– Comment ça Narcisse Gauthier est notre colocataire ?
Castiel regardait sa soeur avec une expression horrifiée au visage.
Il n'en revenait pas ! Narcisse Gauthier, le type arrogant et trop sûr de lui, trop populaire et agaçant jusqu'au bout des ongles, celui qu'il ne pouvait blairer… Ce gars allait vivre avec eux ! Et, évidemment, le guitariste l'apprenait en dernier lieu.
– Je n'arrive pas à croire que tu me fais ça, Hannah. Je me sens trahi par toi.
Il croisa les bras tel un enfant boudeur et détourna sa tête pour observer le paysage. Sa soeur était au volant – il lui était interdit de conduire depuis maintenant un an – et elle l'amenait à leur nouvel appartement.
Castiel était frustré. Enfin, frustré, c'était peu dire. Il était en ronge, outré, blessé et, surtout, déçu. Déçu parce que Hannah n'avait pas trouvé le courage de le lui l'annoncer avant. Déçu parce qu'il ne pensait pas que sa soeur jumelle pouvait s'entendre avec un pareil type. Et surtout, il était déçu parce que lorsqu'il avait proposé que son meilleur ami, à lui, vienne vivre avec eux, elle avait refusé. Mais voilà que son meilleur ami, à elle, (il l'avait appris en sortant de l'aéroport) avait besoin d'un toit où vivre et qu'elle l'accueillait bras ouverts. Bon, d'accord, c'était elle qui avait trouvé la baraque, elle qui payait les factures le temps que Castiel se remette sur pieds et elle qui était pratiquement en charge de tout… Puis, au final, le rouquin n'avait franchement rien à dire. Sa soeur avait dit oui et puis c'était tout.
– Narcisse Gauthier. Limite j'aurais préféré que tu invites cette barge de Peggy Lamarre, c'aurait été mieux, gronda le guitariste en croisant les bras sur son torse. Narcisse, pfff.
Hannah se contenta de lever les yeux au ciel et continua le trajet en silence. Elle n'avait aucune envie de s'engueuler avec son frère, surtout qu'ils ne s'étaient pas vus depuis un an maintenant. Elle était heureuse de le retrouver, tout en sachant pertinemment que leurs retrouvailles allaient rapidement finir par partir dans tous les sens. Elle avait espéré que ce voyage à l'autre bout du monde permette à son frère de changer de caractère un peu et fera de lui un homme sage et mature… Visiblement, il était toujours ce gamin pourri gâté qu'elle avait amené à l'aéroport la même journée de l'année dernière. Elle priait seulement que sa santé s'était arrangée, elle, au moins.
– Nous y voilà.
Pour la première fois depuis une heure, Hannah prit la parole. Elle prononça cette simple phrase avant de sortir précipitamment de la voiture et de se diriger vers la porte d'entrée. Castiel la suivit avec ses bagages à la main, ne s'attendant aucunement à recevoir une quelconque aide physique de la part de la jumelle. De toute façon, si elle avait osé toucher à ses valises, il se serait énervé prétextant être assez fort pour les trainer tout seul. Mais le fait qu'elle n'ait même pas osé les toucher l'énerva tout autant que l'idée qu'elle les touchât.
Et Hannah le savait. Sauf qu'elle préférait encore être blâmée pour un truc qu'elle n'avait pas fait que pour un élan de gentillesse mal interprété.
Devant la porte, Castiel s'émerveilla. Il avait certes vu les photos de l'immeuble sur le site que sa soeur lui avait envoyé, mais il ne s'attendait pas à une telle merveille dans les faits. C'était une maison dans le style gothique, une des rares à Sylvester. Elle était imposante, la plus imposante de toute la rue et probablement la plus imposante des rues aux alentours. Ses briques avaient quelque chose de charismatique et semblaient lancer un message de puissance, de pouvoir. Comme si elles disaient aux autres habitations et aux passants « Voyez comme nous sommes belles ! Voyons notre danse et notre poésie ! » Le rouquin fut tellement enchanté par cette architecture hors-d'oeuvre qu'il se permit d'entrouvrir ses lèvres et de laisser un sifflement en échapper.
Sa jumelle sourit, fière, et ouvrit enfin la porte.
– Tu es calmé maintenant, Cassy ? demanda-t-elle sur un ton moqueur en le laissant passer.
– Tais-toi, Miel.
Elle lui fit une tape amicale sur l'épaule pour le surnom et le suivit en riant. Ce qu'il pouvait être détestable, le jumeau ! Ok, elle l'avait un peu cherché en l'appelant « Cassy » (surnom que leur mère lui donnait lorsqu'il était enfant) et elle avait mérité son « Miel », mais elle n'en restait pas moins vexée.
Elle haïssait son prénom – Haniel – et cherchait encore à comprendre pourquoi ses parents avaient décidé d'appeler leurs jumeaux Castiel et Haniel. Quelle idée aussi de donner des prénoms d'anges et archanges alors que personne n'était croyant chez les Martin ! Puis quelle crédibilité a-t-on quand on s'appelle Haniel Martin ? Aucune, voilà. Castiel Martin ça passait encore. Mais Haniel ? Non. Même « Ordure » lui paraissait être un meilleur prénom que « Haniel ».
– Cinquième étage, appartement 579, voilà !
Ils se retrouvèrent face à leur porte et Castiel se donna enfin la chance de respirer trente secondes. Sa colère était passée, sa déception aussi. Il se sentit enfin en sécurité et… Heureux. Ouais. Il se sentait heureux et reconnaissant d'avoir une soeur géniale. Comme si le fait d'avoir visité un peu leur immeuble et d'avoir eu le droit à quelques plaisanteries dans l'ascenseur lui avait remonté subitement le moral… Mais dans les faits, il avait cessé d'être fâché dès que Hannah l'avait appelé Cassy. Ce surnom l'avait ramené à sa jeune enfance, lorsque tout allait encore bien et il était content d'être là, avec sa soeur, prêt à découvrir ce bel appartement qu'elle lui avait préparé uniquement pour son retour.
Sauf que toute sa joie disparut lorsque la porte s'ouvrir sur Narcisse Gauthier.
Ce dernier, BCBG, se tenait vêtu d'un costume-cravate et arrangeait ses cheveux devant le miroir de l'entrée lorsque les jumeaux mirent les pieds à l'intérieur de l'appartement. Hannah, croyant que ledit garçon sortirait avant leur arrivée, avait dit à Castiel de ne pas se soucier de la présence de Narcisse… Visiblement, comme à son éternelle habitude, monsieur Gauthier était en retard à son rencard. Ce qui expliquait sa (fâcheuse) présence.
– Castiel Martin ! Ce que je suis ravi de te revoir ! Après tant de mois ! s'exclama directement Narcisse en apercevant le garçon.
– Narcisse.
Le rouquin passa à ses côtés sans rien dire de plus, sa valise derrière lui. Il se dirigea vers ce qu'il devina être sa chambre. C'était la seule porte décorée avec des « BIENVENUE » et des photos de sa soeur et de lui. Il s'enferma sans se gêner de la claquer et de pester.
– Sympathique, le frère Martin, commenta le blond en passant une dernière fois sa main dans ses cheveux pour les replacer.
– Je t'avais demandé de ne plus être là à partir de midi, Nanar. Tu m'avais promis, soupira la brunette en croisant les bras sur sa poitrine.
– Il est midi passé ?
Le blond jeta un coup d'oeil à sa montre hors-de-prix et sa bouche forma un « Ô » d'étonnement. Évidemment. Il était midi passé. Il était même quinze heures passées.
– Je…
– Oust, et ne reviens pas avant vingt-deux heures.
Narcisse fit un sourire désolé à sa meilleure amie avant de l'embrasser rapidement sur la joue. Il haussa les épaules, encore pour s'excuser, et sortit en toute vitesse pour éviter de se faire disputer. Malgré sa réputation d'homme toujours à l'heure et très organisé, il lui arrivait d'être tête en l'air et un peu perdu. Surtout lorsqu'il était obligé de faire quelque chose. Alors là, son esprit déconnectait et tous les évènements dits importants perdaient leur importance. Hannah le savait et culpabilisait un peu d'avoir fait confiance à Narcisse. Elle aurait dû y penser avant, mais en même temps, elle ne pouvait prévoir la réaction de son frère…
Désespérée et surtout exaspérée, elle espérait que le lendemain serait une meilleure journée.
La journée de retour de Castiel était définitivement ratée.
