La première étape de ma nouvelle mort

Je suis morte.

Bah, il faut bien mourir un jour. Mais bon, là, j'aurais aimé que ça arrive plus tard.

En plus je ne m'y attendais pas du tout : j'étais en bonne santé, prudente, je rentrais toujours avant que les toxicos de la rue sortent dehors. Elle m'a vraiment fait peur la mort.

Enfin bon, ce qui est fait est fait, on ne va pas revenir en arrière, on ne peut pas revenir en arrière. Tout ce qu'on peut faire c'est allé de l'avant. Le temps ne nous laisse pas le choix.

Ce que j'espère juste, c'est que je ne vais pas causer trop de tristesse à ma famille et à mes amis. Je ne sais pas comment ils vont réagir face à ma mort, je serrais curieuse de voir leur réactions.

Je m'appelle Lola et j'ai – enfin j'ai et j'aurais toujours – 16 ans.

-Quoi ? J'avais entendu une voix.

-Comment es-tu morte ?

Je savais bien que j'avais entendu une voix.

Et bien je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, c'est confus et assez étrange. J'étais là, puis après ici, et encore après, le néant. Rien. Vraiment, rien. Puis maintenant je suis ici. Maintenant. Ou alors non.

Quel jour sommes nous ? Quelle heure est-il ?

Pas de réponse.

Devant moi, plein de petits points lumineux, puis un gros caillou.

Je volais dans le rien, j'étais en lévitation au dessus du vide interstellaire. Au dessus, en dessous, à droite, à gauche, partout, pleins de petites lucioles. L'espace, l'univers, l'infini.

Voilà où j'étais. Je volais, passant à coté d'astéroïdes, de planètes toutes aussi étranges les unes que les autres. Des gazeuses, des nébuleuses… bref la totale.

Me dirigeant seule, toujours seule, dans de l'infini. Je faisais quelques mouvements de natation pour essayer d'avancer, mais hélas je ne bougeais que très peu. Au loin je vis, une, deux, trois … Un nombre incalculable de lumière en forme de néon, des grandes barres, suspendues, comme ça. Puis une fille qui sautait sur ces barres.

Cette fille c'était moi. Une moi qui saute sur des barres lumineuses en plein dans l'espace. Normal.

Je, enfin l'autre moi, n'arrêtait pas de sauter, de se suspendre aux barres. Sans s'arrêter. Je la regardais, comme si tout était normal. Puis, je vis derrière elle, derrière cette forêt de néons fluoresçant, la Terre. Immense planète bleue qui prenait la quasi-totalité de mon champ visuel. Comment avait-elle fait pour la rater celle-là ? Aucune idée, mais elle l'avait raté.

Je voulais voir la Terre de plus près, c'est d'ailleurs pour cela que j'entamai la traversé de la forêt. Une fois arrivé de l'autre côté du bois suspendu, l'autre moi arrêta de bouger et me fixa.

-Hé toi ! m'interpela l'autre moi. Moi je sais comment tu es morte ! Tu veux savoir ?

Je la regardais, intriguée.

Comment pouvait-elle savoir la façon dont j'étais morte, puisque, premièrement, elle est loin de pouvoir voir se qui se passe sur la terre et, secundo, si elle, c'est moi, et que moi-même je ne sais pas la façon dont je suis morte, comment l'autre moi pouvait savoir cela ? Puisque elle, c'est moi ?

Bref, je lui répondis après un certain temps de réflexion, que son sois disant savoir m'intéressait. De toute façon je n'avais rien à perdre.

-Et bien, tu étais là, fit-elle en plissant les yeux comme pour se souvenir de la scène, puis… ensuite, tu n'y étais plus, et maintenant tu es là, fini t-elle par dire, triomphante.

J'en étais sûre. Je savais que ça c'était passé comme ça. Je ne sais pas qui était cette fille – enfin si c'est moi – mais elle était très douée, et au courant de beaucoup de chose.

-Ça doit être la commère de l'espace, pensais-je.

Je la remerciais pour ces précieuses informations, et vins m'assoir sur le néon près d'elle. On était bien moi et moi en face de la Terre, assises au dessus de l'espace.

-Dis, je voulais savoir, demandais-je, est ce que c'est le paradis ici ?

Elle rigola un instant. Puis me répondit que si c'était le paradis ici, c'était bien moche. Ou alors nous avons une conception du paradis différente.

-De plus tu n'es pas croyante, donc il n'y a pas vraiment de paradis pour toi. C'est dommage, mais ça veut également dire qu'il n'y a pas d'enfer. Donc à part si tu es S.M. c'est plutôt une bonne nouvelle.

Je ne compris pas ce que voulais dire mon clone, et bizarrement je ne cherchais pas à en savoir plus à se sujet. Il y avait des choses plus importantes que les Salles à Manger…

-Donc les non-croyants sont condamnés à errer éternellement dans l'univers ?

-Non, me dit-elle, ici c'est juste une étape de la mort.

-Ah bon, répondis-je soudain intéressée, et il y a quoi ensuite alors ?

-La mort.

Silence.

Long silence.

Puis, rien.

Enfin, plus rien.

Juste une humaine, qui avec une feuille et un crayon m'a raconté un bout de la mort.