Inévitable
Ziva n'était pas prête de le reconnaître mais son coéquipier avait souvent raison.
Certaines choses étaient inévitables.
Cela aurait pu se passer à Paris dans la chambre délicieusement rococo d'un hôtel coquet. Cela aurait pu se passer après une soirée arrosée à oublier une affaire difficile. Cela aurait pu se passer avant la Somalie quand elle était encore officier de liaison du Mossad et Tony, un svelte et encore trentenaire play-boy.
Mais ils avaient choisi d'attendre ou plutôt ils avaient fait le choix de ne rien tenter avant que le destin ne se charge de les séparer deux étés de suite.
Désormais, Ziva était citoyenne américaine, avait remisé ses treillis au placard et lissait quotidiennement son imposante chevelure. Tony ne portait plus que des costumes pour masquer un léger embonpoint et ne se faisait plus un devoir de draguer toutes les jolies filles qui passaient à sa portée.
L'inévitable, c'était produit à Welch surnommée Plouc City, par Tony. Dans une chambre aux murs gris avec pour tout décor un lit recouvert d'un horrible couvre-lit verre d'eau, une table basse sur laquelle reposait une bible et un téléviseur ancienne génération
La raison : un carburateur en panne dans la ville, où ils avaient interrogé le témoin d'un meurtre et où de nombreux illuminés s'étaient rassemblés afin d'assister à la possible apparition annuelle de soucoupes volantes dans le ciel en réservant au passage presque toutes les chambres d'hôtel sur des kilomètres à la ronde.
Tony , immanquablement de mauvaise humeur, râlait en boucle. Passant de sa malchance presque légendaire à l'incompétence du garagiste, revenant sur la médiocrité de l'hôtel et sur l'ancienneté de la télévision.
Ziva, placide et taciturne ne s'aventurait pas à l'interrompre et se contentait d'entamer la pizza qu'il avait commandée. L'idée que sa coéquipière le prive du seul plaisir de la soirée à venir, le poussa à s'affaler à ses côtés sur le lit et à en engloutir quatre parts tandis qu'elle n'en mangea à peine deux.
Son repas achevé, Ziva demanda à son coéquipier:
« Tu peux me prêter ton tee-shirt de rechange ? Je vais prendre une douche »
« Tu n'as qu'à prendre le tien » lui rétorqua alors Tony en mâchouillant la dernière part de pizza
« Le mien n'est pas très long et je n'ai aucune envie que tu fasses des commentaires déplacés sur mes dessous»
« Et moi, je ne dois pas me sentir gêner de dormir torse nu » dit-il la regardant la mine agacée
« Je croyais que tu étais très fier de ton torse velu, Tony » dit Ziva en lui lançant un regard amusé.
« Tu as de la chance de passer la nuit avec un gentleman, David » répondit-il en lui tendant le tee-shirt propre qu'il venait d'extirper de son sac à dos.
«Je peux te prêter le mien, si tu veux, ça te fera une jolie brassière » dit -elle en refermant la porte de la salle de bain.
Ziva était détendue et pas vraiment inquiète de partager son lit avec son coéquipier. Elle avait réalisé depuis déjà de nombreux mois que leurs rapports étaient devenus plus fraternels que séducteurs.
Sous la douche, elle entreprit de se remémorer les moments où Tony l'avait regardé avec des yeux plein d'envie depuis son retour de Somalie et fut déçue de constater qu'ils se comptaient sur les doigts d'une main.
En sortant de la cabine de douche, elle eut l'envie subite de savoir si elle faisait toujours de l'effet à Tony. Au lieu de passer son tee-shirt, elle s'enroula dans une serviette et sortit ainsi de la salle de bain. Elle passa ainsi vêtue devant son coéquipier, occupé à regarder la télévision et fit mine de chercher quelque chose dans son sac à dos.
« Mince, j'ai oublié ma brosse à dent » mentit-elle
Tony qui essayait de se concentrer sur l'écran de télévision, fut obligé de la regarder. Et Ziva fut ravie de constater qu'il s'attarda un instant de trop sur les contours de sa serviette.
« Et alors ? » dit-il en s'éclaircissant la gorge.
« J'ai vu un distributeur de brosse à dent dans le couloir » dit-elle en s'approchant de lui
« Tu serais adorable d'aller m'en acheter une » suggéra-t-elle en lui passant la main dans les cheveux pour les ébouriffer
« Je ne suis pas un chiot, Ziva » dit-il en écartant brusquement sa tête de ses mains
« Je sais » dit-elle en tentant de cacher son mécontentement « mais tu es un gentleman, n'est- ce pas ? »
Tony leva les yeux au ciel et s'exécuta. Quand il sortit de la chambre, elle retourna dans la salle de bain et enfila son tee-shirt. En se regardant dans le miroir, elle se lança un regard affligé. Quelle idée, elle avait eu de le provoquer en sachant que cela ne mènerait de toute façon nulle part.
Perdue un instant dans ses pensées, elle sursauta quand Tony entra dans la salle de bain. Seulement vêtu d'un caleçon, il lui adressa un sourire triomphal tenant deux brosses à dent dans une main, un tube de dentifrice dans l'autre.
« Des aliens ont kidnappé ton costume dans le couloir Tony ? » demanda Ziva en tentant de le regarder droit dans les yeux.
« Je vais prendre ma douche, David, mais j'adore me laver les dents d'abord » dit-il en lui tendant sa brosse à dent.
Elle s'en saisit rapidement, agacée. Tony n'était pas dupe, il avait bien compris son petit manège et lui rendait la pareille.
Ils se brossèrent les dents côte à côte en fixant le miroir et en veillant religieusement à ce que leurs regards ne se croisent jamais.
Ziva décida de battre en retraite dans la chambre et de laisser Tony prendre en toute quiétude sa douche.
Pour oublier cet incident, elle se plongea dans la lecture d'un livre sur l'histoire de la guerre de Sécession.
«Encore, un livre sur l'histoire de l'Amérique, c'est d'un ennui » s'exclama Tony en déboulant dans la chambre
« Peut-être pour toi mais moi je n'ai jamais eu la chance de suivre de cours d'histoire dans un lycée américain ».
« Crois-moi, Ziva, pas besoin de cours, ni de bouquin pour connaitre l'Amérique, il suffit de visionner des films » dit-il en allumant la télévision et en zappant.
« Regarde il y a justement un bon western à la télé ce soir. Le train sifflera trois fois. » dit-il content de sa trouvaille
« Je l'ai dejà vu C'est avec John Wayne » dit Ziva en jetant un coup d'œil rapide à l'écran
« Mauvaise réponse : Gary Cooper. Tu dois donc absolument le voir. Lâche ton bouquin » dit-il en s'en saisissant et en le posant sur la table de chevet.
Ziva poussa un soupir agacé mais vint s'allonger à côté de Tony. La tension entre eux semblait avoir disparue et Ziva était contente de passer un moment paisible avec son coéquipier
A suivre...
Reviews toujours grandement appréciées
