Voix : William ! attention !

Je sursautais lorsque j'entendis le prénom de mon fils prononcé par la voix de son jumeau… J'aurais reconnu cette voix entre mille… Une voix que je croyais ne plus jamais entendre de ma vie.

Je m'élançais hors de la cuisine en direction du salon, je me tins devant le canapé, les oreilles grandes ouvertes, les yeux scrutant le moindre recoin, à la recherche du plus infime des indices. Rien … Je devais avoir rêvé … Je faisais d'ailleurs depuis un moment des rêves étranges, tous liés à mon ancienne vie dans le monde parallèle. Je pensais que c'était dû au fait que ça faisait maintenant 5 ans que j'étais revenue ici avec Ianto. Cinq années … Ils avaient maintenant 19 ans… C'étaient des hommes désormais…

Dans mes rêves, ils m'apparaissaient toujours sous l'apparence d'ados de 14 ans, tels que je les avais « abandonnés »… Je les voyais mener une vie tranquille, loin des problèmes de Torchwood, de la faille et des aliens… Mais je savais pertinemment que c'était faux…. Comment peut-on vivre une vie « normale » lorsqu'on était depuis sa plus tendre enfance au contact de l'étrange et du surnaturel … et que l'on avait été confié aux bons soins du Capitaine Jack Harkness et de John Smith.

Eliot : William ! Par là …

Je me retournais vers la salle à manger d'où semblait venir la voix… Je m'approchais lentement de la table centrale… Rien … Que m'arrivait-il ? J'entendais des voix … Je devenais folle ?

William : Eliot ! Non ... à gauche ! Couche-toi !

Je sentis une brûlure sur ma joue droite, puis une impression d'humidité et de quelque chose qui coulait … Je portai ma main à mon visage, elle rencontra une substance visqueuse. Je regardais alors ce qui se trouvait sur mes doigts et y vis avec horreur que c'était du sang… mon sang … Je me dirigeai alors vers la salle de bain et regardai dans le miroir. J'y vis une coupure nette allant de ma pommette à la naissance de mon oreille et du sang qui s'en s'écoulait. Ce n'était qu'une blessure superficielle… J'y appuyai une serviette quelques instants et le sang s'arrêta de couler. J'étais totalement décomposée… Comment cette blessure m'avait-elle été faite ? Mes jambes tremblaient d'elles-mêmes, mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, ma tête me faisait mal … Tout devint trouble et je m'effondrais sur le carrelage.

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Ianto : Maud ! Maud ! Réveille-toi !
Maud : Hummm…
Ianto : Maud !
Maud : Ianto ?
Ianto : Oui, c'est moi … Oh mon Dieu, tu m'as fait une de ces peurs… Que t'es t-il arrivé ?
Maud : Je.. je.. je ne me rappelle pas …

Je voulus me relever, mais sans doute était-ce trop tôt, car une douleur foudroyante me transperça la tête. Pire que la plus douloureuse des migraines. Je me tins les tempes des deux mains, les massant pour tenter de faire disparaître le mal, sans succès.

Maud : Ma tête …
Ianto : Ne bouge pas, je vais te chercher des dolipranes.

Il me reposa au sol ayant pris soin de glisser une serviette éponge sous ma tête. Il se releva et ouvrit l'armoire à pharmacie dans laquelle il trouva un tube de cachets effervescents. Il attrapa un des deux verres qui se trouvaient sur le rebord du lavabo, le remplit d'eau et y fit tomber deux cachets. Lorsque le bruit familier de leur décomposition s'arrêta, Ianto approcha le verre de mes lèvres et le pencha afin que je puisse le boire.

Maud : Merci.
Ianto : Tu peux te lever ?
Maud : Je crois…
Ianto : Accroche-toi, je t'emmène dans la chambre, tu dois te reposer.

Il passa un bras sous le mien et m'aida à me mettre sur mes pieds. Mes jambes étaient toujours faibles, mais nous parvînmes jusqu'à la chambre. Je m'assis sur le bord du lit, comateuse. Ianto défit la couette et je me couchais. Il s'accroupit à mes cotés, caressant mes cheveux. Je ne mis pas cinq minutes à m'endormir. Je ne sais combien de temps il resta à me veiller, mais lorsque je me réveillais en sursaut, il fut aussitôt près de moi.

Ianto : Qu'y a t-il ?

J'avais les yeux dans le vague, je tremblais comme une feuille et j'avais des larmes qui coulaient d'elles-mêmes sur mon visage. Je ne pus dire qu'une seule chose.

Maud : Les enfants …

Ianto me regarda, incrédule, mais il ne mit pas longtemps à comprendre de qui je parlais. Nous n'avions pas d'enfants dans ce monde, bien que depuis notre « retour », nous avions essayé d'en avoir, mais sans succès…

Ianto : Tu .. tu veux parler de William et Eliot ?
Maud : Ils sont en danger…

Tout redevint noir et je m'effondrais sur l'oreiller.

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Lorsque je me réveillais, j'étais seule dans la pièce. Une voix me parvenait du fond du couloir, indistincte, comme si on murmurait. Je me levais difficilement, mais au moins la douleur dans ma tête semblait avoir disparue.

Je m'aidais des meubles et des murs pour me déplacer jusqu'à l'entrée du salon dans lequel je découvris Ianto au téléphone.

Ianto : Oui… Elle a parlé des enfants … Non… Elle semblait désespérée… Elle a dit « ils sont en danger ». ça m'inquiète… ça avait l'air si réel … Un mauvais rêve ? … Tu crois ? Oui… Ok… Je te tiens au courant…
Maud : Ianto ?

Il se retourna, comme pris en faute. Il reposa le téléphone dans son support et s'approcha de moi.

Ianto : Maud … Tu devrais te reposer …
Maud : ça va mieux, je n'ai plus de migraine, je me sens juste un peu faible… à qui tu parlais ?
Ianto : Heu … à Gwen…
Maud : Pourquoi tu l'as appelée ?
Ianto : Je m'inquiétais… Et comme maintenant il n'y a plus qu'elle avec qui je peux discuter de ces choses-là .. Depuis …
Maud : Oui … Depuis …

Nous nous regardâmes silencieusement. Nous avions toujours du mal à croire que c'était arrivé et pourtant c'était arrivé. Le Ianto de ce monde était mort, Jack s'était envolé Dieu seul savait où - je me demandais même si « Dieu » le savait vraiment -, Gwen et Rhys s'étaient installés avec leur fille dans la banlieue de Cardiff, loin des souvenirs douloureux et nous, nous étions retournés « chez moi », en France, près de la ville dans laquelle j'avais grandi. Plus rien ne nous retenant là-bas.

William : Eliooooooooooot !

Maud : Tu as entendu ?
Ianto : Quoi ?
Maud : C'était William…
Ianto : William ? Mais ..
Maud : Je me rappelle, je les ai déjà entendus avant … Avant de m'évanouir… Quand …

Je portais ma main à mon visage, la blessure était toujours là… Mais avant que je puisse ajouter autre chose, je fus projetée contre le mur au bas duquel je m'effondrais, inconsciente.

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Des bips continus résonnaient dans ma tête… Ça me rendait dingue… Tout comme l'odeur particulièrement désagréable que j'avais pourtant l'habitude de sentir quand j'allais voir ma mère au laboratoire de l'hôpital dans lequel elle travaillait.

J'ouvris lentement les paupières… Il faisait sombre dans la pièce… Seul un filet lumineux provenant de la porte entrouverte me permettait de voir que j'étais allongée dans un lit d'hôpital, branchée à des machines et à des perfusions qui pendaient au-dessus de moi …

« Oh… non, ça va pas recommencer … » me dis-je lorsque la porte s'ouvrit, laissant apparaître un homme en blouse blanche. Lorsqu'il vit que j'étais réveillée, il se retourna vers la porte.

Médecin : Monsieur Jones ! Votre femme s'est réveillée !

Un sentiment de soulagement m'envahit. J'étais toujours « chez moi » … Ianto passa la porte et vint se positionner à mes cotés, tandis que le médecin se plaçait en face et regardait mon dossier.

Médecin : Bon, et bien, Mme Jones… Comment vous sentez vous ?
Maud : Comme si j'avais été écrasée par un camion.
Médecin : Par un camion, je sais pas… Mais vous avez des blessures qui auraient pu être provoquées par une chute de plusieurs mètres de haut. Pourtant, d'après ce que nous a dit votre mari, vous n'êtes tombée que de votre hauteur… Et mis à part deux côtes fêlées et des bleus sur tout le corps, vous n'avez pas d'autres blessures internes, ce qui tient du miracle…
Ianto : Elle peut sortir quand ?
Médecin : Je la garde en observation cette nuit, vous pourrez la ramener chez vous demain en fin de matinée si les résultats sont bons.
Ianto : Merci Docteur…

Docteur … C'était étrange, il y avait longtemps que je n'avais pas pensé à lui, à ce Docteur si unique en son genre. Des années pour être honnête. Je l'avais attendu longtemps… Mais maintenant que j'étais mariée, que j'avais une vie, un travail, des amis… J'avoue que la routine quotidienne avait pris le pas sur mes envies de voyages, d'aventures et de danger… J'en étais même arrivée à prendre mes distances avec celle avec qui j'avais tant partagé… Virtuellement et en sa compagnie. J'avais honte de m'être éloignée d'elle…Mais après ce qui s'était passé en juillet 2009, je crois que tout le monde avait choisi inconsciemment ou volontairement de prendre ses distances avec ce qui pouvait lui rappeler ce tragique moment. J'avais plusieurs fois hésité à reprendre contact avec elle, mais à chaque fois je restais tétanisée, le téléphone à la main, incapable de composer le numéro.

Je me demandais souvent si elle avait continué à voyager avec lui, si Willy avait partagé certaines de ses aventures, il devait être assez grand maintenant pour les accompagner, il devait avoir … 14 ans ? Et le Docteur ? Etait-il seulement encore en vie ? Avait-il encore la même apparence ? S'était-il régénéré ? Si ça se trouvait, je l'avais croisé dans les rues sans le reconnaître… Cette idée m'attrista.

Ianto : Maud ?
Maud : Oui ?
Ianto : Tu semblais ailleurs …
Maud : Je repensais à certaines personnes …
Ianto : Qui ?

Je le regardais dans les yeux et lui répondis tandis qu'une larme coulait sur ma joue…

Maud : Le Docteur et Isabelle .

Il me prit dans ses bras. Sa chaleur me réconforta immédiatement. De son pouce il essuya ma joue et y déposa un baiser.

Ianto : Il faut que je te laisse, les heures de visites sont terminées… Je reviens te chercher demain… On parlera de ce qui s'est passé… Mais là maintenant, il faut que tu te reposes. Je t'aime.
Maud : Tu ne peux pas rester encore un peu ?
Ianto : Tu sais comment sont les hôpitaux… L'heure c'est l'heure. Je serai là demain dès 9h.
Maud : Je t'aime.

Il se dirigea vers la porte et sortit tout en me lançant un dernier regard. Le vide créé par son départ commençait à devenir angoissant. Je me tassais le plus possible au fond du lit, relevai le drap et les couvertures jusqu'à me cacher le visage jusqu'au nez et fermai les yeux…

Une grande salle se dressait devant moi, complètement ravagée par ce qui devait avoir été une explosion… Devant moi se dressaient les restes d'un gros conduit cylindrique transparent qui me semblait familier, sans pour autant pouvoir le reconnaître. Sur ma droite un escalier encombré de gravats, des câbles pendaient de partout et des étincelles sortaient des fils coupés. Un râle suffocant s'éleva sur ma gauche… Mon regard accrocha une forme qui bougea afin de s'extraire de sous une poutre métallique. Il avait réussi à se relever et balayait la pièce du regard… Sans me voir apparemment … Lorsque la poussière disparut, je pus distinguer ses vêtements… Je n'en crus pas mes yeux… C'était lui… Aucun doute possible… Ce manteau … Mes soupçons furent confirmés lorsqu'une étincelle éclaira son visage… j'ouvris la bouche et hurlai: « Jack ! »

Je m'éveillais en sueur, essoufflée, morte de trouille. Devant moi une silhouette sombre se détachait du mur à la lueur des rayons de la lune traversant les stores à moitié fermés.

Voix : Hello ma belle !