Acte I : Le Jeune premier
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- Suis l'exemple de Bella, elle te montrera quoi faire.
Bellatrix hocha la tête, l'air très consciente de sa responsabilité d'aînée des filles Black. Andromeda embrassa sa mère et son père.
Voilà. On y était.
Elle allait sortir pour de bon dans le monde (strictement magique, bien sûr). Le sifflet de la locomotive perça les conversations du quai. Narcissa serra ses sœurs contre elle, sous le regard sévère mais compréhensif des parents.
- Je t'écrirai, promit Andromeda.
Les adieux se dirent sans effusion. Andromeda aperçut son cousin Sirius qui sautillait sur le quai avec son ami James Potter (un des rares Sang-purs dont la famille ne fréquente pas les Black, mais qu'elle avait déjà vu aux fêtes du Ministère), le fils Pettigrew et un autre sorcier qu'elle ne connaissait pas. Lui semblait heureux de faire sa rentrée. Elle, ressentait surtout l'angoisse naturelle des nouveaux élèves.
Elle n'était jamais sortie de sa zone de confort. Le manoir familial était suffisamment animé pour qu'elle ne s'ennuie pas, et elle était toujours autorisée à se rendre à la demeure londonienne des Black pour voir ses cousins. Mais les réceptions et les évènements mondains n'avaient été que de petites incursions dans le monde extérieur. Elle n'était pas tout à fait sûr de savoir se débrouiller hors de ce petit monde qui cultivait l'entre-soi.
Bien sûr, elle ne changerait pas radicalement de société : Poudlard était relativement petit et elle connaissait déjà les jeunes de son âge qu'elle était autorisée à fréquenter : les Serpentards et les Sangs-purs des autres maisons, pour l'essentiel. Du reste, Bella l'avait assurée que personne ne l'approcherait sans son accord. Elle était en sécurité dans l'ombre de sa grande-sœur.
- Tu viens ?
Bellatrix avait beau être une grande sœur attentive, elle ne pouvait pas toujours s'empêcher de paraître brusque ou impatiente. Andromeda devinait que c'était son véritable caractère, mais qu'elle ne le montrait normalement qu'en présence de ses inférieurs.
Elle suivit sa sœur jusqu'à un compartiment. Tous ses occupants portaient des écharpes vert et argent. Nul besoin de se présenter. Elle connaissait déjà Lucius, Brutus, Bartemius, Rodolphus (le petit-ami de sa sœur), et Rabastan, lui aussi en première année. Restait Laura Reynolds, une amie de Bella qui se présenta.
- Regulus ne vient pas ?
- Je ne sais pas ce qu'il fait… dit Bellatrix d'un air agacé.
Leur cousin les rejoignit quelques minutes plus tard. Le sifflet retentit à nouveau. Andromeda se mit à la fenêtre dans l'espoir d'un dernier signe de sa mère, mais elle était déjà plongée dans une de ces banales discussions mondaines (« Oui, ma fille cadette entre à Poudlard cette année, nous sommes très fiers… Electryon aussi ? Charmant ! J'espère que nos enfants s'entendront… Il ira à Serpentard bien sûr ? Bien sûr…). Son père discutait poliment avec Lord Malfoy et les Croupton.
Narcissa fut la seule à sembler triste de la voir partir. Elle lui serra la main par la fenêtre, mais il n'y eut aucune embrassade ou signe extérieur d'affection, comme aux fenêtres des autres voitures. Elles, savaient se tenir en public.
Le paysage se fit plus flou au fur et à mesure que le train les emmenait vers un nouveau monde. Andromeda n'avait pas anticipé que le trajet serait si long. Après cinq parties de Bataille explosive avec Regulus, elle sortit du compartiment. Il y avait pas mal de mouvement dans les couloirs, des rires s'échappaient des compartiments, parfois même des explosions ou des bruits étranges.
Elle dut marcher jusqu'au compartiment à bagages pour trouver un endroit calme. Elle ne se rendait compte que maintenant qu'elle n'aimait pas les foules d'inconnus. S'excuser pour demander à passer était l'expérience la plus mortifiante qu'elle ait faite. Elle devrait apprendre que le passage ne lui était pas dû, ici. Contrairement à Bellatrix, qui entendait étendre les privilèges de son rang à l'école, Andromeda décida de se faire plus discrète, de ne présumer de rien. De se faufiler discrètement entre les élèves, de demander pardon si elle bousculait quelqu'un dans les cahots du train, de ne pas attirer l'attention sur elle.
Elle ouvrit une fenêtre et laissa le vent fouetter son visage et ses cheveux.
Elle se sentait bien, seule. Elle se demanda si le vieux dicton « mieux vaut seul que mal accompagné » pouvait s'appliquer à son cas, mais évacua cette possibilité d'un froncement de sourcil. Ce n'était pourtant pas la dernière fois qu'elle se poserait la question.
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Elle pouvait voir le regard attentif de Sirius fixé sur elle. Elle se souvenait du scandale lorsqu'il avait été réparti à Gryffondor. Ce n'était pas mauvais, seulement inhabituel. Et logique quand on connaissait Sirius.
Pour le reste des élèves, il ne semblait y avoir aucune surprise. On s'attendait à ce qu'elle suive les pas de sa sœur. Il n'y avait que Sirius pour se poser la question. Il fallait dire que sur la dernière décennie, ça ne faisait que 50% des Black à Serpentard. Pas leur score leur plus glorieux.
Elle, aurait préféré disparaître sous terre plutôt que monter sur ce tabouret et faire face à toute cette assemblée. Sa mère lui avait toujours dit qu'elle devait prendre confiance en elle et apprendre à parler en public. C'était attendu des femmes de sa société : être visible, accepter les regards, et les orienter à sa guise.
Pour ne rien arranger à la panique qui montait dans son ventre, le Choixpeau ne dit d'abord rien.
Serpentard, pria intérieurement Andromeda.
Tout plutôt que l'inconnu. Tout plutôt que le subversif. Tout sauf attirer l'attention sur elle.
Le chapeau ne réagit pas immédiatement. Puis, comme résigné, il prononça tout haut « Serpentard ».
Un tonnerre d'applaudissements l'accueillit à la table de droite. Elle reconnaissait de nombreux visages et sourit à sa sœur, qui n'était pas peu fière. Sirius et Bellatrix échangèrent un regard de pur dédain. Andromeda s'assit avec un soupir de soulagement.
Enfin en terrain connu.
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Elle se perdait dans les corridors et arrivait en retard en cours. Elle ne retrouvait le couloir de la Salle commune qu'une fois sur deux. Sirius vint gentiment l'aider se décrocher d'un piège de Peeves, l'esprit frappeur. Bref : sa première semaine fut un désastre. A part les cours de vol et d'Histoire de la magie, elle n'était bonne nulle part. Ses tentatives de magie rataient presque toujours et le professeur Slughorn, bien que plutôt favorable aux Serpentards et à sa famille, la força à nettoyer toutes les paillasses de la classe après que sa première ébauche de potion a repeint toute la classe de bleu électrique.
Elle pleurait dans son lit jusqu'à s'endormir. Les filles de son dortoir ne savaient qu'appeler Bellatrix, et Bellatrix disait que ça passerait. Elle n'avait jamais été très câline. La douceur était allée à Narcissa, et Narcissa n'était pas là.
Le premier week-end lui laissa enfin le temps de souffler.
Andromeda écrivit à Narcissa mais en n'étant pas assez honnête pour l'inquiéter. Pour ses parents, ce furent les formules habituelles et des remerciements pour leur paquet de rentrée plein de friandises. Elle n'osa pas leur dire qu'elle ne s'était pas fait suffisamment d'amis pour partager ces Dragées de Bertie-Crochue et autres Patacitrouilles.
Elle ne comptait pas les Serpentards comme des amis choisis, mais comme des fréquentations attendues. Andromeda avait bien tenté de s'intégrer parmi les élèves de son année mais les autres maisons ne s'intéressaient pas à elle. Elle n'était ni extrêmement intelligente, ni extrêmement drôle, ni extrêmement jolie. Et Andromeda se savait un peu raide et trop formelle par rapport aux autres élèves. Ça ne détonait pas à Serpentard, mais elle savait que ça n'avait pas attiré les élèves des autres maisons vers elle. Et elle ignorait comment changer et être plus dans l'air du temps.
Elle passa donc le samedi à se promener seule au bord du lac, là où la plupart des élèves paressaient en bande ou discutaient en marchant. Elle se donna l'air assuré de ceux qui marchent seuls par choix et ignora les regards qui la suivaient.
Bellatrix lui avait bien proposé de rejoindre ses amis, mais elle savait qu'ils s'amusaient à essayer des sorts interdits dans des coins reculés de l'école, et elle n'avait aucune envie de s'attirer des ennuis. Le groupe de Bella s'habituait à son caractère taciturne et effacé. On ne rejetait pas une Sang-pure de son cercle pour si peu, et elle continua à s'asseoir à la même place, avec les amis de Bella, aux repas.
Mais après sa cinquième soirée passée dans la Salle commune de Serpentard à écouter les mêmes gens que depuis dix ans, elle se décida à se trouver une occupation. La lecture fut sa première idée, mais la bibliothèque regorgeait de livres académiques, pas de romans. Les Bavbouls n'ouvraient leur club qu'à partir d'octobre. Elle se réveilla donc le dimanche matin avec une envie de Quidditch.
Elle se leva tôt. La Salle commune était plongée dans une lumière verdâtre et mobile. Le hublot montrait un lac sombre. Elle aurait juré avoir aperçu du mouvement dans l'eau trouble.
Elle n'aimait pas beaucoup se trouver sous terre. Pour une raison qui lui échappait, elle ressentit de façon intense le fait qu'elle se trouvait à l'étage des cachots.
Elle se sentait écrasée… en manque d'air. Sa poitrine était physiquement compressée.
Se trouver dans une salle commune souterraine n'était pas pour l'aider, mais elle savait que le malaise était plus global. Le Baron Sanglant choisit ce moment pour apparaître. Il la salua en traversant un mur mais elle se dépêcha de remonter vers la Grande Salle. Ce fantôme lui fichait les jetons.
Elle vit en entrant dans la Grande Salle qu'une pluie drue tombait sur Poudlard. Le plafond magique avait été sa première source d'émerveillement à Poudlard, mais ce matin-là, elle lui jeta un regard noir.
Elle mordit d'un air morne dans une tartine à la marmelade. Rodolphus avait bien proposé de lui prêter son balai le jour où elle voudrait accompagner un entraînement de l'équipe de Serpentard, mais elle savait que ni lui, ni aucun de ses membres, ne prêterait son balai à une première année par ce temps.
Elle allait renoncer à ce projet quand elle se souvint de Sirius parlant de la facilité avec laquelle il avait ouvert le placard des balais de l'école par le passé. Un simple Alohomora, avait-il dit. Elle s'entraîna pendant le petit-déjeuner à ouvrir et refermer le loquet de la boîte d'échecs version sorcier de Lucius. Pour une raison qui lui échappait, elle réussissait ce sort trouvé au chapitre 7 de son Livre des Sorts et Enchantements, mais pas ceux enseignés des heures durant par ses professeurs.
Elle traversa la pelouse en se protégeant avec sa cape. Les vestiaires étaient ouverts. Elle trouva une paire de bottes en caoutchouc dans le bac des objets trouvés. Elle échangea sa cape trempée contre une cape d'arbitre imperméable. Tout sentait la terre battue et l'humidité au stade de Quidditch. Elle alla ensuite à la porte du range-balais et testa son Alohomora.
Il ne se passa rien. Elle en aurait pleuré.
Un bruit de course mouillé dans son dos la fit sursauter.
Essaye « Sésame ouvre-toi », sourit un garçon trempé jusqu'aux os.
Il portait une tenue jaune et noire. Un garçon et une fille habillés aux mêmes couleurs s'étaient posés un peu plus loin sur le terrain. Le temps n'entamait visiblement pas la motivation de toutes les équipes.
- C'est une blague ?
- C'est la prof d'Etude des moldus qui a fait ça. Apparemment, trop d'élèves venaient se servir dans la réserve. Si tu veux voler par ce temps, je te conseille une Etoile filante 68. Elles sont plus lourdes, donc tu as moins de chance d'être emportée par le vent.
Andromeda prononça la formule moldue et le laissa l'aider. Elle n'avait aucune idée d'à quoi ressemblait une Etoile filante. Les amis de Bella ne juraient que par les Brossdur de l'année passée. Le garçon lui tendit une Etoile filante avec un sourire.
Il dut se rendre qu'elle n'était pas très expérimentée.
- Tu sais voler ?
- Oui.
Ce n'était pas un mensonge : Sirius l'avait emmenée voler dans une foire magique l'été passé, et elle n'avait rien oublié, si elle en jugeait par son premier cours de vol.
Il détacha son casque, ses genouillères et ses coudières, et les lui tendit.
- Tiens. Je m'en voudrais d'être responsable d'une mauvaise chute.
Il lança également un sort de stabilisation spécial pluie sur le balai.
- Merci, dit-elle, mais c'est vraiment trop…
Difficile de savoir à quoi ressemblait le Poufsouffle sous la capuche. Les cheveux collés sur son front devaient être blond foncé lorsqu'ils étaient secs. Ses yeux avaient une très belle nuance de bleu.
- Trop ?
… Trop gentil, pensa-t-elle.
- Quand tu as fini, tu n'as qu'à poser tout ça au niveau de la Sorcière borgne, au troisième étage. Je les récupérerai en allant à la Salle commune.
C'était la chose la plus gentille qu'on ait fait pour elle depuis son arrivée. Et elle soupçonnait qu'il le faisait non pas parce qu'elle s'appelait Andromeda Black, mais parce qu'elle était une simple humaine en difficulté. Cet absence de calcul était très déstabilisant pour elle.
- Merci beaucoup.
- Pas de quoi ! sourit-il avant de rejoindre ses amis et de filer vers le château.
Quitter le sol et percer l'air humide la revigora. Elle savait que ce vol l'avait sauvé de la déprime. Elle rasa la cime des arbres de la Forêt interdite mais n'osa pas aller jusqu'à narguer le Saule cogneur (c'était pourtant le grand jeu de pas mal de ses camarades). Elle vit le calamar géant lui faire coucou d'un bout de tentacule et préféra retourner sagement tourner autour des cerceaux d'or du stade. Les tribunes restèrent vides jusqu'à la petite éclaircie du midi. Andromeda retourna à regret au château en entendant la grande horloge sonner l'heure du déjeuner.
Elle chercha la Sorcière borgne mais décida finalement d'enfiler le casque, les coudières et genouillères en cuir sur une armure, qui en sembla enchantée.
Bella fut très surprise de la voir revenir trempée de l'extérieur, un grand sourire aux lèvres. Elle semblait soulagée de ne plus devoir s'occuper de sa petite sœur.
Le garçon dut trouver drôle la présentation de son équipement, car il chercha son regard au déjeuner et lui adressa un sourire quand leurs regards se croisèrent. « Bien reçu » dirent silencieusement ses lèvres.
Elle n'apprit que bien plus tard son nom – et son statut de sang. Elle savait seulement que son équipement de Quidditch était marqué de deux T. Alors elle l'appela mentalement Monsieur Tout Trempé.
La réception du Sorcière Hebdo de la semaine suivante acheva de faire de son premier dimanche à Poudlard une bonne journée.
Mais à la fin du repas, le professeur Slughorn la prit à part et lui demanda de bien vouloir le suivre dans son bureau.
Miss Black, on vous a vue essayer de forcer la porte de l'appentis à balais.
Elle sentit ses entrailles se remplir de plomb et regarda ses ongles. Le garçon l'avait-il dénoncé ? Il avait semblé si gentil…
Bien que ce soit devenu presqu'un tradition pour vos petits camarades, j'ai été très surpris que ce soit vous qui fassiez réagir la nouvelle serrure.
Ses joues la brûlaient. Andromeda sentait le double jugement de Slughorn : non seulement elle avait enfreint le règlement, mais en utilisant une formule moldue.
- Je suis vraiment désolée, monsieur. J'avais envie de prendre l'air et je savais que personne ne me prêterait son balai personnel par un temps pareil.
Le regard de Slughorn se fit compréhensif.
Miss Black, parce que je sais votre famille sérieuse, je veux bien passer l'éponge pour cette fois-ci, mais il n'y aura pas de deuxième chance.
« Sérieuse » ? Mouais. Lors de ses pauses, Bellatrix ne pouvait pas croiser un Né-moldu sans l'attaquer. (Mais il était vrai qu'elle se débrouillait presque toujours pour ne pas se faire prendre).
Par ailleurs, je voulais discuter avec vous. Vous ne me semblez pas très heureuse à Poudlard.
Elle ne nia pas.
Vous comprenez bien qu'en tant que directeur de maison, j'ai le devoir de m'assurer que tous mes protégés vivent au mieux leurs années d'école, continua-t-il avec son sourire paternaliste.
C'est juste que… je ne suis pas très douée en magie.
Elle avait toujours entendu dire que le sang le plus pur amenait la magie la plus puissante. Et elle, galérait. Elle voyait même des Nés-moldus se débrouiller mieux qu'elle. C'était encore ça qui meurtrissait son amour propre.
Si vous saviez le nombre d'élèves que j'ai entendus dire ça… « Douée » ! Comme si le talent était inné et qu'aucun travail n'était nécessaire ! On ne construirait pas des écoles s'il n'y avait rien à améliorer !
Andromeda resta silencieuse.
Votre problème, Miss Black, c'est que vous avez envie de trop bien faire. Vous ne voulez pas échouer. Résultat ? Vous échouez. Vous devez vous détendre. Vous réussissez à faire de la magie à l'extérieur des cours ?
Son regard était inquiet. Si un Cracmol était né chez les Black, il se doutait qu'on l'aurait fait disparaître discrètement. On ne l'aurait jamais envoyée à Poudlard s'il y avait eu un quelconque doute sur ses capacités magiques.
Oui. Même mieux qu'en classe.
Slughorn semblait sincèrement soulagé.
Vous avez peut-être besoin de plus de temps que les autres. Ou juste de plus de calme et de moins de regards braqués sur vous.
Il la laissa partir. Elle soupçonnait le laxisme de Slughorn d'être lié directement à son nom de famille, mais qu'importait : elle se sentait légère. Sa bouffée d'oxygène portait encore ses fruits.
Dehors, la pluie écossaise avait recommencé à tomber, mais elle commençait à lui trouver un certain charme.
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Andromeda tritura ses cheveux devant le miroir de la salle de bain des filles. Rien à faire. Elle abandonna et se fit une queue de cheval. Peu importait la coiffure, elle continuait à ressembler à Bellatrix.
Ce qui, encore un mois plus tôt, avait été une source de fierté lui était devenu insupportable. Même au bout d'un mois, et malgré leur différence de taille, il arrivait encore qu'elle soit méprise pour sa sœur. Ça n'aurait pas dû la déranger. Sauf que les regards des gens qui pensaient qu'elle était Bellatrix étaient pleins de crainte. Et elle ne supportait plus.
Elle ne supportait plus les mini-complots qui se fomentaient dans la Salle commune, les embuscades de Nés-Moldus entre deux cours, les moyens de saboter leurs affaires d'école, ou de harceler le professeur d'Etude des Moldus,… Elle ne voyait aucune relation saine autour d'elle. Les Serpentards les plus âgés se regardaient entre eux à la recherche d'un bon parti. Tout le monde se disait « ami » uniquement parce que leurs parents se fréquentaient. Les amis de Bellatrix disaient des choses affreuses aux rares Sangs-mêlés et (encore plus rares) Nés-moldus qui avaient été répartis à Serpentard. Sans peur de représailles.
Ce qui se disait à Serpentard restait à Serpentard.
La culture de l'entre-soi ne l'avait pas aidée à se faire des amis, mais Andromeda savait que le problème était ailleurs. Son nom et son physique faisaient que les autres élèves la catégorisaient comme Black = méprisante, ou hostile aux non-Sang-purs, ou dangereuse. Et souvent, les trois.
Et malheureusement, elle n'avait pas arrangé les choses. Son ingénuité lui avait joué des tours. Elle ne savait pas que « Sang-de-Bourbe » ne se disait pas en public : elle l'avait toujours entendu prononcé à voix haute, mais dans des cercles où tout le monde s'accordait sur la supériorité du vieux sang sorcier. Elle avait utilisé le mot, sans hostilité, comme un synonyme de « Né-moldu », et s'était attiré, par ignorance, l'hostilité de trois de ses camarades de classe avec qui elle avait pourtant été en bonne voie d'être leur amie.
Résultat… elle était très seule.
Elle avait vraiment l'impression d'avoir raté le coche. Toutes les amitiés qu'elle voyait autour d'elle étaient née du voyage dans le Poudlard Express. Ensuite, la répartition et les emplois du temps avaient renforcé ou effacé ces liens. Elle, était partie de rien et n'arrivait, par conséquent, à rien.
Il fallut presqu'un mois pour que Sirius se rende compte qu'elle ne s'asseyait à table avec sa sœur que parce qu'elle n'avait aucun autre ami à rejoindre. Dès lors, il mit un point d'honneur à venir lui parler et à l'intégrer à son petit groupe d'amis.
Les futurs Maraudeurs n'étaient pas exclusifs, et elle s'entendit extrêmement bien avec Remus, mais elle savait également qu'elle n'était là que parce que Sirius leur avait demandé d'être gentils avec elle. Elle n'aurait jamais intégré leur petit quatuor, jusqu'alors exclusivement masculin, si elle n'avait pas été la cousine de Sirius. Elle, qui se méfiait désormais des liens familiaux teintés de favoritisme, fut heureuse de pouvoir en profiter. Car par le biais de Sirius, elle rencontra Lily Evans, Alice Eyre et un certain nombre d'élèves de deuxième année de Gryffondor. Avec leur aide et parallèlement à ses progrès en magie, elle prit confiance en elle
Et à partir du moment où elle eut ces nouvelles fréquentations, l'attitude de ses camarades de première année non-Serpentard se fit moins froide. Ils avaient enfin la preuve qu'elle n'était pas tout à fait la mini-Bellatrix qu'on attendait. Dès lors, elle vécut mieux ses heures de cours et se lia même d'amitié avec Bérénice Brown, une Serdaigle un peu esseulée elle aussi.
Bérénice était la seule à qui elle pouvait parler de son mal-être.
Tout était plus simple avant Poudlard…
Plus simple ?
Rien ne remettait les règles en cause. On ne sortait pas de la maison sans chaperon sorcier, parce qu'il était dangereux qu'on fasse de la magie involontaire devant les Moldus. Rien dans notre monde fermé ne contredisait jamais ma mère. A part peut-être mon cousin Sirius, mais il n'était jamais présenté comme un modèle…
Bérénice aussi venait d'une famille de Sang-purs, mais elle ne souffrait pas de la situation comme Andromeda : elle, avait une famille ouverte d'esprit. Andromeda n'en fut pas surprise : si elles ne s'étaient presque jamais rencontrées étant jeunes, c'était bien que sa famille ne correspondait pas tout à fait à l'idée que les Black se faisaient d'une respectable famille de sorciers.
Elles passaient beaucoup de temps à bouquiner à la bibliothèque, et c'est là qu'Andromeda recroisa le plus souvent le garçon qui l'avait aidé sur le terrain de Quidditch.
- Tu sais comment il s'appelle ?
- Qui ? Le Poufsouffle ? Ted Tonks. C'est un troisième année.
Jusqu'alors, Andromeda avait cru comprendre, par les discours de sa sœur, que « Poufsouffle » était synonyme de « simplet ». Après cela, elle le prit pour synonyme de « studieux ». Après tout, la Chanson du Choixpeau avait parlé de belles valeurs humaines comme la loyauté et la franchise. Des choses dont son propre milieu manquait. Elle n'avait donc aucune raison de mépriser la maison d'Helga Poufsouffle, qui avait été, selon le professeur Binns, « une sacrée bonne femme ».
Elle se surprit à observer le garçon au lieu de relire ses notes de Potions. Elle lui trouvait un air assez doux quand il lisait. Ses cheveux blonds encombraient ses yeux mais ça ne semblait pas le gêner.
A un moment, il releva les yeux du livre pour répondre à la question d'un de ses amis. Il croisa son regard et sourit en la reconnaissant. Elle lui sourit en réponse et se cacha derrière son livre.
- Trop vieux, grommela Bérénice.
- Quoi ? chuchota-t-elle.
- Trop vieux… répéta-t-elle.
Andromeda n'insista pas.
L'âge aurait peu importé si son nom avait figuré dans la liste des Vingt-Huit Sacrées (les familles de sorciers les plus anciennes), qu'elle connaissait par cœur. Mais elle savait qu'il n'y était pas. Ni là, ni dans aucun des registres postérieurs. Dommage.
A chaque fois qu'elle le revit, Ted était toujours très entouré. Elle n'en fut pas étonnée. Il y avait quelque chose de très attachant dans sa serviabilité et ses sourires. Même à distance, il l'attirait.
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Jusque-là, Andromeda n'avait pas fait de vagues. Elle ne disait rien quand elle entendait les Serpentards dire des mots affreux sur ses camarades, elle ne disait rien quand sa sœur et ses amis sortaient de l'école en pleine nuit, mais alors qu'avril approchait, Bellatrix et sa bande se sentaient pousser des ailes et menait des attentats de plus en plus dangereux contre les Nés-moldus.
Elle réagit, quand la farce du jour fut l'envoi de colis piégés avec diverses substances corrosives (pus de Bubobulb et doxycide, l'apprit-elle ensuite). Plusieurs élèves en furent aspergés et coururent à l'infirmerie.
Bellatrix souriait tellement qu'Andromeda comprit qui avait eu l'idée.
- C'est toi qui a fait ça ?
- Ça te dérange ?
Son regard était dédaigneux. Leur relation s'était légèrement détériorée depuis les dernières vacances : Andromeda ne se montrait pas la sœur docile, et enthousiaste pour la cause hémocathariste, que Bella avait espérée.
Andromeda savait qu'elle était en terrain dangereux. Elle s'efforça de ne pas lancer de regard vers la table des Poufsouffle. Elle avait seulement vu un des amis de Ted Tonks l'aider à se lever et le guider jusqu'à Mrs Pomfresh : quoi que son colis ait contenu, ça avait atteint ses yeux.
- Tu as pensé à leurs voisins de table ? Ça peut être des Sang-purs!
- Aucun Sang-pur digne de ce nom ne s'assirait à côté d'un Sang-de-Bourbe, répliqua sa sœur.
Et elle lui tourna le dos pour commenter la scène avec Lucius Malefoy.
Andromeda regarda vers la table des professeurs. Elle sentait que ni Dumbledore ni les autres n'avaient de doute sur qui était responsable, mais qu'ils ne pouvaient qu'annoncer l'ouverture d'une enquête.
Andromeda savait très bien que la justice magique ne pourrait rien prouver et que Bella s'en sortirait, blanche comme neige. Mais aux yeux de son petit cercle, elle en sortirait grandie. Rodolphus l'adulait déjà et Andromeda craignait qu'il ne soit pas le seul à se laisser gagner par les idées de Grindelwald et de ce nouveau mage, Voldemort.
Son regard inquiet croisa celui de Sirius. Il était en train d'envelopper les mains de Mary MacDonald avec des serviettes imbibées d'eau.
Ils se comprirent immédiatement.
Ils n'étaient peut-être que deux, mais ils étaient la preuve que porter le nom Black n'était pas une malédiction. Les partitions étaient peut-être distribuées d'avance, mais l'interprétation des rôles ne dépendait que d'eux.
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Note : par rapport à Odd times, j'ai rectifié la chronologie, en redonnant aux sœurs Black l'ordre que JKRowling a révélé sur Pottermore. J'espère que vous me suivrez pour ce retour en 7 parties à l'époque des Maraudeurs 😊
