Je me réveille et sors de mon lit en grommelant, ça ira mieux après un café, ça va toujours mieux après un café ! Je ne suis juste pas quelqu'un du matin... Je trouve ça bizarre d'avoir du mal à se réveiller quand il faut le faire mais de pouvoir se réveiller en pleine nuit et être directement lucide. Décidément, je ne comprendrai jamais mon propre corps... Sauf quand, comme d'habitude, je ressens ces sensations désagréables, gorge sèche, ventre qui gronde : j'ai faim !

Il y a des avantages à vivre seul, le fait que je puisse manger quand je veux, le fait que je puisse réfléchir et travailler quand et où je le veux aussi (par exemple, étudier le dos collé au radiateur de ma salle de bain à 3 heures du matin, chose habituelle pendant mes périodes de blocus), le fait que personne ne me demande de ranger mon bordel, je pourrais continuer cette liste pendant des jours, mais j'ai trop la flemme... Il y a aussi quelques désavantages à vivre seul. Le fait que le samedi quand vous vous réveillez fatigué de votre semaine éprouvante, personne ne vous cuisine un bon petit déjeuner, rien que pour vous, apporté directement dans votre lit.

Grrrrr ! J'envie secrètement Ron et Hermione. Ces deux-là viennent de s'installer ensemble et apparemment ça se passe bien. Je crois que Ron a même parfois droit à un petit déjeuner au lit, lui... Mais il vient aussi quelques fois se réfugier dans mon appart de loup solitaire pour boire quelques bieraubeurres devant un match de quidditch ou de football (oui j'ai réussi à lui faire tolérer ce sport de moldus). En effet, Hermione pique parfois des crises de stress pendant son blocus. Elle a eu du mal à choisir ce qu'elle voulait faire après Poudlard mais elle s'est finalement tournée vers des études de médicomage qu'elle réussit à merveille (mais ça n'a rien de surprenant).

Je m'assieds au bord de mon lit. Par Merlin, que le monde est flou ! Je distingue à peine mes lunettes, posées sur ma table de chevet. Heureusement que je sais où je les pose avant de m'endormir. Je me souviens qu'une fois, au Terrier, Fred et George en avaient fabriqué une réplique exacte et les avaient posées sur ma table de nuit. Quand j'avais cherché mes lunettes à tâtons, le matin, j'avais posé les fausses lunettes sur mon nez et mon implantation capillaire faciale s'était mise à pousser pour me donner une belle moustache et un monosourcil. J'ai eu beau essayer toutes les techniques, je dû rester ainsi jusqu'à ce que Molly apparaisse et enguirlande les jumeaux hilares. En parlant d'eux, George tient toujours « Weasley, farces pour sorciers facétieux » et se remet toujours difficilement de la perte de Fred. Mais il continue à créer des articles comme son frère l'aurait voulu. Il a trouvé un peu de consolation dans les bras d'Angelina Johnson (mais siiii, elle jouait au quidditch à Poudlard, au poste de poursuiveuse).

Bref, le monde est joli tout en taches colorées, mais je préférerais éviter de me cogner les orteils contre une de ces taches... Je place donc mes lunettes sur mon nez, prends ma baguette (vieux réflexe) et me dirige vers ma cuisine, avec, sûrement, une tête de déterré complet. Malheureusement, même avec mes lunettes, je reste un peu gauche et me cogne l'épaule contre un chambranle de porte. Pffff... Matin, je te hais ! Je prends une chaise et m'assieds direct dans ma cuisine, grâce à quelques Accio une poêle, des oeufs et du bacon se retrouvent devant moi. Je cuis le tout. Les Dursley m'auront au moins servi à ça... Ils m'ont appris à me débrouiller tout seul et à cuisiner pour leur éviter de le faire. Je me prépare aussi du café grâce à quelques sortilèges que je connais par coeur, par nécessité.

Je bugue quelques minutes sur le Mimubulus Mimbletonia qui est sur mon appui de fenêtre, un cadeau de Neville, évidemment. Il faudra que je lui demande quelques trucs, d'ailleurs, une de mes chemises préférées est inutilisable à cause de cette plante de malheur ! J'ai voulu l'arroser, une fois et elle a apparemment pris l'arrosoir pour une menace... Résultat : maintenant je n'y touche plus, j'ai réussi à me débarrasser moi-même de l'odeur de son jus après seulement une semaine et ma chemise est foutue, impossible de la nettoyer ! Je l'ai gardée quand même dans l'espoir que Neville puisse l'arranger. Après tout, pendant notre cinquième année, quand sa grand-mère lui en avait offert un, il n'a pas pué tout le temps, il a donc dû trouver un truc... Et puis, comme il termine ses études pour devenir professeur de botanique, il est le plus qualifié pour m'aider.

Neville aurait pu devenir auror comme le voulait sa grand-mère, mais il a préféré suivre sa propre voie. Après la chute de Voldemort, il a été cité comme un des héros de la bataille de Poudlard. Le Ministère de la Magie l'a approché pour lui proposer un poste d'auror mais il a décliné et a commencé des études de botanique. Le Ministère nous a approché aussi Ron et moi mais nous avons préféré faire des études, comme tout le monde, plutôt que d'être des aurors incompétents qu'on respecte pour leur gloire passée. Je ne voulais surtout pas d'un traitement de faveur ! Même si les études ne sont pas faciles, on aime ce qu'on apprend, Ron et moi.

Enfin, pour en revenir à Neville, lui et Luna sont très proches mais leur relation est toujours très ambiguë et je ne suis pas du genre à poser des questions indiscrètes. Luna voyage beaucoup, la dernière fois que j'ai eu de ses nouvelles elle était en Australie et cherchait plus d'informations sur les Ronflax Cornus.

Mmmh... Je redescends sur terre. Ça sent bon le bacon grillé, je retire la poêle du feu et déguste mon petit-déjeuner avec appétit. Le tout avalé, je me dépêche d'aller prendre ma douche avant de changer d'avis et de la prendre en dernière minute, comme d'habitude !

Je sens l'eau couler le long de mon corps, ça m'aide à me concentrer, je réfléchis mieux sous la douche qu'à n'importe quel autre endroit... L'eau me détend. Aujourd'hui est un jour particulier, un jour de fête, ça fait 3 ans que ma lutte contre celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom est terminée. 3 ans que j'ai cessé d'être un horcruxe pour être moi-même, en entier. 3 ans que le monde de la magie se remet de ce drame qui a fait de nombreux blessés et de nombreux morts dans les deux « camps ». Ce soir des Feuxfous Fuseboum de fabrication Weasley vont éclairer tout le pays, le département des accidents et catastrophes magiques aura du boulot...

Je sors de ma douche, me sèche et m'habille tout en poursuivant les pensées qui se bousculent et se lient dans ma tête...

Les Weasley... Ma deuxième famille... Moi et les Weasley. Moi et mon meilleur pote, Ron. Moi et mon ex, Ginny. Je pense que j'ai aimé Ginny mais ça ne pouvait pas marcher entre nous, il y avait trop de pression… Celle de Ron, celle de la rupture pas claire que je lui avais déjà infligée une fois, celle de sa famille (je les aime mais ils se mêlaient toujours de ce qui ne regardait que nous), celle de la la mort de son frère pour laquelle je ne pouvais m'empêcher de culpabiliser… Et puis, Ginny et moi, quand on s'embrassait, au début je ressentais comme une victoire qu'elle soit « à moi ». Sauf que Ginny n'est à personne, elle est forte et indépendante et elle me le faisait remarquer. Dès qu'elle faisait ça, ça me donnait envie de l'avoir mais je crois que tout ce qui m'attirait chez elle c'était l'interdit.

L'interdit, les tabous, je me rappelle du point de départ de mes changements de ces dernières années tout en me dirigeant vers ma cuisine et en me remettant à cuisiner. Je me rappelle de l'air défait de Ginny quand on s'est quitté, une des rares fois où je l'ai vue pleurer.

Depuis notre rupture, il y a quelques années, je ne l'ai pas beaucoup revue. Pour ainsi dire quasi jamais. Quoique... Au début : si. Elle a essayé de me rendre jaloux en s'affichant avec d'autres hommes puis, quand elle a vu que ça n'avait aucun effet, elle a laissé tomber.

Pendant ce temps, je me cherchais et je me suis laissé aller à un nouvel interdit : les hommes… Ça peut sembler choquant mais j'ai toujours été attiré par les hommes. Je ne me posais simplement pas la question à Poudlard. Là-bas, s'intéresser au même sexe était une idée tellement saugrenue qu'elle ne m'était jamais venue à l'esprit. Et puis, avec la compétition entre les maisons, le quidditch, les cours, ma lutte contre Voldemort et les ennuis que j'attire comme un aimant, je n'avais pas trop la tête à ça… Maintenant que j'ai mon appartement et que je vis dans le centre de Londres, la vue des couples de moldus, tellement diversifiés dans cette métropole, m'a fait me poser des questions. C'est comme ça qu'un soir, j'ai voulu tester un club gay. Juste comme ça, je voulais essayer ! C'était il y a un an environ, ça m'a pris longtemps cette réflexion sur moi-même et puis, rassembler assez de courage pour me lancer aussi ! Mais je suis un gryffondor et je me devais de faire honneur à ma maison.