Résumé : Avoir 16 ans, c'est l'horreur. L'acné, les devoirs, Rachel Berry, les cours d'éducation physique, les maths. C'est encore pire quand on s'appelle Kurt Hummel et qu'on passe son temps libre à courir dans les cimetières. (UA Buffy)
Remarques : Il ne s'agit pas d'un cross over puisque je ne reprends pas les personnages de Buffy. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir vu la série, juste connaître le concept de base, étant donné que je prends totalement des libertés et que je ne pense pas suivre l'histoire.
Chapitre : 1/20 (~11 000 mots)
15/07/2013 : Quelques petites corrections et modifications apportées au 1er chapitre mais rien de bien transcendant et rien qui change le fil de l'histoire.
UNLIKELY HERO
You're my unlikely hero.
I try so hard but you won't surrender,
I want you to know.
(The Hoosiers)
-o-
« Je meurs. Je suis en train de mourir. » Songea-t-il ahuri.
C'était assez déprimant de mourir à seize ans. À supposer qu'il vivrait une centaine d'années, il avait tout juste vécu un sixième de sa vie. Et ce n'était pas comme s'il se rappelait vraiment des cinq premières années de sa vie. À part la petite peste qui n'arrêtait pas de lui coller des chewing-gums dans les cheveux.
Il n'avait certainement pas envie de mourir puceau et sans avoir vu New York.
- Si tu ne veux pas mourir, continue de courir ! Urgea une voix masculine, comme s'il avait parlé à haute voix.
Et c'était franchement stupide. En quoi continuer de courir était sensé le garder en vie ? Le sport, c'était peut-être bon pour la santé mais Kurt était exténué. Ses poumons étaient en feu et son coeur battait tellement fort, il n'était pas sûr qu'une crise cardiaque lui soit très bénéfique sur le long terme. Mais il continua de courir. Quelqu'un lui tenait la main. Quelqu'un l'empêchait de s'arrêter. Le bruit de ses pas résonnait étrangement sur le béton. De façon presque irréelle. Logique, puisqu'il rêvait. Il se demanda vaguement comme il était possible d'être physiquement fatigué dans un simple rêve, mais n'eut pas tellement le temps d'y penser plus que ça. La voix n'arrêtait pas de lui crier dessus (c'était d'une grossièreté !), si bien qu'il ne comprenait qu'à moitié ce qu'on lui disait.
- Il faut arrêter le sang ! S'écria la voix.
Le sang. Son sang coulait à profusion. Il ne se rappelait pas s'être arrêté de courir, mais visiblement il avait fini par s'assoir. Et son sang qui n'en finissait pas de couler. Il sentit vaguement une main se presser sur son cou pour contenir la plaie mais il saignait et saignait. Comme un ballon d'eau percé. Il saignait tellement qu'une mare de sang se forma bientôt autour de lui. Elle n'en finissait pas de grandir et de s'élargir, si bien qu'il se demanda quand cela se finirait. Il ne pouvait pas avoir autant de sang…
- Kurt !
Mercedes chuchota à nouveau son nom tandis qu'il jetait autour de lui un regard ahuri. Il se redressa violemment sur sa chaise, sous le regard noir du professeur de géométrie qui continua sa leçon. Le coeur battant, Kurt pressa une main sur son cou et traça machinalement les contours d'une cicatrice blanchâtre. Il ne saignait pas. Évidemment. Cette plaie s'était refermée il y a une décennie de cela.
C'était probablement un mauvais signe, pas vrai ? C'était toujours un mauvais signe de faire d'étranges rêves sanglants. Il y avait probablement une loi universelle pour ça.
Il se frotta les yeux et contempla le tableau d'un air absent, émergeant vaguement de son état somnolent. Mercedes lui jeta un regard interrogateur mais il se contenta de hausser les épaules. Chaque fois qu'il se réveillait, il en oubliait presque où il se trouvait.
McKinley, Lima, Ohio. Peut-être pas la ville la plus inintéressante de la planète, mais loin d'être la plus fascinante pour autant. Cela faisait bientôt une semaine. Qu'il avait emménagé à Lima. Il avait passé une semaine incroyablement ordinaire. (Enfin sa notion d'ordinaire était quelque erronée, cela dit.) Et pour quelqu'un comme lui, c'était extraordinaire.
Les journées passaient comme des courants d'air. Une succession de cours plus ou moins intéressants (plutôt moins que plus). Des couloirs grouillants d'adolescents frénétiques. Des joueurs de football, des pompom girls, une cantine ignoble, un professeur de maths sadique. Les drames adolescents habituels. Les pulls hideux de Rachel Berry. L'image stéréotypée du lycée américain, et l'enfer personnifié de l'adolescent moyen.
Tout cela lui donnait un sentiment de normalité traître.
-o-
À l'heure du déjeuner, Kurt s'installa à une table aux côtés de Mercedes. Il s'entendait relativement bien Mercedes. Elle aussi avait été transféré à McKinley tardivement dans l'année (enfin tout était relatif, octobre était à peine entamé), peu de temps avant lui. Avec elle, il se sentait un peu moins seul et étranger dans ce nouvel environnement.
Il faut dire que Mercedes avait été l'une des rares personnes à lui adresser la parole. Pour une raison qui lui échappait, les étudiants de McKinley avaient tendance à l'éviter comme la peste. Ce qui n'était probablement pas une si mauvaise nouvelle à la réflexion. Le dernier établissement scolaire qu'il avait fréquenté avait été composé d'adolescents à l'intelligence navrante qui n'avaient eu d'autres passes-temps que de rendre ses journées insupportables.
Mais cela ne concernait pas uniquement la population de McKinley. Il était persuadé que même les serveurs au Lima Bean ou les caissiers du supermarché évitaient soigneusement son regard. Il avait même la sensation que les chiens l'évitaient alors c'était dire. Ils ne pouvaient pas possiblement être au courant, et pourtant… Ou bien c'était peut-être une nouvelle forme de torture mentale, faire comme s'il n'existait pas.
Rachel Berry était la deuxième et seule autre personne à tolérer sa présence (l'inverse n'était pas totalement réciproque). Même si 99% de cela était dû au fait qu'elle tentait désespérément de les recruter dans son Glee Club composé d'elle-même et de deux autres adolescents un peu bizarres. Il y avait très certainement un minimum de membres requis pour former un club, mais elle avait sans doute réussi à contourner cette règle en menaçant le principal d'une éternité de torture mentale avec sa voix perçante et stridente. Rachel venait tous les jours à la cafétéria pour les bassiner d'arguments nébuleux qui auraient vraisemblablement dû les convaincre, mais sans grand succès. En quoi est-ce que passer son temps à jouer les choristes derrière Rachel Berry était sensé être amusant ? À moins d'être autorisé à lui balancer des boulettes de papier par derrière, et encore…
- Rachel, soupira Kurt pour la énième fois, non ! Et je croyais qu'il y avait déjà un autre Glee Club ? Avec un vrai professeur ?
…Et pas une folle à lier au pull plus que douteux.
- Sandy Ryerson est un pervers qui nuit à ma créativité artistique ! Protesta-t-elle offusquée.
- Si tu ne la fermes pas immédiatement, je t'enfonce ces nuggets dans le gosier ! Et Dieu sait que ce serait du gâchis, grogna Mercedes.
Les deux adolescentes commencèrent à se chamailler sous le regard amusé de Kurt. Il se surprit à penser qu'il pourrait sans doute facilement s'habituer à cette routine insouciante. Enfin presque. Ça restait toujours le lycée.
-o-
"Le numéro que vous demandez n'est pas attribué, veuillez consulter le service des renseignements..."
-o-
Kurt poussa un cri horrifié. L'homme devant lui arborait un visage inhumain. D'horribles rides surplombaient son nez et des petits yeux jaunes le regardaient avec malveillance. Deux canines brillantes sortaient de sa bouche. Il était enchaîné au mur de ce qui ressemblait vaguement à un cachot sombre et humide et ne pouvait guère bouger mais n'en demeurait pas moins menaçant aux yeux de Kurt.
- Kurt.
Aux côtés de Kurt, se tenait un homme d'une trentaine d'années. William Schuester posa une main sur l'épaule de l'adolescent. Il se voulait sans doute rassurant, mais en vain. Le décor à lui seul donnait la chair de poule et Kurt tenait à peine sur ses jambes. Son coeur battait tellement fort qu'il n'aurait pas été étonné de le voir sauter hors de sa poitrine.
Kurt serra sa main moite sur le morceau de bois taillé qu'il tenait.
- Est-ce qu'il va souffrir ? demanda-t-il d'une petite voix.
- Kurt, il n'est pas humain, répondit fermement Mr Schue.
Et comme pour lui donner raison, le vampire lâcha un grognement inhumain qui fit trembler Kurt. Kurt s'approcha prudemment, le coeur battant. Il pointa maladroitement le bout de son pieu sur l'emplacement du coeur mort du vampire et prit une grande inspiration.
Ce dernier reprit visage humain à la plus grande consternation de Kurt et murmura quelques mots, un sourire cruel aux lèvres. Kurt ne l'écouta pas et enfonça le pieu aussi fort qu'il put. Il contempla le tas de cendres, effaré. L'odeur des cendres froides lui remonta désagréablement au nez et il sentit ses yeux le picoter.
« On se reverra en Enfer ».
-o-
Kurt se réveilla en sursaut pour la seconde fois de la journée. C'était l'avant-dernier cours de l'après-midi et le discours monotone du professeur de littérature avait un effet atrocement soporifique. Il était déjà tellement fatigué et sa tête le lançait horriblement, il n'avait pas besoin de ces horribles rêves qui déformaient d'actuels souvenirs en cauchemars tordus.
Il se rappela, le coeur battant, de la première fois qu'il avait tué de ses propres mains un vampire. L'odeur de moisissure et l'envie de vomir. La sensation de devenir fou. Il respira profondément et se rappela qu'il ne reverrait sans doute plus cet abominable cachot. Et puis il n'était pas croyant et il ne finirait certainement pas en Enfer. Enfin, il y avait toujours moyen qu'un démon fou furieux ouvre malencontreusement un portail dimensionnel et le jette dans une quelconque dimension démoniaque, mais bon. À part ça, il n'irait pas en Enfer.
Rachel, assise à deux rangées de lui, lui lança un regard curieux.
Elle l'attendit à la fin du cours.
- Tu as une tête horrible, déclara-t-elle en fronçant les sourcils.
Voilà qui faisait toujours plaisir à entendre.
- Je suis né avec avec.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Est-ce que…
Rachel n'eut pas l'occasion de finir sa phrase. Un adolescent à la carrure de Hulk s'arrêta devant elle et déversa sur sa tête une gobelet rempli d'une substance bleue de nature douteuse. Une activité apparemment répandue et courante à McKinley à la plus grande consternation de Kurt. Rachel hoqueta de surprise.
C'était la loi du plus fort à McKinley. Une sorte de Darwinisme social à l'échelle lycéenne. Les professeurs fermaient les yeux et les étudiants passaient leur chemin, de crainte d'être la prochaine victime.
Ce qu'il fit par la suite, il le regretta immédiatement. Il n'avait pas le complexe du superhéros, d'accord ? Il aurait volontiers passé son chemin, d'autant plus que Rachel était des plus exaspérantes. Mais il mettait cela sur le compte de son mal de tête grandissant et des goutelettes bleues qui souillaient désormais son pantalon préféré.
Kurt. Son poing. La mâchoire de l'abruti. Tout cela se passa tellement vite qu'il ne réalisa pas de suite ce qui s'était passé. Kurt sentit son poing entrer en contact avec une mâchoire avant même d'avoir pu songer à l'arrêter. Il frappa tellement fort qu'il crut entendre quelque chose craquer (et une partie de lui en tira une satisfaction malsaine). Il regarda sa main d'un air ahuri. Elle était maculée de sang comme s'il l'avait trempée dans un saladier de ketchup. Ce qui n'avait guère de logique. Devant lui, l'adolescent était étalé par terre, le nez éclaté. Sa tête baignait dans une flaque de son propre sang. Le casier à côté de lui était littéralement cabossé et dégoulinant de sang.
Il se précipita sur la porte d'entrée sous les regards ahuris et manqua de vomir dans la poubelle la plus proche. Ça y est, il l'avait fait, il avait perdu la boule.
Rachel l'avait apparemment suivi et l'appela à de nombreuses reprises.
- Kurt !
- Je l'ai tué. J'ai tué quelqu'un, murmura-t-il abasourdi.
- Quoi ? Je pense qu'il aura juste un bon gros bleu et un ego froissé, mais Azimio devrait survivre. Tu vas bien ?
Un peu plus loin, ledit Azimio descendit les marches en béton, la pommette un peu rouge, et lui jeta un regard noir mais il passa rapidement son chemin. Il ne saignait pas. Bien sûr qu'il ne saignait pas.
- Kurt ?
Kurt le regarda comme s'il lui avait poussé une seconde tête.
- Je pense… que je vais rentrer. Tu devrais aller nettoyer ça, dit-il en faisant signe vers les cheveux de Rachel et son pull recouverts de liquide bleuâtre.
-o-
- Hummel ! Ramène ton…
Il pouvait très vaguement discerner les cris et les insultes au loin mais ignora du mieux qu'il put les menaces et courut aussi vite que ses jambes pouvaient le supporter. Il traversa les couloirs à grande enjambée. Derrière lui, une demi-douzaine d'adolescents en uniformes de football le suivaient tant bien que mal en criant bruyamment. Plutôt mourir que de s'arrêter, il portait sa veste préférée ce jour-là. Kurt constata avec satisfaction que son endurance avait drastiquement augmenté avec l'habitude.
Une voiture grisâtre était arrêtée devant le lycée, la fenêtre se baissa sur un homme qui lui fit signe de monter. Il portait un costard et arborait l'air d'un comptable. Kurt se demanda s'il s'était attiré des ennuis et pesa rapidement le pour et le contre : un éventuel pédophile psychopathe (/comptable) dans une voiture ignoble et mal entretenue ou bien une bande de sauvageons préhistoriques vêtus de polyester.
Il choisit la voiture. Il pourrait peut-être même convaincre le propriétaire de faire réparer cette carcasse au garage de son père.
- Kurt Hummel ? Demanda l'homme en démarrant la voiture.
- C'est moi ? Répondit Kurt à bout de souffle.
Il haussa un sourcil suspicieux. Il venait probablement de se faire kidnapper…
- William Schuester, se présenta l'étranger. Qu'est-ce que tu sais des démons ?
-o-
Le ciel avait pris une teinte rosée quand il se réveilla à nouveau. Le troisième rêve de la journée, sans compter la nuit précédente. Définitivement pas un bon signe, songea-t-il, l'esprit encore un peu endormi. On lui avait appris que ses rêves étaient parfois un signe. Mais il était vraiment un piètre interprète de rêves et faisait difficilement la part entre les rêves et les rêves. Mais avec l'expérience, il avait appris qu'un rêve à propos d'une invasion d'écureuils n'avait pas besoin d'être interprété. Apparemment. Mais sérieusement, qui savait si les écureuils ne pouvaient pas se faire posséder ?
La seule constante dans ses rêves récents était la présence de William Schuester. Il aurait voulu pouvoir en parler avec ce dernier mais Mr Schue n'était même pas là. Cela faisait à peine plus d'une semaine qu'il était arrivé à Lima. Seul. Aucun signe de son Observateur.
Il aperçut son reflet dans la vitre de sa fenêtre et porta machinalement la main à son cou. Il détestait cette cicatrice. Elle était difforme et presque rendue invisible au fil des années, mais dernièrement, elle le rendait nerveux. Le fait qu'elle soit située précisément sur son cou. Il n'avait jamais été mordu, il en était sûr. Elle avait toujours été là aussi loin qu'il s'en souvienne. Mais parfois, il ne pouvait pas s'empêcher de se demander. Sa nouvelle vocation le rendait quelque peu paranoïaque et il avait tendance à voir des signes partout.
Kurt regarda par la fenêtre les derniers rayons de soleil disparaître progressivement. La tombée de la nuit lui retournait l'estomac. L'obscurité abritait toutes sortes de créatures. Il s'empressa de verrouiller la porte de son petit studio miteux à double tour, les mains légèrement tremblantes. Il n'était pas d'humeur à sortir ce soir-là.
La petite pièce était déprimante avec ses murs qui autrefois avaient peut-être été blancs. La moquette était maculée de tâches dont il ne préférait pas connaître l'origine et l'unique ampoule éclairait mal et donnait un aspect lugubre. Le mobilier était uniquement composé d'un matelas défoncé, d'une table qui tenait à peine debout, d'un frigo et d'une plaque chauffante en guise de cuisine. La seule touche de personnalité ajoutée à la pièce provenait des rideaux colorés qu'il avait ajouté à la fenêtre.
Il n'avait pas eu la motivation de faire grand chose en une semaine. Une semaine qu'il avait passé à attendre qu'il se passe quelque chose. Qu'il se passe n'importe quoi. Juste un signe. Mais rien.
Kurt prit son portable entre ses mains et le contempla longuement avant de se décider à appeler un numéro de son répertoire.
« Le numéro que vous avez appelé n'est pas attribué ».
Déconfit, il essuya machinalement ses mains moites contre son pantalon. Et maintenant, quoi ?
Il composa un autre numéro mais tomba sur la messagerie vocale.
- Je pense que je commence à perdre la tête.
-o-
Le journée suivante fut pire que la précédente. Il avait passé une nuit de sommeil agitée et entrecoupée de rêves sans aucun sens. Aucun souvenir cette fois, juste une succession de non-sens qui finissait généralement par son cadavre gisant et se vidant de tout son sang. Il était distrait. Et il ne cessait de se toucher machinalement le cou comme pour vérifier qu'il était encore en vie et qu'il ne se vidait pas accidentellement de son sang.
Mercedes ne sembla pas remarquer grand chose ou du moins, elle ne fit aucun commentaire. En revanche, Rachel (qui semblait avoir décidé de passer de plus en plus de temps à les rendre dingue), ne cessait de lui jeter des regards appuyés et de lui demander si tout allait bien.
Parallèlement, les élèves de McKinley n'avaient pas arrêté de lui jeter des regards en coin toute la journée. Et les membres de l'équipe de football, des regards assassins et meurtriers. Comme au bon vieux temps. Au moins il n'était plus ignoré.
- Au fait, c'est quoi cette histoire de slushie ? Finit par demander Mercedes à la pause déjeuner. Les gens racontent que tu as tabassé Azimio.
Kurt pâlit quelque peu et se rappela sa vision ensanglantée de la veille.
- C'était juste une petite claque, répondit Rachel à sa place, Kurt a voulu défendre mon honneur bafoué.
Une vision de lui même en collants blanc, armé d'une épée lui vint à l'esprit, mais il secoua rapidement la tête et soupira. Rachel serra sa main avec reconnaissance mais le sourire qu'il lui rendit était forcé. Se faire remarquer était la dernière chose dont il avait besoin. Avec un peu de chance, l'incident serait vite oublié.
Oublié. Oublié. Dans une autre dimension parallèle peut-être.
Malheureusement pour lui, les rumeurs continuèrent de se propager et le cours d'éducation physique arriva bientôt avec la pire nouvelle de la journée : balle au prisonnier. Il était trop tard pour faire demi-tour et faire l'école buissonnière, Mme Beiste était arrivée et séparait déjà les étudiants en deux groupes.
Sans grande surprise, il aperçut dans l'équipe adverse une majorité de joueurs de football. Il sentit une main lui tapoter l'épaule.
- Ne t'en fais pas pour eux, ils visent comme des pieds, commenta Sam Evans d'un ton qui se voulait rassurant.
Il s'avéra que c'était en partie vrai. Cela dit, ça ne changeait pas grand chose si toutes les balles étaient lancées dans sa direction. Esquiver dix balles à la fois était un exercice délicat… auquel il échoua lamentablement. Et qui le rendit nettement plus grincheux pour le reste de l'après-midi.
Kurt décida que sa vie était misérable. Et pathétique. Il aurait pu facilement leur mettre la raclée de leur vie. Les dix abrutis à la fois (enfin peut-être) et sans même suer. Il aurait pu. Et pourtant, il était resté là, planté comme un abruti sous les jets des balles en plastique. Pendant un instant, il s'était imaginé craquer sous la pression et se jeter sur Azimio, le cogner jusqu'à ce que son visage soit méconnaissable et briser chacun de ses os un à un. Mais l'illusion était partie aussi vite qu'elle était venue.
Mercedes essaya d'être réconfortante mais ne fit que nourrir sa colère. Il n'avait pas besoin d'être réconforté. Il avait besoin de hurler et de crier un bon coup. Il lui fallut tout l'effort du monde pour se contenir durant les derniers cours de la journée et s'empêcher de se jeter toutes griffes sorties sur le premier étudiant en uniforme de foot qui passait. Lima pouvait aller se faire voir.
-o-
À la fin des cours, Kurt abandonna Mercedes et partit rapidement. Il était toujours pressé de quitter le lycée à la fin de la journée (elle ne l'en blâmait pas…) et semblait extrêmement réticent à l'idée de passer du temps avec elle en dehors des cours. Elle supposait qu'il avait encore beaucoup à faire chez lui avec son déménagement récent, mais elle ne pouvait s'empêcher de le trouver un peu trop secret.
Poussant un soupir, elle rangea ses affaires dans son sac. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, elle entendit le vibreur d'un portable. Ce n'était pas le sien, et elle était la dernière personne dans la salle de classe. Suivant le son du vibreur, elle aperçut le téléphone de Kurt, oublié sur une chaise. Elle le ramassa mais l'appel était déjà passé.
Mercedes appuya par accident sur le répertoire téléphonique. À sa plus grande surprise, le téléphone de Kurt ne contenait que trois numéros (excepté le sien), nommés respectivement « 1 » , « 2 » et « 3 ». L'appel manqué venait de « 2 ». Il n'y avait pas grand chose à faire, elle lui rendrait le lendemain.
Mercedes déposa un mot dans le casier de Kurt et rentra chez elle.
Sur le chemin du retour, le téléphone de Kurt ne cessa de sonner. Sans doute un coup de fil important, elle supposait. Elle se décida finalement à décrocher au bout du cinquième appel.
- Téléphone de Kurt Hummel. Mercedes Jones à l'appareil, j'écoute ?
À sa plus grande irritation, la personne au bout du fil raccrocha immédiatement et ne rappela pas.
-o-
Un homme d'une trentaine d'années s'affairait autour d'une valise. Il pliait et rangeait méthodiquement chacun de ses vestons avant de les empiler un à un dans sa valise, sous le regard scrutateur de Kurt. Kurt n'avait jamais compris cette obsession totalement malsaine pour les vestons (les plus moches étaient ceux en laine, en gros 90% des vestons en question). Mr Schuester devait en posséder pas moins d'une centaine et il continuait d'en rapporter toutes les semaines.
- J'ai changé d'avis, déclara soudainement Kurt. Je ne veux pas y aller.
- Kurt, on en a déjà parlé. Ça fait partie de tes responsabilités. Après tout ce temps, je croyais que rentrer aux États-Unis t'aurait plu ?
- Je ne sais même pas où se trouve Lima…
- Les choses vont commencer à se gâter là-bas. Il faut qu'on y aille.
Kurt se tut quelques instants.
- Mlle Holliday, commença-t-il avec hésitation. J'ai entendu Mlle Holliday mentionner Harmony.
Mr Schuester sembla se figer sur place.
- Quel rapport avec Lima ? Insista Kurt.
Lâchant un profond soupir, Mr Schuester s'arrêta de plier ses vestons et se passa une main sur le visage.
- Harmony était la précédente Tueuse. Elle est morte à Lima.
Kurt afficha un air pensif.
- Vous étiez son Observateur ?
- Non, tu es ma première charge, répondit-il en souriant faiblement.
-o-
Le violent coup de frein du bus mit fin au rêve de Kurt. C'était l'une des dernières fois qu'il avait vu Mr Schue. Il y a un peu plus de deux semaines, compta-t-il mentalement. Le dernier contact téléphonique remontait grossièrement à cinq jours. Un délai suffisamment inquiétant, supposait-il mais ce n'était pas comme s'il pouvait avertir la police ou quelque chose du genre.
Kurt se frotta les yeux avec irritation. Il s'était encore assoupi. À ce rythme-là, cela n'avait plus rien à voir avec la fatigue. Il n'était pas spécialement fatigué et pourtant, il ne cessait de s'assoupir dès qu'il se posait sur une chaise.
Il descendit précipitamment du bus. L'arrêt auquel il aurait dû s'arrêter était loin derrière lui. Et à en juger par la couleur du ciel, il avait dû s'endormir pendant assez longtemps pour que le bus fasse plusieurs allers-retours. Un sentiment d'irritation le titilla à l'idée que personne n'avait eu la décence de le réveiller. Les habitants de Lima étaient incroyablement serviables et accueillants.
Il fouilla son sac à la recherche de son portable mais ne le trouva pas à sa plus grande horreur. Ce n'était pas comme s'il s'attendait à recevoir des centaines et centaines de messages d'amis imaginaires qu'il n'avait pas mais son portable était pour le moment le seul lien qu'il avait avec son Observateur disparu, et il se sentait étrangement seul sans le gadget dans sa poche. Il avait sans doute peu de chance de le retrouver intact. Dans le pire des cas, il avait parfaitement mémorisé les quelques contacts de son répertoire téléphonique, mais ne pas être joignable jusqu'à ce qu'il remplace son téléphone le rendait nerveux.
Un bruissement lointain attira son attention et piqua son instinct. La nuit était à peine tombée, il ne faisait même pas encore totalement noir. Ça ne pouvait tout de même pas être… Un son métallique un peu plus bruyant se fit entendre. Il se précipita dans la ruelle à l'origine du bruit, mais elle était désespérément déserte et rien ne semblait sortir de l'ordinaire. Une légère odeur d'il ne savait trop quoi lui parvint au nez. Elle était déjà partie avant qu'il ne puisse l'identifier.
-o-
Kurt erra encore une heure dans les rues de Lima mais ne remarqua rien d'inhabituel ou d'étrange. Parfois, quand il pensait entendre un bruit suspect, il revenait sur ses pas mais rien. Ou de temps à autre un chat qui venait de sauter d'un toit.
Cela faisait déjà plusieurs nuits qu'il avait pris pour habitude de patrouiller dans les rues malgré l'absence de Mr Schue. Il n'avait jamais eu à patrouiller seul auparavant, malgré les quasi six mois qui s'étaient déjà écoulés depuis sa première rencontre avec Mr Schue. L'absence d'action le rassurait autant qu'elle le mettait mal à l'aise. Il n'avait pas été envoyé à Lima pour rien. Harmony était morte ici-même. Alors pourquoi ne se passait-il rien ? Pas l'ombre d'une mort suspecte dans les journaux ni même de disparition.
Il commençait à devenir fou. Entre ses rêves et ses hallucinations. Peut-être que Mr Schue n'était que le fruit de son imagination, de même que les six derniers mois de sa vie. Il s'arrêta et fouilla au fond de son sac à la recherche d'une poche cachée. Elle était là, bel et bien là. La petite poche qui contenait son pieu et sa gourde d'eau bénite. Bien, au moins il n'était pas encore complètement fou.
En rentrant il trébucha sur une pelouse et lâcha un juron en voyant un peu de terre humide s'étaler sur le bout de sa chaussure. Il sortit un mouchoir et se baissa pour essuyer sa chaussure quand son odorat sensible détecta quelque chose d'étrange. Sous l'odeur de l'herbe humide, il pouvait sentir autre chose. Une odeur subtile et familière. La même odeur qu'il avait repérée précédemment. Des cendres, il venait de marcher sur des cendres. Ses mains tatônnèrent l'herbe autour de lui. La plupart devait sans doute s'être envolée à cause du vent, mais le petit bout de pelouse avait clairement été recouvert de cendres. Il n'y avait pas l'ombre d'un mégot, donc peu de chance que des cigarettes en soient à l'origine. Et il n'y avait pas de trace d'odeur de tabac. Il en tira une seule et unique conclusion.
Quelqu'un d'autre se chargeait des vampires dans cette ville. Et pire encore, il y avait vraiment des vampires à Lima…
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- Il faut arrêter le sang.
Kurt était terrifié. Son père était inconscient et son cou saignait à profusion. Il tenta de contenir le saignement en pressant ses mains sur la plaie, mais la vue du sang sur ses propres mains le rendit nauséeux.
- Kurt.
À côté de lui, se tenait l'homme dénommé William Schuester. Il était revenu. La dernière fois que Kurt l'avait vu, il l'avait traité de cinglé et avait manqué d'appeler la police.
- Il faut l'emmener à l'hôpital, aide-moi à le relever.
Ses oreilles bourdonnaient et il ne l'écoutait que d'une oreille.
- Kurt !
- Qu'est-ce que c'était ? Demanda-t-il d'une petite voix.
Il connaissait déjà la réponse, il avait juste besoin de l'entendre encore une fois.
- Un vampire.
-o-
Le lendemain, Kurt découvrit avec soulagement le mot de Mercedes dans son casier. Malheureusement elle ne se montra pas de la journée. Ce qui le laissait en compagnie seule de Rachel Berry.
- Tu devrais vraiment rejoindre le Glee Club ! Je suis sûr que tu t'y épanouirais parfaitement. Même si tu ne peux pas chanter, ce sera toujours une expérience enrichissante de m'écouter. On en apprend beaucoup en écoutant les meilleurs.
Bien que tentant, Dieu sait que Kurt avait assez de soucis à se faire sans y ajouter le Glee Club de Rachel. Il était toujours préoccupé par la cendre qu'il avait trouvé la veille. Et c'était à se demander pourquoi. N'était-ce pas une bonne nouvelle ? Quelqu'un d'autre faisait son job à sa place. Un job pour lequel il n'était pas rémunéré au passage… il n'y avait pas des lois contre ça ?
C'était tout de même étrange. Sans compter le silence radio de Mr Schue qui commençait sérieusement à l'inquiéter. Peut-être que Mr Schue était parti patrouiller sans lui ? Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l'avoir contacté ? D'autant plus que Mr Schue n'avait guère la force nécessaire pour se charger lui-même de vampires. Ce n'était pas totalement impossible cela dit. Mr Schue avait l'expérience et l'intelligence (enfin tout était relatif).
- Kurt ! Tu pourrais au moins m'écouter ! S'exclama Rachel exaspérée.
- Désolé. Le chat sur ton pull est tellement distrayant. Et non, ce n'est pas un compliment. Tu disais ?
Elle lui jeta un regard noir mais choisit néanmoins d'ignorer sa remarque.
- Mes parents organisent un vide-grenier ce week-end, et j'ai trouvé ça dans les cartons à débarrasser, j'ai pensé que ça pourrait t'intéresser.
Rachel lui tendit une fine broche en argent. Une broche en forme de croix.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Demanda-t-il défensivement, le coeur battant.
- Tu n'arrêtais pas de regarder le pendentif de Mercedes l'autre jour, répondit Rachel en haussant les épaules. Et comme tu as l'air d'aimer les broches un peu bizarres…
- Oh. Merci, répondit-il simplement.
Il glissa l'objet dans sa poche (ça pouvait toujours être utile) et parvint à se calmer et à afficher un sourire plus ou moins convaincant. Il ne pouvait décemment pas se montrer affolé par le moindre détail.
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- Les Tueuses ne sont pas sensées être… des filles ? Demanda Kurt en haussant un sourcil.
- La Tueuse, corrigea machinalement Mr Schuester. Et c'est ce qu'on croyait jusqu'à présent, mais tu vois bien que non.
Kurt referma le gros manuel ancien que lui avait prêté Mr Schuester. Il avait passé la nuit à en faire la lecture et commençait à avoir mal à la tête.
- Et donc il n'y en a qu'une ? Ça n'a pas de sens. Comment une seule et unique personne pourrait s'occuper de tous les démons du monde entier ? Est-ce qu'elle peut se téléporter ?
Voilà qui aurait été intéressant.
- C'est impossible, répondit simplement Mr Schue, le mieux à faire est de se concentrer sur la source.
- La source ?
- La Bouche de l'Enfer. Elle a tendance à attirer les démons.
-o-
Cette fois-ci, Kurt était parvenu à s'assoupir et à se réveiller sans que personne ne le remarque. Il faut dire que la moitié de la classe dormait également. Le cours d'histoire était tellement soporifique, le professeur lui-même semblait sur le point de s'endormir. Kurt était sur le point de fermer les yeux à nouveau quand Mme Collins se dirigea vers son bureau et commença à fouiller dans son sac. Ne trouvant pas ce qu'elle voulait, elle déversa son contenu sur le bureau, tout en continuant son monologue. Sur une quelconque révolution ou bien une guerre. Ou peut-être les deux.
Kurt écarquilla de grands yeux quand elle saisit parmi les divers manuels d'histoire une énorme machette. Une machette. Elle tenait dans sa main une machette (une fichue machette !) et continuait tout naturellement de parler comme si de rien n'était.
« La guerre de sécession… »
Il regarda autour de lui mais ne dénota aucune réaction particulière de ses camarades. Est-ce qu'il était le seul à remarquer l'étrangeté de la situation ? C'était certainement contre les régulations d'apporter une machette en cours, non ? S'il avait su que c'était autorisé, il aurait très certainement pris la sienne. Comment avait-elle pu passé les détecteurs de métaux de toute façon ?
« …de la Confédération… »
Elle leva soudainement la machette en question et se trancha nettement la main gauche sous le regard horrifié de Kurt. Il retint un hurlement d'horreur et se força à respirer. Okay. D'accord. Il était probablement en train de rêver. Ou d'halluciner. Il ne venait définitivement pas de voir Mme Collins se trancher la main devant tous ses élèves. Personne à part lui n'avait l'air de réagir. Le sang était en train de dégouliner tandis que la main de Mme Collins gisait toujours sur le bureau. Elle agitait ses bras au fil de son discours comme si de rien n'était. Kurt se sentit nauséeux à la vue de l'os. Il allait finir par vomir.
- Kurt ? Demanda Rache à voix basse. Tout va bien ?
- Génial. Super. Génial.
Quelques goutelettes de sang atterrirent sur les lunettes de Mme Collins. Puis elle commença à tremper ses doigts dans le moignon de sa main gauche, au plus grand dégoût de Kurt avant de se retourner vers le tableau et d'inscrire quelques mots au tableau qui lui donnèrent froid dans le dos.
« Bouche de l'Enfer ».
Ses doigts se crispèrent sur le bord de sa table. Ses oreilles commençaient à bourdonner désagréablement.
- Kurt.
Rachel posa sa main sur la sienne.
- Quoi ? Demanda-t-il un peu tranchant et sur les nerfs.
- Je peux t'emprunter ta gomme ?
Il la lui donna sans rien dire. Quand il se tourna à nouveau vers le tableau, son hallucination avait disparu. Mme Collins avait récupéré sa main et l'inscription sanglante au tableau n'était plus là.
-o-
Le soir venu, Kurt se retrouva à nouveau dans les ruelles les plus sombres de Lima à la recherche d'un signe anormal, plus déterminé encore. Il marcha longtemps et passa deux fois devant le cimetière de Lima sans rien apercevoir d'intéressant. À un moment donné, il aperçut Noah Puckerman au loin, accompagné de sa bande de sous-fifres, mais eut la présence d'esprit de se cacher dans une ruelle adjacente le temps qu'ils passent. Il préférait éviter toute altercation avec les élèves de McKinley. Surtout quand il se trimballait avec un sac rempli d'armes létales et d'eau bénite.
Mais l'odeur. L'odeur de cendres était revenue. Elle était légèrement plus prononcée que la dernière fois. Plus proche et plus récente. Kurt sentit l'adrénaline lui monter à la tête et commença à courir aussi vite qu'il put. Ses réponses, ou du moins une partie, n'étaient plus très loin. Il ne tarda pas à entrapercevoir une silhouette au loin, la rattrapa rapidement et la retint par le poignet.
- Kurt ? S'exclama une voix surprise.
Une paire de yeux noisette se posa sur lui. Devant lui, se tenait un adolescent sensiblement plus petit que lui. Il ne devait pas être plus âgé que Kurt et portait un horrible cardigan qui le faisait ressembler à un rat de bibliothèque (un charmant rat de bibliothèque cela dit). Quant à sa coiffure, elle était tragique. Juste… tragique.
Kurt était quasiment sûr de ne l'avoir jamais vu de sa vie. Comment connaissait-il son nom ? Peut-être un élève de McKinley qu'il n'avait pas particulièrement remarqué ? Kurt lui-même n'était pas exactement passé inaperçu dernièrement, il n'aurait pas été étonnant qu'une bonne partie du lycée le connaisse au moins de nom.
Kurt se rendit compte qu'il tenait toujours le poignet de l'adolescent dans sa main. Il aurait pu se mettre à rougir furieusement, mais il se figea sur place. Pour commencer, sa peau était glaciale et il ne sentait aucun pouls. Il se recula comme brûlé et se tint sur ses gardes.
- Je ne suis pas là pour me battre. Tu devrais rentrer chez toi.
Ce qu'il aurait pu faire, si le conseil ne provenait pas d'un vampire. Tous les nerfs de son corps lui hurlaient d'empaler le vampire en question et ce dernier dut le percevoir, car en une fraction de seconde, il s'était propulsé devant Kurt et empoigna sa gorge d'une main ferme. Son autre main empêcha Kurt de prononcer mot tandis qu'il indiqua d'un signe de tête la ruelle adjacente.
- Ne fais pas de bruit, murmura-t-il à voix basse.
Plusieurs voix relativement proches se firent entendre. Il était difficile de comprendre précisément le contenu de la conversation. Deux mots attirèrent cependant son attention « Observateur » et « Tueuse ». Kurt sentit son sang se glacer et voulut se pencher un peu plus pour mieux écouter. Il se rappela cependant de la situation désagréable dans laquelle il se trouvait. L'étrange vampire avait toujours une main menaçante posée sur son cou et une autre qui commençait sérieusement à couper sa respiration. Il n'avait cependant pas bougé et ne montrait pas d'intention immédiate de le tuer.
Kurt n'esquissa aucun mouvement, le coeur battant. Il pouvait entendre son sang pulser nerveusement dans ses oreilles. Et s'il pouvait l'entendre, ça n'échapperait sans doute pas à un vampire. Il finit par paniquer et craquer lorsqu'il sentit un regard pesant se poser sur son cou et lui infligea un coup de genoux suivi d'une droite bien placée.
- Kurt, grinça le vampire entre ses dents.
Le boucan attira inévitablement l'attention sur eux et Kurt aperçut du coin de l'oeil quatre à six silhouettes s'avancer dans leur direction. Et à en juger par leurs têtes, ils étaient aussi humains que le bonhomme au noeud de papillon.
Kurt évalua ses chances de pouvoir les avoir tous mais elles étaient maigres. Il se sentait déjà dépassé par deux vampires, alors une demi-douzaine, c'était pousser le bouchon un peu trop loin.
Il rebroussa chemin et se mit à courir aussi vite qu'il put. Il était rapide, très rapide. Bien plus que l'humain ordinaire. Et pourtant, le bruit des pas derrière lui se faisait entendre de plus en plus nettement. Il se força à respirer régulièrement comme le lui avait rabâché de nombreuses fois Mr Schuester et continua de courir et de tourner dans diverses rues pour semer ses poursuivants.
Malheureusement, il ne tarda à tomber dans une allée bloquée par un grillage. Évidemment. La loi de Murphy en gros. S'il fuyait, il allait forcément tomber sur un cul-de-sac.
Avec un peu d'élan, il aurait pu aisément sauter par dessus malgré les trois mètres de grillage. Mais il ne bougea pas d'un pouce. Il resta là à écouter le son des pas qui se rapprochait. Il était étrangement calme et ne pensa plus à rien pendant l'espace d'un instant.
Puis ses pensées dérivèrent brièvement vers Mercedes et Rachel. Son stupide Glee Club qu'elle tentait désespérément de le faire rejoindre. Et lui qui voulait probablement en faire partie au fond de lui. Dans une autre vie, il aurait pu s'imaginer chanter à leurs côtés. Il avait passé cette semaine sur une corde raide, pendu entre ses deux mondes. Celui où il n'avait que seize ans et celui où il mourrait probablement de mort non-naturelle avant ses vingt-cinq ans d'après les statistiques douteuses de Mr Schue.
Durant toute une semaine, il n'avait pas croisé l'ombre d'un être surnaturel. Et soudainement, une flopée de vampires l'attendait au coin de la rue. À croire que la Vie avec un grand V se fichait de lui. Comme si dès le moment où il s'était autorisé un peu de répit, elle l'avait réveillé avec un grand coup de poing dans la gueule.
Les pas derrière lui le ramenèrent à la sombre réalité. Quatre vampires lui barraient la route. Leurs visages inhumains laissaient apparaître de grands crocs luisants qui lui donnèrent la chair de poule.
Il allait mourir. Il n'allait pas mourir. L'un ou l'autre. Est-ce que cela avait vraiment de l'importance ? La seule chose qui comptait vraiment, c'est qu'il allait leur éclater la figure. L'un mourut immédiatement empalé dans son pieu mais le second le frappa au visage tellement fort qu'il aurait pu s'en décrocher la mâchoire. Furieux, il riposta du mieux qu'il put.
- Espèce de, grogna l'un des vampires.
Des coups de pieds, des coups de poings, des coups de coudes et même des coups de boules, il se débattait comme un chien enragé aussitôt qu'on posait la main sur lui. Ça n'avait rien de gracieux, il manquait clairement de pratique et d'adresse. Pas comme si cela changeait quoi que ce soit quand sa vie était pendue à un fil raide. Il tenta à nouveau de plonger son pieu dans un coeur, un bras, un membre ou n'importe quoi, tant qu'il blessait mais se fit promptement désarmer et lâcha un cri déchirant quand il sentit le vampire plonger son propre pieu (c'était d'une ironie) dans sa cuisse. Il se laissa tomber genou à terre, la respiration haletante et le regard plein de défaite. Les deux vampires restants se tenaient derrière lui et retenaient fermement les bras, mais il n'avait même plus la force de se débattre. Sa brève poussée d'adrénaline était retombée à néant.
Il avait seize ans, il n'avait pas encore vu New York et il était trop jeune pour mourir. Mais l'espace d'un instant, il se demanda si cela lui apporterait le repos. Probablement pas, songea-t-il en fronçant les sourcils. Il finirait sans doute tellement amer et fou de rage qu'il reviendrait les hanter jusqu'à la fin de leurs jours (ce qui pouvait vouloir dire pour toujours).
Kurt releva son regard, plein de défi, et aperçut avec stupéfaction le vampire se réduire en un tas de poussière. Devant lui, s'était matérialisé le vampire au noeud de papillon, un pieu grossièrement taillé dans la main (ses pieux à lui étaient tellement plus jolis).
Il laissa les questions pour plus tard et profita de la confusion pour arracher brutalement le pieu planté dans sa cuisse (non sans grincer des dents) pour empaler l'un des vampires restants. Le dernier ne tarda également pas à disparaître dans un tas de poussières.
- Est-ce qu'on peut parler maintenant ? Demanda une voix familière.
-o-
- Je m'appelle Blaine, se présenta le vampire.
Il n'avait pas hésité à soulever Kurt pour l'aider à marcher. Sa jambe pissait sérieusement le sang et Kurt se demandait comment il était possible qu'il soit encore conscient. La vue du sang lui donnait la nausée, et surtout le sien.
- Je devrais probablement te tuer, ajouta-t-il après quelques minutes de silence. Donne-moi une bonne raison de ne pas te tuer, dit-il sur le ton de la conversation.
Sans pour autant plaisanter. Cela dit, il n'avait sans doute pas la force de tuer Blaine à l'instant présent.
- Je t'ai sauvé la vie, ça compte pour quelque chose non ?
- Coup de chance, admit-il avec mauvaise grâce.
Ils finirent par arriver près d'une bouche d'égouts que Blaine souleva à la plus grande horreur de Kurt.
- Les égouts ? Sérieusement ? Grimaça-t-il incrédule.
Le vampire l'ignora, descendit l'échelle en premier et lui lança un regard d'en bas.
- Tu viens ?
- Pourquoi ? Tu vas me tuer dans les égouts ? Je refuse de descendre dans un endroit aussi nauséabond et qui plus est, un lieu de meurtres privilégié.
Blaine roula des yeux.
- Je pense qu'on a déjà établi que je ne voulais pas te tuer, non ?
Quelque part dans les égouts, derrière une porte, se trouvait une sorte de studio miteux (plus miteux que son appartement, alors c'était dire) réaménagé en un lieu de vie à peine habitable. Mais quelqu'un y vivait.
Blaine y vivait. Blaine, le vampire les avait mené droit à son repère, ou du moins c'est ce que Kurt supposait. Kurt s'était laissé emmené dans un repère de vampires. Mr Schuester allait faire une crise cardiaque. À supposer qu'il était encore en vie.
- C'est là où tu ramènes toutes tes conquêtes ? Parce que ça manque sérieusement de décoration.
C'était le stress, d'accord ? Le stress lui faisait dire des âneries. Il avait failli mourir, probablement. Et un vampire doté d'un noeud de papillon le détenait au fin fond des égouts. Au moins, il n'était pas trop désagréable à l'oeil si l'on passait outre les cheveux. Mais il n'y avait pas moyen que Kurt ne soit pas stressé.
Il se laissa mener vers un vieux canapé défoncé. S'il n'avait pas été aussi sale et miteux, Kurt aurait pu ressentir quelques remords à l'idée de laisser des traces de sang.
- Hé, interpella Kurt.
Il ne savait pas trop comment appeler Blaine. Il ne voulait juste pas l'appeler Blaine.
- Je m'appelle Blaine, répéta à nouveau le vampire en haussant un sourcil.
- Je ne vais pas t'appeler Blaine.
- Et pourquoi donc ?
- Je ne donne pas de nom aux choses, répondit Kurt en roulant des yeux.
Blaine fronça les sourcils.
- Je marche, je parle et je pense. Ça devrait me donner droit à un nom, non ? Même les chiens ont un nom.
- Les chiens ne sont pas des meurtriers sanguinaires.
Blaine sembla perdre sa contenance l'espace d'un instant.
- Tu tues les vampires sur une base journalière, qu'est-ce qui te rend si différent d'eux ? Ils se nourrissent de sang, tu te nourris d'animaux.
- Je suis humain, répondit Kurt avec conviction.
Ce n'était pas une réponse et encore moins un argument, mais pourtant Blaine sembla le prendre très personnellement.
- Je n'en mettrai pas ma main à couper si j'étais toi, dit-il froidement.
Kurt pâlit de rage. Pour un vampire, il était des plus irritants. Ce n'était pas comme si Kurt avait échangé plus de deux mots avec d'autres vampires jusque là, mais quand même.
- Pardon ?
- Tu penses vraiment que tu es encore humain ? Est-ce qu'un humain pourrait vraiment faire tout ce que tu peux faire ?
Kurt baissa les yeux malgré lui. Il se savait piètre Tueur de vampires. Mais il était aussi un humain raté apparemment. Pas foutu de se conformer à la norme. Ça n'avait pas vraiment changé d'avant, cela dit.
Il se rappela avoir arraché ce morceau de bois hors de sa cuisse un peu plus tôt, sans même rechigner. Sa blessure avait déjà cessé de saigner. Quelques mois auparavant, il aurait sans doute tourné de l'oeil. Ou vomi. Ou les deux à la fois. Probablement les deux à la fois.
- Blaine est mort, poursuivit froidement Kurt évitant de répondre à la question, je ne devrais pas t'appeler par son prénom.
-o-
Un autre silence pesant s'était installé. Blaine ne lui avait plus adressé la parole, probablement un peu vexé, supposa Kurt. Et tant mieux, parce que lui-même était irrité. Il avait désinfecté, retiré les échardes de la plaie de Kurt, pansé le tout proprement (Kurt s'était retint de crier au contact de l'alcool, histoire de montrer ce qui lui restait de dignité et de masculinité) et lui avait même donné une poche glacée pour l'horrible bleu qui commençait à se former sur sa joue.
Blaine était étrange, songea Kurt. Il avait tué deux des siens pour sauver Kurt, malgré le fait que ce dernier aurait probablement tout fait pour le tuer, l'avait plus ou moins insulté (ou au moins dans sa tête et à de nombreuses reprises). Il avait ramené Kurt dans sa propre demeure (enfin si on pouvait appeler ça une demeure) et l'avait soigné.
Mais Kurt n'était pas dupe. Il n'y avait pas de « gentils » vampires. Il ne vivait pas dans une comédie romantique avec des vampires scintillants qui se nourrissaient gentiment d'animaux. Les vampires de son histoire à lui étaient des créatures sanguinaires sans âme. Ce n'était pas une question de choix, c'était dans leur nature tout simplement. Et Blaine ne faisait pas exception à la règle.
- Qu'est-ce que tu faisais dans cette allée ? Finit par demander Kurt.
Ce n'était pas exactement la question qu'il aurait voulu poser, mais il ne savait pas vraiment quoi demander. Qu'est-ce que ces vampires faisaient là-bas ? De quoi parlaient-ils ? Savaient-ils pour Kurt ? (Enfin ils étaient morts donc ça n'avait pas vraiment d'importance). Quelles étaient les motivations de Blaine ? Ce dernier connaissait son nom et l'avait immédiatement reconnu. Et ce n'était définitivement pas une bonne nouvelle si tous les vampires et démons du coin avaient déjà eu vent de son arrivée. Ce qui le ramenait encore une fois aux tas de cendres qu'il avait retrouvé éparpillés un peu partout.
- J'essayais d'écouter ce qu'ils avaient à dire jusqu'à ce que quelqu'un s'en mêle, répondit Blaine quelque peu irrité.
Kurt soupira et s'installa un peu plus confortablement contre un coussin qui traînait. Toute la fatigue commençait sérieusement à lui tomber dessus. On avait attenté à sa vie après tout.
- Je pense que des vacances me ferait du bien. À la plage peut-être. Ou plutôt quelque part avec de la neige. Le soleil n'est pas très bon pour ma peau.
- Tu ne peux pas t'en aller maintenant ! S'exclama Blaine les yeux grands ouverts qui lui donnaient des airs de chiot.
Visiblement, personne ne lui avait appris la notion du second degré.
- Pourquoi pas ? Demanda Kurt curieux.
- Les choses sont sur le point de tourner au vinaigre ici, répondit-il gravement. Les gens ont besoin de toi.
Kurt lâcha un rire sardonique. Ils étaient directement sur la Bouche de l'Enfer, bien sûr que les choses allaient tourner au vinaigre. C'était comme annoncer que le ciel était bleu et que les Titans de McKinley allaient encore perdre leur prochain match.
- Nomme-moi une seule personne qui m'est reconnaissante.
Blaine ne répondit pas. Il ne pouvait pas bien évidemment. Personne n'était au courant et personne ne saurait jamais. Personne n'était jamais sensé savoir. Il vivrait une courte vie sanglante pour des gens qu'il ne connaissait même pas.
- Des gens vont mourir Kurt, déclara Blaine d'un air sombre.
- Pourquoi est-ce que je devrais être tenu pour responsable ? Je n'ai pas choisi d'être là.
Blaine sembla prendre colère.
- Alors pourquoi es-tu là ? Prends ta voiture et va-t-en, personne ne te retient. Ne joue pas les martyrs, personne ne te retient enchaîné ! Alors si tu as l'intention de ne rien faire, aies au moins la décence de mourir et de laisser ta place à une véritable Tueuse !
Blaine eut l'air de regretter immédiatement ses paroles et plaqua une main sur sa bouche, comme choqué par ses propres paroles.
- Attends, je ne voulais pas…
Mais Kurt avait déjà pris la porte.
-o-
Kurt s'était extirpé des égouts en boitant tout le long. Il souffrait terriblement mais sans doute pas autant qu'il aurait dû. Cela dit, la comparaison était difficile à faire, il n'avait jamais été transpercé par un pieu avant de devenir Tueur.
Il se laissa tomber sur un trottoir en béton et laissa échapper un cri de rage qui fit écho dans la nuit. Il avait lamentablement manqué de se faire tuer. Mr Schue n'était toujours pas apparu et son instinct était à soixante-dix pourcents sûr que ce dernier était retenu quelque part par Dieu sait quoi pour d'obscures raisons. Les trente pourcents restants, il se demandait si Mr Schue ne s'était pas égaré sur le chemin de Lima tout simplement.
Et Blaine. Pour un vampire, il avait du culot. Un vampire qui lui faisait la morale à lui, on aurait tout vu.
Il s'était rarement senti aussi seul et sans la moindre idée de la démarche à suivre. Le son d'une sirène au loin se fit entendre. Il s'imagina vaguement entrer au commissariat et demander de l'aide : « Bonsoir. Je viens de me faire agresser par une bande de buveurs de sang et leurs petits camarades doivent certainement détenir mon mentor mais je ne sais pas par quoi commencer ni où chercher ».
Et comme pour répondre à sa question, deux vampires sortirent de l'ombre et s'approchèrent de lui. Ils étaient tous de sortie ce soir-là ou bien… ?
- Tu devrais venir sans faire d'histoire.
- Et je devrais me laisser faire parce que … ? Demanda Kurt en haussant un sourcil.
Son insolence et son sarcasme le surprirent quelque peu. Ou peut-être qu'il était trop épuisé pour être correctement effrayé.
Il attrapa au vol le portable que lui lança le second vampire. Son portable pour être plus exact. Rayé et fissuré, fantastique…
Sur l'écran, une photo de Mr Schue et Mercedes attachés côte à côte lui glaça le sang. La bonne nouvelle c'est qu'ils avaient l'air tous les deux entier et vivants sur la photo qui ne devait pas dater de plus d'un jour puisqu'il avait vu Mercedes la veille. La mauvaise nouvelle en revanche… comment Mercedes s'était-elle retrouvée mêlée à cela ? Il contempla son téléphone l'air pensif. Est-ce qu'ils l'avaient traquée parce qu'elle détenait son téléphone ? Était-ce possible ? Kurt n'était même pas fichu d'installer correctement un anti-virus sur son ordinateur. Alors l'idée que des vampires puissent utiliser quelques compétences informatiques avancées pour traquer son téléphone était perturbante. Il avait clairement sous-estimé leurs capacités intellectuelles.
- Puisqu'on me laisse le choix, soupira-t-il.
Contre toute attente, le vampire lui tendit une seringue. Il ne s'attendait quand même pas à ce que Kurt se l'injecte lui-même ?
- Un tranquillisant. C'est une garantie pour nous, expliqua ce dernier.
Kurt pesa le pour et le contre. Peut-être qu'il aurait dû simplement tenter de les tuer sur place. Malheureusement, cela ne lui aurait laissé aucune indication sur l'emplacement de Mr Schue et Mercedes. Et visiblement, les deux vampires avaient pour le moment l'intention de le garder en vie. Pour combien de temps, c'était une toute autre question. Il ne savait pas précisément ce que contenait la seringue et se demanda combien de temps son sang aurait besoin pour éliminer la substance étrangère. Il avait un taux de récupération plus élevé que l'humain moyen mais pas non plus instantané.
Pendant l'espace d'un instant, il eut une pensée stupidement égoïste. Pourquoi devait-il subir toutes ces conneries ? Pour rendre le monde plus sûr ? Pour des gens comme Azimio ? Il s'en voulut immédiatement et pensa à Mr Schue et Mercedes.
Kurt planta sans hésitation la seringue dans une veine de son bras et laissa l'obscurité l'envelopper.
-o-
La porte était en train de trembler malgré la table qu'il venait de pousser contre celle-ci pour l'empêcher de s'ouvrir. Il examina la pièce dans laquelle il se trouvait. La seule fenêtre présente était minuscule, il ne pourrait sans doute jamais sortir par là.
- Et merde, merde, merde…
Kurt Hummel ne jurait jamais. Il y avait une exception à tout. Notamment quand il était sur le point de faire une crise de panique. Il composa le numéro de Mr Schue sur son portable et pria pour que ce dernier décroche. Il n'avait pas décroché de la soirée. Quand finalement, il décrocha…
- Mr Schue !
- Kurt ?
Il lui expliqua rapidement la situation mais buta quelque peu sur les mots et dut s'y reprendre à deux reprises. Les tambourinements sur la porte ne l'aidaient pas à se concentrer.
- Combien sont-ils ?
- Deux ! Ils sont deux !
- Kurt, tu peux le faire, commença Mr Schue.
- Non !
Non, non et non. Il pouvait à peine tenir sur ses jambes et se sentait nauséeux rien qu'à l'idée de devoir ouvrir cette porte et faire face à ces abominations. Il était mort de peur. Depuis qu'il avait rencontré Mr Schue, tout lui semblait tellement sombre. Il était terrifié et avait la désagréable sensation de se noyer progressivement.
- Ne bouge pas, j'arrive.
Il jeta un coup d'oeil à la croix en bois qu'il tenait dans sa main et la jeta furieusement contre le mur. C'était comme si elle se moquait de lui.
-o-
- Kurt. Kurt !
Quelqu'un lui donna un violent coup dans le tibia. Il se réveilla dans le noir complet et mit un moment à s'ajuster à l'obscurité. Mercedes et Mr Schue étaient là. Il tenta de parler mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Pour tout dire, il parvenait à peine à bouger. Cligner des yeux lui demandait déjà un effort considérable. Les bâtards l'avaient sédaté bien comme il fallait.
- Kurt ? Demanda Mercedes d'une petite voix.
Elle était menottée pieds et mains et avait l'air épuisé. Son visage était parcourue de larmes séchées et son menton avait l'air quelque peu éraflé. À côté d'elle, Mr Schue le regardait d'un air inquiet. Il avait un peu de barbe et n'avait pas l'air de s'être rasé récemment.
- Mmm… fut la seule chose qu'il parvint à prononcer.
- Kurt, commença Mr Schue, il faut que tu brises les menottes.
Kurt roula des yeux. Ou du moins, il aurait roulé des yeux s'il avait pu. Est-ce qu'il avait l'air de pouvoir bouger ? De toute évidence, il était étalé par terre parce qu'il répétait pour le rôle titre d'une chenille. Il parvint à grogner quelques incohérences mais resta néanmoins immobile. Sa respiration était lente et le sol semblait tanguer. Lorsqu'il ne montra aucune intention de bouger, Mr Schue soupira. Comme s'il y pouvait quelque chose… on lui avait injecté de quoi assommer un éléphant pour sa défense. Et la faute à qui s'ils se retrouvaient dans cette situation plus que délicate ?
Quelques voix se firent entendre derrière un mur avant qu'une porte ne s'ouvre à la volée. Mercedes poussa un petit cri de terreur malgré les mots de réconfort de Mr Schue. Kurt sentit quelqu'un s'approcher de lui et la piqûre familière d'une seringue. Il se demanda vaguement combien de fois il avait été piqué depuis son arrivée mais sombra à nouveau dans l'inconscience.
-o-
Des cierges blancs recouvraient toutes les surfaces visibles. L'endroit était lugubre et sinistre, l'air humide. Il pouvait entendre un bruit d'égouttement constant dont l'écho lui portait sérieusement sur les nerfs. Kurt s'avança au centre de la pièce et se retrouva devant une sorte d'autel en marbre blanc. La surface lisse était maculée de sang. Il s'en approcha, nerveux, et aperçut ce qui ressemblait nettement à un coeur humain. En théorie du moins. Il n'avait jamais vu de coeur humain mais supposait qu'il n'y avait pas grande différence avec le coeur de boeuf disséqué en cours, hormis la taille.
Kurt fit volte-face et chercha des yeux la sortie. Il refusait de rester là un instant de plus.
A quelques pas de lui, une pile de cadavres avait été entassée. Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur lorsqu'il en reconnut trois : Mercedes, Rachel et Mr Schue. Leurs yeux morts étaient grand ouverts et leur coeur avait été arraché.
Et Kurt hurla. Hurla et hurla tellement fort qu'il ne sentait plus ses cordes vocales. Pourtant pas un son ne sorti de sa bouche. Derrière lui, un bruit humide se fit entendre. Le vampire le plus laid qu'il ait jamais vu se tenait là. Tellement laid, qu'il n'était même pas sûr qu'il s'agisse d'un vampire. Sa peau était littéralement blanche et fripée. Ses yeux étaient d'un rouge vif ensanglanté et ses lèvres étaient retroussées sur une collection de dents pointues. Et ses mains… ses mains. Entre ses mains, il tenait un reste de coeur à moitié mangé.
- Te voilà enfin, s'éleva une voix profondément terrifiante.
Kurt se recula, tremblant et effaré. Il trébucha sur un bras et tomba sous le choc. Ses jambes ne le tenaient plus. Ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il se rendit compte ce qui n'allait pas chez lui. Lui non plus n'avait plus de coeur.
-o-
Kurt se réveilla en hurlant à la mort mais une main étouffa son cri.
- Kurt, chuchota furieusement une voix familière.
- Blaine ?
Son coeur battait la chamade. Au moins, il était encore intact et pas à moitié mâché et digéré par un monstre psychotique. Il avait dû versé quelques larmes dans son sommeil car ses yeux étaient légèrement bouffis. Sa tête lui lançait horriblement et son corps était lourd. Il se sentit néanmoins capable de bouger, l'effet du sédatif s'estompant progressivement.
- J'ai vu… j'ai vu… bafouilla maladroitement Kurt encore confus.
- C'est pas le moment, il faut qu'on parte, marmonna Blaine en tiraillant sur des chaînes.
Kurt baissa un regard incrédule sur les chaînes métalliques qui le retenaient. Quelqu'un avait dû jugé qu'une paire de menottes n'était pas suffisant malgré son état drogué et somnolent. Il pouvait toujours sentir les pièces de métal qui encerclaient ses deux poignets mais supposait qu'il avait dû les briser durant son sommeil.
Mercedes et Mr Schue n'étaient plus là. Ou plutôt, il avait été déplacé dans une autre pièce. Aucune fenêtre. Probablement une cave.
- Ça va faire deux fois.
- Pardon ?
- Que je te sors du pétrin.
Il était trop épuisé pour protester et se disputer avec un vampire avec lequel il n'avait pas dû échanger une conversation de plus de dix minutes (l'intégralité de ladite conversation l'avait plus laissé amer qu'autre chose). Une fois libéré, il se releva et tituba contre le mur.
- Comment est-ce que tu m'as trouvé ? Demanda Kurt en grimaçant.
Blaine haussa les épaules.
- Je t'ai suivi depuis les égouts.
Kurt lui jeta un regard incrédule.
- Tu étais là depuis le début ?!
- Au moins, ils nous ont conduit tout droit à leur repère ! Se défendit Blaine.
« Nous ». Kurt tiqua avec irritation sur le terme. Il n'avait guère confiance et s'interrogeait toujours sur les motivations de ce dernier.
- S'ils avaient vraiment essayé de te tuer, je serais intervenu ! Ajouta Blaine devant l'air suspicieux de Kurt.
- Évidemment…
Ils remontèrent une paire d'escaliers insalubres sans croiser personne. Blaine avait sans doute fait le ménage à l'aller. Ils débouchèrent bientôt sur une pièce déserte. Kurt n'avait aucune idée de l'endroit où pouvaient bien se trouver Mr Schuester et Mercedes. Sans doute dans la même enceinte il supposait. Il n'était pas resté inconscient si longtemps que ça.
- Ils sont à l'étage, répondit Blaine à la question qu'il n'avait pas posé. Tu as dix minutes pour les faire sortir de là.
- Où es-ce que tu vas ? Demanda Kurt méfiant.
Le vampire sembla hésiter un instant mais ne répondit pas. Il tapota l'épaule de Kurt avec un sourire en coin parfaitement détestable.
- Dix minutes, répéta-t-il avant de sortir par ce qui ressemblait à une porte d'entrée.
Ils se trouvaient dans une maison, constata Kurt. Une maison typique de banlieue abandonnée. À en juger par la rue qu'il apercevait depuis la fenêtre, le quartier n'était pas des plus recommandables. Lima Height Adjacent sans aucun doute.
Kurt monta prudemment les marches une à une en se tenant à la rambarde poussiéreuse. Il pouvait désormais presque marcher en ligne droite.
Mercedes était recroquevillée dans le coin d'une chambre, l'air terrifié. À ses côtés, Mr Schue n'avait pas l'air tellement mieux. Kurt claqua des doigts pour attirer leur attention mais leur fit signe de se taire. Il pouvait entendre des voix dans une des pièces d'à côté.
Lorsqu'il parvint à les libérer (Mercedes avait ouvert de grands yeux en le voyant briser les menottes à mains nues), ils se faufilèrent dans le couloir à pas de loups. Kurt soutint du mieux qu'il put Mr Schue qui semblait avoir au moins quelques côtes brisées.
- Tu n'aurais vraiment pas dû venir ici, marmonna Mr Schue dans son souffle.
Kurt roula les yeux. Il était peut-être maître en la matière de dramatiser les choses, mais Mr Schue aussi avait le flair pour le drame.
- Je suis remplaçable, ajouta-t-il sérieusement.
Kurt haussa les épaules.
- Bienvenue au club alors.
Une fois près de l'escalier, il confia la tâche de soutenir Mr Schue à Mercedes et leur indiqua la sortie.
- Kurt ! S'affola cette dernière.
- J'en ai pour deux minutes, répondit-il précipitamment.
Il ne pouvait pas décemment repartir les mains vides. Kurt fit marche arrière. Le couloir était toujours désert, mais les voix qu'il avait entendu étaient toujours présentes. Il s'approcha silencieusement et se colla à la porte pour écouter. Il avait du mal à distinguer les mots mais il était quasiment sûr d'avoir été mentionné dans la conversation. Il parvint à saisir encore quelques termes familiers comme « la Bouche de l'Enfer », « Lima » et « Colombus » mais c'était globalement sans intérêt. Quand un nom entra finalement dans la conversation : « Aurelius ».
Il n'eut malheureusement pas le temps d'en entendre plus. Derrière lui, un vampire le prit par surprise, lui empoigna le crâne par les cheveux avant de le fracasser violemment contre le mur. Relativement douloureux, constata Kurt en lâchant un gémissement malgré lui. Seigneur, il espérait que son nez était encore intact. Il s'apprêtait à riposter mais un coup dans l'estomac lui coupa la respiration. Soudainement des cris provenant du rez-de-chaussée remontèrent jusqu'à eux. Une odeur de brûlé lui chatouilla les narines. Ce qu'il avait confondu jusque là avec l'humidité et la moisissure était en réalité l'odeur de… l'essence.
- L'enfoi…
Une vitre explosa. Et pour cause, le feu s'était rapidement propagé par les poutres en bois. Le vampire à côté de lui, sembla tout aussi confus et se protégea tant bien que mal du feu qui gagnait progressivement les murs.
Kurt retint sa respiration, prit son élan et se jeta par la fenêtre la plus proche. S'il s'en sortait, il réduirait Blaine en poussière et danserait sur ses cendres.
-o-
Un peu plus tard, Kurt finit par retrouver Mercedes et Mr Schue qui l'attendaient avec inquiétude en regardant le brasier avec horreur. Il dut s'y prendre à plusieurs reprises pour convaincre Mercedes de les suivre avant que la police et les pompiers n'arrivent. Il n'y avait aucune trace de Blaine et Mr Schue fut incapable de lui apprendre quoi que ce soit sur ce dernier malgré ses incessantes questions.
Mercedes ne s'arrêta pas de pleurer pendant longtemps. Elle avait encore les larmes aux yeux quand Mr Schue et Kurt la ramenèrent chez elle. Tiraillant Kurt par la manche, elle le prit à part et le serra dans ses bras.
- Tu n'échapperas pas aux questions demain, mais merci de m'avoir sortie de là.
Il fit attraction du fait qu'ils sentaient tous les deux très mauvais et esquissa un sourire.
- Mon Superman de poche, plaisanta-t-elle en reniflant un peu.
- J'espère que tu n'as pas l'intention d'en faire une habitude, répondit-il avec horreur.
-o-
Le soleil n'allait pas tarder à se lever, mais Kurt se rendit à nouveau dans les égouts. Il toqua contre l'épaisse porte métallique qui s'ouvrit sur Blaine.
- Tu sais que j'ai une autre entrée qui mène sur une vraie rue, avec des trottoirs qui ne sentent presque pas la pisse ?
- Oh.
Kurt piqua un fard. Et comment était-il supposé savoir ? Blaine n'avait pas eu la courtoisie de le faire entrer par là.
- Tu as mis le feu à la maison, commença Kurt avec un regard noir.
- Je t'avais dit de sortir au bout de dix minutes.
- J'ai failli y rester !
- Je ne vois pas de quoi tu te plains, tu es encore en vie, non ? Répondit-il en haussant les épaules. Tu es venu pour me tuer ou bien… ?
Le bâtard. Il souriait.
- Une autre fois, marmonna Kurt à contre coeur. Je voulais juste…
Kurt s'interrompit, hésitant. Il regardait un peu dans toutes les directions, trop gêné pour regarder Blaine dans les yeux.
- Je ne voudrais pas avoir l'air totalement ingrat. Mais comme tu as failli me brûler vif, on est quittes.
- De rien, tout le plaisir est pour moi, répondit Blaine avec une note d'ironie.
- Je devrais probablement te tuer… mais pour la sauvegarde de l'industrie du gel coiffant, je t'épargnerai cette fois, ajouta-t-il pour faire bonne figure.
Lorsqu'il buta sur ses mots, il remarqua le sourire en coin de Blaine et sentit ses joues brûler. Il n'avait jamais été aussi humilié devant un vampire. Et c'était sans compter la fois où un vampire avait accidentellement baissé son pantalon en plein milieu d'un cimetière au cours d'une lutte acharnée. Quelque peu irrité, il lui fit un vague signe de la main en guise d'au revoir.
- Une dernière chose…
Kurt se retourna, curieux.
- Un peu plus tôt… tu m'as appelé par mon prénom.
- J'étais drogué, répondit Kurt en esquissant l'ombre d'un sourire.
La prochaine fois. La prochaine fois, il tuerait Blaine. Sans doute.
