Devoir et conséquences

Auteur : Hito
Résumé: Jack se retrouve confronté à un choix impossible…
Genre: Romance S/, Drame, Action…
Spoilers: Courant saison 8 après Affinity…
Disclaimer : Les personnages et l'univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

NB : Je dédis cette fic à Aurélia ! C'est noir et violent, tout ce qu'elle aime ;-b
Merci à elle et à Hélios pour leur aide. Bisous les filles !
Et un gros gros merci à gjc597 qui a sauvé cette fic ! ;-)

Attention, cette fic contient des scènes violentes et des allusions susceptibles de choquer les plus jeunes… (Déconseillée aux moins de 13 ans)

………………………………………….

D'un geste brusque, Jack fut poussé à l'intérieur de la pièce et leva son regard vers le maître des lieux. Son sang se glaça aussitôt dans ses veines.

Ce vaisseau appartenait pourtant à Yu alors pourquoi « lui » ? Que faisait-il ici, assis sur ce trône qui ne lui appartenait pas ?

Une sourde angoisse vint enserrer son cœur, lui coupant le souffle, le laissant l'espace de quelques secondes totalement perdu. Il tenta de déglutir mais la terreur au fond de ses entrailles le paralysait. Le souvenir des tortures passées lui revint brutalement en mémoire… Douleurs extrêmes, souffrances interminables…

Ba'al.

Son pire cauchemar.

Et pourtant… ce n'était pas pour sa peau qu'il était terrorisé, non.

Dans un état second, Jack se tourna légèrement et regarda le profil fin de Carter, debout à ses côtés. Inconsciente de ce qui l'attendait, elle fixait vaillamment leur ennemi, le dos raide, la mine fermée. Il ressentait cependant son inquiétude à travers la contraction de sa mâchoire délicate et ses poings serrés. Et pourtant elle restait droite, cachant ses craintes les plus profondes derrière un masque de sérénité. Face à un tel courage, il sentit son ventre se nouer un peu plus. L'espace d'un instant, il lui était impossible de se détourner, de la quitter des yeux. Cette femme si merveilleuse, inconsciente des horreurs qu'elle allait devoir subir.

Réalisant certainement l'insistance de son regard, Sam se tourna vers lui. Elle se figea aussitôt, troublée. Il est vrai qu'il n'avait pu cacher toutes les émotions qui l'avaient envahi et surtout… surtout cette terreur insupportable, indescriptible. Il se reprit cependant et lui souffla, le regard dur et autoritaire :

- Quoiqu'il arrive… Vous vous taisez !

Il la vit aussitôt se rembrunir et comprit qu'elle s'était méprise, pensant certainement, à tort, qu'il lui ordonnait de ne pas trahir. Tant pis… Elle comprendrait plus tard.

Tandis qu'on les poussait sans ménagement vers le centre de la salle, Jack se tourna vers leur « hôte ».

- Eh ! Ba'al, mon pote ! Comment va ?
- Mieux que vous j'ai l'impression, répondit celui-ci d'une voix caverneuse, un sourire satisfait barrant son visage.

D'un geste lent, il se leva et s'avança tranquillement vers eux.

- Qui est donc la personne qui vous accompagne, O'Neill ?

Jack tenta de repousser la panique naissante qui glaçait son cœur.

- Elle ? répondit-il en pointant négligemment du doigt la jeune femme. Celle qui me vaut le plaisir d'être ici avec vous.

Du coin de l'œil, il vit Carter se raidir mais poursuivit malgré tout :

- Si ça ne tenait qu'à moi, je la balancerais hors du vaisseau.
- Ça peut s'arranger.
- Faites donc, renchérit Jack, faussement blasé.

Ba'al observa la jeune femme un instant puis reporta son attention sur O'Neill.

- Que faites-vous ici ?

Le regard du Goa'uld s'était fait plus froid. Le moment de grâce était terminé.

- Et vous ? demanda cependant Jack. C'est à Yu, ce vaisseau, non ?
- C'est moi qui pose les questions… dit-il, glacial.

Il retrouva cependant le sourire.

- Mais vous devez vous en souvenir, non ?

Devant son regard triomphant, O'Neill ne put se retenir de fanfaronner davantage, histoire de lui faire définitivement oublier Carter :

- Quel dommage que votre base expérimentale ait été détruite…

A ces mots, les yeux de Ba'al se mirent à briller dangereusement et d'un geste impatient, le Goa'uld ordonna qu'on attache le prisonnier au pan d'un mur, certainement prévu pour les séances de tortures improvisées. Du coin de l'œil, Jack vit Carter tenter un geste vers lui et l'intima d'un regard noir de ne pas intervenir. Elle baissa docilement la tête et se laissa entraîner hors de la salle.

Parfait.

…………………………………

Sam tournait en rond depuis plusieurs heures, une terreur sans nom au creux du ventre. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour comprendre ce que son supérieur attendait d'elle. Le silence… et l'acceptation.

L'acceptation.

Il avait, une nouvelle fois, attiré la colère de l'ennemi sur lui afin de l'épargner, elle, et bien que tout son être se rebellait à cette idée, elle avait courbé l'échine, docile. Ce n'était pourtant pas par habitude, non, mais parce qu'elle savait qu'il ne lui aurait jamais pardonné sa désobéissance. Surtout maintenant. Surtout contre Ba'al.

Sam ne savait que peu de choses sur ses souffrances endurées lors de son ancienne captivité, mais elle se souvenait des violents cauchemars qui l'avaient souvent réveillé, plus tard, en mission. Pendant près de trois mois, les nuits de Jack avaient été peuplées de mauvais rêves et elle l'avait vu se débattre vaillamment pour surmonter ses terreurs nocturnes.

Elle aurait tellement aimé pouvoir lui venir en aide... mais elle savait parfaitement que seul le temps soulagerait ses blessures et estomperait ses cauchemars. Et maintenant, s'ils s'en sortaient, tout serait à refaire.

Dans un soupir, la jeune femme passa une main glacée sur son visage blême. Des images de supplices virent brusquement parasiter son esprit. Elle entendait presque ses hurlements dans sa tête. Un goût de cendre dans la bouche, elle sentit confusément des larmes perler à ses yeux.

Comment pouvait-on lui faire du mal ? Comment pouvait-on vouloir blesser cet homme ? Cet homme... A cette pensée, tout son être se rebella. La douleur au fond d'elle devint insupportable. Un sentiment d'injustice, sentiment qu'elle connaissait par coeur, la submergea violemment. Elle bondit brusquement vers la porte et s'apprêtait à tambouriner comme une forcenée, lorsqu'un bruit de pas lui parvint. L'oreille collée à la cloison, elle se recula cependant tandis que la porte coulissait pour laisser place à son supérieur entouré de plusieurs Jaffas.

Jack jeta à peine un regard vers la jeune femme et pénétra dans leur cellule sans un mot.

Etant donné les trous zébrant le tee-shirt de son supérieur et cependant sa santé relativement bonne, Sam en déduisit qu'il venait de faire un tour dans un sarcophage. Elle s'avança aussitôt vers lui mais il l'arrêta d'un regard et lui fit comprendre d'un geste qu'ils étaient peut-être surveillés.

Les yeux de la jeune femme glissèrent alors sur son torse, observant attentivement le tissu fendu à cinq endroits différents. L'une des ouvertures se trouvait au niveau du coeur et elle en conclut rapidement comment Ba'al l'avait achevé.

La respiration courte, les yeux voilés, Sam vécut en pensée les derniers instants de ce supplice.

Il était mort.

Pendant quelques minutes... il était mort. Il n'avait plus fait parti de son monde. Il avait cessé de respirer.

En proie à une détresse indescriptible, elle secoua la tête. Elle ne pouvait pas le laisser continuer. Elle refusait de le voir endosser toutes les tortures pour l'épargner.

- Mon Général... commença-t-elle donc, suppliante.

Mais elle n'eut pas le loisir de poursuivre. Lisant dans ses pensées, Jack se précipita sur elle et empoigna son col avant de la plaquer durement contre le mur. Le souffle coupé, elle ne renonça pourtant pas :

- Mon Général ! Je ne peux pas...
- Fermez-la ! rugit-il d'une voix sourde.

Les traits de son visage étaient crispés, et elle put lire sa détermination au fond de ses prunelles assombries par la peur. Une sueur glacée faisait briller sa peau et ses lèvres tremblaient imperceptiblement. Jamais jusqu'ici, elle ne l'avait vu aussi terrorisé.

- Je vous ordonne de vous taire... poursuivit-il dans un murmure.

Sam resta figée, ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir et plongea de nouveau dans son regard brun.

Il y avait des ordres qu'elle ne suivait pas. Et il y en avait d'autres qu'elle ne pouvait refuser. Comme celui-ci. Celui-ci que tout son être répugnait... Elle devait l'accepter, pour lui.

Lorsqu'il lut la soumission dans ses yeux, il se détendit et s'écarta avant d'aller s'asseoir à l'autre bout de la cellule. Plus aucun mot ne fut prononcé et, l'espace de ces quelques précieuses minutes de répit, seuls leurs regards avouèrent ce qu'ils se refusaient obstinément à dire.

………………………….

Jack fut emmené à plusieurs reprises et revenait toujours après un passage dans le sarcophage. Son tee-shirt n'était plus que lambeaux et son regard semblait s'éteindre peu à peu. Il tentait de faire bonne figure devant Sam, bien qu'il continuait de jouer les indifférents à son égard afin de ne pas attirer l'attention sur elle.

Il avait parfaitement conscience que Carter devait tourner en rond comme un lion en cage, ici, tout en sachant qu'il se faisait torturer à quelques mètres de là. La détresse qu'il lisait dans ses yeux le bouleversait. Il savait que Ba'al allait finir par se lasser de son silence et tenterait inévitablement quelque chose contre elle. Il espérait juste que Teal'c et Daniel les retrouveraient avant.

Ils avaient été séparés alors même qu'ils étaient sur le point de mettre la main sur une arme des Anciens que Yu avait soi-disant en sa possession. Jack avait décidé de participer à cette mission, puisqu'étant le seul détenteur du gêne des Anciens, sa présence lui avait semblé indispensable. Hélas, des Jaffas leur étaient tombés dessus et Carter et lui n'avaient pu que ralentir la progression de leurs ennemis afin de permettre à Teal'c et Daniel, proches de la Porte, de s'enfuir. Ils avaient ensuite été fait prisonniers puis emmenés dans un vaisseau stationnaire en orbite et avaient découvert, non sans surprise, que Ba'al en avait pris possession.

Qu'était devenue l'arme des Anciens ? Pourquoi Yu avait-il abandonné ce vaisseau au profit d'un autre Grand Maître ?

Toutes ces questions tournaient dans la tête de Jack. Ba'al tentait par tous les moyens de connaître la raison de leur présence ici. Peut-être se doutait-il de quelque chose…?

Quoiqu'il en soit, cela faisait maintenant plusieurs jours qu'ils étaient prisonniers. O'Neill savait parfaitement que Teal'c et Daniel n'abandonneraient jamais l'idée de les retrouver mais ils pouvaient également compter sur l'artillerie lourde. Trouver l'arme des Anciens était une priorité et l'Air Force mettrait tout en œuvre pour ça. Il fallait juste patienter un peu… et espérer que Ba'al ne se lasserait pas trop vite de lui.

Mais lorsque le Goa'uld ordonna la présence de la jeune femme en plus de la sienne, O'Neill sentit sa terreur reprendre le dessus. Il aurait pu tenir des jours, des mois et bien plus encore s'il avait été certain que cela empêcherait Carter de subir la même chose. Hélas... Ba'al semblait en avoir décidé autrement.

- Puisque vous ne voulez rien dire, dit celui-ci, un sourire mauvais sur le visage, je vais m'occuper de votre amie.

Jack renifla dédaigneusement.

- Si ça vous amuse de perdre votre temps...
- Vraiment ?
- Elle ne sait absolument rien. Ce n'est qu'une scientifique inapte que je me ferai un plaisir de renvoyer lorsqu'on rentrera sur Terre.

Le rire guttural du Goa'uld résonna dans la salle, donnant la chair de poule à ses prisonniers.

- Parce que vous comptez rentrer chez vous ?
- Bien sûr. Dès que je vous aurais tué.

L'espace d'un instant, les deux hommes s'affrontèrent du regard et face à la détermination de Jack, le doute se lut dans les prunelles sombres de Ba'al. Il se reprit cependant et un sourire vint de nouveau étirer ses lèvres.

- Pourquoi ai-je l'impression que vous cherchez délibérément à subir mes foudres ?

Devant le silence d'O'Neill, son sourire s'accentua.

- Ne serait-ce pas pour protéger cette jeune femme ? poursuivit-il en s'avança vers Carter.

Ba'al s'arrêta devant elle et observa son visage avec attention.

- Le Sholva Teal'c, Daniel Jackson et... Samantha Carter... constituent l'équipe SG1. Les rumeurs la décrivent comme une femme d'une grande beauté, blonde, les yeux bleus... la ressemblance est troublante, vous ne trouvez pas... ?

O'Neill ferma les yeux un instant, le coeur glacé. Rien ne pourrait plus la sauver. Et comme pour renforcer cette certitude, Ba'al leva le bras et fouilla le col de la jeune femme pour en sortir ses plaques d'identification. Son sourire s'étira tandis que Sam redressait vaillamment la tête.

- Colonel Carter... Maintenant que je me suis bien amusé avec O'Neill, nous allons voir si vous êtes aussi résistante que lui...

D'un geste, il ordonna à ses Jaffas de faire sortir Jack mais celui-ci repoussa violemment leur tentative.

- Elle ne sait rien ! Je suis son supérieur! Elle n'a rien à avouer, puisqu'elle ne sait rien !

Ba'al observa O'Neill se débattre avec un certain amusement.

- Comme c'est intéressant. Serait-ce de la peur que je lis dans votre regard ?

Jack serra les poings, impuissant.

- Elle ne sait rien ! Vous perdez votre temps !

Le Goa'uld sourit de plus belle puis se tourna vers Carter.

- Il n'y aura pas de retour possible pour vous. Si vous ne parlez pas, vous êtes morte. Je suis fatigué d'attendre.

Sam déglutit péniblement, le ventre noué.

Ce qu'elle avait douloureusement craint pour Jack allait lui arriver à elle. La jeune femme se tourna alors vers son supérieur et croisa son regard terrifié tandis que les Jaffas tentaient désespérément de le faire sortir de la salle.

- Ba'al ! s'écria-t-il, avant de recevoir un violent coup dans le dos.

Ça ne l'arrêta pourtant pas. Serrant les dents, il continuait de se débattre, repoussant inlassablement les mains qui cherchaient à l'attraper.

- Ba'al ! Elle ne sait rien ! Si vous voulez tuer quelqu'un, laissez-moi prendre sa place ! C'est entre vous et moi !

Sam, le coeur serré, observait ses efforts infatigables pour rester dans la pièce, malgré les coups qui pleuvaient de plus en plus. Son regard terrorisé, la supplique dans sa voix, tout cela, elle l'emporterait avec elle. C'était ses sentiments pour elle qu'il hurlait ainsi. Jamais elle ne l'oublierait.

Elle ne fut hélas pas la seule à comprendre le sens caché de ces cris.

- Attendez ! s'exclama soudainement Ba'al.

D'un geste, il fit revenir Jack qui s'approcha sans se faire prier. Une fois l'un en face de l'autre, le Goa'uld dévisagea un instant le visage fatigué de son prisonnier.

- Je crois que j'ai trouvé votre point faible.

Un silence accueillit ces paroles pleines d'une menace tangible.

- Attachez les tous les deux, ordonna-t-il alors.

Sentant qu'il serait inutile de protester, les deux soldats se laissèrent faire. Jack lançait de fréquents coups d'oeil vers la jeune femme, ayant abandonné l'idée de cacher quoique ce soit. Puis, reportant son attention sur Ba'al, il fut extrêmement soulagé de voir le Goa'uld, un poignard dans la main, s'approcher de lui.

- Mon Général ! appela Sam, paniquée.
- Taisez-vous ! ordonna Jack aussitôt.

Leur tortionnaire s'arrêta devant lui, un éternel sourire barrant son visage.

- C'est vraiment touchant. Vraiment...

D'un geste souple, il traça une ligne de sang sur la joue de son prisonnier, observant avec délectation son visage se crisper sous la douleur. Et pourtant, il ne faiblit pas. La même détermination dans son regard. La même haine farouche, la même force.

Ba'al s'approcha un peu plus de lui et susurra à son oreille :

- Savez-vous ce que je vais lui faire ?

Il se recula aussitôt afin de voir l'effet produit par cette simple phrase et découvrit enfin dans les yeux d'O'Neill ce qu'il espérait tant trouver.

- Regardez-vous !lui cracha-t-il alors au visage. Vous voilà tout à coup plus apeuré qu'un nouveau-né...

Il se recula, secouant lentement son couteau sous le nez de Jack.

- Je suis déçu... dit-il, tandis que son regard démentait ses propos. Moi qui pensais que rien ne pourrait vous faire ployer.
- Laissez-la, répliqua O'Neill, la mâchoire crispée.

Mais Ba'al s'éloigna encore de lui.

- Bien au contraire... Je vais m'acharner sur elle jusqu'à ce que vous parliez.

A ces mots, Jack devint livide, rendant plus écarlate encore le sang s'écoulant de sa plaie. Un voile passa devant ses yeux écarquillés, une terreur sans nom lui brûlait les entrailles.

Son pire cauchemar... Choisir entre son devoir et la vie de Carter... Supporter de la voir se faire torturer, l'entendre hurler... sans céder.

Il voulut parler, il voulut crier mais il était comme paralysé. Sa mâchoire était plus dure que de la pierre, plus figée qu'une statue. Sa gorge était si serrée que même un gémissement n'aurait pu s'échapper. Les yeux exorbités, il fixait Ba'al, tandis que tout son corps se tendait vers lui, vers ce monstre qui lui imposait ce choix impossible. A cet instant précis, il eut le sentiment d'être devenu un animal assoiffé de sang. Le désir de le rouer de coups, de lacérer son corps, de rendre informe cet être répugnant le submergea brutalement.

Mais indifférent à tout cela, Ba'al s'approcha de la jeune femme, un sourire mauvais sur les lèvres.

- A nous deux, Colonel...

……….

Jack tenta de fermer son esprit à ce qui suivit, les poings serrés, bandant les muscles de ses bras en vain pour se libérer. Il ne pouvait rien tenter si ce n'était faire abstraction de ce qui se passait à quelques mètres. Hélas, les cris courageusement étouffés de Carter s'insinuaient en lui comme un poison, brisant ses défenses une à une.

Ne pas parler. Ne pas parler. Ne pas parler…

Cette phrase résonnait en lui, faisant écho aux propres suppliques de la jeune femme. A chaque moment de répit, elle lui insufflait de sa voix la force de se taire.

« Ne dites rien, Mon Général… »

« Ne dites rien… »

« Ne dites… rien… »

Immobile, Jack se forçait à garder les yeux obstinément clos tandis que tout son être brûlait d'agir, d'hurler, de se débattre. Il voulait affronter Ba'al, cracher sa haine, crier sa douleur et ce sentiment profond d'injustice, de révulsion qui lui dévoraient le cœur. Mais il savait que jamais, au grand jamais, il ne pourrait survivre à ce qu'il verrait. Alors, il mettait tout ce qui restait de sa raison à ne pas bouger, à se taire… et à fermer les yeux. Voir sa souffrance aurait été insupportable mais Ba'al prenait un malin plaisir à lui décrire chaque geste, chaque torture, chaque supplice. Bientôt, la jeune femme n'eut plus la force de le préserver et ses cris le brisèrent peu à peu.

Ne pas parler. Ne pas parler. Ne pas parler…

Il répétait ces quelques mots en boucle, concentrant toute son énergie à suivre cette litanie et lorsqu'enfin elle se tut, il comprit que tout était définitivement terminé.

………

Enfermé dans sa douleur, Jack ne perçut qu'à travers un épais brouillard les propos de Ba'al.

- Enlevez-moi ça d'ici ! ordonna le Goa'uld d'une voix colérique et impatiente.

On détacha aussitôt le corps sans vie de la jeune femme et O'Neill serra un peu plus ses paupières closes afin de réfréner le désir macabre de la voir une dernière fois.

Elle était morte. Elle était morte parce qu'il n'avait pas parlé. Il avait fait son devoir jusqu'au bout et cette femme unique était morte. Pour la seconde fois de sa vie, il avait du faire ce choix intolérable. Et pour la seconde fois, il l'avait tuée. XX

Il entendit à peine les propos de Ba'al qui tentait de le sortir de son apathie. La colère, la haine viendraient plus tard. Pour l'heure, sa souffrance était telle qu'il était comme assommé.

Des voix lui parvinrent cependant, une alarme également et quelques secondes plus tard, une violente secousse vint le tirer de sa léthargie. Il entendit Ba'al ordonner d'une voix grave l'évacuation et l'autodestruction du vaisseau et redressa la tête afin de croiser son regard. Lorsque le Goa'uld comprit qu'il avait de nouveau toute l'attention de Jack, il se rapprocha, un sourire amusé sur les lèvres.

- Quel dommage que les secours ne soient pas arrivés un peu plus tôt, vous ne trouvez pas ? Votre cher Colonel n'est à présent plus que cendres.

Et pour renforcer ces paroles, il laissa glisser entre ses doigts les plaques noircies par le feu de Carter. Il les agita devant un Jack livide mais une autre secousse plus violente encore que la précédente le fit s'écarter.

Son Prima pénétra dans la salle.

- Ils arrivent par les anneaux. La Porte a été ouverte, il faut fuir, Mon Seigneur.

Pour seule réponse, l'esclave reçut un violent soufflet en plein visage.

- Je ne fuis pas ! rugit Ba'al tandis que le Jaffa se courbait docilement. Les Dieux ne craignent personne !

Se tournant vers Jack, il n'eut pas le loisir de croiser le regard que lui renvoya son Prima.

- J'hésite encore à leur abandonner mon prisonnier, dit-il en s'approchant de nouveau. Est-ce que je vous laisse vivre, O'Neill… ?

Observant l'homme éteint, prisonnier de ses chaînes, un rire vainqueur s'échappa de la gorge du Goa'uld.

- Finalement, je ne vais pas vous tuer. Vous savoir aussi diminué est un vrai régal…

Des bruits de tirs retentirent alors au loin et Ba'al finit par se tourner vers son Prima.

- Allons-y. L'autodestruction a bien été programmée pour se déclencher dans quinze minutes ?
- Oui, Mon Seigneur.
- Parfait, répondit-il en jetant un dernier coup d'œil à son prisonnier. Je ne voudrais pas que vous mourriez dans l'explosion…

Et dans un dernier soupir de contentement, il lâcha les plaques de la jeune femme qui tombèrent au sol dans un bruit métallique.

……………………………

Deux minutes plus tard, Daniel et Teal'c firent irruption dans la salle, arme au poing. Ils embrassèrent la pièce du regard et lorsqu'ils découvrirent Jack attaché à un mur, le visage en sang, ils coururent le détacher. Tandis que le Jaffa restait proche, en alerte, jetant cependant des coups d'œil inquiets vers le blessé, Jackson s'attelait à libérer ses poignets abîmés. Faisant attention à ne pas l'écorcher davantage, Daniel tentait de croiser le regard de son ami. En vain. Il était pourtant éveillé mais ses yeux étaient fixes et vides de toute expression.

- Jack… ? Vous m'entendez ? demanda le jeune homme tandis qu'il parvenait enfin à détacher son poignet gauche.
- … Je n'ai rien dit… murmura O'Neill tout en s'avançant, semblant oublier que sa main droite était elle aussi attachée.

Il fut donc stoppé dans son élan et Daniel fronça les sourcils tout en cherchant à le libérer définitivement.

- Bien sûr, répondit le jeune homme afin de le rassurer. Nous le savons Jack.

Teal'c, jetant un œil circulaire à la pièce, finit par fixer son regard sur le pan du mur à côté de son ami. Du sang tâchait le sol. Beaucoup de sang… Il se retourna brusquement vers O'Neill. Celui-ci, enfin libéré de ses entraves s'avançait vers le centre de la pièce, les yeux toujours fixés vers un point invisible pour eux.

- Où est le Colonel Carter ? demanda alors le Jaffa d'une voix sourde qui alerta Daniel.

Les deux hommes regardèrent Jack s'arrêter puis se baisser afin de ramasser un objet qu'ils n'avaient pas vu en entrant. Ils s'approchèrent d'un même mouvement et découvrir deux plaques calcinées dans la main crispée de leur ami.

- Je n'ai rien dit… répéta O'Neill, alors qu'enfin ces mots prenaient tout leur sens.

A SUIVRE…

XX : Je fais bien sûr allusion à l'épisode "Entité", lorsque Jack est contraint de zatter deux fois Sam.