Une réécriture minimaliste de mon précédant OS, en espérant que celui-ci sera plus compréhensible.
On eut dit que tous retenaient leur souffle, mais Scorpius plus que quiconque savait qu'il n'en était rien, car il eut pour cela fallu qu'un souffle propre leur appartînt.
En mourant à eux-mêmes, ils n'appartenaient plus qu'au bout de ces doigts sculptant dans des airs ruisselants l'impulsion qui faisait d'eux tous un seul être. C'était comme si la musique vivait en se multipliant par eux. Acceptant de s'abandonner à lui, Scorpius savait que ce Requiem sonnait l'espace d'un instant le glas de ses aspirations personnelles pour embrasser une réalité transcendante et pleinement divine.
Après le tumulte du "dies irae", écrasant les ombres dans un triomphe étincelant de cuivres, noyant dans l'immensité infinie des choeurs les interprètes, il sentait onduler la grâce du son entre les voûtes ténébreuses de la Grande Salle, comme rôdant pour ravir les coeurs. c'était un flot qui surgissait par émanations depuis chaque être, chaque élément présent, vivant indépendamment de tous mais propre à chacun.
Créée par eux, la Musique les précédait, car elle était éternelle dans la vérité céleste.
Elle était en cette vérité.
Elle était vérité.
"La Musique souvent me prends comme la mer
Vers ma pâle étoile
Dans un manteau de brume ou dans un vaste éther
Je mets à la voile." (Charles Baudelaire)
Et soudain tout fut réduit à la courbe souple des violons, et la rondeur d'un chant plein d'espoir succédait à tous les violents accords de l'orchestre; le son mourrait pour donner naissance à l'infini des transports aériens d'un instant, éteint par la baguette du chef, baguette, baguette bien plus magique ces engins justes bons à jeter des sorts inanimés.
Et puis, plus rien... ou presque, un ostinato languissant, des cordes à peine effleurées. C'est alors que s'éleva sa voix, dans un lent champ de larmes; elle chantait, ou plutôt la musique chantait par elle et Scorpius savait que les lèvres de sa voisine vibraient d'autre chose que d'elle-même. Puis, mû par ce fébrile mouvement du poignet, ce fut à lui de laisser naître sa voix de basse, bientôt accompagnée par les doux accents du mezzo de Rose. "dies illa", disait la musique, "ce jour", ... oui ce jour n'était pas un jour de mort, mais d'une vie rayonnante de sons, auréolée par la gloire de la divinité, triomphant dans l'amour.
Alors, qu'en dites-vous?
