Titre : Prisonnier d'un avion en papier.

Disclaimer : Hetalia ne m'appartient, les chansons qui ont inspiré ce Two-Shot n'ont plus, elles sont la propriété des Vocaloids.

Personnages/Pairings : Ladonia, KugelMugel, Autriche/Roderich. Ladonia/KugelMugel, sans qu'ils ne soient vraiment ensemble.

Bon... déjà, ça va être triste et pas qu'un peu ! J'ai eu cette idée en regardant ces deux vidéos : Prisoner (http : / / www . youtube . com / watch ? v= tvqyRVX37OY & feature = plcp) et Paper plane (http : / / www . youtube . com / watch ? v = zNoqqOjc5Ww), qui sont deux vidéos racontant la même histoire mais de deux points de vue différents. Et ces chansons sont justes... sublimes. Écoutez-les sérieux, ce serait manquer quelque chose. Ceci n'est pas une song-fic a proprement parlé, tout simplement parce qu'il n'y a pas les paroles. Je me sers juste de l'histoire qui est raconté dans les chansons et de quelques passages des clips. Autre point, bien que la chanson et la vidéo fassent penser à un prisonnier des camps d'extermination, il est clair qu'il y a des libertés de prise, et de sacrées liberté ! Enfin vous verrez bien.

Il n'y a pas de noms humains ici, ils s'appellent juste « je » et « tu » voir « il » quand il s'agit d'un autre personnage~. La seule exception c'est dans les lettres, ils signent de leur initial, qui est la même pour leur nom de pays que pour leur nom humain. Il y a des risques d'OOC, je n'utilise pas Lado et Gel d'habitude et bon, vu leur situations, ils le sont sans doute, OOC... et il y a « on » à la place de « nous », vu l'âge des persos. Dans cette partie, c'est « Prisoner » qu'il faut écouter.

Et enfin, ce T-S est tout de même une fic d'anniversaire -à quelqu'un qui n'est pas sur le site- donc : Joyeux Anniversaire Nono ! J'espère ton cadeau te plaira, toi qui voulais quelque chose de triste ^^ !

Après ce pavé que personne n'a lu, je vous dis : Bonne lecture~.


POV Ladonia

Je marche sur le sol de terre de battue. Comme tous les jours j'ai envie de dire. À mes pieds, deux chaussures dépareillées, une sorte de mocassin noir couvert de poussière trop petit et une antique sandale de corde, une « espadrille » je crois, trop grande d'au moins trois pointures. Je m'en fiche, je suis habitué à ces chausses, depuis le temps que je les porte. Quel âge j'ai ? Je ne sais pas, j'ai arrêté de compter les jours. En même temps, il n'y a pas de calendrier ici, et les rares qui pourraient me donner la date ne s'en souviennent pas, déboussolés qu'ils sont par leur trajet, souvent très longs, dans des wagons à bestiaux. De tout façon, à quoi cela servirait de savoir quel jour on est ? À mettre un moment précis sur le visage de la Mort ?

Je soupire et regarde autour de moi : du gris à perte de vue. Et puis, je dois dire, même si les bâtiments insalubres dans lesquels je vis étaient peints de couleur colorées, pour moi tout m'apparaîtrait noir comme les rayures de mon habit tâché de boue. Je profite d'un passage devant une vitre pour voir si j'ai changé depuis... depuis combien de temps en fait ?

Bonne nouvelle -ou mauvaise, sachant comment sont les gens ici- j'ai même tignasse de feu. Point négatif, ils ont repoussé dans tous les sens après le passage obligatoire à la tonte. Autre point noir, mes yeux bleus océan, habituellement éclairés d'une teinte de malice, ressemblent à ceux d'un poisson mort. Charment tableau. Je passe outre l'absence de ma peinture en forme de cicatrice et ma blancheur de craie et fais rapidement un constat de mon corps : maigre. Pas encore squelettique comme les « morts-vivants » qui errent partout, heureusement non. Il n'empêche que, comparé à ce que j'étais avant, il n'y a pas photo : J'ai littéralement fondu. Bizarrement, cela ne me touche même pas. C'est fou de constater à quel point je suis devenu blasé, moi qui étais si joyeux, si rempli de gaîté avant ! À croire que le gris déteint surtout, aussi bien sur la peau que sur les âmes.

Tout à mes pensées ô combien sombres, je n'ai pas fait attention à la direction que je prenais et j'ai la surprise de me retrouver face à ce maudit grillage électrifié qui me retient prisonnier. Je jette un coup d'œil aux alentours, dans le but de vérifier qu'aucun adulte en « costume » ne rôde. Je ne sais pas pourquoi, mais ils prennent un malin plaisir, voir une joie de pur sadique à tous nous maltraiter ici. Et encore, d'autres -ceux qui portent l'étoile comme moi mais qui sont plus faibles- subissent pire que moi. Vive moi, qui suis du genre discret et pas trop voyant. Sinon je pense que je ne serais plus de ce monde depuis pas mal de temps.

Un bruit de pas me fait soudain sursauter et je regarde, affolé de chaque côté, me tordant le cou dans tous les sens. Personne. Pas âme qui vive. Alors... cela viendrait de l'autre côté des barrières ? Je plisse les yeux puis je m'approche un peu plus -en prenant garde à ne pas toucher la grille- et je distingue effectivement une silhouette qui se balade un peu plus loin. Là, j'avoue que je suis soufflé. Depuis quand quelqu'un peut-il se balader aussi près de ce camp sans se faire tuer ? Parce que, pour tout ce que je vois chaque jour, les hommes qui nous surveillent -nous persécutent plutôt mais bref- ne sont pas un modèle de gentillesse. Qu'une personne puisse passer si près me surprend totalement et le mot est faible ! Juste avant qu'il ne s'efface, je parviens à distinguer sur cet individu deux tresses blanches, ce qui me fait penser à une fille. Quoique, vu sa corpulence, il me semblerait que ce soit bien un garçon, comme moi. Je ne sais pas. En même temps, comment faire la différence à cette distance ?

J'entends l'heure de l'appel et c'est la tête remplie de points d'interrogation et de ces tresses que je réponds « hier ! », que je mange et que je vais ensuite me coucher. Serait-il -elle ?- là demain ?

ooooOooooOooooOoooo

Je l'ai revu le lendemain. Et le sur-lendemain. En fait je l'ai revu toute cette semaine. Sans exception, même heure, même endroit. J'ai pu déterminer que c'était un garçon et... c'est tout. Il ne s'est jamais approché à plus de quinze mètres et j'ai trop peur d'attirer l'attention si je crie. Finalement, après quelques jours de réflexion, je décide d'essayer le tout pour le tout et de lui parler. Pour cela, rien de plus simple : quelques repas en moins devraient me fournir du papier en quantités suffisantes ainsi qu'un crayon de papier. Comme quoi, quand on sait où s'adresser, on trouve de tout.

Une fois bien caché, je sors tout mon attirail et je pose la mine sur la feuille avant de me stopper. Que pourrais-je lui dire ? Comment je m'appelle, mon âge et toute ces banalités ? Cela ne serait pas intéressant. De toute façon, je ne suis même plus sûr de le savoir. Alors que dire... ? Je décide de faire court et d'écrire tout ce qui me passe par la tête, cela fera au moins une base pour, peut-être, un possible échange de lettres. Je commence, en prenant bien garde qu'il n'y ait personne. Pas envie que l'on me pique mes feuilles ou de finir à l'exécution de ce soir.

Salut !

Tu ne me voies peut-être pas, mais je suis là tous les jours depuis que tu marches vers ici. Je me demandais... Est-ce que tu crois que tu pourrais t'approcher que je puisse te voir un peu plus ? Tu ne le sais pas, mais te voir rend tout lumineux. C'est bizarre mais c'est vrai, je te le jure. Alors... Tu peux venir parler avec moi ?

Je n'ai pas menti, le voir me rend vraiment heureux. J'ai envie de le rejoindre pour pouvoir jouer avec lui, lui sauter dans les bras comme j'aime le faire, lui défaire ses tresses et lui ébouriffer les cheveux. Un jour, je partirais d'ici et on ira s'amuser...

«-Mensonges !, je crie, jamais je ne pourrais m'enfuir et je le sais très bien ! J'ai beau être au-dessus des autres, ce n'est pas ça qui me rendra ma liberté ! »

Je me fais espérer pour rien. Quand on rentre ici, on n'en sort pas. Je ne dois même pas penser à l'extérieur, c'est désormais un endroit que je ne reverrais jamais. Impossible de le rejoindre. À cette pensée, mon cœur se serre douloureusement, sans que je n'en comprenne la raison. Je devrais le remercier, ce garçon vient de me montrer sans le vouloir que je suis encore capable d'éprouver quelque chose. Il ne sait sans doute pas ce que j'endure ici, à quel point ma souffrance et mon désespoir me tuent à petit feu mais... il sait comment les soigner.

Je sens les coins de ma bouche se relever et il me faut un moment avant de comprendre que je souris. Sourire. Cela ne m'était plus arrivé depuis que je suis ici. En quelques instants, il vient de me rendre plus vivant, il m'a donné envie de vivre pour le voir encore plus ! Il faut que je lui parle. Tout de suite.

Je plie la feuille en forme d'avion afin qu'il l'attrape plus facilement et sans s'approcher des barrières. En dissimulant la joie improbable qui me traverse, je m'éloigne des baraquements aussi vite que je peux sans que cela ne paraisse suspect. Je serre contre moi le pliage tout en observant autour de moi. Toujours aussi désert. Heureusement, sinon je pense que l'on ne me laisserait aller aussi près des grilles. Au pire, je m'en fiche, je veux juste lui donner ma lettre. Faîtes qu'il soit là encore aujourd'hui... Je me poste en face de l'endroit où je le vois habituellement et j'attends. Je ne sais pas combien de temps je reste là, debout à scruter l'horizon mais quand je l'aperçois enfin, toute l'impatience et l'inquiétude que j'ai pu avoir disparaissent, remplacées par le bonheur. Je siffle pour attirer son attention et me prépare à lancer. Oui ! Il m'a entendu et il s'approche ! Il s'arrête non loin du grillage, si bien que je peux le détailler à loisir. Il est de la même taille que moi-si je n'ai pas grandi-, il est habillé d'un façon assez... sobre. Mais en même temps, assez chic : un pantalon blanc, surmonté d'une chemise rouge et d'une veste noire, le tout complété par des bottes marrons qui s'arrêtant au-dessus de la cheville. Seul le béret pourpre qui orne ses cheveux platines -ah finalement, ils n'étaient pas blancs...- tranche radicalement avec le reste de la tenue mais cela lui confère une certaine originalité. Il est si pâle que je remarque tout de suite les deux orbes violettes qui me regardent avec interrogation. Ce regard me piège immédiatement. Je me sens décoller du sol, plonger dans cette mer mauve qui me fait face. Je me noie dedans et je ne fais absolument rien pour remonter à la surface. Mon cœur cogne dans ma poitrine, j'ai chaud et froid en même temps, mes mains sont moites et je tremble. Bon sang, qu'est-ce que c'est que ces réactions ? Que m'arrive-t-il ? Je le vois ouvrir sa bouche rosée et me parler :

«-Euh... Tu veux quelque chose ? »

Sa voix m'envoûte. Elle est... indescriptible. Elle me fait courir des frissons du bout des orteils jusqu'à la racine des cheveux. Tu attends une réponse, je le vois. Il faut que je me concentre sur mes paroles et que j'essaye d'occulter ces sensations :

«-Je vais t'envoyer un avion en papier. Tu crois que tu pourrais y répondre et... me le renvoyer ? J'aimerai bien pouvoir te parler.

-Ce n'est pas ce que tu fais maintenant ? », me dit-il, un peu moqueur.

Oh mon Dieu, que j'aime sa voix. Non, penses à l'avion ! Au lieu de faire une longue explication, je lui montre les tours qui entourent le camp. Il comprend aussitôt que ce que je fais est dangereux et acquiesce silencieusement quand je lui désigne le pliage. Je lance la feuille, en espérant de toutes mes forces qu'elle l'atteigne. Voles loin, voles ! Il tend son bras et attrape l'avion avant de me souffler un « je reviens demain avec la réponse, sois-là ». C'est ce que je comptais bien faire.

ooooOooooOooooOoooo

Réponse du lendemain (extrait) :

(…) « Si si, je te voyais ! C'est juste que je n'osais pas trop m'approcher. Je ne savais pas que je te faisais cet effet mais tu sais que c'est assez bizarre ? Cependant, je ne le prend pas mal. Dis-moi, tu aimes l'art ? (…)

K ».

Il y a trois mois (extrait)

(…) « Tu dessines vraiment bien tu sais ? Mais tu n'égales pas mon talent dans cet art. Eh, j'ai une idée, si on faisait un petit concours ? Tu me diras le thème que tu veux et on le dessinera tous les deux. Comme cela, on verra qui est le meilleur de nous deux (bien qu'à mon avis, je vais gagner, c'est cela d'être le meilleur). Alors, qu'en penses-tu ? (…)

L ».

(…) « J'en pense que tu es un pur narcissique. Cependant, je suis d'accord, je veux bien te défier. Si cela peut te faire sourire comme à chaque fois que je te vois, alors j'accepte. C'est dur de l'avouer, mais tu souris, tu me rends tout bizarre... Je ne sais pas comment te l'expliquer. J'espère que tu réussiras à comprendre. Ne sois pas sûr de gagner, au fait, une surprise est vite arrivée (…)

K ».

Il y a cinq semaines (extrait)

(…) « Que t'arrive-t-il ? Lors de ma dernière lettre, quand je t'ai demandé si un jour, quand tu sortirais, nous pourrions peindre tous les deux, tu m'as répondu que ce ne serait sans doute jamais possible et... j'ai cru distinguer la trace d'une larme. Je n'aime pas te voir triste, tes traits sont plus harmonieux quand tu souris que lorsque tu es rempli de tristesse. Qu'as-tu ? (…)

K ».

(…) « Ne t'en fais pas, ce n'était qu'une légère déprime passagère, tu pourras à nouveau voir le soleil que je suis demain ! Et mon si joli visage pourra t'éblouir encore plus qu'il ne le fait déjà ! Toi aussi essayes de sourire un peu, tu ne le fais jamais, je vais finir par croire que je t'ennuie à force (…)

L ».

Il y a quatre jours (extrait)

(…) « Tu me parais de plus en plus pâle au fur et à mesure des jours... Tu n'as trop froid dehors ? Ah, au fait, je change totalement de sujet mais je t'ai dessiné mon portrait sur une autre feuille, je me suis dis que peut-être, tu aurais envie de m'avoir près de toi, on ne sait jamais. En tout cas, c'est ce que moi je ressens quand tu pars. Ah, et désolé, je n'ai pas de couleurs donc c'est juste avec du gris. J'espère que tu vas aimer mon chef-d'œuvre ! (…)

L ».

(…) « Ne t'inquiètes pas, même si je mourais de froid, je viendrais quand même te voir. Merci pour ton portrait, je l'aime beaucoup bien que je continue à penser que tu es un abominable narcissique. Surtout que sur ce dessin, tu t'es fait une cicatrice alors que tu n'en as pas. Tu ne t'idéaliserais pas un peu ? Enfin, ce n'est pas comme si cela te rendait hideux, au contraire. Si cela peut te faire plaisir, je t'ai aussi fait un autoportrait. Ce que tu ressens... c'est étrange mais je pense que c'est pareil pour moi... je crois (…)

K ».

Avec un sourire tendre, qui fleurit de plus en plus sur mes lèvres en ce moment, j'achève la relecture de nos lettres. Quoique qu'il faudrait rajouter beaucoup de « re ». Plus de trois mois de petits mots envoyés dans l'urgence s'étalent devant mes yeux. Dans ma main, ton visage inexpressif me regarde. C'est avec ces pupilles que je m'endors chaque soir, en faisant attention à ce que personne d'autre que moi ne puisse te voir. Néanmoins, je suis inquiet. Terriblement angoissé parce que depuis trois jours, je ne t'ai pas vu à notre point de rendez-vous. Où es-tu ? Seras-tu là aujourd'hui ? Avant-hier j'étais déprimé, hier j'étais au désespoir, aujourd'hui j'ai l'impression d'avoir un trou dans le cœur. Tu n'as pas le droit de me faire ressentir des choses comme cela, tu sais ? Tu me fais mal sans le savoir mais en même temps, rien que de penser à toi m'apaise, je me sens étrangement complet, comme si je ne l'avais jamais été jusqu'à présent. C'est bizarre, cela picote dans ma poitrine quand je te vois, cela brûle que je me remémore tes yeux d'une couleur si exceptionnelle et c'est vide quand tu n'es pas là. Je ne sais pas ce qui m'arrive, c'est la première fois et je ne peux en parler à personne... Sinon je vais être vraiment mal et ils feront tout pour que je ne puisse plus de te parler. Et cela je ne l'accepterais jamais ! J'ai besoin de te voir, tu es un rayon de soleil, tu es celui qui éclaire mon avenir de par ces lettres, le seul qui est capable de transformer les mensonges que je pense à longueur de journée en des vérités étincelantes. Tu es mes ailes, celles dont on m'a privées et que j'ai retrouvé en croisant ton regard. Personne n'a le droit de t'enlever à moi, je ne pourrais pas le supporter ! Il est bientôt l'heure. Tu viendras, dis ?

J'attends en face du grillage. Un mauvais pressentiment me tord les entrailles, me rendant lourd et nauséeux. J'ai l'impression de m'enraciner dans le sol, des perles de sueurs glissent de mon dos. Pitié... viens me voir ! Je patiente, je plisse les yeux pour mieux essayer de t'apercevoir mais tu n'arrives toujours pas ! Je commence à avoir peur, je suffoque en fermant les yeux. Si je croyais encore en Dieu, je le supplierais de te faire venir, pour repaître mes yeux de ton visage, pour entendre ta voix même si c'est juste quelques mots... Je veux te voir, quand bien même je ne peux te toucher, rien que tu vue me rendrait heureux ! Mes poings serrent contre le bas de ce pyjama rayé, l'angoisse me dévorant maintenant tout entier. Je n'ai jamais ressentis une terreur aussi profonde, aussi viscérale que celle qui me torture présentement. Je t'en pris... dépêches-toi d'arriver, sinon mon cœur va s'arrêter tant il bat fort. Une silhouette se dessine. J'espère. C'est toi ? Les contours se précisent et je peux alors te reconnaître. Aussitôt, je souris et le poids sur mes épaules s'envole. Tu t'approches, notre avion en papier dans la main. Je remarque ta fatigue à tes épaules voûtées, à ton teint encore plus neigeux que d'habitude et à ta tête basse. Tu te stoppes et lance l'avion avec si peu de volonté que je décide de briser l'une de nos règles. Je prends la parole :

«-Qu'est-ce que tu as ? Tu ne vas pas bien ?

-Lis. Tu comprendras.

-Euh, d'accord, » fais-je en m'exécutant.

Il n'y a que quelques mots inscrits sur cette feuille, la lecture est donc rapide. J'écarquille les yeux et je relève la tête :

«-Je-je... C'est une blague ?

-Non, me réponds-tu en détournant ses orbes violettes, je... je vais partir. Je suis désolé, ce n'est pas moi qui ai décidé. On aura passé de bons moments ensemble au moins, c'est ce qu'il faut se dire, termines-tu en souriant doucement.

Que répliquer ? Mes mots se perdent, s'entremêlent, glissent, coulent comme de l'eau, ils sont impossibles à saisir, non je dois te retenir ! Tu me fixes enfin, me fais un signe de la main et tu me tournes le dos. Tu pars. Non ! Je dois te dire tout ce que je ressens avant ! J'ouvre la bouche mais ce n'est pas ce que je veux qui sort :

«-Je t'attendrais ! Je resterais là jusqu'à ce que tu reviennes, avec nos lettres ! Je les garderais précieusement, je te le promets ! Alors... ne m'oublies pas et reviens ! On se reverra n'est-ce pas ? »

Ma dernière phrase est criée avec tout l'espoir que je suis encore capable d'avoir. Tu t'arrêtes. J'espère. Mais tu ne te retournes pas. À la place, tu tressautes, un sanglot te traverse et tu pars en courant. Je tends le bras devant moi et je me mets à crier :

«-Attends ! Reviens je t'en supplie ! Écoutes-moi ! K... ! »

Je me fige, horrifié. Ton nom... je ne le connais pas et je ne m'en rends compte qu'aujourd'hui ! Comment ai-je pu passer à côté de ce détail ? Néanmoins, je viens aussi de réaliser autre chose. Et cela, il faut que tu le saches avant que ma voix ne puisse plus t'atteindre. Je respire un grand coup, inspirant le plus d'air possible et je hurle, tant pis pour la discrétion :

«-JE T'AIME ! TU M'ENTENDS ! JE T'AIIIIIIME ! »

Tu ne te retournes pas. Je chute à genoux, haletant, les bras ballants et les yeux grands ouverts. Je répète tout bas ces mots que je viens de t'avouer tandis qu'une de mes mains agrippe mon haut et serre le tissu de plus en plus fort. Un gémissement de douleur m'échappe alors que je me roule en boule et que je tremble. J'ai mal. J'ai l'impression que mon cœur se fend, qu'il m'est arraché à vif et qu'on me le piétine en sautant dessus à pieds joints.

Soudain, je sens quelque chose de chaud rouler le long de mes joues et disparaître dans mon cou. Je touche puis réalise que ce sont des larmes. Je... je pleure ? Ce n'est pas possible, je n'ai pas pleuré une seule fois depuis que je suis ici et pourtant, j'ai souffert ! C'est toi. Tu m'as rendu la vie. Tu l'as reprise à l'instant. Tu es mon premier amour. Et je ne connais même pas ton nom. Ces mots que je pense sont comme des poignards, ils me transpercent de leurs pointes acérées, me font saigner, me font suffoquer sous la souffrance qu'ils m'infligent. Mes sanglots se font plus violents si bien que j'abandonne l'idée de les retenir. Je m'effondre littéralement au sol et je me laisse aller alors que j'ai toujours trouvé que les larmes gâchent mon si magnifique visage. Pour l'instant, je n'en ai rien à foutre ! Je viens de comprendre que je viens irrémédiablement de te perdre, j'ai autre chose à penser que de garder ma tête parfaite !

«-Reviens... Ne me laisse pas tout seul ! Rends-moi ce cœur que tu m'as pris ou donnes-moi le tien en échange ! T'as pas le droit de partir comme ça, tu m'entends ? T'as pas mon autorisation ! Je m'en fiche de ne pas savoir comment tu m'appelles, tout ce dont j'ai besoin c'est de te voir, toi ! Tu es celui dont je suis fou amoureux ! Alors si tu m'aimes, restes avec moi ! RESTES !... Restes... »

Ma voix se brise sur ce dernier mot, les larmes me serrant trop la gorge pour que je puisse articuler quoique que ce soit. Les seuls sons que j'émets sont des plaintes animales qui déchirent le silence dans lequel je suis. Je n'ai qu'une envie, c'est de m'endormir ici et maintenant pour ne plus jamais me réveiller, pour rester dans mes rêves jusqu'à la fin. Parce que dans mes illusions, tu ne m'aurais pas dit adieu et je n'aurais pas cette barrière pour me séparer de toi. Cependant, la dure réalité me ramène sur Terre immédiatement. Je ne peux ni t'appeler, ni te suivre et encore moins partir d'ici. Je ne peux rien faire ! Cette conclusion me fait me redresser, la tête à l'horizontal de ce ciel bleu qui me nargue et fait sortir de ma bouche noyée de larmes un cri inhumain qui à dû résonner dans tout le camp. Je m'en fiche, même si l'on me trouve et que l'on me passe à tabac, le mal que je ressentirais alors ne serait rien comparé à celui que j'endure en ce moment. Brusquement, un rire jaune perce mes lèvres trempées. Je ris plus fort, à un tel point que mon corps se retrouve secoué de soubresauts hystériques. Et pourtant, je continue de pleurer. Quel beau tableau je dois offrir, là, à genoux au sol, entrain de me vider de mon eau !

«-C'est fini. J'vois pas pourquoi j'te supplie, tu reviendras pas. J'suis pathétique de chialer comme ça, c'est pas ça qui te ramènera. Et le pire, c'est que je ne peux même pas t'en vouloir. Tu voulais pas toi non plus. C'est bête hein ? »

C'est l'heure de l'appel. J'aurais voulu rester ici un peu plus longtemps, au cas où. Mais je n'ai pas le droit. Alors je me lève, tremblant, les yeux rouges et gonflés, les joues brillantes et les traits tirés. J'époussette vaguement mon habit couvert de terre puis me mets en marche. Tout ce que je fais ce soir, je l'exécute machinalement. Je suis un pantin sans volonté, sans vie, qui répète les mêmes gestes durant le repas, qui suis le « troupeau », sans se poser de questions, l'œil vide. Si mon corps est ici, mon âme, elle, s'est envolée, loin, loin, très loin de la couche où je suis allongé -depuis quand ? Mystère. Tout ce que je sais, c'est qu'il va être bientôt être l'heure de dormir. Vais-je pouvoir réussir à rejoindre Morphée ? Je n'en sais rien. Est-ce que cela a une réelle importance ?... Absolument pas. Me voilà revenu comme avant ton arrivée : un être blasé de tout. Sauf qu'entre ce que j'étais et ce que je suis désormais, j'ai quand même eu le temps de tomber amoureux pour la première fois de ma vie et de me faire briser le cœur par cet amour. Beau palmarès j'ai envie de dire. Je retiens un soupir pour éviter de me faire remarquer et tire de sous la planche de bois une feuille. Celle où s'étale, en noir et blanc, ton portrait. Une vive douleur me transperce de part en part. Néanmoins, mes prunelles restent vierges de toutes larmes. Cela ne servirait à rien de pleurer, tu es partis et rien de ce que je ferais ne pourra le changer. Je me contente donc d'embrasser le dessin, de le plier et de le glisser dans ma tenue. Comme cela, tu seras avec moi cette nuit. J'use de moyens minables, n'est-ce pas ? Je ferme les yeux. Qui est-ce que je vois en premier ? Toi. Génial. Je sens que je vais passer une nuit encore plus merveilleuse que moi.

ooooOooooOooooOoooo

La journée qui vient de passer a été vide. Aussi bien de joie que de peine, que de logique que de sens. À vrai dire, je ne me souviens même plus de ce que j'ai fait... c'est le néant total. Cela ne m'atteint pas plus que cela, pour l'instant je suis occupé à relire nos avions en papier. Il faut bien se raccrocher à quelque chose quand on a perdu la personne qui nous était la plus précieuse, non ? Des murmures agitent tout à coup le block. Je ne détourne pas la tête pour savoir ce que c'est, préférant rester dans mes souvenirs. Seulement, une ombre vient obscurcir ma vue. Allons bon, déjà que je n'y vois pas beaucoup, si en plus on me cache la lumière... Machinalement, je relève mes yeux vers celui qui me gêne. oh. C'est le Schutzhaftlagerfürher. Il n'a pas l'air content du tout si j'en juge par la lueur à la fois haineuse, meurtrière et moqueuse qui danse dans ses iris violets. Une brève seconde, ton visage remplace celui de l'homme au-dessus de moi avant que ce dernier n'attrape soudainement une de tes lettres qu'il se met à lire à voix haute tout en mimant la jeune fille effarouchée, sous les rires des autres SS. Je serre les dents. Ne pas craquer, ne pas craquer... Contient ta colère, sinon ils vont s'en donner à cœur joie. Ne leur fois pas ce plaisir. Subitement, l'homme se penche et tire à lui les autres papiers. Il les parcoure rapidement des yeux puis me fixe, l'air mauvais. Qu'est-ce qu'il... ? Je me fige, les yeux écarquillés, en état de choc le plus profond. Je sens les SS me plaquer au sol, m'empêchant ainsi de faire le moindre mouvement. Il les déchire ! Il déchire en petits morceaux les seuls souvenirs que j'ai de toi, sans le moindre état d'âme ! Je suis les petits bouts de feuilles qui chutent doucement par terre et qu'il s'amuse à écraser de son pied recouvert d'une botte pleine de boue. Un voile rouge passe devant mes yeux. À partir de là, je ne réponds plus de rien. Je m'entends hurler de rage, je me sens me débattre, tant et si bien que je finis par me libérer de l'étreinte de militaires. Je crois que l'état de colère et de haine pure dans lequel je suis plongé décuple mes forces puisque je me retrouve à califourchon sur le Schutzhaftlagerfürher entrain de le frapper au visage, à la poitrine, partout où je peux atteindre. Il va payer, je le jure ! Je lui crache toutes les insultes que je connais tout en continuant mes coups, lui disant qu'il n'avait pas le droit de faire cela, qu'il n'est qu'un parfait salaud et tout ses mots « gentils ». Il ne réagit pas, trop stupéfait par cette action de révolte qu'il n'a jamais dû voir. Tant mieux ! Je ne réfléchis plus. Je frappe. La seule chose qui me guide, c'est cette envie de faire mal, de lui faire mal. Il vient d'effacer en quelques secondes des mois entiers avec toi, il vient de réduire à néant tout ce que me reliait encore à toi ! Pour ce geste, il ne s'en sortira pas indemne ! Il crie quelque chose et, aussitôt, ses subordonnés me saisissent à bras-le-corps et m'éloignent de leur cher supérieur. Je continue de me contorsionner dans tous les sens, je continue de rugir et bientôt, des larmes coulent à nouveau le long de mes joues. Je remarque que ce monstre aux yeux violacés hésite mais finalement, il donne l'ordre de m'emmener je ne sais où avant de remettre sa casquette et de tourner les talons.

Ma tête se baisse vers le sol, là où repose, éparpillée, toute ma correspondance avec toi. Doucement, je stoppe mes mouvements, devenant aussi malléable qu'une poupée de chiffon, même si je pleure toujours. Je me laisse traîner par les officiers jusqu'au milieu de la cour. Il parle entre eux, dans un allemand si rapide que je ne comprends que quelques mots : frêle, chercher, étoile, chambre. C'est l'incompréhension la plus totale quand deux SS partent et reviennent avec d'autres rayés à l'étoile jaune. Ils nous entraînent vers une sorte de long bâtiment sans fenêtre mais pourvus de gigantesques cheminées. Ils nous font entrer et ferment la porte. Qu'est-ce qui se passe ? Que faisons-nous là ? Je comprends en tout cas que ce qui nous arrive n'est pas la meilleure chose au monde. Ce serait même la pire. Autour de moi, les gens s'agitent, nerveux et inquiets.

Soudain, un nuage de gaz s'échappe des pommes de douche présentes dans la pièce. Instinctivement, je retiens ma respiration. Cependant, une petite voix me souffle que ce n'est pas la peine, que tôt ou tard, je devrais respirer. Je repousse l'échéance le plus possible ne voyant les autres commencer à tousser, puis à cracher du sang. Certains s'effondrent déjà. Alors... je vais mourir ? Tandis que j'aspire enfin, je pense à ce qui pourrait me retenir ici. La réponse ne tarde pas à me parvenir : Rien. Toi parti, il ne me reste plus rien. Pourtant... quelque chose en moi hurle « Pourquoi ? Pourquoi renonces-tu à te battre ? ». j'ai envie de tout abandonner, de mourir là sans faire de vague mais ce drôle de sentiment me pousse à rester en vie le plus longtemps possible. Une pensée s'impose à moi, tellement brutalement que je ne la comprends pas tout de suite : Je veux te voir encore une fois. Je veux te voir. Je veux te voir ! Sans m'en rendre compte, je m'agrippe à la porte, qui ne s'ouvre pas.

«- JE VEUX TE VOIR ! ET APRÈS JE POURRAIS MOURIR ! »

Ces deux dernière phrases, je les aies hurlées sans en avoir conscience. Ils ne pourront pas t'atteindre, je le sais mais ils sont sortis comme cela, sans prévenir. Comme si, inconsciemment, je ne voulais pas t'oublier avant de partir rejoindre tous ceux qui m'ont précédés dans cette antichambre de la mort. C'est bien inutile. Comment pourrais-je oublier l'unique fleur qui poussait sur le champ dévasté de ma vie, l'unique lumière que je pouvais voir ? À nos travers nos avions, j'essayais de te rejoindre mais cela n'aura servi qu'à m'amener ici. Néanmoins, je ne regrette pas de t'avoir connu, bien au contraire. Je préfère mourir maintenant et en sachant que je t'aime plutôt que de survivre dans ce monde sans t'avoir rencontré.

Du sang me monte aux lèvres. Mes poumons brûlent, j'ai l'impression que de l'acide est entrain de les ronger lentement. Mes genoux raclent le sol tandis qu'un de mes bras vient me soutenir. Un liquide chaud s'écoule sur le sol en millions de gouttes carmines. Ma respiration se fait sifflante, à l'instar de tous ceux qui sont avec moi. Je tombe au sol et tourne la tête de côté quand un nouveau flot de sang jaillit de ma bouche. Je me tords par terre de douleur, crispé, des larmes dévalant mon visage. J'ai mal ! J'ai cette impression d'incendie dans mon corps, un brasier tel qu'il me dévore de l'intérieur mais qui prend son temps, me laissant agoniser pendant de longues minutes sans pouvoir rien y faire. Ma main qui griffe le carrelage tombe soudain sur quelque chose de doux. J'ouvre des yeux brouillés par des nuages d'eau et découvre la seule chose que le Schutzhaftlagerfürher a oublié : ton autoportrait. Je l'attrape, tremblant, et le contemple avant de sourire. Ainsi, tu m'accompagnes dans ma mort. J'ai à peine le temps de me réjouir qu'une douleur plus forte que les autres me traverse de part en part en me faisant pousser un cri qui résonne dans la pièce. À moins que ce ne soit ceux des autres. Je ne sais pas. Je n'ai plus la force de réfléchir. Si cela est ma dernière heure, laissez-moi lui parler une dernière fois !

Fin POV Ladonia

Le garçon convulse à présent. La souffrance est telle qu'il lui semble que ses organes lui sont arrachés à vif, que ses os sont en fusion et que ses muscles lui sont enlevés un à un puis brûlés au lance-flammes. Il souffre le martyr et son lente, horrible agonie ne semble pas avoir une fin. Oh pourtant, qu'est-ce qu'il aimerait que tout s'arrête ! Qu'il meurt enfin, qu'il quitte ce camp qui lui a tout pris, qu'il puisse devenir l'ange gardien de ce garçon qu'il aime de tout son cœur d'adolescent encore un peu enfant ! Cela fait presque un quart d'heure qu'il est là, à hurler sa douleur, ses suppliques, ses demandes à la Mort pour qu'elle vienne le chercher et l'emmener dans sa grande cape noire. Rien y fait, il est toujours en vie. Que cette mascarade se termine enfin, par pitié !

La Grande Veuve joue sur son échiquier avec pour adversaire, le Créateur, celui en qui ce gamin ne croyait plus. Elle avance sa Reine et hésite : fauchera-t-elle ce pion ? Elle hausse ses épaules squelettiques. Un de plus, un de moins, quelle différence ? Ils en meurent par milliers en ce moment, ce n'est pas une de plus qui changera grand-chose. Sans émotion, elle frappe le pion et éjecte hors du damier. Elle se tourne vers « l'homme » en face d'elle :

«-Un de tes enfants vient encore de mourir tu sais ? Surtout que celui-là est l'un des rares qui meurent dans ces camps en étant encore capable de ressentir quelque chose... la preuve, il était amoureux. Hm, il me fait de la peine ce petit. Sois gentil, tu ne pourrais pas lui faire une fleur ?

-Je vais voir ce que je peux faire pour lui... »

La Mort hoche la tête. Et la partie reprend.

Le roux se sent soudainement plus léger. Il sait. Il va mourir dans peu de temps. Il n'a qu'un seul regret.

«-J'aurais... voulu... connaître... ton nom », souffle-t-il dans un dernier râle.

Sa poitrine s'abaisse une dernière fois. La main qui tient le dessin se desserre. L'autre, celle qui serrait la peau sa poitrine au point d'entamer la chair tendre, se détend même si les ongles sont encore enfoncés. Sa tête roule sur le côté. Et ses yeux bleus qui hier encore brillaient de la lueur de l'amour et qui étaient éclairés il y a un instant par le regret, se vident, se couvrent de cet immonde voile opaque. Dans cette salle, il n'y a plus que le corps d'un gamin sans vie, qui tient dans une main qui ne sent désormais plus rien le dernier souvenir de son premier amour.

« -Ton nom... »


…... Okay je vais me pendre pour avoir tuer Lado u_u. J'ai rajouté quelques petits passages personnels à la trame de l'histoire, comme par exemple le dessin et la passage avec la Mort, que d'ailleurs je me demande s'il ne rend pas la fic un peu... trop étrange... Enfin bon, vos avis ^^ ?