'il s'agit. Le défi n'est pas aisé pour un novice mais nullement problématique pour un maitre. Le compte à rebours commence maintenant. »
Zevran observa la pièce, recherchant le moindre atout exploitable. Son regard s'attarda sur les clients ainsi que les serveurs. 3 minutes s'écoulèrent sans qu'il ne parvienne à trouver un angle d'attaque. Il pourrait aisément sortir une dague et la lancer en plein dans l'œil de l'humain mais autant pour la discrétion. Quelle pitié il connaissait plus de 50 façons de tuer un homme à l'aide d'une simple lame et plus d'une trentaine de façon de tuer à mains nues. Pourtant face à la masse bruyante que constituaient les clients aucune de ses techniques ne lui saurait d'un quelconque secours.
-« Il te reste 6 minutes mon petit. » Lui murmura Taliesin le sortant ainsi de ses réflexions.
Zevran observa le barman, ce dernier venait d'agripper les verres vides que lui déposait la serveuse. Il en agrippait 4 à la fois par les buvants à l'aide de ses doigts boudinés. Le jeune Corbeau eut soudainement une illumination. Il sortit une petite fiole de sa poche et en fit sauter le bouchon. Taliesin le fixa avec un mélange de surprise et de curiosité. L'elfe versa le contenu de la fiole sur le buvant de son verre vide. Il interpella ensuite la serveuse en lui désignant son verre et celui de son camarade.
-« Auriez-vous l'obligeance de nous resservir belle demoiselle ? »
-« Bien sûr. » Fit la serveuse en souriant.
Elle agrippa les verres par le pied et les porta vers le comptoir. Quelques secondes après le Tavernier les agrippa par le buvant pour les mettre sur le côté à proximité des fûts.
-« Il te reste moins de deux minutes. » Lui rappela Taliesin.
L'elfe lui fit un bref clin d'œil puis observa le barman. Une longue minute s'écoula. Subitement, l'humain sembla éprouver une intense douleur et porta ses mains à son torse. Il bascula en arrière visiblement victime d'une attaque. La serveuse porta ses mains à son visage en criant et en appelant à l'aide. Plusieurs serveurs et clients réagirent mais trop tard. L'humain décéda d'une crise cardiaque. La salle entière fut soudainement prise de panique. Taliesin lança un regard mystérieux à son compagnon.
-« Le baiser de la vipère ?
-Par voie cutanée. Il est quasiment indétectable et ses effets d'une rapidité absolue. Le gros lard sembla très porté sur la boisson, la nourriture grasse et la viande rouge. Qu'il fasse une attaque ne semblera pas improbable. » Rétorqua Zevran avec assurance.
-« Tu l'as toi-même préparé ?
-Oui et j'attendais l'occasion de m'en servir.
-Impressionnant. Tu t'y connais en poison ?
-C'est ma spécialité, une touche personnelle si je puis dire. »
Taliensin lui adressa un sourire satisfait et se redressa.
-« Et bien peut être que tu es bel et bien destiné à jouer dans la cour des grands en fin de compte. »
Zevran ouvrit les yeux et se redressa mollement. Il n'avait plus fait ce rêve depuis longtemps. La lumière du jour éclairait la chambre. C'était déjà le matin. L'ancien Corbeau dégagea les draps, il avait chaud, très chaud. Le rêve ou plutôt le souvenir était particulier. Il avait laissé les Corbeaux derrière lui lorsqu'il avait prêté serment à la Garde des Ombres. Cependant il n'était pas dupe. Les Corbeaux eux n'en avaient pas fini avec lui. Seule sa mort ou la leur permettraient de trancher définitivement les liens qui l'unissaient à la guilde. En outre, il y avait Taliesin. Avec le temps, il était devenu plus qu'un mentor, plus qu'un ami pour le jeune elfe. Zevran savait que ce dernier finirait inévitablement par se lancer à sa poursuite. Il appréhendait ce moment et les conséquences qu'auraient leurs retrouvailles. Ses pensées étaient désordonnées, chaotiques. Il lui fallait faire le vide, faire taire la tension. L'elfe inspira puis soupira délicatement, la vision du corps inanimé de Rinna baignant dans la boue envahit son esprit. Il voulut lutter, relativiser mais la vue du corps de la femme qu'il avait aimé, que lui et Taliesin avaient abattu, persuadés à tort de sa trahison, infesta ses pensées tels des insectes fourmillant à l'intérieur de son crâne. Malgré lui, il serra les poings si forts que ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes.
L'elfe inspira et expira à nouveau tentant de reprendre le plein contrôle de son corps et de son esprit. Sa poitrine se souleva et se contracta en harmonie. Il senti l'air emplir à nouveau ses poumons puis expira derechef. Les visions s'estompèrent peu à peu, le jeune elfe savoura un bref instant, ce moment de répit
Il entendit une respiration. À côté de lui, une jeune humaine brune était toujours endormie allongée sur le côté et nue. Zevran, tout aussi dévêtu, la regarda un long moment, suivant le rythme de sa respiration. Le ventre de l'humaine se souleva doucement. Elle avait l'air paisible. Il l'avait rencontré la veille au marché. De ce qu'il avait compris, la jeune femme était l'épouse d'un noble de Dénérim. Un homme influent, riche mais trop marqué par l'âge. Nul doute que l'union entre le vieil homme fortuné et la brunette féline qui avait partagé sa couche n'était pas le fruit de l'amour. Des mois enfermée dans le domaine du vieux fortuné, à échanger des banalités et à se préoccuper d'activités aussi superficielles qu'ennuyeuses qu'impliquait le statut de femme de haut rang, avait sans nul doute lassé la jeune femme plus que de raison. Leurs ébats avaient été particulièrement enflammés. La jeune nymphe avait le sang bouillant et un appétit vorace. Pile son genre de femme en somme. Il s'approcha doucement de sa conquête et lui caressa la hanche. La jeune femme frémit à son contact, elle commençait à sortir de son sommeil. Zevran lui embrassa l'épaule, puis le cou, puis il se mit à lui caresser le ventre. L'humaine ouvrit les yeux et haleta. Elle le regardait désormais, ses yeux verts plongés dans les siens. Zevran descendit sa main, plus bas et frôla son bas-ventre. L'humaine gémit, elle leva la tête et l'embrassa. Zevran l'attira contre elle et effleura sa poitrine de ses doigts.
La porte de la chambre s'ouvrit avec fracas. Deux individus en arme pénétrèrent dans la pièce. Ils se figèrent sur place, estomaqués par la scène torride offerte à leurs yeux. La jeune mariée cria de surprise et bascula sur le côté, elle s'empara de la couverture et tenta tant bien que mal de cacher sa féminité exposée. Zevran fixa les deux malabars armés flairant les ennuis à venir. L'un des humains dégaina furieusement et aboya d'un ton menaçant.
-« Tu es en état d'arrestation pour attentat à la pudeur. Le seigneur Harald, ami personnel du Bann Perrin se chargera personnellement de planter ta tête sur une pique pour avoir porté atteinte à l'honneur de son épouse ici présente.
-Porter atteinte ? Je puis vous assurer que la dame si présente était on ne peut plus consentante. »
Le second individu dégaina son arme à son tour se posta derrière son camarade. L'humaine en revanche, se contenta de lancer un regard indigné à l'elfe. Visiblement Zevran allait devoir se passer de son soutien. La belle allait sans doute plaider l'enlèvement et la contrainte afin de garder la tête haute devant son époux.
-« Si tu nous suis sans opposer de résistance on veillera à ce que tu arrives devant le gibet en un seul morceau sinon…
-Tant de sollicitude me touche mais je crains de devoir décliner. » Riposta l'elfe.
Sans prévenir il bascula du lit. Il s'empara de deux dagues dissimulées sous le lit. D'un geste expert, il les lança subitement en direction de la gorge de ses agresseurs. Ces derniers complètement pris au dépourvu par la vitesse de l'elfe ne purent qu'émirent un gargouillis quand les lames s'enfoncèrent dans leurs gorges. Ils tombèrent à la renverse et frappèrent le sol d'un bruit sourd. La jeune femme cria horrifiée, tandis que Zevran s'empara à la va-vite de ses chausses.
-« Tu dissimulais des armes sous le lit ? » s'exclama la jeune femme incrédule.
-« Une action salutaire vu la tournure de la situation. » Rétorqua Zevran en enfilant ses derniers vêtements.
Il s'approcha des cadavres et retira les dagues d'un coup vif. Il contourna ensuite le lit et ouvrit violemment la fenêtre sous le regard bouleversé de l'humaine.
-« Bien ma chère, n'allez surtout pas croire que je garderais un mauvais souvenir de cette nuit mais je sais d'expérience qu'il n'est de pire danger qu'un mari jaloux. Aussi je vais devoir m'éclipser, ces deux loubards n'étant certainement pas les seuls que votre époux a envoyés à mes trousses. »
Sans demander son reste il sauta de la fenêtre et atterrit violemment dans une meule de foin 6 mètres plus bas.
-« Bien au moins cette fois je ne sors pas tout nu ! » Se félicita-t-il
Sa joie fut de courte durée, trois individus armés et de la même trempe que les deux idiots de la chambre se présentèrent juste devant lui, près de l'entrée de l'auberge.
-« C'est lui ! » Aboya l'humain le plus proche d'un ton menaçant.
-« Foutrediable ! » S'exclama Zevran en sortant de son lit de foin.
L'un des hommes l'agrippa férocement par le col. Avec une vitesse surprenante, l'elfe écarta violemment les mains de son agresseur en le frappant au niveau des poignets. Libéré de son l'étreinte, il frappa l'humain dans les yeux à l'aide de ses paumes. Une vague de douleur traversa le visage du soldat, il tituba en arrière complètement déboussolé et sonné par l'impact, tandis que sa vue se fit plus trouble. Les deux camarades du soldat jurèrent en dégainant. Le second humain abattit sa lame en direction de la tête de l'elfe. Ce dernier se baissa in extremis. La lame siffla à cinq centimètres de sa tête, l'elfe enfonça ses mains dans le sol boueux et tendit violemment la jambe gauche vers la poitrine du soldat. Son pied frappa violemment l'humain dans le ventre. Ce dernier se fendit en deux et lâcha son épée, le souffle coupée. Le troisième soldat, éberlué par la scène improbable qui se déroulait sous ses yeux, agrippa la poigné de son épée. L'elfe pivota sur lui-même et lui frappa la main d'un coup de pied retourné. Le talon de l'elfe percuta le dos de la main du garde qui lâcha prise sous l'impact. L'humain jura puis tenta de frapper l'elfe au visage de sa main gauche. Zevran esquiva puis attrapa son poignet en plein vol. Il effectua une violente torsion qui força son adversaire à basculer violemment sur la droite. Le soldat bascula en jurant. L'elfe raffermit sa prise sur le poignet de l'humain et lui infligea une nouvelle torsion. Un craquement sinistre retenti. L'humain hurla en agrippant son poignet brisé.
Le second soldat revint à la charge et fonça sur l'elfe en brandissant sa lame. Zevran agrippa furtivement ses deux dagues courbées. L'humain empoigna son arme à deux mains et tenta une frappe latéral, l'elfe se pencha esquiva derechef et pivota sur lui-même. Profitant de sa rotation, il taillada la poitrine exposée de l'humain. Une gerbe de sang gicla tandis que l'homme émit un cri pathétique. L'elfe se redressa vif comme l'éclair et frappa violemment la gorge du soldat de ses deux lames. Les lames taillèrent une croix sanglante sur le cou délicat de l'humain. Celui-ci émit un gargouillis avant de tomber à la renverse. Le premier humain qui venait de reprendre l'usage de sa vue agrippa son épée et fonça sur l'elfe en hurlant. Zevran pivota une nouvelle fois et lança sa dague droite en direction de son agresseur. La lame se planta dans la cuisse du soldat avant qu'il n'atteigne la moitié de la distance qui le séparait de son adversaire. Il réprima un cri de douleur en sentant le métal froid traverser sa chair. L'elfe avança soudainement vers lui et sauta en tendant la jambe en direction du visage de son adversaire. Le plat de son pied frappa l'homme de plein fouet, il senti son nez craquer sous l'impact. Il bascula en arrière en hurlant de douleur. Le soldat au poignet brisé revint à la charge et de sa main valide tenta de pourfendre l'elfe. Zevran esquiva les deux premiers coups. L'humain tendit violemment son bras espérant pourfendre l'elfe en pleine poitrine mais ce dernier se décala d'un pas, esquivant le coup. L'elfe frappa verticalement le poignet exposé du soldat de sa dague. Ce dernier lâcha son épée en criant, l'elfe se rapprocha et lui attrapa l'arrière du crâne de sa main gauche. De sa main droite, il lui enfonça violemment sa dague dans l'œil. Le corps de l'humain fut parcouru d'un sursaut lorsque la lame traversa son orbite.
Le dernier humain retira d'un coup sec la lame plantée dans sa cuisse. Il leva les yeux au ciel. L'elfe était déjà sur lui. Envahi par l'effroi, ses muscles refusèrent de lui obéir. L'elfe lui planta sa dague restante dans la gorge. L'humain se noya dans son sang avant de rendre l'âme.
Zevran soupira, cette matinée commençait bien mal. Une douleur lancinante éclata à l'arrière de son crâne. Il tomba à genoux emporté par la douleur. Il venait d'être frappé par-derrière et certainement pas par une demi-portion. Un second coup en plein milieux du dos le mit à terre. Il lâcha subitement sa dague et s'effondra sur le sol boueux face contre terre. Surmontant la douleur, il trouva la force de se retourner. Devant lui se trouvait un colosse au visage balafré. Il portait une armure de plate lourde, lui donnant l'aspect d'une véritable montagne mobile. Pour couronner le tout il tenait dans sa main gauche une lame massive de 5 pieds. Vu sa mine patibulaire, le gaillard n'était pas de la même trempe que ses prédécesseurs.
-« Lève ton petit cul avorton ! Je déteste frapper un homme à terre ! » Grogna le colosse.
-« Quelle grandeur d'âme ! Dois-je comprendre que si je tentais de m'enfuir en rampant tu me laisserais en paix ? »
En guise de réponse, le géant se contenta de lui flanquer un énorme coup de pied dans les côtes. Zevran grogna le visage déformé par la douleur.
-« Autant pour vos convictions ! » Souffla-t-il d'une voix à peine audible.
Le colosse l'empoigna par la nuque, le forçant à se redresser. Il brandit son poing gauche prêt à l'écraser sur l'elfe svelte.
-« Pas le nez par pitié ! » Couina l'elfe.
« -Stoooooooooop ! » Grogna une voix caverneuse.
Zevran et son agresseur se retournèrent subitement. À quelques mètres d'eux, un nain en armure grise venait de faire son entrée. Il semblait être en état d'ébriété tant sa démarche était flageolante. Une hache massive finement décorée reposait sur son dos, tandis qu'il agrippait de la main droite une flasque nauséabonde. Le nain émit un rot sonore et tenta de conserver son équilibre non sans difficulté. Il avait les cheveux d'un roux flamboyant et une longue barde subdivisée en tresses massives. Une inscription runique, probablement issue du langage des nains, était gravée sur le buste de son armure.
-« Oghren ! Mon champion ! » Glapit Zevran ironique.
-« Le bouffeur de salade est avec moi ! » Brailla le nain avec difficulté.
Visiblement il avait dû passer la nuit entière à se bourrer la gueule.
-« Reste en dehors de ça l'ivrogne ! J'agis sur la directive du seigneur….
-Rien à battre de savoir de qui tu torches le cul grande perche ! J'ai dit que blondinet est avec moi !
-Vous feriez mieux de lâcher prise l'ami ! Bien que sa démarche grotesque laisse penser le contraire, mon ami malodorant ci-présent est un véritable fléau de guerre ! » Clama Zevran tentant de raisonner le colosse.
Ce dernier n'était visiblement nullement impressionné. Oghren porta sa flasque à ses lèvres et en vida le contenu bruyamment. Il était tellement ivre qu'il déversa la moitié du liquide sur sa barde. Il rota à nouveau bruyamment puis balança nerveusement sa flasque sur le sol. Il agrippa fermement sa hache de ses deux mains et fit un pas en avant menaçant. Le colosse par réflexe empoigna sa lame à deux mains prêtes à en découdre. Oghren rugit ! Une ardeur guerrière s'empara de lui, il avança le visage dur en serrant fermement sa hache. L'humain fit un pas de côté, afin de faire face à son nouvel adversaire. Oghren s'avança férocement. Zevran fut malgré lui impressionné. Ce que le nain manquait en taille, il le compensait en courage et en fougue. Oghren poussa un cri sauvage, fit un pas en avant et tomba face contre terre en plein dans la boue. Il avait décidément bien trop bu. Le colosse regarda incrédule, son adversaire ivre allongé dans la boue en maugréant.
-« Mon héros….» Lança Zevran sarcastique et envahi par la consternation.
Le colosse pouffa puis cracha sur le sol, il reporta son attention sur l'elfe. Il l'agrippa violemment par la nuque. Zevran voulu se débattre mais l'humain raffermit sa prise l'obligeant à se lever.
-« Stooooop ! Bordel de merde ! »
Oghren venait de se relever. Il avait désormais la barbe et le facies couverts de boue. Il profana un flot d'insultes particulièrement vulgaire à l'égard de la surface, du sol boueux qui caractérisait si bien le pays et des humains en général. Puis il tendit l'index menaçant vers le colosse.
-« J'ai dit…..que l'elfe…..est avec moi ! Si tu le veux…faudra me passer sur le corps… bougre d'empaffé de cochard sourdingue ! »
Le colosse lâcha subitement Zevran et toisa le nain avec mépris.
-« Vire de ma vue nabot puant, avant que je en décide de te raccourcir davantage.
-Putain de pays de mes deux ! Par les ancêtres j'ai en plein le cul de toutes ces remarques sur l'odeur et l'hygiène ! Très bien ! C'est moi qui vais devoir te passer dessus alors ! »
L'humain avança subitement leva son épée à deux mains et l'abattit nerveusement vers le nain. Oghren recula rapidement, la lame manqua de le trancher en deux et s'abattit juste devant ses pieds. Le nain furieux tourna sur lui-même et profitant de sa rotation frappa de sa hache l'humain au genou gauche. Le métal fendit la jointure et l'os dans un bruit sourd. L'humain poussa un cri affreux en tombant en avant, tandis que sa jambe se séparait de son corps. Désormais à hauteur de son adversaire, Oghren souleva sa hache et frappa verticalement le crâne de son adversaire. L'acier fendit le crâne du malheureux jusqu'à la mâchoire. Une gerbe de sang éclaboussa le nain. Oghren grogna et posa son pied gauche sur le torse de l'humain. En prenant appui, il tira d'un coup sec et extirpa sa hache de la boîte crânienne de sa victime. Le corps du colosse tomba à la renverse déversant une bouille de cervelle là où figurait naguère une tête massive. Le nain se débarbouilla avant de jeter un regard goguenard à son camarade elfe.
-« Toujours le même problème avec les mastodontes en plate. Ça exhibe sa queue de-ci de-là, persuadé d'être intouchable mais ça oublie toujours de se protéger au niveau des guiboles.
-Je me sens comme une jouvencelle bouleversée par la venue d'un chevalier blanc défendant sa vertu.
-Ouais ben pour sûr, t'as la toison d'une gueuse l'elfe. Manque plus que les nibards !
-Oserais-je accorder un baiser bien mérité à mon champion en guise de récompense ? » Railla l'elfe.
-« Hé ho ! Pas de familiarité l'ami ! Garde tes mains et ta culotte bien en évidence ! » Fit Oghren en reculant d'un air dégouté.
Zevran éclata de rire en se relevant, il ramassa ses dagues et s'essuya. Derrière lui des cris se mirent à retentir. L'aubergiste et les résidents venaient de s'en mettre plein les yeux et criaient au meurtre.
-« Bien je suggère que nous prenions la poudre d'escampette avant que la garde civile ne rapplique ! » Lança l'elfe à son petit compagnon.
