Prologue
J'avançais dans une de ces rues bondées de monde, exaspéré rien qu'à l'idée de savoir que la distance qu'il me reste à parcourir était plus que longue. Les mains dans les poches de mon jean slim, je reluquais chaque personne, celles qui s'attardaient devant moi, que je dépassais, qui me bousculaient, qui m'observaient avec insistance. Était ce par mon allure de rockeur que j'attirais les regards ? Hommes, femmes mais surtout de pauvres pucelles - vu leur timidité flagrante - qui ne cessaient pas de chuchoter en me jetant un regard par ci, par là et ainsi de suite … Arrêté au passage piéton, je souriais sans porter mes yeux vers une personne en particulier. Quelques gémissements vinrent frôler mon oreille. Elles ne cessaient de piailler à qui voulait bien l'entendre des « Hannn ! Il est trop beau » … Le feu repassa au vert, ces trois écervelés me suivaient, toujours aussi bruyantes … Si elles savaient … Avec quelques années de plus, ces petites excités auraient pus faire de parfaites exhibitionnistes, pour rester dans un minimum d'élégance niveau langage. Une à une, elles se seraient dévêtis lentement, mutuellement, sensuellement devant une foule de clients prêts à tout pour pourvoir faire taire une once du plaisir sexuel qui les animeraient. Droguées, elles auraient pu faire tourner un marché de quelques jours avant de finir dans un hôpital, pour tenter de survivre à une douleur infligée lors d'innombrables séances de pratique physique … J'accélérais le pas et finis par les semer, j'avais autre chose en tête pour l'heure …
Je n'étais qu'à mi-chemin. Je m'étais retrouvé devant l'un des plus grand cimetière de la ville, j'en souriais béatement en continuant ma marche. Pendant quelques secondes, mes yeux se rivèrent sur les pierres tombales, je fus plongé dans mes pensées et quelques images me revinrent en tête. Des images que mon subconscient me projetait à longueur de temps, avec un malin plaisir. Etrange ? C'était le moins que l'on puisse dire. Débauche, perversité, sadisme, sexe, des domaines que j'avais côtoyé et qui me hantaient toujours.
Cette journée qui avait changé ma vie et dont chaque détails avaient imprégnés mon esprit. « o8 avril 2oo6, enfermé dans cette pièce humide, froide et sombre … J'étais adossé au mur, je mourrais de soif et j'étais fatigué … L'air devenait presque irrespirable et seule la photo de ma mère, cachée dans la poche arrière de mon bas, me tenait compagnie. J'avais envie de mourir … J'avais perdu toute notion du temps et les quatre mois - ou plus, je n'en savais trop rien justement - passés ici m'avait rendu complètement fou. Mes blessures, sûrement infectées, me rendaient malade mais la flamme qui m'animait ne voulait pas s'éteindre. Une lumière était apparut, s'agissait il de l'ange de la mort ? Je n'y voyais quasiment plus rien mais j'aurais aimé que ce soit le cas … Cette ombre se baissa à mon niveau et releva mon menton, m'arrachant une grimace. Je tremblais de partout et n'osant pas relever les yeux vers ce personnage, je me contentais d'attendre … « Tu refuses de crever, hein ? … Si ton père ne pait pas, tu finiras par craquer et ta petite gueule d'ange pourrira ici même … ». Il me le répétait jour après jour … Tel un enregistrement vocal que j'avais fini par apprendre par cœur … Certainement dégouté par l'allure que j'arborais, il fit en sorte que ma tête rencontre le sol d'un geste. Seul le bruit de ses pas remontant les escaliers me parvinrent … Je me refusais tout mouvement, même mes larmes ne voulaient s'échapper. Je reprenais doucement un peu d'air et tendis l'oreille … Quelque chose clochait et malgré mon état misérable, il fallait se l'avouer, j'en étais persuadé. Ce qui semblait être la porte d'entrée claqua un bon coup et un silence plat envahit l'habitacle. Était ce le moment ? Avait on fini par entendre mes appels « au secours » ? Je relevais lentement les yeux et je me rendis compte de l'ouverture de la porte grise. Un filet de lumière passait à travers la salle. Je ravalais difficilement ce qui me restait de salive et pris au moins cinq minutes à me remettre à la verticale. Puis toutes mes actions s'enchaînèrent à une vitesse phénoménal, vu par moi, cela va de soit … Je ne saurais dire au bout de combien de temps l'épreuve des escaliers avait été surpassé, mais ce dont j'étais sûr c'était que je respirais de nouveau. Affalé à même le carrelage, je ne pris pas le temps de découvrir la maison - le contraire pourrait paraître étonnant vu les jours que j'avais passé dans la cave de celle-ci … Je rampais péniblement jusqu'à atteindre la porte principale. Après quelques gestes, je finis par ouvrir et là une drôle de sensation m'envahit. Je tenais debout, ce qui relevait du miracle et me mis à déambuler dans l'allée de cet endroit, que je maudissais déjà et j'arrivais en plein milieu du trottoir. J'étais, comme dirait l'autre « libre » … Ce sentiment que tout homme indépendant ressent à sa libération ne semblait pas vouloir me traverser.
Je me rappelle avoir pensé à mon paternel à ce moment là … Était il encore au commissariat ? Me chercher t il ? Où était il ? Je dus prendre plus de dix minutes à observer le voisinage. Tenter de reconnaître et de différencier une rue à une autre était nécessaire. Prenant appui sur tout ce qui passait sous ma main, je marchais, trébuchant parfois, me blessant davantage …
J'aurais pu écrire un livre de tout ça … Mais personne ne me connaissais réellement, tous ceux qui m'avaient connu un jour me croyais mort … Pour quelle raison ? Drôle d'histoire, cependant, je ne me lasserais certainement jamais cette remémoration …
Un nouveau quartier se tenait devant moi, personne à l'horizon. La nuit n'était pas encore tombée et pourtant rien ni personne ne perturbait ce silence parfait. Un léger sourire en coin se dessina sur mon visage alors que j'apercevais cette maison dans laquelle j'avais toujours vécu … Je pris une profonde inspiration, enfin dans la limite du raisonnable vu que tous mes membres me faisaient souffrir et empoignais le loquet. La porte était ouverte … Même si je trouvais ça étrange, je n'avais pas relevé et j'étais entré à l'intérieur en silence … A première vue, rien n'avait changé. Le son de notre téléviseur s'entendait de là où j'étais. Après quelques pas, mes yeux durent s'habituer à la lumière. Je n'avais pas encore ouvert la bouche que sa voix se fit entendre : « Première porte à gauche, faut monter … ». Mon paternel n'avait pas bougé, assis sur son fauteuil en cuir noir, il ne quittait pas l'écran des yeux. Je tremblais presque devant l'incompréhension de la situation … « Mais Appa, je … » Jamais je n'aurais pensé que c'était la dernière fois que je prononçais ce mot, « Appa » … Deux jeunes hommes m'avaient interrompus, deux inconnus qui descendaient tranquillement les escaliers en rigolant. Les quelques dires qu'ils s'échangèrent ne me rassuraient en rien … Sans trop réfléchir, je suivais la piste qu'ils venaient de parcourir et grimpais les escaliers. Mes membres semblaient s'endolorir au fur et à mesure … Je me sentais bizarrement éveillé, moralement cela dit. Ces moments pendant lesquels mon agresseur abusait de moi jaillirent de mon subconscient à une vitesse phénoménale. De fins gémissements, puis des hurlements s'enchaînaient créant ainsi comme une aura sensuelle, qui envahissait tout l'étage. Encore un inconnu … Ce denier me bouscula en descendant les quelques marches, un sourire mauvais déformé sa bouche alors qu'il rebouclait sa ceinture. Arrivé en haut, un vent chaud me parcourut me faisant agréablement frissonner. La porte indiquée par mon « père » n'était autre que celle de ma grande sœur.
Je regrette amèrement de lui avoir accordé tant d'importance … Durant mon enfance, elle avait su prendre soin de moi, comme ma mère aurait pu le faire si elle ne nous avait pas quitté, il y a de ça quelques années … Une meilleure amie, une sœur, une mère, …
La porte peinte en rose était entrouverte, je la poussais du doigt et l'air palpable de la grande pièce pénétra dans chaque pore de ma peau. Un « vas-y, entres » entra dans mon oreille pour ne plus en ressortir. Cette voix, sa voix, … Une brise d'excitation me fit tressaillir. Je m'exécutais calmement. Je zieutais rapidement la chambre aux teintes rouges et posais mes yeux sur elle. Cette figure féminine qui se trémoussait devant un miroir placardé au mur. Ses courbes étaient délicatement dévoilées à travers l'ensemble qui les recouvraient. Je ne pris pas la peine de fermer derrière moi et m'approchais d'elle toujours aussi silencieux. Je devais être à un mètre, si ce n'était pas moins. « Alors qu'est-ce que tu veux ce soir ? ». Une interrogation poussée et dont la réponse se devait d'être sexuellement claire … Etrange façon de dire ça … « C'est donc ainsi que tu gagnes ta vie ? ». La mine intriguée qu'elle affichait me fit sourire. « Si t'es pas content, tu peux toujours partir, j'ai d'autres clients aujourd'hui … ». Sans m'en rendre compte, je n'étais plus qu'à quelques centimètres de son corps. Une pulsion me parcourut l'échine alors que je lui attrapais les deux poignets avec force. Elle s'étais mise à hurler … d'envie … Jetée sur son lit, elle me regardait passionnément et attendait la suite en gesticulant. Elle avait tout pour faire d'un homme, une bête avide de sexe … Puis tout s'accéléra, assis sur son bassin, je reluquais cette expression qui déformait son beau visage. Sa peau blanche révélait un parfait contraste avec la colère noire que j'éprouvais. Mes mouvements s'enchaînaient, je perdais le contrôle au fil des secondes. « Traînée ! ». Son sang maculait bientôt son oreiller en plumes alors qu'elle hurlait de douleur. « Tu ne reconnais même pas ton propre frère ! ». A ce moment, tous ses traits se dénuèrent d'émotions tandis qu'elle encaissait les coups. Plus aucune réaction, plus aucun geste ne l'animait. Pourtant elle respirait encore. J'étais comme empli de désir, de plaisir … Je me penchais sur elle, un sourire narquois sur les lèvres : « Je ne t'ai donc pas manqué, pétasse ? ». Elle ouvrit la bouche mais je ne lui laissait aucun répit, rien que le fait d'entendre cette voix, précédemment auteur de gémissements, m'aurait fait vomir. Je plaquais lourdement mes lèvres sur les siennes et lui volais un baiser des plus violent. Je n'éprouvais rien d'autre qu'une haine certaine alors que je lui arrachais presque la lèvre inférieure. Ses yeux écarquillés étaient plongés dans les miens. Ses paupières ne clignaient quasiment plus … Mes mains arrivèrent jusqu'à sa gorge et je lui lançaient un dernier regard, pour le moins sadique … « Merci pour ce cadeau, JongNa … ». Mes doigts se resserrèrent sur sa nuque parsemait de marques rougeâtres … Elle agrippa ceux-ci et se remit à gesticuler vainement ... Je déposais un baiser sur sa joue et descendis du lit.
Comme si rien ne s'était passé, j'avais amassé quelques vêtements dans un sac ainsi que tout l'argent que j'eus la chance de trouver - comme quoi le « travail » de mon aînée n'aura pas était perdu … Puis j'étais redescendu au rez-de-chaussée. Il tenait son journal entre ses mains, laissant la télévision à l'abandon. Quelques secondes après, il tressaillit en agrippant mon bras. Le couteau péché dans la cuisine lui transperça l'abdomen. Il ne parlait pas, ou du moins, il en était incapable. C'était avec hargne que j'avais retiré l'objet et que je lui avait presque tranché la mâchoire, toute sa joue était traversée par le passage de la lame tranchante. Il me regardait enfin … « Dis leur que je suis revenu … ». Il se cambra dès que j'eus enfoncé l'ustensile dans sa jambe droite, je le laissais là après lui avoir pris le portefeuille que son père lui avait donné et ressortis de la grande maison. »
C'était ce jour là que ma renaissance avait vu le jour … Ce fameux o8 juin 2006.
Je baillais bruyamment en entrant dans une superette. Quelques têtes se tournèrent vers moi, comme d'habitude. D'un côté, j'étais comme cette fausse mère qu'avait été ma Noona, quelqu'un doté d'une beauté aveuglante et qui sans rien faire pouvait devenir le centre d'attention. Une canette en main, je repris mon chemin. J'avais déjà quitté le centre-ville et les rues qui se tenaient maintenant devant moi se vidaient de monde au fur et à mesure de mon ascension. Porte o8. Ma clé tourna lentement dans la serrure de la grande porte teinte en gris et je fis mon entrée à l'intérieur. Ils devaient s'être réveillés depuis leurs arrivées …
