Auteur : Ariani Lee
Bêta-lecture : Shangreela
Fandom : BLEACH (C'est ma toute première fic sur ce fandom et pour ne pas me spoiler, je n'en ai pratiquement pas lu d'autres). J'en suis aux Espadas, donc soyez indulgents s'il y a des détails qui manquent ou sont erronés, et pas de spoilers dans les reviews si vous voulez bien m'en laisser.
Disclaimer : Rien ne m'appartient. Si c'était le cas, Renji apparaîtrait dans tous les épisodes.
Pairing : IchiRen
Rating : T (mais ça augmentera à la fin)
Coups et Blessures
Chapitre 1 : Abus de confiance
Tu me plaques !, comme une affiche au mur
J'porte plainte pour coups et blessures…
(BB Brunes, "Coups et blessures")
Quand Ichigo pense à Renji – ça lui arrive, parfois – il y a des tas de trucs qui lui viennent à l'esprit. Sa tête se transforme en un kaléidoscope dans lequel le noir et le rouge ne laissent que peu de place aux autres couleurs et pourtant, ça le fait sourire. Les souvenirs se bousculent en défilant, en se heurtant ou en se télescopant les uns les autres. Mais ça lui va bien comme ça – il a toujours été du genre brouillon, et honnêtement, qu'est-ce qui pourrait mieux représenter Renji qu'un gros bordel rouge et noir ?
Bon, il s'est habitué à le voir habillé autrement, ces derniers temps, mais il se le représente quand même plus facilement en uniforme. Sans doute parce que ses vêtements « de ville » sont souvent ringards à pleurer.
Il y a des tas et des tas de souvenirs. Certains ont sa préférence – ou, en tout cas, il se les remémore plus facilement que les autres, plus en détail.
Renji lui a flanqué la première vraie Grande Trouille de sa Vie, il est aussi le premier Shinigami qu'il ait affronté. Lors de leur premier combat, Ichigo se souvient avoir réalisé l'ampleur de la puissance que pouvaient déployer les Shinigami. Il s'était relevé et il avait cassé ses lunettes. Il avait pensé qu'il pourrait le vaincre, mais il n'avait pas eu le temps d'essayer. Byakuya avait fait en sorte qu'il comprenne que Renji lui-même n'était pas un adversaire si redoutable que ça comparé à lui. Il ne s'était jamais senti à ce point , c'est autour de Renji que ce souvenir se concentre, alors que c'est Byakuya qui a bien failli le tuer.
Un autre souvenir qui lui revient également très vite et en détail, c'est le moment où il a débarqué pendant son entraînement avec Yoruichi, dans la Soul Society, et qu'il s'est incrusté, deux de tension. Très peu de temps auparavant, ils s'étaient affrontés et avaient tous les deux failli laisser leur peau dans la bataille. Et pourtant il était là, avec son sourire en coin et son regard moqueur, à le toiser comme s'ils n'avaient pas tenté de s'étriper mutuellement lors de leur précédente rencontre. Comme si le vice-capitaine, se croyant fini, ne lui avait pas demandé de sauver Rukia et de prendre soin d'elle. Renji lui avait alors à peine adressé la parole pendant qu'il s'entraînait de son côté, puis il était parti, tout simplement. Quand ils s'étaient revus, ils étaient devenus alliés. Même si ce n'était que parce qu'ils poursuivaient le même objectif, ils avaient coopéré. Finalement, ils continuent de le faire et ça lui va très bien comme ça. Même s'ils sont pratiquement incapables de rester dans la même pièce pendant cinq minutes sans se taper dessus, il lui en doit une ou deux. Il ne voudrait pas d'un autre partenaire de combat. Il est le seul en compagnie duquel il peut s'engager dans la pire bataille et ne pas s'inquiéter constamment du danger en face parce qu'il sait ce qu'il fait. Il peut compter sur lui pour se défendre et assurer ses arrières. Il n'a pas à le protéger, il lui fait confiance.
Il y a aussi ce souvenir du moment où il s'est pointé dans la cour du lycée avec son corps d'emprunt. Sa tenue délirante, avec la guitare accrochée dans le dos, et sa façon de l'appeler en gueulant comme un putois. Il avait compris ce jour pourquoi, en dépit de leur passif violent, il se sentait proche de lui. Ils avaient beaucoup de choses en commun, mine de rien, et tout le monde l'avait remarqué. « Les frères Kurosaki », avait dit la prof. Sur le moment, il avait hurlé d'indignation, en chœur avec Renji. Mais au final, il se rend compte que lui et le Shinigami ont maintenant une relation étonnamment complice, en dépit de leurs éclatantes disputes (ils en viennent aux sabres une fois sur quatre en moyenne), alors qu'il ne le connait pas depuis très longtemps.
Il se souvient aussi, un rire coincé dans la gorge, de la lutte dans le couloir qui avait suivi, quand il avait essayé de le faire sortir de son corps d'emprunt en lui criant de « se foutre à poil », « tout de suite », qu' « il n'avait pas envie d'attendre ». Il se souvient de la tête des autres élèves et de sa gêne quand il s'était rendu compte du double sens de ses paroles. Mais, aussi, qu'est-ce qui avait pris à Renji de rappliquer jusque dans sa classe ?
Il se souvient également de la nuit passée à se battre avec lui dans la cave d'Urahara. Il se rappelle comment le Shinigami l'avait provoqué, harcelé pour le faire sortir de ses gonds, pour tenter de lui redonner le moral. Il se souvenait de ses mots : « J'essayais seulement de te redonner courage ! ». Ichigo l'avait remercié. Sincèrement.
Renji découvrant le café, et Rukia se moquant de lui. « Moi, j'ai réussi le test du café avec succès ! » Renji la regardant, admiratif. Renji se dressant contre son propre capitaine, contre l'homme qu'il admirait et voulait plus que tout surpasser, parce qu'il refusait d'abandonner une amie. Renji allant au combat avec un Bankaï qu'il possédait depuis quelques heures à peine et dont il était loin d'avoir acquis la maîtrise, allant affronter Byakuya alors qu'il savait que ce dernier risquait fort de le tuer. Renji entrant dans sa chambre par la fenêtre et le tirant de son lit pour qu'il l'accompagne chasser des Hollows. Renji, Renji, Renji. Renji à toutes les sauces.
S'il n'y prend pas garde, ces rêveries peuvent durer longtemps. Il lui arrive de commencer à y penser et de se rendre soudain compte que ça fait une demi-heure qu'il est assis là et qu'il sourit tout seul, qu'il rit ou frissonne aux souvenirs les moins agréables. Il se demande pourquoi. À la réflexion, Ichigo pense que c'est peut-être pour cette raison qu'il à fait ça.
Pour essayer de comprendre.
C'était chez Ishida, quelques jours auparavant. C'était le soir du dernier jour d'école avant un long week-end puisque le lundi suivant était un jour férié. La petite bande (enfin, surtout Orihime et Rukia, toujours intéressée quand il s'agit de découvrir de nouvelles « coutumes terrestres ») avait décidé de fêter ça en se faisant une « gigateuf » (Dixit Tatsuki). Uryuu n'avait pas vraiment eu le choix. Comme c'était lui qui avait la plus grande maison et qu'il avait commis la bourde de mentionner qu'il y était seul pour le moment, les autres s'étaient imposés, traînant Ichigo à leur suite. Il y avait là Chad, Ishida lui-même (et encore heureux vu que c'était chez lui que ça se passait), Orihime et Rukia. Renji était bien entendu convié mais il arriva plus tard que les autres. Quand il se montra enfin, une heure après le début des « festivités » (certains étaient allés dévaliser la supérette la plus proche pour s'approvisionner en sucreries et boissons non-alcoolisées de toutes sortes), il faisait grise mine.
Il portait l'inévitable pantalon à pattes d'éléphant, assorti cette fois d'un T-shirt bleu ciel estampillé « Make Love Not War » qui jurait atrocement avec ses cheveux. Ichigo savait que c'était Urahara qui lui fournissait des vêtements, et il le soupçonnait de s'en donner à cœur joie. Il y avait belle lurette que Renji n'avait plus mis les pieds dans le monde des humains, avant sa dernière incursion en compagnie de Byakuya. Il ne pouvait donc pas savoir que si sa tenue avait été à la mode en Europe trente ans plus tôt, au Japon des années 2000, elle était parfaitement ridicule. Outre le fait que c'était tellement le genre du vieux de faire ce genre de blagues, Ichigo avait eu l'occasion de constater que Renji était devenu son souffre-douleur régulier.
En plus de ses fringues New Age, le vice-capitaine avait une tête de déterré. Il était plutôt pâle, il avait des cernes caverneux et les traits tirés.
- Hé bien, Renji, avait dit Rukia en le saluant. Tu ne sembles pas très en forme.
- Oui, c'est vrai. On dirait que t'as pas dormi depuis trois jours ! Ajouta Inoue.
- Seulement deux, en fait, rectifia le Shinigami avant de bâiller à s'en décrocher la mâchoire. J'ai passé ma nuit à courir après un Hollow et aujourd'hui, les gosses m'ont pas laissé dormir.
On compatit gentiment à son malheur. La petite bande de la boutique d'Urahara mettait ses nerfs à rude épreuve. Le pauvre, il rendait service à la communauté en chassant les Hollows, et voilà comment on le remerciait. Mais Ichigo tiqua.
- Pourquoi t'es pas venu me chercher ? On aurait été plus vite à deux.
Renji haussa les épaules.
- Je pouvais très bien m'en sortir tout seul.
Ichigo serra les dents.
- Et c'est supposé vouloir dire quoi ça ? Aboya-t-il à l'adresse de l'homme aux cheveux rouges, qui lui lança un regard peu amène et répliqua :
- Rien de plus que ce que je viens de dire. T'as un problème ?
- Ouais ! J'aime pas le ton sur lequel tu l'as dis !
- J'dis juste que j'avais pas besoin d'ton aide, gamin ! Tu veux qu'on s'explique ?!
- J'attends que ça ! Sors un peu de ton Gigaï, qu'on…
- STOOOOOP !
Interrompus dans leur querelle, les deux roux (qui étaient pratiquement front contre front) tournèrent la tête pour voir qui avait crié. Juste à côté d'eux, Ishida repoussa ses lunettes sur son nez, cachant son regard derrière les reflets des verres.
- Pas de bagarre chez moi, décréta-t-il fermement. Si vous avez un différent, réglez-le comme des gens civilisés.
- Et qu'est-ce que tu proposes ? Demanda Ichigo.
Le jeune Quincy leur tendit une boîte en plastique rectangulaire.
Vingt minutes plus tard…
- BWAHAHAHAHAH ! Ah, c'que tu peux être nul, Renji ! À ce point-là, c'est honteux !
- Va te faire voir, poil-de-carotte !
- La, la, la, la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe ~
- Je vois aucune colombe dans cette pièce, morveux.
- Mais c'est qu'il est mauvais perdant, en plus !
- Abarai, non, intervint Ishida en voyant le Shinigami faire mine de se lever.
Ça faisait six parties de Street Fighter qu'il perdait d'affilée.
- Je vois pas en quoi c'est équitable, ton truc ! J'ai jamais joué à ça !
- C'est ça, cherche des excuses. Ah, tiens ! Sept à zéro ! S'écria Ichigo, apparemment ravi.
À l'écran, Ken venait d'éclater la tête de Ryû sur le sol.
- Toi, t'arrêtes de faire le malin ou je te fais taire moi-même !
- Ah ouais ?
- Bon, ça suffit ! Dit Ishida, exaspéré. Rukia, Chad, Orihime, enclenchement de la Procédure d'urgence, code rouge.
- Quoi ?! S'exclamèrent en chœur les deux roux.
Avant qu'ils aient eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait, ils se retrouvèrent enfermés à clé dans une pièce vide. Ichigo se mit à tambouriner contre la porte, indigné.
- Vous aviez tout prévu ?! S'écria-t-il.
- On se doutait que vous n'arriveriez pas à vous tenir, oui, répondit le Quincy d'une voix posée, de l'autre côté du panneau.
- Et pourquoi vous m'avez pris ma Licence, hein ?!
Ce fut Rukia qui répondit.
- Parce que Renji n'attaquerait pas un adversaire désarmé.
- Pas question de vous laisser vous servir de vos Zanpakuto ici. Vous démoliriez tout, ajouta Uryuu.
- JE VOUS DETESTE ! Cria le Shinigami suppléant.
- On vit très bien avec, répondit Rukia. On va vous laisser vous calmer.
- N'abîmez rien, ajouta Ishida.
Ichigo les entendit partir et se retourna vers Renji, agacé. Ce dernier semblait trouver la situation extrêmement amusante et le regardait avec un grand sourire, les bras croisés.
- Tout ça c'est ta faute ! Cria-t-il. Mauvais perdant !
Renji haussa les épaules.
- C'est toi qui le dis. N'empêche, je pourrais t'éclater ici et maintenant si je voulais, vu que moi, j'ai pas besoin d'un gadget pour quitter mon Gigaï.
Ichigo grogna.
- Ishida te transformera en pelote d'épingles astrales si t'abîmes le mobilier.
- Tu me crois pas capable de te mettre une raclée sans faire de casse, morveux ?
Ichigo haussa les épaules.
- Arrête ton cinéma. On sait tous les deux que tu le feras pas. Rukia a raison, t'attaquerais pas un adversaire désarmé.
Renji continua de le toiser pendant quelques secondes, un sourcil levé comme pour dire « Tu veux vérifier ? », puis il s'assit en soupirant dans un fauteuil.
- Tu crois qu'ils vont nous laisser ici pendant longtemps ? Demanda-t-il.
- Aucune idée, répondit Ichigo en s'asseyant.
Un long moment de silence s'étira, pendant lequel Ichigo regarda la pièce dans laquelle ils étaient. C'était un petit salon, assez semblable à celui dont ils venaient juste de se faire expulser, mais sans télévision ni – heureusement – console de jeu vidéo. C'était déjà assez bizarre de trouver ce genre de trucs chez Uryuu, mais bon… le Quincy était plein de surprises. La famille Ishida devait décidément être pétée de thune, pour avoir comme ça plusieurs salles de séjour.
- Pourquoi t'es pas venu me chercher hier soir ?
- J'te l'ai dit, j'avais pas besoin de toi.
Ichigo ignora de son mieux la veine d'énervement qui palpitait sur son front. Il voyait bien qu'il ne disait pas la vérité.
- Renji.
- Quoi ?
- J'te crois pas.
Le Shinigami leva les yeux au ciel. Ce mouvement fit onduler les tatouages de son front, donnant à son expression un effet comique qui n'était sans doute pas voulu.
- T'avais école, répondit-il finalement.
- Quoi ?
- T'avais école. Toi, tu devais te lever.
Si Ichigo n'avait pas déjà été assis, il en serait tombé sur le cul. Il l'avait tout simplement laissé dormir ?
- Quel garçon prévenant, dit-il d'une voix sarcastique. Je suis touché. T'aurais pu me le dire tout à l'heure, on serait pas là.
- Ouais, mais j'avais pas envie de t'entendre dire que t'étais touché par ma prévenance.
Ichigo lui tira la langue. Il était à court de répliques spirituelles. En fait, il était vraiment touché.
Dans le salon, le temps s'écoulait plaisamment. Rukia s'était révélée être aussi nulle que Renji à Street fighter, Chad avait un meilleur niveau mais à la surprise générale, il s'était fait pulvériser par Inoue (la jeune fille ayant adopté la technique imparable des débutants : marteler tous les boutons en espérant que ça fasse un truc bien) et Ishida, lui, était prêt pour le championnat du monde.
- Donc en plus d'être un Quincy, un intellectuel, un couturier de génie et l'héritier d'une famille richissime, tu es un geek, remarqua Chad de sa voix profonde.
Ishida baissa un instant sa garde pour répondre « Je ne suis pas un geek », et Cammy reçut le coup de pied de Chun-Li en pleine tête.
- Encore un point pour toi, Orihime, dit Chad.
La jeune fille battit des mains en riant. Un autre éclat de rire – plus fort, celui-là – leur parvint soudain de la pièce fermée. C'était la voix d'Ichigo.
- Depuis combien de temps sont-ils enfermés ? Demanda Rukia.
Ishida regarda sa montre.
- Quarante minutes.
Il se leva et alla leur ouvrir. Les deux rouquins étaient en grande conversation à propos du Capitaine Zaraki et de ses fameuses clochettes et continuèrent de discuter en sortant.
- Et une fois, disait Renji, il est resté assis devant son miroir pendant trois jours à essayer de placer celle du dessus !
Ichigo repartit d'un grand éclat de rire. Il avait le visage rouge vif et se tenait les côtes. Ishida jeta un rapide coup d'œil dans le petit salon pour s'assurer que tout était en place avant de refermer la porte, rassuré.
Ichigo se posa par terre près de la table basse et Renji dans le divan, entre Rukia et Orihime. Les deux Shinigami s'abstinrent de participer aux parties suivantes et rapidement, cela devint un duel acharné entre le Shinigami suppléant, alias Ken, et le Quincy, alias Cammy.
Il était presque neuf heures du soir quand Rukia, qui comptait soigneusement les points, déclara qu'ils étaient à égalité et qu'elle avait faim. Comme ce que femme veut, Dieu le veut on éteignit la console. Comme il faisait doux et que le soleil couchant offrait une vue superbe, ils décidèrent de sortir manger (s'empiffrer de sucreries, quoi) dans le jardin.
Tout le petit groupe s'installa dans l'herbe pour admirer le crépuscule en papotant. Ichigo en était à son deuxième sachet de chips quand Orihime remarqua qu'il manquait quelqu'un.
- Où est Renji ? Demanda-t-elle.
Effectivement, le Shinigami n'était pas là.
- Il n'est pas sorti avec nous, si ? Demanda Chad.
Ichigo froissa l'emballage de ses chips et le fourra dans un sac en plastique déjà bien rempli avant de se lever.
- J'vais voir ce qu'il fait.
Les autres se désintéressèrent aussitôt de la question et retournèrent à leur conversation. C'était vraiment une agréable soirée.
Ichigo regagna l'intérieur de la maison et, lorsqu'il parvint au salon, découvrit sans grande surprise que Renji n'avait pas bougé du divan où il s'était assis une heure plus tôt. Il s'approcha en silence et eut confirmation de ce qu'il avait soupçonné à l'instant même où Inoue avait fait remarquer son absence : il dormait. Les bras mollement croisés, la tête penchée vers la droite, sa respiration était profonde et régulière et Ichigo ne se souvenait pas l'avoir déjà vu si détendu. « Serein », « paisible », ce n'était pas le genre de qualificatifs qu'on pouvait lui appliquer d'ordinaire, mais pour une fois, il semblait calme. Malgré le T-shirt ridicule et les tatouages. À pas de loup, Ichigo s'approcha, se demandant à moitié s'il arriverait à lui faire une blague sans qu'il se réveille – lui dessiner une moustache au feutre indélébile, par exemple, ou « I love Rukia » sur le front. Il s'assit lentement à côté de lui, en prenant mille précautions pour ne pas le réveiller. Les coussins du divan s'affaissèrent sous son poids et il se crispa en voyant la tête de Renji basculer vers lui. Mais il n'ouvrit pas les yeux.
Ichigo resta figé un instant, attendant de voir s'il allait se réveiller. Mais le vice-capitaine ne bougea pas, et le rouquin se pencha pour regarder son visage. Et fit quelque chose qu'il n'avait absolument pas prémédité. Une chose qui ne lui avait même jamais effleuré l'esprit jusqu'à cet instant précis, et quand il se rendit compte de ce qu'il faisait, il était déjà trop tard.
Ichigo ferma les yeux et pressa ses lèvres contre celles du Shinigami.
Le monde s'éteignit brusquement, ainsi que son esprit. Il n'y eut plus qu'une seule et unique chose dans tout l'univers, une chose minuscule et insignifiante. Il n'existait plus que la surface de la peau sensible de ses lèvres qui était en contact avec celles de Renji, et surtout, surtout, la caresse électrisante et très brève du mouvement de sa bouche contre la sienne. Ichigo oublia de penser, oublia où il était, oublia tout ce qui n'était pas cette sensation, mais celle-ci s'évanouit presqu'aussitôt. Il n'y avait plus que les lèvres, souples, lisses et sèches sous les siennes. Même immobile, ce contact restait grisant, mais Ichigo parvint à s'y arracher et recula en faisant la grimace. Qu'est-ce qui lui avait pris ?
Heureusement, Renji dormait toujours – il trouvait ça surprenant, c'était un vice-capitaine, tout de même… C'était presqu'impossible qu'il ait pu faire ça sans le réveiller.
Ichigo comprit soudain. Renji était dans son Gigaï, dans son corps d'emprunt. Il savait que sa puissance était très limitée dans ces conditions, et il était à peu près certain que ses perceptions devaient également être nettement moins affûtées. Il préféra néanmoins ne pas pousser sa chance et quitta rapidement la pièce. Il rejoignit les autres à l'extérieur.
- Bah t'es tout seul ? Remarqua Inoue en le voyant revenir.
- Il roupille, répondit-il simplement avant de s'assoir à côté de Rukia. Laissons-le, je crois qu'il est vraiment crevé.
- Ichigo a raison, dit sobrement Chad. Je crois qu'il n'a pas souvent la paix, ces derniers temps.
- C'est clair, commenta Ishida.
- Urahara lui mène la vie dure, dit Ichigo. Il a une dent contre lui ou c'est juste dans son caractère, à ton avis ? Demanda-t-il à Rukia.
La Shinigami haussa les épaules et prit un paquet de Pocky à la fraise.
- Je doute qu'il ait quelque chose contre lui, pour être honnête. Il est comme ça, c'est tout. Je pense que Renji n'a juste pas de chance, il fait une cible parfaite puisqu'il habite là-bas. Et il est plutôt bonne poire, contrairement aux apparences. Il n'oserait jamais se plaindre des gens qui l'hébergent.
Le petit groupe éclata de rire et plaignit de concert le vice-capitaine.
Renji les rejoignit peu après. La soirée s'écoula tout à fait normalement et s'acheva tard. Tout était parfaitement normal.
Tout est parfaitement normal. Mais maintenant, quand Ichigo pense à Renji – ça lui arrive des fois – les sensations stupéfiantes provoquées par le baiser qu'il lui a volé viennent s'ajouter à tout le reste.
Il ne sait trop quoi en penser.
