CHAPITRE XVI : Petit Jeu et Piège
Karin courait comme une folle depuis une demi-heure déjà. Son corps tout entier suait et c'est le souffle coupé qu'elle s'arrêta et se laissa choir contre le mur d'un immeuble.
Elle avait pris son portable dans le but de l'appeler mais c'était stupide ! L'appeler lui ? A quel numéro ? L'idée était complètement stupide ! Son père n'avait pas tort… Tôshirô habitait un autre monde que le sien. Et même si elle le souhaitait, elle ne le verrait, ni ne pourrait le contacter si la situation l'exigeait. Et pourtant, elle aurait tout donné à cet instant précis pour discuter avec lui, le tenir entre ses bras, le serrer de toutes ses forces…
_Abrutis de mecs, hurla-t-elle en donnant un gros coup de pied contre le sol – ce qui lui valut une douleur atroce au talon et aucun soulagement –
Jamais son père ne lui avait dit ainsi tout ce qu'il avait sur le cœur. Etait-elle une fille si atroce ? Et avait-il raison en ce qui concernait Tôshirô ? Et surtout, comment savait-il ?
Son père ne parlait jamais de son passé à la Soul Society. Jamais il n'avait fait mention de ce qu'il avait dû faire ou subir pour être auprès de sa femme. S'il l'avait fait, c'est qu'il était vraiment sérieux. Tout était si compliqué !
Epouser Akaku-sensei ! La blague ! Elle allait surtout le tuer oui !
Hors d'haleine et pleine de rancœur, Karin prit la décision d'aller directement chez son professeur et de lui faire comprendre à sa façon que plus jamais il n'avait intérêt à recommencer et que sinon, elle lui ferait sentir sa douleur. Heureusement, ce dernier était bavard et Karin savait vers où se diriger. Elle fouilla dans ses poches et sortit tout l'argent qu'elle avait sur elle. Un taxi pour aller dans la ville voisine serait parfait. De plus, elle était épuisée.
Après quinze minutes de trajet, elle arriva devant la maison de son professeur. Karin resta muette de stupeur. La baraque était immense et isolée. Une baraque ancienne avec un grand jardin à l'anglaise.
Le portail étant ouvert, elle entra timidement et aperçu devant la porte d'entrée la voiture d'Akaku-sensei. Furieuse, elle frappa à la porte un grand coup. Pas de réponse. Elle martela la porte en criant :
_Sensei ! Ouvrez-moi ! C'est Karin ! Ouvrez-moi bordel !
La porte s'ouvrit d'elle-même. Karin se glissa à l'intérieur et ne vît personne. Elle eût un instant d'hésitation puis entendît son nom au bout d'un couloir sombre d'où l'on ne pouvait voir qu'une seule porte entre-ouverte.
_Sensei ? dit-elle en avançant. C'est vous ?
Elle entra dans la salle avec une étrange sensation de picotement au bout de ses doigts. C'est comme si son énergie l'abandonnait. La rancœur aussi était remplacée par l'angoisse. La pièce, à sa grande surprise était totalement vide et le plafond, complètement ravagé. Que se passait-il ? Karin commençait à se sentir fatiguée. Une aura malveillante suait par tous les pores des murs de la salle. Son reïatsu semblait la quitter et lorsque Karin voulût faire demi-tour, une main qu'elle ne vît pas venir l'attrapa et la jeta au sol. Sa tête cogna contre le carrelage fendu de part en part.
_Bonjour petite Kurosaki.
Elle releva la tête douloureusement et aperçue son professeur, debout devant elle. Mais il avait tellement changé que Karin eût du mal à le reconnaître. Ses yeux étaient de feu et sa posture ressemblait à celle d'un animal devant sa proie.
_Akaku-sensei ? Qu'est-ce qu…
_Tais-toi idiote.
Karin sursauta. Dans sa voix, il y avait un danger constant.
_Tu es sur mon territoire. Ici, c'est moi qui pose les questions. Je t'ai tellement attendu le sais-tu ?
Elle le regarda avec plus d'insistance. Pouvait-elle parler ? Il avait l'air d'attendre.
_Moi ? Hésita-t-elle. Mais… mais pourquoi ?
_Pourquoi ?
Akaku-sensei rit à gorge déployé mais seul un râle en sortit.
_Mais parce que tu es exceptionnelle petite fille ! Ils ne te l'ont pas dit tes petits camarades de la Soul Society ?
_Dis quoi ?
Karin frissonnait de peur. Que lui arrivait-il ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à se contrôler ? Dans ce genre de situation, elle aurait déjà attaqué l'ennemi ou aurait fui… mais cette aura était si puissante qu'elle ne pouvait bouger.
_Ignorante humaine ! Tu ne sais même pas le joyau que tu portes en toi ! Les merveilleuses capacités que la nature t'a offertes ! C'est si envoûtant, ce parfum que ton corps dégage…
Karin retînt sa respiration. Que voulait-il dire par « les merveilleuses capacités » ?
_Il y a des centaines d'années, reprit-il, une vieille dame faisait à tout va des prédictions. Je le sais car j'ai été son valet avant d'être banni.
Il se tut et s'approcha un peu. Puis il s'accroupit pour mettre son visage au même niveau que le sien.
_Elle était la mère du Grand Roi parce que oui, petite Karin, il y a un Roi dans ce que tu appelles l'au-delà. Tout ce qu'elle racontait finissait tôt ou tard par se réaliser. Toutes, sauf cette prédiction…
_Quelle prédiction ?
_Elle racontait qu'un jour de lune pleine, naîtraient dans la douleur deux filles. Elles seraient le fruit d'un métissage parfait et interdit entre le shinigami et l'humaine. La première serait la voix de la raison, l'aimée de tous. La deuxième, dernière-née, pourrait porter en son sein le fruit du bien ou celui du mal.
_Le… quoi ?
Karin essayait du mieux qu'elle pouvait de comprendre toutes ses informations extravagantes qu'il lui racontait avec tant d'excitation. Mais sa tête la brûlait atrocement.
_Entends-tu petite Kurosaki ? reprit-il. L'enfant du bien naîtrait de la glace et l'enfant du mal naîtrait du feu. Le mal ! Le mal ! C'est ce qu'ils disent ! Où est le mal ? Le mal…
Pris de folie, il rirait. Karin essayait du mieux qu'elle le pouvait de suivre les divagations de son professeur.
_Je ne comprends pas…
_Un seul peut naître petite Kurosaki. Un seul enfant. Tu es le réceptacle parfait pour donner la vie à notre sauveur ! Et le père de cet enfant, ce sera moi, petite fille, et cet enfant aura la puissance de faire sortir tous les esclaves enfermés dans les enfers ! Je serais leur Maître Suprême ! Et notre fils gouvernera sur les humains et sur les shinigamis ! Finit le règne de ces enfoirés ! Le chaos, le chaos, le chaos…
_Mais qui êtes-vous ?
_Qui je suis ? Dit-il, vexé. Je suis celui qui ouvre les portes des mondes parallèles ! Je suis le plus puissant maître des enfers, bâtarde ignorante ! Le seul souci, c'est que ces portes-là, je suis le seul, avec toi qui m'est destiné bien sûr, à pouvoir le franchir… Mais grâce à lui – il pointa du doigt le ventre de sa captive – toute mon armée, plus entraînée par notre futur Roi, plus nombreuse que ce qu'elle est maintenant, viendra éradiquer votre espèce fragile et dégoutante !
_Vous êtes fou ! hurla Karin.
_Fou ? Qui est le plus fou ? Ne serait-ce pas toi qui a cru si naïvement que ce petit capitaine aux cheveux blancs voulait de toi parce qu'il t'aimait ?
_Qu'est-ce que vous racontez ?
_Ne crois-tu pas qu'il obéissait seulement aux ordres de son commandant ? Réfléchis petite Kurosaki ! L'enfant de la glace !
Elle prit un temps pour elle. Le froid… les flocons…
_Hyorinmaru… Le Dragon de Glace… Tôshirô…
Karin n'avait plus peur. Elle ne ressentait plus rien d'ailleurs. Seul le vide habitait son corps. Tout en elle tremblait.
Voilà pourquoi il s'était si facilement rapproché d'elle. En son sein, elle pouvait porter l'enfant de Tôshirô. Cet enfant qui semblait avoir une si grande importance pour la Soul Society et les enfers. Mais alors, tout ça n'était qu'une mission ? Un jeu ? Voilà pourquoi il avait réapparu après trois années d'absence ? Pour une prédiction ?
Sa sœur, son père, son frère, et lui…
Elle fît d'incroyables efforts pour se recentrer et se remémora les évènements passés.
_Pourquoi… pourquoi avoir joué à ça avec ma famille ? Cette stupide demande en mariage ? Dans quel but ?
_Mais justement petite fille, pour jouer ! Je savais qu'avec ton tempérament, tu rappliquerais ici de ton plein grès. C'était risqué n'est-ce pas ? Mais amusant. Isshin est très difficile à contrôler et ta sœur est si sotte ! Je me suis vraiment amusé ! Cette tête que tu faisais !
Elle comprit tout. Le comportement irascible de son père et le fait qu'elle ne pouvait plus bouger ses jambes. Cet homme ne voulait pas de confrontation car il était trop faible pour arriver à ses fins par le combat mais il était assez doué pour avoir envoûté son père – et fou - . La situation l'amusait.
_Ils m'ont cherché ! Mais ils ne savent pas à quoi je ressemble parce que je suis discret. Oui, discret, discret… Moi, j'ouvre les portes, je les ouvre et je disparais…
Soudain, la folie sembla s'arrêter net. Elle était remplacée par l'excitation.
_Et maintenant, au travail petite Kurosaki ! Demain soir, la lune sera noir et nous pourrons célébrer notre union. Sous le serment, nous allons concevoir cet espoir toi et moi… Viens dans les enfers avec moi !
Lorsqu'Akaku se jeta sur Karin, celle-ci retrouva l'usage de ses muscles. Elle roula sur le côté, mais quand elle passa la tête par la fenêtre, elle ressentit un choc si violent, qu'elle tomba de nouveau à terre. Elle sentait un liquide chaud couler le long de sa tête. C'était finit d'elle. Elle était totalement impuissante face à la situation. Cet homme allait se servir de son corps pour assouvir son désir et donner naissance à un monstre de violence. Abandonnait-elle ? Lui, il l'avait fait en la laissant au prise avec cette créature. Elle allait subir pire que la mort…
Cependant, Karin ne vît pas fondre sur elle son ancien professeur. Sa vision se troublait, mais elle apercevait par-ci par-là des flashs de couleurs. Karin sentait qu'elle allait sombrer dans l'inconscience et elle ne pouvait voir le visage de ceux qui se battaient pour elle.
Enfin, elle l'espérait…
