Fye ramassait ses affaires

Le tourment de la violence

Chapitre un

Fye ramassait ses affaires. Une fois de plus, il avait succombé. Sans savoir pourquoi, ni comment, il s'était fait piéger.

Il savait bien qu'il n'était pas en mesure de résister. Pourtant, chaque fois, il tentait de s'échapper, de fuir. Et chaque fois, ses efforts diminuait pour disparaître, sans espoir de retour.

« Tu passais tes mains partout sur mon corps. Je te repoussais mais tu revenais toujours a la charge. Ton apprentissage de guerrier, je suppose. Un peu brutal comme manière de faire, tu ne trouve pas ?

Tu souriais. « Pas brutal pour tout le monde... »

Espèce d'enfoiré. J'avais beau vouloir te frapper, te faire du mal du plus profond de mon âme, tout se passais de la même manière, a chaque fois. Tu m'agrippais les poignets et approchait ton souffle de ma clavicule, sachant là mon point faible.

Je ne savais plus quoi tenter. Me débattre sauvagement t'excitait tout autant que de me laisser faire.

Alors je finissait par me taire, ni gémissements, ni cris, alors que je n'avais rien connu de plus douloureux dans ma vie que cette manière d'appartenir a l'autre.

Et chaque fois, je te haïssais un peu plus.

Et chaque fois, tu en voulait plus. »

En se dirigeant vers la porte de la chambre, Fye buta accidentellement dans la table de nuit. Il se figea dans son mouvement, craignant le réveil de Kurogané. Mais, le silence régnant, il appuya sur la clenche et ouvrit doucement la porte.

- Tu ne dors pas ?

La voix grave et agressive de Kurogané retentit aux oreilles de Fye. Agressive et froide. Froide et distante. Distante et dépourvue de tous sentiments. Une voix dont, au fur et a mesure, le magicien avait détesté toutes les sonorités.

- Pas dans le même lit que toi, en tout cas...

Le guerrier s'assit dans son lit, découvrant son torse musclé aux yeux de Fye.

- Et pourquoi pas ? Il y a de la place, tu sais.

Il accompagna ses paroles d'un geste de la main pour montrer l'espace restant a coté de lui.

Mais Fye ne voulait rien savoir. Il avait déjà passé assez de temps dans cette pièce en compagnie du ninja, sans pour autant avoir besoin de sentir sa présence près de lui pendant son sommeil. Le simple fait de savoir que Kurogané dormait dans la pièce voisine suffisait déjà a lui faire perdre le contrôle de ses nerfs. Il lança donc simplement un regard haineux au guerrier avant de fermer la porte derrière lui.

« J'attendis un instant, puis m'allongeais sur le lit. Cette fois encore, il avait repoussé mes avances, mais j'avais perdu le contrôle total de mon esprit et j'avais fini par le violer, purement et simplement.

Le violer, purement et simplement.

Je me pris la tête dans les mains, empêchant ces mots de résonner dans ma tête. Le simple fait de croiser les yeux de Fye, je m'en rendais compte, parvenait a faire sortir l'autre moi de ma personnalité et me changeait littéralement. Si j'etais d'habitude froid et distant, il réveillait en moi un sentiment de profond désir que je ne parvenais ni a dissimuler, ni a contrôler ; le seul moyen de me calmer était de faire subir un sort peu enviable au magicien. Sans pour autant qu'il soit d'accord. Je n'étais pas d'accord non plus, d'ailleurs. Seulement je n'étais pas de taille a lutter contre moi-même.

Tu es un immonde violeur...

Non. C'est faux.

Si, c'est vrai. Avoue le, ce sera beaucoup plus facile pour toi...

C'est de ta faute. Laisse moi tranquille. Laisse mon esprit la où il est.

Mais c'est aussi mon esprit ! nous ne sommes...qu'une seule...et même personne...

Je ne suis pas comme toi !

Ha, ha, ha...si...nous sommes le même...nous sommes...Kurogané...

Non ! Tu n'es pas moi !

Ha, ha...

NON ! »

Kurogané ouvrit les yeux. Ignorant les larmes qui coulaient sur son visage, il s'allongea sur le coté et s'endormit profondément, ignorant les coups de marteau de la migraine qui menaçait son esprit.

« Espèce de salaud. Dire qu'au début, tu me plaisait un tant soit peu. Mais l'apparence ne fait pas la référence, comme on dit.

Oui, c'est vrai, je l'avoue. Si on m'avait dit, la première fois que je t'ai rencontré, que tu était un sale pervers violeur, je ne l'aurai pas cru. Mais maintenant...

C'était du viol, Kurogané. A chaque fois, ca avait été du viol. Je ne te le pardonnerai jamais. Jamais. »

Mais la nuit avait laissé place au matin et le groupe de voyageurs, accompagné de Mokona, prenait son petit déjeuner. Sakura et shaolan l'avaient remarqués depuis un certain temps, l'ambiance était lourde quand Fye et Kurogané se retrouvaient dans la même pièce. Ils ne s'adressaient jamais la parole et prenaient soin de ne pas croiser le regard de l'autre. Mais l'aura des deux était très différente, pourtant. De Kurogané émanait une gêne constante, un mépris de soi considérable qui n'était pas commun au ninja. Le magicien, quand a lui, dégageait une impression de haine et de rage froide, débordant de dégoût de manière impressionnante. Néanmoins, ils se comportaient comme d'habitude, et les deux enfants n'eurent rien a dire.

Le problème était que les deux enfants, après le petit déjeuner, avaient dû quitter l'appartement. Et même si Fye avait largement insisté pour les accompagnés, il avait été finalement obligé de rester a l'appartement avec Kurogané.

« Non mais j'hallucine. je vais devoir rester avec cet enfoiré, toute la journée. C'est hors de question. Je dois me casser d'ici, ou sinon je vais le regretter.

- Fye...

Et il ose m'adresser la parole normalement, en plus ? Je rêve, ce mec est vraiment un salaud de première.

- Tais toi. Je ne veux pas entendre ta voix. Elle me donne envie de vomir.

- Fye, écoute moi, je...

- Tais toi !

Je voulu me lever pour aller vers la porte, échappant ainsi a sa présence. Mais, au moment ou je fus debout, mon regard croisa celui de Kurogané.

Je vis pendant un instant, dans son œil rouge écarlate, le désolement le plus profond accompagné d'une gêne et d'un immense dégoût pour ce qu'il avait fait. Comme si tout ce qu'il avait fait avait été accompli par une autre personne, j'eus presque envie de le pardonner. Mais ce que je vis ensuite me donna la chair de poule. Il se prit la tête entre ses mains, comme succombant a une intense douleur ; lorsqu'il releva la tête, son regard avait changé du tout au tout : plus de remords, plus de gêne, plus de dégoût. Tout ces sentiments avait laissé la place a une perversité sans fin et la lueur qui brillait dans ses yeux rouges ne présageait rien de bon. C'était ce même regard qu'il avait lorsque, la veille, il m'avait fait passer une des pires nuits de ma vie. Seul la haine me vint a l'esprit a ce moment, et j'oubliais d'un seul coup mes idées de pardon. Je fermais hermétiquement mon visage et mon esprit, de façon a ce qu'aucune pitié ne lui vienne en aide.

J'avais forcement imaginé cette lueur de remords dans ses yeux, quelques instants auparavant. Le sourire sarcastique posé sur son visage me le prouvait. »

« Je pris ma tête entre mes mains, et fermais les yeux. Ce n'était vraiment pas le moment pour qu'il prenne possession de moi. J'avais des choses importantes a dire a Fye. Je ne devais pas me laisser aller.

Tu as croisé son regard...

Et alors ?

Alors c'est mon tour...

NON ! »

« Il était hors de question que je reste ici alors qu'il me regardait de cette manière. Je suis un morceau de viande, ou quoi ? Et arrête, avec cette langue, c'est dégoûtant. Pourquoi fais-tu ça ?

- Alors, ca t'as plu, hier ?

Tu aimes être violent, n'est-ce pas ? Tu aimes que ton adversaire se sente humilié devant toi hein ? Tu penses que la vie est un champ de bataille. Mais tu te trompes complètement.

Je ne pris même pas la peine de répondre a sa question. Je me retournais et allais vers la porte. J'attrapais mon manteau, mais au moment d'ouvrir la porte, il se précipita sur moi et me colla nez au mur. Sous le choc, je lâchais me manteau qui tomba au sol dans un bruit feutré. Ce fut seulement lorsqu'il fut sûr que je ne pouvait plus faire un geste, qu'il colla son bassin contre le mien.

- Tu veux qu'on recommence ?

Je tentais de me dégager, sans y parvenir. Il allait recommencer. Il allait le faire et aucun semblant de scrupule ne marquait sa voix. Rien ne lui faisait plus plaisir que de me torturer de cette manière. Je tentais, une fois de plus, de me dégager. Rien ne pouvait l'exiter plus et je le sentit se presser un peu plus sur moi, me coupant toute retraite. Je le sentit approcher son visage de mon cou. Sans même réfléchir, je penchait violemment la tête en arrière, au risque de lui casser le nez. Sous le choc, il lâcha prise et je pus défaire son entrave. Sans prendre la peine de ramasser le manteau qui traînait par terre, j'ouvris la porte a la volée et couru jusqu'à l'entrée, descendis les marches du perron, et je ne m'arrêtais de courir seulement a deux pâtés de maisons de la notre.

Le souffle coupé, je m'adossais a un mur, puis m'affalais sur moi même. Quelques minutes plus tard, j'etais debout et parcourais les rues de la ville sans vraiment savoir ou j'allais. Il pleuvait averse. Sans manteau ni parapluie, je fus vite trempé jusqu'au os ; mais cela ne me dérangeais pas. J'etais même satisfait qu'il pleuve. Car, sous la pluie, personne ne savait faire la différence entre l'eau et les larmes.