Le réveil se met à sonner juste dans mon oreille. Je sursaute, me débats entre mes draps pour échapper à leur étreinte et me retrouve debout à côté de mon lit. Le réveil sonne toujours. Je ramasse ma baguette sur ma table de nuit et lui donne un coup. Le silence s'abat alors dans ma chambre. Je soupire, bâille, me frotte les yeux.
Il est huit heures du matin et la journée promet d'être longue. Je jette un rapide coup d'œil à ma chambre, comme tous les matins, pour m'assurer que tout est en ordre. Je vois mon lit aux couvertures répandues sur le sol, mon bureau, couvert de parchemins et de manuels de cours que je n'utilise plus depuis que j'ai quitté Poudlard, je vois ma chaise, croulant sous des tas et des tas de vêtements plus ou moins propres, ma penderie, ouverte, vomissant des chemises, des chaussettes et mêmes des caleçons, ma vieille malle de collégien dont l'une des lanières à été cassée par Sirius et une boîte de friandises pour rats qui s'est renversée hier soir lorsque j'ai buté dedans dans l'obscurité.
Les murs sont tapissés d'affiches de Quidditch. L'une d'entre elle a été dédicacée par l'attrapeur. James a toujours trouvé dommage que ce soit le plus mauvais de son époque qui ait accepté de signer pour moi. J'ai toujours adoré le Quidditch, mais je vole comme un pied. J'aurais aimé devenir une grande star, poser, un balais à la main et les cheveux dans le vent… Pas la peine de m'éterniser là-dessus, je ne suis que Peter Pettigrow, mauvais joueur et dont les cheveux commencent déjà à tomber alors que je n'ai que vingt ans.
Bon, la chambre a l'air en ordre, enfin, en tout cas, elle a l'air dans son état habituel. En cette période de guerre, j'aime mieux m'assurer que rien ni personne n'a profité de mon sommeil pour pénétrer chez moi. Je ramasse une robe de sorcier pas trop sale et pas trop froissée et l'enfile. Dehors, le soleil brille déjà de tous ses feux. La gazette d'hier nous a annoncé une nouvelle journée de canicule.
La journée va être bien remplie, ça c'est sûr. Aujourd'hui, James et Lily se marient. J'ai un pincement au cœur à cette pensée. Pourtant, tous les deux s'accordent à merveille et je suis vraiment très content qu'ils aient finis par se rendre compte qu'ils étaient fait l'un pour l'autre mais… je suis un peu jaloux en fait. Quand je regarde ce qu'est ma vie, je me dis qu'il n'y a rien là de très palpitant.
James fait des études pour devenir auror. De ce que j'ai pu comprendre, il est très bon. Lily, elle, est actuellement en stage à Sainte Mangouste. Pour l'instant, elle se contente de faire le tri des patients et de les orienter dans les différents étages. Elle dit qu'elle n'y restera pas toute sa vie mais que l'expérience vaut le coup d'être tentée. Tous les deux vivent dans une petite maison qu'ils viennent de s'acheter sur Godric's Hollow.
Sirius vit toujours dans l'appartement qu'il partageait avec James jusqu'à l'année dernière. Il passe sont temps entre divers petits boulots et la moto moldue qu'il a acheté et ensorcelé pour qu'elle vole. Lily dit qu'il devrait se méfier, que ce genre d'objet est parfaitement interdit par la loi mais Sirius, égal à lui-même, s'en fiche éperdument.
Remus, quant à lui, vit dans un appartement dans le centre de Londres, au rez-de-chaussée. Il a choisi cette minuscule cage à lapin comme il dit parce qu'il y a une cave privée qu'il utilise les nuits de pleine lune. Il vient tout juste de perdre son emploi pour la cinquième fois en trois ans et j'ai cru comprendre que sa situation financière n'était pas au beau fixe. Depuis la mort de sa mère, il y a deux ans, il est en froid avec son père et, depuis, il tente de se débrouiller tout seul mais il a pas mal de difficultés.
Enfin, moi, je suis toujours là, chez ma mère. En quittant Poudlard, j'ai passé une année à me demander ce que j'allais faire. Mes résultats n'ayant pas été fantastiques aux ASPIC, je ne peux pas envisager de grandes études comme James ou Lily. Pour l'instant, je travaille à mi-temps dans une animalerie du chemin de traverse. Je reverse l'intégralité de mon salaire à ma mère en guise de paiement pour le logement et la nourriture. C'est elle qui le veut comme ça et je n'ai jamais trouvé le courage de m'y opposer.
Bon ce n'est pas tout ça, mais le temps passe et je dois être chez les parents de James pour neuf heures. Je sors donc de ma chambre, le pas traînant, les yeux encore à moitié fermés de sommeil et je descends l'escalier. Une odeur de toasts grillés et de café monte jusqu'à moi. Mon estomac se met à gargouiller.
Ma mère n'est pas dans la cuisine mais mon petit-déjeuner est prêt. Il y a un mot dans mon bol. Je jette un œil :
Mon biquet,
Je suis partie faire des courses, plus rien à manger, passe une bonne journée et amuse-toi bien avec tes copains, bisous,
Maman.
Je soupire. Tous les matins, ma mère me laisse un mot dans mon bol à déjeuner. Quand je les lis, j'ai l'impression d'être toujours un gamin. Parfois, elle a du mal de se rappeler que j'ai vingt ans et que viens d'entrer dans l'Ordre du Phénix pour me battre contre le mage noir et ses disciples.
J'ai un petit sourire navré à cette pensée. C'est la version officielle en tout cas parce que ça fait déjà quelques mois que Severus Rogue est entré en contact avec moi. J'ai toujours su qu'il était très intéressé par la magie noire. A l'école, déjà, ça se voyait. Il m'a fait des propositions particulièrement tentantes. Il m'a parlé de richesses et surtout de reconnaissance. Le Seigneur des Ténèbres s'intéresse à moi pour ce que je suis et pour ce que je peux lui apporter et non pas pour mes amis et leur popularité. Severus m'a rappelé que pendant sept ans, j'ai vécu dans l'ombre des Maraudeurs à essayer de me croire aussi amusant que James, aussi séduisant que Sirius ou aussi intelligent que Remus.
Peu à peu, je suis en train de virer de bord. L'Ordre ne m'offre pas grand-chose si ce n'est de nobles pensées et une soit-disant juste cause.
Je verse du café dans mon bol puis beurre un toast sur lequel j'étale une couche de confiture de citrouille. Severus m'a déjà confié une première mission. Enfin, c'est non officiel mais c'est toujours ça de pris. Selon lui, le Seigneur des Ténèbres serait ravi que je lui amène une nouvelle recrue. Pour lui prouver ma bonne foi en quelque sorte. J'ai bien réfléchi et j'ai jeté mon dévolu sur Remus. De mes trois camarades, c'est lui le plus fragile. Il va me falloir beaucoup de patience et de travail pour le convaincre mais je sais que je peux y arriver. C'est un loup-garou, après tout, et tous ceux de son espèce se sont déjà ralliés à la cause du Mage Noir. Non pas qu'ils soient très nombreux, mais j'en ai aperçu quelques-uns et c'est vrai qu'ils fichent froid dans le dos. A côté d'eux, Remus a l'air d'un chiot perdu.
Je dévore trois toasts les uns après les autres. Aujourd'hui, je fais une trêve que ce soit pour un camp ou pour l'autre. James et Lily se marient et j'ai l'intention de passer une bonne journée, de m'amuser comme quand j'étais un adolescent insouciant qui étudiait à Poudlard.
Je regarde l'horloge de la cuisine. Il est presque huit heures et demi, ce qui ne me laisse plus beaucoup de temps pour finir de me préparer. Si je suis en retard, James et Lily vont me tomber dessus. La cérémonie ne commence qu'à deux heures, cette après-midi, mais il faut tout préparer et, bien entendu, j'ai été convié à cette « formidable partie de plaisir ».
Je termine mon café puis vais déposer ma vaisselle dans l'évier. Ma mère la nettoiera. Elle sait qu'aujourd'hui, je n'ai pas le temps. Je file à l'étage faire ma toilette. Une douche, un bon brossage des dents et un rapide coup de peigne et je suis presque prêt. J'ajoute une touche de parfum puis je retourne dans ma chambre. J'enfile cette fois une robe propre et repassée de la veille puis je prends mon costume, soigneusement rangé dans une housse en toile. La veste, le pantalon et le nœud papillon sont noirs. La chemise, elle, est blanche, agrémentée de boutons de manchette en argent d'Occamy. C'est un vieil héritage familial qui m'a été légué par un arrière-arrière-grand-oncle. Ma mère a accepté que je les emprunte pour le mariage. Sinon, en règle générale, elle les garde précieusement dans une boîte à bijoux chargée de sortilèges. Quand j'étais enfant, j'ai essayé de m'en emparer, une fois, pour jouer. La boîte s'est jetée sur moi et m'a cruellement mordu la main. Je n'ai jamais retenté l'expérience.
« Où est ce fichu parchemin ? »
Je fouille le dépotoir qui occupe mon bureau à la recherche d'un petit morceau de parchemin que James m'a envoyé par hibou la semaine dernière. Je remue le tout, fais tomber des piles de vieilles notes de cours. Je me demande toujours pourquoi je les garde, ça n'a plus aucun sens maintenant que j'ai décidé de ne pas reprendre mes études.
« Ah ! »
J'ai finalement réussi à mettre la main dessus. Je lis l'adresse tout haut. C'est celle des parents des James. Lily aurait aimé pouvoir faire la soirée chez eux à Godric's Hollow mais il n'y aurait pas assez de place pour accueillir tous les invités. Les parents de James, eux, possèdent une grande maison et, surtout, un gigantesque jardin.
Je mémorise l'adresse après me l'être répétée plusieurs fois mais, par sécurité, je range tout de même le parchemin dans ma poche.
Bon, on dirait que je suis prêt. Je suis lavé et habillé, j'ai l'adresse et mon costume. Je ferme les yeux, je suis sur le point de transplaner et… Ah ! Halte à tout !
J'ouvre subitement les yeux. Le cadeau ! Je ne peux quand même pas me permettre d'arriver au mariage de James et de Lily les mains vides ! James ne me le pardonnerait pas. Je descends les escaliers à toute allure en prenant bien soin de ne pas marcher sur le bas de la housse contenant mon costume. Pas facile d'avancer sans s'emmêler les pieds dans ce truc-là ! D'autant plus que je ne suis pas aussi svelte et agile que j'aurais aimé.
Je débarque dans le salon. Ici, tout est propre et bien rangé. Ma mère est une vraie maniaque. Ce n'est pas dans nos rideaux qu'on pourrait y trouver des doxys !
Je respire. C'est là que je me rends compte que je suis en apnée depuis que j'ai remarqué que je m'apprêtais à transplaner sans le cadeau.
Le paquet est déposé sur la table basse, enveloppé dans un joli papier rose et blanc avec un gros nœud en dentelle sur le dessus. Il y a même une carte sur laquelle est écrit en lettres dorées : « de la part de Peter, meilleurs vœux de bonheur ». Merci maman ! Pour une fois, je suis content que tu ais pensé à ma place. Je le prends dans mes bras. Il est encombrant. Il m'a fallu plus de deux mois pour trouver ce que je pourrais offrir à un couple qui semble déjà tout avoir.
Je manœuvre un moment entre mon costume et le paquet. Allez, cette fois, je suis armé. Je ferme donc les yeux et je répète dans ma tête, en prononçant chaque syllabe, l'adresse des parents de James.
Une étrange sensation m'envahit alors. C'est comme si mes pieds quittaient la terre ferme mais sans que je bascule dans le vide. Mon corps se fait léger, comme s'il se dissolvait dans l'air ambiant.
Et tout à coup, le bitume sous mes pieds.
J'ouvre les yeux. La maison se tient juste devant moi. Je suis au milieu d'une rue, dans ce qui semble être un quartier luxueux de la banlieue de Londres. Une petite clôture en bois blanc délimite un jardinet qui mène à la porte d'entrée des Potter.
C'est l'endroit où a grandi James. Depuis neuf ans que je le connais, je n'ai encore jamais mis les pieds ici. Je sais que Sirius y a vécu un moment depuis sa sixième année jusqu'à ce que lui et James prennent un appartement ensemble. Mais moi, je ne suis jamais venu.
J'assure ma prise sur le paquet et me dirige vers la maison. Quelqu'un semble me devancer, la porte s'ouvre en grand.
