Disclaimer : Les personnages appartiennent à KURUMADA.

Auteur : Newgaia

Rating : M (précaution prise pour certains chapitres).

Genre : Angst


Note : Pour ceux qui découvriraient directement ce récit, je précise qu'il est préférable d'avoir lu précédemment la préquelle « Au-delà des apparences ». Ce n'est pas indispensable, mais ça vous permettra de partager plus facilement les remises en question de Milo.

Cette fanfiction est longue et assez sombre. Elle casse un certain nombre de conventions et n'épargne aucun chevalier. Sii tous les Ors apparaissent dans ce récit, le texte se centre principalement sur l'épreuve que vont devoir traverser Camus et Milo. Il mêle aventure, violence psychologique, mystère et romance. J'ai cherché à rester le plus proche possible du canon, tout en m'inscrivant dans un univers réaliste, et j'ai tenté de respecter les caractères des personnages.

La romance demeure assujettie à l'histoire, et bien que très présente, elle n'est pas la clé principale du scénario. Elle ne se décline pas non plus en fonction d'un genre (Yaoï ou hétéro), mais s'oriente autour des différentes orientations que j'ai attribuées aux personnages. Il y aura donc de tout. Et concernant Camus et Milo, qui conserve la place de couple phare, je traite leur relation de façon beaucoup plus shonen-ai que purement Yaoï.


ÉDIT : Cette fanfiction, écrire entre 2010 et 2012, va être totalement reprise à partir d'avril 2014. Je vais corriger les chapitres au fur et à mesure, et donc procéder à des mises à jour régulières en fonction de ces corrections. Par rapport au texte original, je vais parfois rajouter des phrases entières. Pour donner plus de clarté au récit, où vous proposez des mini scènes qui me paraissent importantes. D'autres phrases seront simplement modifiées pour éviter des lourdeurs et des répétitions disgracieuses. J'aérerai également mes paragraphes pour faciliter la lecture sur écran. Bref, le résultat devrait être meilleur. En espérant que vous l'apprécierez.


Résumé de la péquelle (Au-delà des apparences): À la suite du sacrifice des chevaliers d'Or devant le Mur des Lamentations, les Dieux ont jugé qu'ils devaient les punir pour avoir osé s'attaquer au cœur du Sanctuaire d'Hadès. Après avoir réuni leurs corps éthérés dans une colonne d'airain, ils leur accordent pourtant une consolation : ils peuvent lier leur âme à celle d'un de leurs compagnons avant de dériver pour l'éternité dans les limbes. Peu à peu les couples se forment. Tous s'attendent à ce que Milo rejoigne naturellement son « ami » Camus. Mais le Scorpion se détourne du Verseau. La bataille et ce qu'il considère comme une trahison sont encore trop proches, et il renie l'amour qu'il lui porte. Désespéré, Camus accepte ce verdict qui le condamne, et son âme « s'endort », seule. Au dernier moment, Milo s'allonge enfin à ses côtés, bien conscient d'avoir définitivement brisé quelque chose entre eux.


CHAPITRE 1 : LES VOILES DE L'INCERTITUDE (mise à jour 10 avril 2014)

Assis sur un rocher, à quelques mètres de la mer, Milo profitait d'un moment de répit pour essayer de remettre de l'ordre dans ses idées. Il s'était volontairement éloigné du Sanctuaire, rompant avec l'image de sociabilité souriante qu'il affichait généralement. Compte tenu des circonstances, personne ne s'en étonnerait. Les événements des derniers jours étaient si inhabituels, et la condition de certains si dérangeante, que du moindre servant à leur ancien Grand Pope miraculeusement réapparu, tout le monde oscillait entre la joie, l'incrédulité et la consternation. Leur déesse elle-même ne cachait pas son souci. Et encore, la première réunion tenue sous son égide avait été trop brève, pour qu'elle ne pût que leur exposer la situation dans les grandes lignes sans entrer dans les détails.

Malgré tout, l'œil dont elle l'avait couvé ne lui laissait aucune illusion. Elle savait. Et elle lui en voulait. Que cela la rassure, il s'en voulait aussi. Mais d'un autre côté il assumait son geste. Il ne se leurrait pas. Replacé dans un contexte identique, il referait exactement la même chose. Il n'était pas un saint. Pas de ceux installés sur les stèles des églises en tout cas. Et si depuis son retour à la vie son ressentiment disparaissait au mûrissement d'une compréhension gagnée sur la colère, l'amertume du fil des évènements pointait sa cicatrice comme celle d'un fer rouge.

Leur victoire s'accompagnait de trop d'éléments douloureux, de points tenus secrets, de stratégies détournées, de non-dits dévastateurs. Quoi qu'en pensent certains dans l'immédiat, aucun des « revenants » ne serait épargné. Même si la rancœur et les torts de la plupart étaient parfois moins flagrants que les siens. Il en avait la certitude. Et la folie des Dieux cumulée à celle des hommes aggraverait le problème.

Il fallait qu'il prît du recul. Assimiler sa situation présente serait déjà un grand pas en avant. Car il existait un gouffre entre sentir la mort vous saisir pour entraîner votre âme vers des rives inconnues, et se réveiller un matin bien vivant, sans savoir ni pourquoi ni comment.

Cela faisait trois jours maintenant que leurs corps avaient été expulsés de la colonne d'airain qui emprisonnait les relents de leurs personnalités. Cette gigantesque monstruosité était apparue dès la fin de la guerre contre Hadès. Pendant quatre ans, elle avait occupé le centre de la salle des audiences du Palais d'Athéna. Et comme si ce rappel de la volonté divine ne suffisait pas, leurs visages de pierre figés dans un éternel cri de détresse avaient été un souvenir constant du prix de la victoire.

Durant toutes ces années, Athéna était demeurée dissimulée à ses troupes, rendues exsangues par la barbarie des derniers combats. Revenus du fin fond des Enfers, quatre des cinq chevaliers Divins avaient assuré un simulacre de garde prétorienne autour d'une Saorie de bonne volonté, mais impuissante à redonner au Sanctuaire son feu sacré.

Et puis, tout s'était emballé. Visibles de Star Hill, les étoiles en berne avaient semblé se ranimer sous l'éclat enfin perceptible du cosmos flamboyant de leur déesse. Et tandis que, sous les yeux reconnaissants des survivants, Athéna réintégrait son enveloppe charnelle dans le sillage d'une lumière dorée, le premier miracle avait eu lieu. Apparaissant de nulle part, un Shion rajeuni et en pleine possession de ses moyens était venu s'incliner devant elle. Simultanément, la disgracieuse colonne s'effondrait alors que d'autres corps encore inconscients se matérialisaient sur le sol.

Faibles et endoloris, les chevaliers d'Or ressuscités avaient été installés dans une des salles annexes du Palais, transformée pour l'occasion en infirmerie. S'éveillant progressivement, ils avaient rapidement réalisé qu'ils n'étaient pas au complet. Athéna les avait rassemblés deux jours plus tard. Tenant compte de leur état d'épuisement, elle leur avait expliqué sobrement le marché d'Hadès, remettant à plus tard les questions et les implications que soulevait celui-ci. Ils s'étaient séparés abattus par un nouveau coup du sort, pour retrouver un semblant de réconfort dans l'habitat de leur temple respectif. Il y avait vingt-quatre heures de cela. Demain, une réunion semblable déciderait du destin de leurs compagnons perdus.

Les yeux fixés sur le moutonnement des vagues, Milo ne parvenait pas à définir précisément les sentiments qui l'assaillaient. Parce que tout s'était emballé trop vite lors des conflits traversés que la mort de celui qu'il aimait l'avait anéanti une première fois et qu'il n'avait pas compris pourquoi ils devaient se battre les uns contre les autres.

L'apparition des «renégats » lors de la Guerre Sainte avait été l'épreuve en trop. En ce qui concernait l'identité de l'un d'entre eux tout au moins. Trop de choses intimes et secrètes avaient été bouleversées. Et quand les Dieux leur avaient offert l'opportunité d'accomplir leur dernier voyage en choisissant un compagnon, il avait sciemment repoussé la personne sur laquelle tout le monde pensait qu'il jetterait son dévolu. Malgré les larmes et la souffrance pour une fois affichées sur le visage de celui-ci. Malgré sa propre douleur.

Par colère indigeste ? Orgueil mal placé ? Tristesse de se sentir trahi ? Un peu de tout cela sans doute. De par sa volonté, leurs deux âmes tourmentées s'étaient endormies solitaires. Contrairement à celles de leurs frères d' final, le résultat était catastrophique.

Le soleil couchant demeurait toujours magnifique. Rougeoyant et lumineux sur la crête des vagues qui venaient mourir sur la plage. Semblable au reflet d'un trésor insaisissable. Insaisissable comme le souffle léger du vent d'est, qui à cet instant ébouriffait avec douceur sa chevelure bouclée. Insaisissable comme le vol du goéland rasant les arêtes rocheuses un peu plus bas. Insaisissable comme le cœur de celui qu'il avait abandonné sans connaître la portée de son geste.

Aurait-il agi autrement en appréhendant toutes les implications ? Sûrement, oui. Parce que même sous le coup de la plus forte colère, jamais il n'aurait condamné son amant à une épreuve à la finalité aussi incertaine.

Regrettait-il ?… Les regrets étaient multiples. Et mille fois plus douloureux lorsqu'il les examinait à la loupe. Regret de n'être jamais parvenu à percer entièrement la carapace de glace. Regret d'ignorer la profondeur des sentiments un temps partagés. Regret de n'avoir jamais osé poser un ultimatum pour obtenir une réponse claire. De toute manière, il était trop tard pour regretter. La meilleure volonté du monde ne lui permettrait pas de revenir en arrière. Et puis, inexplicablement, quelque chose s'était vraiment brisé ce jour-là.

Face à lui, la mer bercée par le cri des mouettes lui renvoyait une image de sérénité trompeuse. Prolongeant la bande sableuse réduite par la marée, la crête découpée des rochers rougeâtres se déployait jusqu'à la limite du cap nord. Cette partie sauvage et accidentée de la côte était sans doute l'une des plus belles du Sanctuaire. Oui, décidément ce lieu restait immuable et imperméable aux tragédies qui s'y déroulaient. Inaccessible dans son essence, parce qu'insensible à la brièveté des vies humaines. Beau et indifférent. Comme pouvait l'être le chevalier du Verseau.

Indifférent ?... C'était certainement mal le juger. Mais Camus avait appris à dresser de tels murs infranchissables autour de lui qu'il en devenait indéchiffrable. Et son amour pour lui s'en était trouvé malmené plus d'une fois. L'aimait-il encore ?… Bizarrement la question le dérangeait. Indubitablement leur dernière séparation avait déclenché un processus inattendu, dont il n'était pas sûr d'appréhender le cheminement. Une chose demeurait par contre évidente, quelle que fût la réalité de ses sentiments, le sort de son ancien amant le préoccupait fortement.

« Tu penses passer la nuit ici ? Ça fait des heures que tu végètes sur ton rocher. »

Sans marquer de surprise, Milo laissa s'approcher celui qui se tenait encore sur le chemin côtier. Il avait senti son arrivée depuis un moment et il se demandait quand il se déciderait à l'aborder.

« C'est toujours mieux que de fixer les murs en se demandant comment rattraper sa connerie, répliqua-t-il sans se retourner.

— Tu ne pouvais pas savoir », tenta Kanon en s'asseyant à ses côtés.

Les traits de Milo se crispèrent davantage, et ce fut d'une voix dure qu'il répliqua :

« Lorsque j'ai vu Dohko s'approcher d'Aphrodite, et Shion aller vers Death Mask, j'aurais dû comprendre. Il n'y a jamais eu aucune affinité entre eux. »

Il n'y avait rien à répondre à cela. Kanon le savait. Tenter de le convaincre qu'il s'agissait d'un hasard aurait été injurier son intelligence. Durant quelques minutes, les deux hommes restèrent sans parler, à regarder la mer. Bercées par le bruit entêtant des vagues, les réflexions de Kanon révisèrent le problème.

Avant que la portion réduite d'espace-temps qui les emprisonnait au sein de la colonne d'airain n'avalât leurs âmes, personne ne pouvait nier que certains couples s'étaient formés bizarrement. Kanon et Saga avaient été les premiers à se rejoindre. Aiolia et Aioros avaient suivi, talonnés par Mü et Aldébaran. Jusque là rien de très étonnant. Quatre frères se retrouvant après des années de séparation, et deux amis que rien n'avait jamais divisés. Que Shaka se rapproche de Shura pouvait se comprendre. Leur réserve s'harmonisait, et les erreurs de l'un n'excluaient pas un certain respect mutuel. Mais que Shion privilégiât Death Mask et Dohko Aphrodite, il y avait eu là une véritable inversion des genres.

« Quand as-tu su ? » demanda soudain Milo sans quitter les vagues des yeux.

Kanon devina immédiatement la question implicite. Le regard également fixé sur l'horizon mouvant, il répondit avec sincérité :

« Dès que mon choix s'est porté sur Saga. En fait, ce n'est qu'à partir de ce moment que j'ai enfin pu entendre la voix de Shion dans mon esprit. Il n'avait aucun moyen de nous prévenir avant que notre décision soit définitive. Les Dieux y avaient veillé. Mais son absence lors de l'effondrement du Mur des Lamentations a permis à notre déesse de lui adresser une dernière mise en garde. Elle ignorait alors elle-même comment les évènements allaient tourner, mais globalement elle se méfiait de la réaction d'Hadès vis-à-vis de certains des nôtres. Le reste, je ne l'ai appris qu'hier. »

Le Scorpion n'exprima aucune réaction. Son silence était lourd de sens, et Kanon regretta sa franchise. Tournant la tête, il observa son compagnon d'infortune. Le menton reposant sur ses poings crispés, celui-ci conservait un air sombre. L'ancien Marina se sentit désolé pour lui. Il n'avait jamais particulièrement apprécié le Verseau, mais il n'avait aucune raison de lui souhaiter de mal non plus, et il aimait bien Milo. Depuis son réveil, c'était le seul à lui avoir adressé la parole avec un semblant d'intérêt. Il ne paraissait plus lui tenir rigueur de ses erreurs passées et Kanon avait décidé de le remercier à sa manière. Et puis, s'il comprenait la vindicte de quelques-uns à son égard, la situation présente exigeait un minimum de concertation. Ils devaient se serrer les coudes pour les absents. Alors, autant commencer tout de suite.

La position de l'ancien Dragon des Mers n'était guère différente de celle de Milo. Lui aussi supportait avec angoisse la disparition d'un être cher. Et ce manque le poussait à se rapprocher de ceux qui pourraient s'avérer utiles et de bonne volonté dans sa quête personnelle. Parce qu'il n'était pas certain d'obtenir l'unanimité pour partir au secours de Saga. Le souvenir du regard que lui avait adressé Mü quand le nom de son frère avait été évoqué le perturbait. Il lui avait paru lourd de sous-entendus, pas vraiment tournés vers le sauvetage de celui-ci. S'il arrivait à convaincre Milo de l'aider, sans doute les autres lui emboîteraient-ils plus facilement le pas. En retour, il accepterait volontiers de se pencher sur le cas de Camus. Mais pour se faire, il devait parvenir à tirer le Scorpion de sa léthargie.

« Nous ne sommes pas tous affectés de la même manière, essaya-t-il de tempérer en remisant le ressentiment du Bélier. Mais le désir de les retrouver semble général. Et je peux parfaitement concevoir ton inquiétude. J'ai cru comprendre que le Verseau était ton meilleur ami. De mon côté, j'ai perdu un frère. Affectivement, j'ai le même souci que toi. »

Milo retint de justesse un sourire de dérision. Un ami, oui. Et bien plus aussi. Mais seuls les deux concernés connaissaient ce dernier détail. Sans compter qu'à cause de la vindicte d'Hadès dont Athéna les avait informés, Camus devait à présent également l'avoir oublié. Allait-il encore devoir mentir à ce sujet ? Préserver un secret qui avait toujours empoisonné sa vie précédente ? Décidément, son existence butait sur une hypocrisie identique. Même si en l'occurrence, son désarroi présent se satisfaisait presque dans l'immédiat de cette ignorance, qui minimisait les choses. Enfin, s'il n'y avait pas eu tout ce qu'il avait appris lors de la réunion, qui marginalisait un peu plus Camus.

« Non, pas tout à fait, répliqua-t-il en croisant pour la première fois le regard de son compatriote. Parce que si ce qu'Athéna nous a dit est exact, tu pars avec un coup d'avance pour retrouver Saga. »

Il avait parfaitement raison, et Kanon le savait. Mais ce dernier était décidé à l'épauler tout en avançant ses propres pions. Ainsi s'empressa-t-il de le contrer, bien que ce ne fût pas de manière très constructive.

« Il n'est pas question que nous partions seuls à leur recherche, Milo. Parmi les Ors, Aldébaran, Mu, Aiolia et Aioros ont eu droit à un voyage au sein de la colonne en toute innocence. Mis à part pour se réconforter mutuellement, ils n'ont été appariés à personne qui soit absent aujourd'hui. Et par la force des choses tu te retrouves exactement dans leur situation, parce que tu n'as pas dérivé avec Camus. Camus est peut-être ton ami, mais rien n'ayant été mis en place entre vous deux durant notre intermède dans les limbes, l'un d'entre eux peut tout aussi bien se charger de le retrouver à ta place si ça peut te soulager.

— Parce que tu laisserais quelqu'un d'autre que toi s'occuper de Saga peut-être ?

— Non, mais je ne refuserai pas l'aide qu'on voudra bien m'apporter. Et puisque c'est toi qui soulèves la question, je confirme que nos deux positions sont un peu dissemblables. Mais ce n'est pas une raison pour te morfondre, et encore moins pour te reprocher une situation qui découle de la ruse d'Hadès. Tu t'en veux pour un choix dont tu ignorais les conséquences. Personne ne pouvait savoir à ce moment-là Milo. Personne. L'avertissement de Shion n'était alors qu'une précaution élémentaire dictée par notre déesse.

— Une précaution qui éviterait à Camus de se retrouver actuellement perdu au milieu de nulle part si je l'avais suivi, se braqua le Scorpion avec une pointe d'irritation dans la voix. Tu sais très bien que dans ce contexte, sa position est pire que celle des autres. Ce qui lui arrive est entièrement ma faute ! »

Kanon pouvait admettre que Milo s'en voulût, mais le fil de la conversation dévoilait un malaise plus profond, qu'il s'expliquait mal. Soucieux de le réconforter autant que de comprendre, il se décida alors à utiliser un argument qu'il aurait préféré éviter.

« Vous étiez deux, non ? avança-t-il en observant la réaction huitième gardien.

— Et alors ?

— Alors les rôles auraient très bien pu être inversés. Et dans ce cas, c'est Camus qui se ferait le même reproche. Du moins, je suppose.

— Eh bien, tu supposes mal ! Parce que si ça n'avait tenu qu'à lui, nous nous serions rejoints.

— Et moi je conçois difficilement qu'un chevalier d'Or soit impressionnable. Surtout un chevalier de la trempe de Camus. J'ignore ce qui s'est passé entre vous, mais la décision a dû être bilatérale. »

La main de Milo fusa si rapidement pour agripper sa gorge, qu'il n'eut pas le temps de rejeter la tête en arrière pour l'éviter.

« Tu ne sais rien, Kanon ! »

Peu disposé à se laisser malmener, l'ancien Marina se dégagea d'un mouvement sec.

« Eh ! doucement. Je te signale que j'essaie de t'aider là.

— Alors, cesse de remuer la boue ! »

La colère qui zébrait maintenant d'orangé le regard bleu prévint Kanon de ne pas insister. La prudence lui dictait le silence. Mais la réaction de Milo le laissait perplexe tout en éveillant sa curiosité. Il avait disparu depuis trop de temps du Sanctuaire pour connaître le cheminement de chacun. Néanmoins, il devinait aisément que malgré les difficultés, l'affection enfantine qui liait autrefois le Verseau et le Scorpion avait incroyablement perduré. Alors pourquoi, quand des frères ennemis arrivaient à se pardonner, des amis de longue date se faisaient-ils la guerre ? Il y avait là un mystère, qui le confortait dans l'idée que Milo taisait certains secrets.

Satisfait de son retrait, son cadet se détourna pour poser à nouveau les yeux sur les vagues.

« Il y a pourtant quelque chose que j'aimerais te demander, dit-il au bout d'un instant, d'un ton redevenu parfaitement calme.

— Quoi ?

— Lorsque nous retrouverons Camus, j'apprécierais que ça soit toi qui le ramènes.

— Comme tu voudras. »

De plus en plus suspicieux, Kanon n'ajouta rien. Contemplant à son tour la mer en feu sous l'astre plongeant en son sein, il se promit d'ouvrir dorénavant davantage les yeux et les oreilles.


Note de fin : Première publication avril 2010 - Chapitre modifié en avril 2014 (Outre les changements de syntaxe et de vocabulaire, le chapitre contient 279 mots de plus).