Chapitre 1 : Là où tout commence
Dehors, le ciel était noir. La rue, désertée de tout être vivant, excepté peut être ce chat errant, cherchant un abri pour la nuit. Dans l'appartement, la télévision fonctionnait, débitant sur un ton monocorde les tragédies du jour. Assise dans le canapé, une jeune femme lisait un livre. Sur le guéridon, un verre d'eau posé sur une feuille de papier à moitié déchirée. Sur la table de la salle à manger, un repas froid. Tout dans l'appartement était statique, comme suspendu dans le temps. La main de la jeune femme se souleva, lentement pour finir près du verre. Ses doigts effleurèrent à peine le bord du verre qu'un énorme bruit brisa le silence quasi-religieux. Elle cilla, sans plus. La femme porta le verre à ses lèvres et but une gorgée. Un homme entra dans la pièce.
« Pourquoi
n'es-tu pas couchée ? »
Elle
ne lui répondit pas. Elle ferma son livre, éteignit la
télévision, reposa son verre sur la table dressée
et se dirigea vers l'escalier.
« Kaori ? »
La
jeune femme ne se retourna pas. Une fois qu'il entendit le bruit
d'une porte qui se ferme, il soupira. D'un soupir à fendre
une âme.
Il
enleva sa veste trouée et ensanglantée et fit mine de
la déposer sur le canapé. Mais il se ravisa. Si il le
faisait, Kaori risquait de le trucider. Il le pendit donc sur le
porte-manteau, endroit stratégique, car sa partenaire y avait
placé des journaux, pour ne pas devoir toujours nettoyer.
Ryô
souleva le couvercle de la soupière et huma la bonne odeur de
bouillon. Hélas, c'était froid, comme tout le repas
d'ailleurs.
'Elle
m'attendait encore une fois
Seule,
sans personne à qui parler
… Mais
le jour où je serais tué
Qui
donc reviendra vers toi ?'
Il se mit à tout ranger, se disant que demain, il sera là, avec elle. Ryô regarda l'horloge murale. 01h00. Elle avait passé toute la nuit à veiller. Et si un jour elle se lassait ? Et si un jour, un soir, elle décidait de partir, loin d'ici … et de lui. Il ne survivrait pas. Le nettoyeur voulut fermer la lampe, mais découvrit le papier. Intrigué, il le prit et lu :
'16h30, Café del Ricoletta, table 11, Z.A.'
Un
client. Kaori avait du passé à la gare. Z.A. Homme,
femme ? Et puis, c'était quoi ce café ? Un
bar mafieux ? Il n'en avait jamais entendu parlé. Il
fronça les sourcils. Un piège peut-être.
Il
leva les yeux vers la porte close de la chambre de Kaori.
Dormait-elle vraiment ? A quoi, à qui, rêvait-elle
cette nuit ? Etait-ce un cauchemar ? Il se massa la nuque.
La nuit avait été longue, plus longue que prévue
… et plus dangereuse.
Ryô
finit par monter l'escalier et entrer dans sa chambre. Il se
déshabilla, machinalement. Laissant traîner ses
vêtements et sous-vêtements un peux partout dans la
pièce. Car demain, comme d'habitude, elle viendrait le
réveiller. Et comme d'habitude, il le serait bien avant elle
…
« Ryô ! Lève-toi. Kya ! Et habille-toi quand je viens te réveiller ! »
Elle
referma la porte rageusement. Une fois qu'il entendit ses pas se
diriger vers la cuisine, Ryô se dégagea du trou créé
par la massue 100 pudeur et s'habilla. Comme chaque matin, avant
même de le réveiller, elle avait plier et ranger ses
vêtements. Ainsi, elle était sûre qu'il
s'habillait avec des vêtements différents chaque
jours. Les femmes et leurs notions d'hygiènes …encore que
puer le sang et la racaille, il n'appréciait pas trop.
Il
descendit prendre son petit déjeuner. Kaori lui avait préparé
un plat de charcuterie, de poisson, de laitue et autres petites
choses qui lui firent monter l'eau à la bouche.
Ryô
finit par s'asseoir, vite rejoint par sa partenaire, une tasse de
thé à la main. Elle ne lui laissa pas le temps
d'enfourner son sandwich.
« Tu
as remarqué que nous avons, enfin, un nouveau client. »
« C'est
un mec. Je prends p… »
« Tu
n'as pas le choix. Je t'oblige à le prendre. Nous avons
grandement besoin d'argents. La banque ne veux plus nous faire
crédits et l'épicier ne veux plus me voir tant que je
n'aurais pas réglé la facture. »
« Demande
à Umibôzu et Miki de te prêter un peu d'argent. »
Un
seul regard lui suffit. Kaori n'était pas d'humeur à
plaisanter. Il irait donc à ce rendez-vous, de gré ou
de force.« Et
je viens avec toi bien sûr. Je n'ai aucune envie de te voir
te défiler . »
Elle
vida sa tasse dans l'évier et sortit sur le balcon, faire
sécher le linge. Ryô fut étonné. Kaori
n'avait plus confiance en lui ? Croyait-elle vraiment qu'il
ferait une telle chose ? Il haussa les épaules et mangea
de tout son soûl.
« Café
del Ricoletta, c'est ici, pas de doute. »
Ryô
fit la grimace. C'était le genre de bar qu'il détestait.
Des hommes d'affaires, rien que des hommes. Pas une femme. Sauf
peut être la vieille, derrière le comptoir. Mais il
préférait nettement celle du café d'à
coté, avec une jupe si courte et si moulante. Avec une paire
de jambes …
« Gargl ». »
« Ryô,
ce n'est pas le moment, tu veux ? Après le rendez-vous,
si vraiment tu ne tiens plus, mais pas avant. »
Il
ne répondit pas. Une fois à l'intérieur, il se
sentit presque mal. Pas une seule jolie serveuse.
D'
un pas décidé, Kaori alla chez la vieille et demanda :
« La
table 11, s'il vous plait. »
La
vieille la regarda par dessus ses lunettes. Un sourire découvrit
ses dents jaunes mais pourtant parfaites.
« Vous
ne devez pas le connaître. A droite, au fond. Près du
bonzaï. »
Kaori la remercia et fonça vers la table. Ryô eu du mal à tenir debout, vu qu'elle l'étranglait, mais il ne s'étala pas. La jeune femme s'arrêta soudain et il buta sur elle. Elle tendit la main et la posa sur l'élégante épaule de l'homme.
« Vous
êtes Z.A ? Notre client ? »
L'homme
se retourna et fixa Kaori. Elle suspendit son souffle. Il était
beau comme un dieu. Sa peau était lisse, sans une seule
imperfection et halée par le soleil. Sa bouche était ni
trop petite ni trop grande, avec des lèvres sensuelles. Ses
cheveux, mi-longs, étaient attachés en catogan,
laissant deux trois mèches acajou danser sur son front. Et ses
yeux … Elle n'en avait jamais vu d'aussi bleu, d'aussi
profonds.
Il
sourit, découvrant des dents blanches et nacrées. D'une
voix basse et profondes, il répondit :
« Si.
Et vous, vous devez être ma, oh combien charmante, garde du
corps. »
