Elle et Lui.

Chapitre 01 : Prologue à la vie.

La jeune femme jeta un œil aux deux brosses à dents devant elle. Ces dernières se trouvaient à l'opposé l'une de l'autre, tandis que l'une était rouge avec un « Lui » écrit en noir, l'autre était d'un rose pale avec un « Elle » en blanc dessus.

Non, elle n'avait pas envie de les séparer, pas elle, pas lui. Sa main trembla légèrement et d'un geste rageur, elle prit sa brosse à dents. Rage envers lui, envers eux, envers elle surtout…

-« Je dois être forte pour nous deux. » répéta la jeune femme, inlassablement.

Rien que de l'avoir dans les mains suffisait à lui rappeler ces deux années de cohabitation. Au début, tout allait bien, et tout s'était surtout précipité. Leur diplôme en poche, après la fête pour leur départ, il s'était contenté de l'embrasser, puis de lui dire trois petits mots, elle s'en souvenait comme si c'était hier.

Il faisait chaud aussi, comme aujourd'hui, elle avait un peu bu et avait les joues rosies, elle avait cru pouvoir oublier en buvant, elle voulait oublier que rien ne serait plus jamais comme avant, qu'elle allait être séparée d'eux, de lui…Peut être, ne deviendrait elle à ses yeux que la lointaine manager d'un temps révolu.

En voulant se rafraîchir un peu dehors, elle tomba sur lui. Il avait sûrement tout prévu, il était là, nonchalamment adossé contre le portail. Et comme toujours, il mâchait son chewing-gum sans sucre. Le smoking devait être de rigueur, mais lui ne portait qu'une chemise noire négligemment fermée et un pantalon de même couleur. Il n'avait ni cravate, ni veston, et n'avait fait aucun effort particulier pour s'arranger, pourtant ce soir là sous ce timide clair de lune, il ne lui avait jamais paru aussi beau. Enhardie par l'alcool, elle s'approcha de lui, et renifla légèrement le parfum qui s'exhalait de lui, un parfum de menthe et de poivre, subtil, léger et extrêmement envoûteur, comme lui.

-« Hiruma-kun, tu sens bon. »

Aucune réponse, il se contentait de regarder le ciel, sans se soucier de la jeune fille à ses cotés et qui le fixait d'un regard presque désespéré.

-« Hé, Hiruma-Kun, ne m'ignore pas, je te signale que c'est peut être l'une de nos dernières soirées ensemble et par conséquent tu do… »

Il l'avait faite taire en l'embrassant, cela dura quelques secondes mais pour elle, ce fut à la fois court et long, bref mais intense.

-« Viens avec moi. »

La jeune femme sourit en repensant à ce moment, qu'est ce qu'elle était naïve ! Croyant aux contes de princes charmants ! Pour elle, à l'époque, c'était presque si ces trois petits mots là représentaient une demande en mariage. Elle avait eu hâte de connaître la suite. Hâte de vivre, de vivre avec lui surtout. Officiellement, vu qu'ils étaient anciens camarade de lycée et nouveau camarade d'université, ils avaient choisis de devenir colocataire, tout deux habitant assez loin de leur nouvel établissement et ne voulant pas être dérangés par des colocataires trop fouineurs. Officieusement, ils s'étaient installés ensemble à dix huit ans. Oui, tout était allé trop vite, il décidait en quelques mots, elle suivait.

Au début, elle avait cru qu'il changerait avec elle en privé, pourtant c'était à peine s'il n'était pas plus froid et distant avec elle que quand elle était sa manager. Elle se disait, c'est Hiruma, le démon, il l'aimait mais à sa façon, elle essayait de s'en persuader. Puis elle avait encore postulé pour être sa manager, personne ne savait qu'ils vivaient ensemble et puis quel inconscient oserait dire quoique ce soit à Hiruma ? Elle avait toujours été jolie, gentille, insouciante et avait une joie communicative, elle était très populaire à l'université, et bon nombre de jeunes hommes avaient essayé de la séduire mais dans l'ombre veillait un quaterback et son carnet de menaces, malheureusement, ça elle ne le savait pas et ne le saurait peut être jamais.

Plus tard, la routine s'était installée, il restait assez tard pour peaufiner quelques tactiques, elle, rentrait tôt pour préparer le dîner qu'il mangeait souvent froid.

Les dimanche, il allait s'entraîner, et revenait tapoter sur son clavier d'ordinateur assis sur le canapé près de la fenêtre pendant qu'elle faisait le ménage et les courses. Le soir, elle regardait la télévision. A vingt ans à peine, elle avait l'impression d'en avoir soixante dix. Puis, ce détachement dont il faisait preuve, cette trop grande confiance en lui-même l'énervait. Elle lui en voulait et s'en voulait de lui en vouloir, elle s'en voulait d'être faible et inutile. Elle s'en voulait de les voir lentement se séparer sans pouvoir rien faire. Elle s'en voulait d'être jalouse d'un ballon, d'une pelouse, d'un sport ! Elle s'auto détruisait.

Elle avait pris sa décision, pour leur bien à tout les deux, avec elle et ses crises dans ses pattes, il ne réussirait pas à progresser autant qu'il le voudrait. Avait il vraiment besoin d'une petite amie acariâtre, aigrie et psychologiquement instable à vingt ans, alors qu'il avait des rêves de victoire et de championnat plein la tête ? Non !

Elle jeta sa brosse à dents dans la poubelle. Elle n'avait plus besoin d'Elle et de Lui, à présent, elle ne serait qu'elle, elle toute seule.

Elle se rafraîchit un peu le visage.

-« Tiens, je n'ai pas encore pleuré. »

Aucune larme, elle avait trop pleuré durant les mois précédents. La prochaine fois qu'elle pleurerait, elle voulait pleurer de joie.

Elle alla vite en cuisine, le riz était cuit. Elle mit les couverts, toujours une seule paire de couverts, c'était soit pour elle, soit pour lui, jamais pour elle et lui. Elle les arrangea et les recouvrit d'une serviette. Elle avait machinalement cuisiné son plat préféré à lui.

18H. C'était l'heure, dans une heure son avion devait décoller, elle allait aux Etats-Unis, quelque part où il ne pourrait jamais la retrouver. D'ailleurs voudrait il la retrouver ?

-« Cesse de faire ta nunuche Mamori ! A quoi bon alors, avoir pris toutes ses précautions ? A quoi bon n'avoir écrit aucun mot à personne ? Yoichi pourrait me retrouver avec le moindre petit indice, il ne fait pas que je cède à la tentation, c'est pour notre bien à tout les deux. »

D'un mouvement de bras, elle tira ses valises, et franchit le seuil de la maison, elle avait fait un effort pour ne pas se retourner, elle devait y aller, de plus son taxi était déjà là.

-« Adieu Yoichi, tu vas me manquer. » murmura la jeune rousse.

19H. Aujourd'hui, il avait arrêté l'entraînement plus tôt que d'habitude et ce devant l'étonnement de ses coéquipiers. Il s'était aussi arrêté devant la pâtisserie et la fleuriste de leur quartier. A la grande stupeur de ces derniers, qui connaissaient certes le jeune homme de vue et de réputation mais jamais, il n'avait franchit le palier de leur magasin, seule la douce jeune fille qui lui servait de colocataire et de petite amie disait on venait de temps en temps discuter avec eux et acheter des choux à la crème dont elle raffolait.

La pâtissière avait presque failli lui rire au nez, derrière son masque imperturbable , elle devinait qu'il était gêné, et quand il lui indiqua d'un mouvement de tête qu'il voulait une boite de choux à la crème, elle comprit.

-« Les choux à la crème c'est bien pour se faire pardonner, mais les fleurs c'est encore mieux ! » conseilla la vieille femme avec un clin d'œil.

-« Tchhh. »

Il ne manquait plus que ça ! Lui, Hiruma Yoichi acheter un bouquet de fleurs ! Et pourquoi ne pas lui chanter des sérénades au clair de lune aussi ? Fallait pas abuser. Pourtant, il acheta des fleurs, des Blue Daisy, ses préférées.

Il savait qu'aujourd'hui il se devait de faire un effort, n'importe quoi mais quelque chose.

Arrivé devant chez « eux », il poussa la porte et s'écria :

-« Hé, fuckin'girlfriend je suis rentré !* »

Et il avait même fait un effort de vocabulaire et de politesse ! Il savait que ça lui ferait plaisir qu'il annonce qu'il était rentré, pour elle, ça faisait « famille ». Pourtant, rien ne lui répondit.

Il était 19H, et il savait qu'elle ne commençait à lui préparer son dîner que dans les environs de 18H30, ça lui prenait une heure et quart, d'habitude, puis elle allait prendre une douche, regardait un peu la télévision en essayant en vain de l'attendre. Vers 21H, fatiguée, elle s'endormait sur le divan, il était de retour une heure plus tard, et c'était lui qui chaque soir, la prenait dans ses bras pour la glisser dans leur lit, mais ça encore, elle ne le savait pas…Mais là, il était 19H, et le repas était prêt. De stupeur, il lâcha le bouquet et la boite. Il avait comprit. Quiconque aurait vu ce spectacle en aurait été sidéré, LE démon était choqué, d'habitude c'était souvent des yeux moqueurs ou satisfaits qu'il avait ,maintenant, il était choqué , presque perdu. Machinalement, il alla se laver un peu puis il revint et s'assit, il enleva tout aussi automatiquement la serviette qui recouvrait son dîner et commença lentement à manger.

-« Fuckin'chieuse tu resteras toujours une fuckin'chieuse…tu vas me manquer. »

Une phrase le hantait depuis qu'il avait compris, une seule, un seul petit problème, la seule erreur de son existence.

-« Dis moi Yoichi, qu'est ce que tu ferai si je partais ? »