Bonjour, voici le premier chapitre de mon histoire true to life.

Les personnages ne m'appartiennent pas, etc, etc... on le sait tous.


True to life - Chapitre 1

« Putain ! »

Un gémissement désespéré s'échappa de ses lèvres alors qu'il contemplait l'énorme tâche de café qui s'étalait sur son pull de marque.

S'il y avait bien quelque chose qu'il détestait dans le fait de vivre dans cet appartement, c'était l'interphone. A chaque sonnerie – à chaque foutue sonnerie – il ne pouvait s'empêcher de sursauter, de lâcher ce qu'il avait en main ou de se prendre les pieds dans un tapis quelconque… bref, d'être ridicule. Et les rares personnes qui faisaient partie de son entourage avaient grandement conscience d'à quel point Sasuke n'aimait pas être ridicule. Chacune de ces sonneries était vécue comme une violente intrusion dans sa sphère privée, et Dieu seul savait à quel point cette sphère pouvait être étendue.

Une deuxième salve stridente provenant de l'entrée interrompit le moment d'indécision auquel le jeune homme s'était abandonné.

« Oui, oui, j'arrive. » Maugréa-t-il, tentant de faire disparaitre les dégâts avec sa manche. Il abandonna finalement et se débarrassa du vêtement souillé en le jetant derrière un canapé… Pour les apparences.

Arrivé face à l'« ennemi », il dépassa son appréhension et décrocha le combiné.

« Oui ? »

Une voix inconnue lui répondit. Quelque chose à propos d'un colis. Il laissa entrer l'homme, attendit porte ouverte que ce dernier arrive à son étage, signa le reçu et le renvoya sans plus de fioritures.

Enfin seul.

De retour dans le salon, il examina la boîte et décréta très rapidement qu'il s'en occuperait plus tard. Ça concernait le boulot et là, il avait besoin d'une pause, une vraie.

Appuyé contre la rambarde, Sasuke fermait les yeux, profitant des derniers rayons de soleil du début de l'automne, des odeurs et des sons caractéristiques de cette période de l'année. Sa rêverie fut soudain interrompue par un éclat de rire sonore. Là, face à lui, dans un immeuble identique au sien, sur le même balcon minuscule : une tignasse blonde ébouriffée, un sourire solaire. Le jeune homme était accroché à son téléphone portable et discutait vivement, s'agitant dans tous les sens. Sasuke le détailla rapidement : à voir son allure débraillée et ses cheveux en bataille, le blond venait certainement juste de se lever. Il jeta un coup d'œil à sa montre et eu un claquement de langue agacé en constatant qu'il était près de 15h30. Vraiment, ce type l'irritait. C'était comme ça tous les jours, à croire qu'il n'avait jamais rien à faire de sa vie… Naruto… C'était son nom. Il se souvenait vaguement avoir été en classe avec lui, au collège, et déjà à cette époque, c'était la paix armée. Déjà à cette époque, le blond l'agaçait par la trop grande sensation de liberté qui émanait de lui ; il n'avait aucun respect des règles mais tout le monde semblait lui passer son attitude grâce à son charisme et sa bonne humeur. Et visiblement, rien n'avait changé. Ils ne s'étaient plus revus ensuite mais quelques mois auparavant, Sasuke avait eu la surprise de le voir réapparaitre dans sa vie, et qui plus est, sur le balcon d'en face, et depuis, son existence était ponctuée, presque quotidiennement, de cris, de rires et d'agressions sonores provenant de l'appartement en vis à vis.

Il écrasa sa cigarette et soupira avant de se retrancher à l'intérieur, grommelant des choses peu agréables à l'adresse du blond. Il ne pouvait pas comprendre ces gens. Vivre en décalé, ça n'avait aucun sens. Le monde était fait pour qu'on dorme la nuit et qu'on se lève le matin pour aller travailler. Point barre. Du moins, c'est comme ça que lui fonctionnait, et c'était certainement la meilleure manière de faire. La vérité ? Sasuke ne l'aurait admis pour rien au monde mais il était jaloux. Envieux de cette liberté, de cette souplesse qu'il n'avait pas, et qu'il n'aurait sans doute jamais. Voilà pourquoi il le détestait… entre autres. Ce mec avait tout ce qu'il n'avait pas : des amis, des tas d'amis, des tonnes d'amis, voire même des montagnes d'amis. Il avait cet étrange pouvoir d'attraction sur les gens, et c'était bien ça qui était à l'origine de la plus grande rancœur du brun à son égard. Oui, parce que lui aussi s'était senti attiré. Quand il l'avait vu emménager en face, il avait d'abord été surpris, puis, malgré lui, il s'était approché, il avait traversé la rue et n'avait pas pu retenir le « bonjour » qui était monté dans sa gorge. Il avait même prononcé son nom. Le « r » avait roulé sur sa langue de manière agréable, sa voix était un peu enrouée car il n'avait pas l'habitude de parler aux gens à voix haute et ce qui était sorti était juste un son étouffé et mal à l'aise. Et malgré cet effort, le blond ne l'avait pas reconnu. Accroupi au milieu des cartons déposés sur le trottoir, il s'était contenté de froncer les sourcils, cherchant où il avait bien pu voir ce visage auparavant. Puis soudain il avait percuté. Mais c'était trop tard, Sasuke était déjà retourné à l'abri de l'autre côté de la rue et depuis, le brun l'évitait soigneusement, sa fierté étant quelque peu abîmée.

Son regard passa de la paire de chaussons qu'il avait aux pieds à la pendule design sur le mur. 02h30. Il travaillait tôt le lendemain et la fête battait son plein dans l'appartement d'en face. Il était censé aller dormir mais cette musique lancinante lui parvenait aux oreilles. Un grognement lui échappa lorsqu'il remarqua qu'il ne pouvait empêcher ses doigts de battre la mesure et finalement, cédant à la tentation, il écarta discrètement le rideau pour jeter un œil. Le blond était là, sur le balcon, une bière à la main et entouré de deux jeunes femmes qui riaient aux éclats à chacune de ses paroles.

Nouveau soupir agacé. Comment ses voisins pouvaient-ils supporter ça ? Sasuke ne les avait jamais aperçus, d'ailleurs. Jamais de plainte, jamais de flics...

***

La vie est cruelle.

C'était la réflexion que se faisait Naruto presque tous les jours lorsqu'il ouvrait les yeux.

« Super cruelle, même… » Gémit le blond en réalisant dans quel état était la pièce. Il se débattit quelques secondes avec le corps d'une fille avachie contre lui et parvint finalement à s'extraire du canapé. Il s'étira, faisant craquer ses pauvres vertèbres déjà bien malmenées par une courte nuit sur un fauteuil à moitié mort, puis se passa la main dans les cheveux, examinant l'ampleur des dégâts. Au moins, cette fois, personne ne semblait avoir vomi…

C'est donc empli de satisfaction que le jeune homme jeta un œil à sa montre : 9h30. Parfait.

Il slaloma entre les cadavres de bouteilles et les corps endormis des invités et, contre toute attente, se dirigea vers la porte d'entrée du minuscule appartement, l'ouvrit le plus discrètement possible et la referma derrière lui sans aucun bruit.

Un bref soupir de soulagement lui échappa : son appartement ressemblait vraiment à une zone sinistrée ce matin et il était heureux de laisser ça derrière lui au moins pour quelques heures… Lentement, il sortit une clé de sa poche et se dirigea vers une autre porte située à quelques mètres. Après avoir jeté un dernier coup d'œil par-dessus son épaule, il se décida à ouvrir la porte de l'autre appartement – de son deuxième appartement, en réalité.

Quand le jeune homme avait emménagé dans cet immeuble, il avait décidé de louer l'étage entier, histoire d'être tranquille. C'était une nécessité et il avait l'argent pour. Il avait travaillé dur, bénéficié de quelques coups de pouce du destin, économisé pendant des années et disposait maintenant d'une situation relativement convenable. Ce deuxième appartement était totalement différent du premier : pas beaucoup plus grand mais propre et à peu près rangé, meublé confortablement et avec goût. Un vague sourire apparu sur le visage de Naruto : home sweet home…

Il s'empara d'une télécommande posée négligemment sur le canapé et lança la musique. Puis, se débarrassant de ses vêtements en rythme avec la chanson, il se dirigea vers la salle de bain, non sans avoir au préalable lancé une cafetière. Quelques minutes plus tard, il en ressortit brusquement en sous-vêtements, imitant la guitare et braillant des paroles incompréhensibles en même temps qu'il crachait du dentifrice.

Et voilà. Au travail. Le jeune homme était maintenant assis face à l'écran de son ordinateur, en peignoir, entouré de différents appareils plus high-tech les uns que les autres, et surtout avec son précieux café entre les mains. Il l'aimait fort, amer, corsé. L'heure du café était probablement le meilleur moment de la journée. Naruto était graphiste indépendant. En dehors des rares réunions avec les entreprises, les supermarchés ou les agences avec qui il était partenaire, l'essentiel de son travail se passait sur ordinateur. Et le travail sur ordinateur était indissociable d'une bonne tasse de café noir. Il était actuellement sur un projet de logo pour une agence de voyage et avait déjà quelques propositions en réserve. Honnêtement, c'était bien un des projets les plus chiants qu'il avait eu jusqu'à présent… Et à peine eut-il pris en main le stylet de sa tablette graphique qu'il laissa son esprit et sa main dériver vers des courbes plus attirantes.

Soudain, le bruit caractéristique de l'arrivée d'un E-mail retentit. Naruto abandonna le dessin en cours et cliqua sur l'icône correspondante. Un sifflement satisfait lui échappa alors qu'il examinait l'éventail stylisé qui ornait l'entête de la page. Ça, ça avait l'air professionnel. Et professionnel voulait dire boulot intéressant en perspective… Effectivement, la proposition était plutôt alléchante : donner une nouvelle image à cette société – une maison d'édition –, un nouveau symbole à la place de cet éventail qui l'avait impressionné. A vrai dire, il était plutôt flatté. Et le tout était accompagné d'une proposition de salaire non négligeable. Il s'empressa de répondre de manière positive sans même lire les conditions ou le cahier des charges et se remit au travail plus motivé que jamais. Environ une heure plus tard, il reçu un deuxième E-mail qui lui donnait une heure et un lieu de rendez-vous pour finaliser l'accord. Il griffonna le tout sur un post-it et se replongea dans le travail jusqu'à 14h30.

Naruto se frotta les yeux énergiquement. Il était temps de retourner dans l'autre appartement. Dans son autre vie. Après avoir vérifié que la porte était bien verrouillée, il glissa la clé dans la poche arrière de son jean et se dirigea vers l'autre porte.

L'odeur rance le prit directement aux tripes et il se précipita vers la fenêtre pour l'ouvrir. Les invités qui étaient encore là commençaient tout juste à se réveiller et il fit comme s'il en était de même pour lui, leur servit du café dégueulasse et poussa un énorme soupir de soulagement lorsque le dernier passa la porte. Maintenant il allait falloir ranger…

Naruto y passa deux heures en tout et sans trainer, et pour un résultat qui n'était pas terrible. Pour la millième fois, il se jura que ce soir, non, il n'y aurait ni soirée, ni invités. Mais il savait déjà qu'il craquerait sans doute et passerait quelques coups de fil, que quelques personnes répondraient à l'invitation, que ces quelques personnes viendraient avec leurs quelques amis et que la situation lui échapperait une fois de plus. En vérité, il ne connaissait pas les trois quart des gens qui débarquaient chez lui. Il savait parfaitement que ces personnes n'étaient pas de vrais amis, ceux-là, il les avait lâchement abandonnés plus tôt dans sa vie. Les gens présents à ses soirées ne venaient pas pour lui mais pour l'alcool et la drogue qu'on pouvait y trouver. Mais au moins avec eux, il pouvait être qui il voulait sans aucun scrupule : un mec marrant, aux blagues un peu lourdes. Pas besoin d'être sérieux et peu importait ce qu'ils pensaient, ils l'oublieraient quelques heures plus tard. Mais personne ne l'invitait jamais, lui. Triste constat. En fait, il n'était personne et n'avait personne. A une époque ou il s'était senti mal, le jeune homme avait tout plaqué et se retrouver seul ne l'avait pas dérangé, bien au contraire, et il avait fait en sorte de garder les autres à bonne distance. Mais maintenant, c'était différent. Il se plongeait dans le travail et dans la fête pour ne pas se retrouver seul, pour ne pas avoir à penser… Un sale cercle vicieux.

Sentant qu'il manquait d'air, Naruto sortit sur le balcon. Le temps était maussade, comme son humeur. Il se força à penser à l'offre qu'il avait reçue aujourd'hui et au rendez-vous fixé au lundi suivant, mais ne retrouva malheureusement pas le sourire.

En contrebas, il aperçut Sasuke qui mettait sa voiture au garage. Le jeune homme se dit que ce dernier devait certainement rentrer de sa journée de travail. Quel travail pouvait-il bien faire d'ailleurs ? Et comment c'était chez lui ? Sûrement très classe. Sasuke avait toujours été classe et Naruto avait toujours été un peu jaloux de lui et de son élégance innée. Tous les jours, il pouvait entrevoir sa silhouette, dans l'appartement d'en face. Tous les jours, il se posait les mêmes questions à propos de la supposée vie de Sasuke Uchiha. Un boulot carré et prestigieux, une petite amie canon et intelligente, mais certainement pas trop envahissante… Voilà ce qu'il imaginait. Déjà au collège, il était fasciné par cette personnalité qu'il pensait incroyable, mais ils n'avaient jamais été proches, ils n'avaient jamais été amis. Et maintenant qu'il l'avait à portée de main, il aurait bien aimé pouvoir lui parler. Malheureusement, le brun semblait l'éviter soigneusement.

Sasuke apparut brusquement face à lui, adossé à l'embrassure de la porte fenêtre, il avait l'air passablement agacé et tirait comme un damné sur la cigarette qu'il venait d'allumer. Les yeux noirs accrochèrent soudain ceux de Naruto et ce dernier, pris au dépourvu par ce contact inattendu, tenta une sorte de signe amical maladroit. Grossière erreur. Le regard du brun devint presque haineux et il s'empressa de rentrer en claquant la porte.