Avançant sur la vielle route malmenée par le temps, la petite voiture laissait la musique de Placebo combler le silence de la campagne vierge par les vitres ouvertes en grand, , en direction du village natale du conducteur.

Ce dernier serrait entre ses doigts où si souvent le sang coulé le liquide vermeille le volant où il tapa du poing en poussant un juron, arrêtant brusquement le véhicule avant de se prendre le visage entre les mains. Ses bras tremblaient. De rage ? Ou bien de tristesse, cette mélancolie immense qui nous prends aux tripes et qui nous fait hurler à la perte d'un être cher.

La même qui le fit crier « Putain ! Bordel de merde ! » et laissant sa voix se perdre dans la solitude de la plaine environnante, encore loin d'êtres humains qui pourraient entendre le tueur et son immense douleur.

Il reprit sa respiration, laissant son souffle se calmer peu à peu.

Il était bien rare de voir des perles salées rouler sur les joues du cinéphile, mais il ne pouvait les empêcher de sortir.

A chaque fois qu'une larme glissait sur sa blessure, cette dernière lui rappelant l'affreux souvenir du couteau qui après avoir coupé son visage avait ôté la vie à la seule en ce monde capable de le comprendre réellement.

Du moins, il le pensait.

Tous les souvenirs des moments passés avec l'assistant lui revenaient en mémoire.

Il se rappelait de sa première rencontre avec le jeune homme dont les yeux bruns, derrière ses lunettes, l'avait regardé, sans aucune crainte, pourtant en risque de mort certaine.

L'assurance étonnante avec laquelle il avait trahi ses frères d'armes.

Ses réactions parfois enfantine et presque attendrissante.

Mais surtout la folie vraiment effrayante, cette clarté meurtrière qui brillait dans les orbes bruns quand il frappait un homme à mort ou tirait sur un enfant encore innocent.

La même clarté qui avait voilé ses yeux quand, dans un souffle, il lui murmura ce qui fut ses derniers mots.

Et il avait raison.

Il fallait au moins être un monstre pour tuer l'homme qu'on aimait.

Il était comme lui.

Après que le calme soit revenu, la voiture redémarra et dans l'autoradio, l'album Meds se remit en route et laissa les dernières paroles résonner dans la voiture et son propriétaire chanter.

« It's a song to say goodbye… »