Chapitre un
- Journée paperasse, tout ce que je fuyais à grandes enjambées d'ordinaire. Et pourtant, il était onze du matin et j'étais là, rasé de près, sur une des chaises de la salle de repos à jouer à Angry Birds sur mon smartphone, ma troisième tasse de café négligemment posée sur la table à côté de moi. Je repensais à notre dernière enquête. Elle m'avait plutôt secoué et j'aurais volontiers troqué mon café contre un bon vieux whisky. Cela faisait des heures que je m'acharnais à balancer des piafs de toutes les couleurs sur des édifices plus ou moins branlants et je commençais sérieusement à avoir des fourmis dans les jambes. Si seulement un macchabée pouvait nous tomber dessus, ça nous obligerait à sortir prendre l'air...
- Personne n'est mort, Castle, vous devriez vous en réjouir!
Surpris par l'arrivée inattendue de Beckett dans la salle de repos, Castle sursauta et tomba lourdement de sa chaise.
- Ça ne va pas de me faire des peurs pareilles?! J'aurais pu me tuer! Grogna Castle en se relevant difficilement.
- Rohh! N'exagérez pas Castle, rétorqua Beckett en roulant des yeux. Et puis, vous n'aviez qu'à vous tenir correctement au lieu de vous balancer sur votre chaise en débitant des sornettes comme un privé dans un mauvais roman de Raymond Chandler.
- D'abord, sachez qu'il n'y a pas de mauvais roman de Raymond Chandler! Et puis... Il faut bien que je trompe mon ennui, c'est horrible l'ambiance qu'il y a au poste quand on n'a pas d'affaire!
- Eh oui, c'est comme ça, parfois les meurtriers prennent des vacances, sourit Beckett amusée par la réaction d'enfant trop gâté de Castle. Vous n'avez qu'à rentrer chez vous et écrire! Ce n'est pas ça votre vrai métier?
- Je suis tributaire de l'inspiration, inutile d'essayer d'écrire quand elle n'est pas là, je perdrais mon temps, bougonna encore Castle.
- Je croyais que c'était moi, qui vous inspirais.
- Il faut croire que vous êtes devenue moins inspirante, marmonna Castle en reprenant sa partie d'angry birds.
Cette dernière remarque de l'écrivain fit l'effet d'une gifle à Beckett. Qu'avait-elle bien pu faire pour la mériter?
- Beckett! Lança Ryan en arrivant dans l'encadrement de la porte.
- Oui?
- Téléphone pour vous!
- Merci Ryan.
- Une nouvelle affaire? Demanda Castle intéressé.
- Je ne pense pas. C'est plutôt personnel.
- Beckett aurait un petit ami?
- Vous devez commencer à la connaître maintenant, Beckett ne parle jamais de sa vie privée.
- Mhm... Ça, on peut dire qu'elle aime les secrets...
- Ça va?
- Pourquoi ça n'irait pas?
- Je ne sais pas, vous avez l'air contrarié...
- Oh! Euh... Ce n'est rien... Un truc qui me turlupine pour mon prochain roman...
- Je peux peut-être vous aider... Racontez-moi ça!
- Pas question que je révèle l'intrigue de mon prochain roman! Vous devrez attendre sa sortie comme tout le monde!
- Dites plutôt que vous êtes encore en retard dans l'écriture de votre roman!
- Mhm. Touché. Que voulez-vous, ça ne se commande pas le génie!
Esposito arriva à ce moment-là et s'arrêta dans l'encadrement de la porte.
- Hey Ryan ! Je suis prêt, on y va ?
- Vous allez où ? Demanda l'écrivain intrigué.
- On n'a pas d'affaire, on a fini notre paperasse, on s'en va avant que Gates ou Beckett nous trouve autre chose à faire, expliqua l'irlandais.
- Ils retransmettent le match des Knicks chez Kelly's, si on se dépêche, on devrait pouvoir voir le coup d'envoi, ajouta Esposito. Vous voulez venir avec nous, Castle ?
- Je ne pense pas, rétorqua Ryan avec un petit sourire, il attend Beckett, comme d'habitude.
- Il peut attendre longtemps alors, elle vient de partir, expliqua le latino.
- Oh ! Désolé, vieux, fit Ryan en se tournant vers Castle.
- Ne vous en faites pas pour ça, sourit l'écrivain, je ne l'attendais pas, je tuais le temps. Et si on allait au Old Haunt plutôt ? Ils ont installé un super grand écran. On y sera tranquille, je connais le patron.
- Tu crois qu'il offrira sa tournée ? demanda Ryan intéressé.
- Qui sait, s'il est de bonne humeur, sourit Castle en leur emboîtant le pas pour se diriger vers l'ascenseur.
Tranquillement installé dans son fauteuil, imperturbable, le docteur Burke regardait sa patiente faire les cents pas entre la porte et la fenêtre de son cabinet.
- Et si vous me disiez la raison de ce rendez-vous en urgence, suggéra-t-il lorsqu'il comprit qu'elle était tellement perdue qu'elle ne savait pas par où commencer.
Elle s'arrêta, se passa une main nerveuse dans les cheveux
- … Je ne sais plus où j'en suis, souffla-t-elle.
- Vos cauchemars sont revenus ?
- Non… Enfin oui en quelque sorte…
- Ils sont revenus ou non ?
- Ceux du cimetière non…
- De nouveaux cauchemars alors ? C'est lié à votre dernière affaire ?
- Cette explosion nous a tous chamboulés, dit-elle en haussant les épaules.
- Peut-être, mais vous êtes la seule à m'avoir demandé une consultation à ce sujet.
- … Je… c'était stupide, souffla-t-elle honteuse de cette marque de faiblesse.
- Non ! Kate ! Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je vous en prie asseyez-vous, dit le thérapeute alors qu'elle faisait mine de s'en aller.
Elle stoppa sa marche et le fixa, cherchant ce qu'elle devait faire.
- Vous avez eu plus que votre part de bouleversements cette année. Vous n'êtes pas faible, mais vous êtes en convalescence. Si vous ne vous libérez pas de vos démons, vous ne pourrez pas guérir et avancer !
- … A quoi bon de toute façon ?
Intrigué par cette réflexion de sa patiente, le docteur Burke tenta d'en savoir un peu plus.
- Il s'est passé quelque chose avec monsieur Castle ?
- … Pourquoi croyez-vous que Castle ait quelque chose à voir là-dedans ? S'énerva Beckett en reprenant ses allers-retours.
- … - Il n'a rien à voir là-dedans ! Et puis c'était juste un cauchemar ! Ça arrive de faire des cauchemars ! Je n'aurais pas dû venir, je me suis inquiétée pour rien.
- Combien ?
- Quoi combien ?
- Combien de fois avez-vous fait ce cauchemar ? Vous avez dû le faire plusieurs fois pour venir ici…
- Je… Je ne sais pas… soupira-t-elle.
- Si vous le savez, mais vous ne voulez pas me le dire !
- Trois ou quatre fois… C'était si réel…C'était…Il était…Je ne pouvais rien faire… Sa voix mourut dans sa gorge, étranglée par l'émotion toujours aussi vive que ce cauchemar lui causait.
Burke resta silencieux tandis qu'elle se laissait tomber sur le canapé, vaincue.
