Disclaimer: Rien ne m'appartient
"J'aime bien les histoires qui finissent mal. Ce sont les plus belles, car se sont celles qui ressemblent le plus à la vie." Pierre Desproges
Tragédie
Triste histoire que celle de Roméo et Juliette, nulle n'est d'ailleurs plus tragique selon Shakespeare, mais c'était parce qu'il ne connaissait pas la leur. Il ignorait tout de la lente agonie d'un amour né de non-dits, vivant dans le silence et tué par la vie. Mais eux le savent, eux y assistent à chaque jour, à la tragédie de leur existence.
Assis face à l'instrument, il laisse ses doigts se déplacer sur les touches. Noire. Blanche. Noire. Blanche. Blanche. Blanche. Noire… mais aucun son ne vient. Il joue la mélodie du silence, la douce complainte de l'existence. Celle qui pèse lourd et qui vous étouffe. Celle qui vous tue à petit feu et ne laisse de vous que des cendres grises et froides emportées par le moindre vent. Et s'envolent les notes comme cette poussière de misère. Et flotte la musique de leurs sentiments inavoués, le berçant dans sa douleur.
Et soudain, le bruit éclate. Son indexe a appuyé. Puis les autres suivent et peu à peu, la pièce s'emplit d'une amère litanie. Celle des rêves déçus et des espoirs vains. Et ils dansent, et ils tourbillonnent autour de lui, les regrets et les souvenirs. Ils l'encerclent… ils l'étouffent. Mais lui, il y tient à ce chagrin qui envahit chaque recoin de son appartement, chaque seconde de sa vie. Car avec lui, il ne peut oublier. Car avec lui, Elle est toujours à ces côtés.
Son sourire et ses regards. Ses gestes et ses mots. Ses cheveux et sa peau. Le goût de ses lèvres et celui de ses larmes. L'écho de son rire et la force de sa voix… tant d'Elle qui s'efface peu à peu. Il craint que ne s'estompe son image si sa peine cesse, car ainsi fut leur vie : ils se connurent suite à une perte, se rapprochèrent dans la douleur et se quittèrent dans le déchirement. Ainsi s'aimaient-ils, dans la rage et le chagrin, quand il ne leur restait plus rien que l'autre pour les sauver. Ils s'accrochèrent l'un à l'autre comme la feuille morte se retient à la branche pour ne pas trépasser, comme le vieillard serre une main pour se sentir vivant.
Le piano pleure sous ses doigts, hurle une douleur qui n'est pas sienne, celle du pianiste. Il agonise et se lamente en chantant sa douce complainte qui se pose comme un baume sur l'âme de cet amant malheureux. Et, peu à peu, le chagrin du musicien se joint à celui de l'instrument. Et les larmes coulent. Silencieuses. Mais il ne les remarque pas.
Ses joues sont humides. Les touches sont noyées et déteignent sur les notes qui s'envolent. Toujours tendre, toujours déchirante, toujours tragique, la mélodie résonne et la mélancolie lui fait écho. Et il joue, il se vide sur l'instrument de tous ses tourments. Celui avec lequel tout a commencé. Celui sur lequel ils s'étaient trouvés. Et lorsqu'il joue, elle est là. Son rire éclate au travers de la gamme. Son visage se dessine dans la musique. Alors il joue, pour ne pas oublier, pour se souvenir de ce qui n'est pas. Alors il laisse ses doigts courir, voler sur les touches bicolores parce qu'elle l'aurait fait et que c'est tout ce qu'il reste à faire, écouter le piano pleurer.
On dit que nulle histoire n'est plus tragique que celle de Roméo et Juliette. On dit que nul amour n'est plus fort que celui de Jack et Rose. On dit que la douleur passe et que l'amour vient à bout de tout. Et cela fait rire ceux qui les connaissent, car ils savent que ce ne sont que des « on dit ». Car ils savent que peu importe les rumeurs et les croyances, la tragédie est bien plus forte que ce que l'on en dit.
Hello les gens, vous venez de lire (si vous en avez eu le courage) un OS qui trainé dans mes tiroirs depuis un certain temps déjà.
J'espère qu'il vous aura plus.
Lari
