Bonjour!

Il y a beaucoup de bonnes fics Comte Cain en français, je suis même, avouons-le, très surprise par leur qualité. Alors pourquoi je me mets en tête d'en écrire une, qui risque de ne pas être aussi bien? Peut-être l'une des raisons est-elle ce livre de comptines anglaises que j'ai acheté récemment? Sans oublier ce rêve sombre que ma soeur m'a raconté récemment et qui constitue la trame d'une des histoires de cette fic (même si je me suis rendu compte après coup qu'elle ne m'avait pas tout raconté et que j'ai dénaturé son histoire).

A quoi devez-vous vous attendre si vous commencez cette fic? Eh bien, un scénario de type enquête, avec des meurtres et des mystères, qui essaie d'être dans le style de ceux de Kaori Yuki. Et, à venir dans les chapitres suivants, un peu de yaoi Cain/Riff, car qui pourrait écrire une fic sur Comte Cain sans y mettre au moins un peu de yaoi Cain/Riff? :-)

Je ne sais pas comment finit le manga, et donc je ne sais pas si cette histoire peut être placée après. Sinon, considérez que c'est une histoire indépendante comme on peut en trouver dans God Child. Je vais essayer de mettre beaucoup de dialogue, pour respecter l'esprit de l'original.

Les disclaimers habituels s'appliquent : les personnages ne m'appartiennent pas. je ne pense pas spoiler plus loin que le tome 2 de Comte Cain.


Fee, fi, fo, fum
I smell the blood of an Englishman
Be he alive or be he dead
I'll grind his bones to make my bread


Après l'arrêt de la voiture à cheval, Maryweather sauta la première du marchepied, suivie par Cain, et Riff qui portait les bagages.

"Ca y est, nous sommes arrivés, grand frère! Ce trajet m'a épuisée.

- Ce ne se voit pas." répondit Cain avec un demi-sourire, en voyant sa soeur courir pour se dégourdir les jambes.

- J'espère que vous ne l'êtes pas trop, mademoiselle." dit Riff, "il nous reste encore un peu de chemin avant d'arriver chez Monsieur Sullivan.

- Ne t'inquiète pas, Riff, courir me reposera!" Elle avait pris de l'avance, mais revint au niveau de son frère, qui marchait d'un pas calme et mesuré, et de Riff, qui portait les valises. "J'espère qu'on va voir les hommes-loups!

- Tu veux tellement être mangée?" plaisanta Cain, décidément de bonne humeur.

- Ca te ferait des vacances." dit Mary en tirant la langue. "Pourquoi tu ne voulais pas m'amener avec toi chez Monsieur Sullivan? Ca te dérange tellement que je sois là? J'en ai assez de rester toute seule, et tu ne voulais même pas me dire combien de temps ça allait durer.

- Mais finalement, quand on a découvert que tu t'étais cachée dans la malle arrière, je n'ai pas fait faire demi-tour pour te ramener, Mary, alors ne te plains pas!" lui dit son grand frère.

"Lord Cain l'aurait certainement fait," pensa Riff "s'il y avait eu le moindre danger pour mademoiselle Mary. Mais on nous a bien dit, quand nous avons reçu le télégramme de monsieur Sullivan, que ces "hommes-loups" n'avaient jamais attaqué un humain, seulement des animaux. Je me demande pourquoi Lord Cain a pris la peine de venir."

Comme s'il avait entendu ses pensées, Cain dit à Mary, mais suffisamment fort pour être entendu : "Je ne pense pas que ça sera si drôle, tu sais. J'ai une sorte de dette envers cet homme, qui m'a procuré de nombreux poisons, et m'a sorti une fois d'une situation délicate, mais je ne pense pas que cette histoire soit si intéressante. Il a du monter en épingle quelques morts provoquées par un vieux chien errant.

- Tu fais toujours le rabat-joie, grand frère!" s'exclama Maryweather avec un grand sourire qui contredisait ses paroles. "En tout cas, ça fait longtemps que je n'étais pas allée à la campagne, et... Kyaaaaaa!" cria-t-elle en voyant une forme sombre traverser la haie, juste à côté d'elle, et la saisir par le bras.

Cain se précipita vers elle, alors que la forme sortait des buissons. C'était une femme déjà âgée, portant ce qui semblait être les lambeaux d'un costume de nonne. A traverser les buissons sans même les écarter, elle ne pouvait pas porter de beaux vêtements. Il était difficile de dire depuis quand elle portait celui-là. Son visage aussi était égratigné. Ses yeux brillaient d'une lueur étrange, mais elle n'était pas armée et ne semblait pas violente.

"Enfants du péché!" clama-t-elle en regardant alternativement Cain et Mary. "Vous êtes maudits! Vous aussi!" continua-t-elle en se concentrant sur Maryweather, "vous êtes maudits! Mais il n'est pas trop tard pour toi, jeune fille! Quitte cette famille à laquelle tu n'es qu'à moitié liée, viens avec moi, et je te sauverai!"

Cain avait perdu son demi-sourire et s'avançait vers elle d'un air menaçant. Riff avait laché les valises, prêt à intervenir s'il se passait quelque chose.

La femme tourna son visage vers le ciel avant de clamer, avec force. "Le baptême ne suffit pas pour sauver! Il faut aussi délivrer des mauvaises influences!" Elle se tourna à nouveau vers Cain, qui lut cette fois clairement la lueur de folie dans son regard, et se demanda s'il devait employer la force ou essayer de la raisonner. "Es-tu seulement baptisé? Etes-vous seulement baptisés, tous? En tout cas, j'emmène cette enfant avec moi!"

Mais alors Mary lui mordit brusquement la main qui la tenait, avec force, et la femme relacha sa prise. Mary en profita pour se jeter dans les bras de son frère. "Je ne viendrai jamais avec toi! Nous sommes une famille, et on ne se quitte pas!"

A ce moment, les branches de la haie par laquelle était passée la femme s'écartèrent, et un homme moustachu, habillé en paysan, passa par la brèche ainsi ouverte. "Soeur Helen!" dit-il. Puis il se tourna vers Cain, Riff et Mary. "J'espère que soeur Helen ne vous a pas importunés? Elle n'a parfois pas toute sa tête, mais c'est une sainte femme. On est bien contents de l'avoir avec nous, au village, pour soigner les malheureux et accoucher les femmes, et puis elle voit des choses que personne ne voit...

- Ne vous inquiétez pas," répondit Cain en affectant un air calme, "tout s'est bien passé. Je suis rassuré de savoir qu'elle n'est pas toujours ainsi. Prenez soin d'elle." L'homme hocha la tête. Il regardait de plus en plus attentivement leurs vêtements : il ne semblait pas avoir remarqué qu'ils étaient si richement vêtus auparavant. "Vous allez au château?" demanda-t-il?

"Non." dit Riff. "Nous nous rendons chez Thomas Sullivan. Est-ce bien le bon chemin?"

"Ca c'est sûr." dit le paysan. Il tenait par la main soeur Helen, et ce contact semblait la calmer, ou alors peut-être était-ce encore le choc de la morsure de Mary. "Ce n'est pas très loin du château, c'est la même direction, et vous êtes si bien habillés, alors je croyais... mais il faut continuer pendant environ un quart d'heure, et puis vous verrez le château sur votre gauche, mais alors, à la place, vous irez à droite, et il y a encore vingt minutes. Vous êtes vraiment, vraiment habillés comme des nobles." Il insista sur ces mots, avec un regard en coin. Cain comprit le message et lui jeta une pièce. Il s'éloigna.

"Elle ne veut pas être sauvée!" clamait encore la femme en s'éloignant, emmenée doucement mais fermement par le paysan. "Elle ne veut pas abandonner sa famille, ni ses dents qui blessent, ni ses griffes. Personne ne veut être sauvé! Moi-même, je ne l'ai pas voulu! Mais je sauverai tous les enfants, tous, qu'ils le veuillent ou non!"

Cain, Riff et Mary continuèrent leur chemin, sans rien dire. Leur belle humeur avait été gâchée, et cet après-midi de printemps leur semblait soudain lourd d'orages à venir.


"Entrez, entrez!" leur dit Thomas Sullivan, alors qu'il ouvrait la porte de sa maison pour les recevoir. c'était une maison à deux étages, plutôt grande, dans un style ancien. De l'extérieur, elle ne semblait pas très bien entretenue, mais à l'intérieur, il y avait de belles tentures pour décorer, un bon feu flambait dans la cheminée, et la maison semblait accueillante. "Heureux de vous revoir, Cain. Et c'est la petite Mary, dont tu m'as parlé? Elle a l'air aussi charmante que son frère. Et vous devez être Riff." dit-il en se tournant vers le domestique. "L'homme de confiance de Cain. Je suis très heureux de vous accueillir ici. J'ai préparé vos chambres."

L'homme devait avoir une trentaine d'années, il avait des cheveux roux mi-longs attachés en queue de cheval, et parlait d'une voix amicale, quoique un peu familière. "Mais d'abord, il faut que je vous présente. Daniel, Daniel! Il va falloir aller à la cuisine, il y est toujours." Il les entraina derrière lui, vers une petite porte, qui s'ouvrit sur un homme plus jeune, en train de faire une réussite sur une table de cuisine ronde. Il avait aussi les cheveux roux flamboyant, mais plus courts. Il tourna la tête en les voyant entrer. "Daniel, je te présente mon AMI Cain dont je t'ai parlé, sa soeur Maryweather, et son homme de confiance Riff. Cain, Maryweather, Riff, je vous présente mon frère Daniel."

"Bonjour." leur dit Daniel, l'air un peu absent. Il ajouta, rapidement, toujours sans les regarder "Puissiez-vous être les bienvenus dans cette maison, que nous partageons déjà avec de multiples fantômes. Tenez-vous loin de leurs pas, que les nuits vous protègent et que les aubes vous soient propices."

Les autres allaient repartir, mais Thomas insista pour qu'ils s'asseyent tous en cercle autour de cette table.

"Tu ne peux pas rester toujours tout seul, Daniel." dit-il. "Et puis, il y a une certaine symbolique à s'asseoir autour d'une table ronde. Comme le roi Arthur. Personne en bout de table, personne n'a de place prééminente." Il se tourna plus particulièrement vers Cain. "C'est pour ça, par principe, que nous n'avons pas de domestiques, alors que nous aurions largement de quoi les payer. C'est un principe. Mais bien sûr, je ne vous blâme pas. Tout le monde n'est pas capable d'accepter les idées modernes, et nous avons l'avantage de venir d'une famille roturière. Les préjugés sont plus profondément ancrés chez les nobles - mais je ne dis pas ça pour vous, je sais que vous êtes justement une sorte de brebis galeuse parmi les imbéciles de votre rang."

"Il est toujours aussi bavard?" murmura doucement Mary à l'oreille de son frère, pendant cette tirade.

"Parfois c'est pire." lui répondit Cain sur le même ton.

"Et comment tu as fait la connaissance d'un type comme lui?" demanda Mary. Mais, au beau milieu de sa phrase, Thomas s'interrompit justement, pour un effet oratoire, et il entendit la fin de la phrase de Mary qui s'étouffa, embarrassée. Mais Thomas ne sembla pas s'offusquer de l'expression "un type comme lui", et au lieu de ça sourit à Mary.

"C'est une bonne question, mademoiselle Mary. J'ai recontré votre frère dans une boutique d'apothicaire. Il discutait avec le propriétaire, et cela m'a beaucoup surpris de voir un jeune noble qui s'y connaissait autant sur les poisons, un sujet qui me passionne. Quand j'y pense, j'avais dû en entendre parler, mais il n'avait pas été pris au sérieux. En tout cas, je lui ai parlé, nous avons sympathisé," - là, Cain eut une moue d'incrédulité - "et nous avons promis d'échanger quelques bonnes adresses pour se procurer des produits rares. Mais il ne m'a pas écrit, et je n'avais pas pris son adresse. Quelques mois plus tard, j'ai entendu parler de lui dans les journaux, alors qu'il était accusé d'une affaire de meurtre. Je suis allé voir les juges qui s'occupaient de cette histoire ; tous bornés, si on me permet de donner mon avis, et je leur ai expliqué que ce n'était pas possible. Ce poison avait forcément été administré plusieures heures avant, pour produire un tel effet, et Cain venait de le rencontrer il y a une demi-heure quand cet homme est mort! J'ai réussi à persuader leur médecin-légiste (borné aussi) de la véracité de mes dires, en amenant mes livres de science. Cain leur avait déjà expliqué tout ça, bien sûr, mais en tant que suspect, on ne l'avait pas cru. Ah, la justice britannique... la médecine britannique..." Thomas prit un air renfrogné un instant, puis son visage s'éclaira d'un grand sourire, et il annonça triomphalement "Et voilà comment j'ai sauvé de l'erreur judiciaire Cain Hargreaves."

Daniel eut un hochement de tête poli, alors que Riff et Mary restaient sans voix, interrogeant Cain du regard. Il hocha la tête, lui aussi.

"Mais voilà," continua Thomas manifestement décidé à accaparer la conversation "que ces derniers temps j'entends à nouveau parler de vous dans les journaux, Cain. Mêlé à des affaires de meurtre ; c'est ce que les journalistes disent. Mais il faut savoir lire entre les lignes! Moi ce que je vois, c'est que vous arrivez dans des endroits où stagnent des rumeurs de malédictions, de vampires, de fantômes, et que vous démasquez ces histoires, montrez que tout peut être éclairci de façon rationnelle. Comme on dit de Dom Juan dans le théâtre français, il ne craint ni Dieu, ni Diable, ni loup-garou. Je suis un peu ce Dom Juan, Cain, et c'est justement pour que vous m'aidiez à éclaircir cette histoire d'homme-loup que j'ai cru bon de vous rappeler notre vieille amitié et de vous faire venir.

- C'est en effet ce que vous m'avez dit." répondit Cain.

Thomas sourit de satisfaction. "Je me demande ce qui nous a entraînés à parler d'autre chose, mais c'est en effet ce que je voulais dire. Nous allons ensemble appliquer la méthode scientifique dont je vous ai fait tant d'éloges, Cain. Mais levons-nous! Encore récemment, ils ont dévoré une vache, et j'ai fait en sorte qu'on ne déplace pas ses ossements. Allons les examiner! Il entraîna Cain derrière lui.

- Je viens aussi!" dit Mary enthousiaste, qui baillait encore avant la dernière phrase.

"Pas de problème, mademoiselle!" s'exclama Thomas avant que Cain ait pu protester.

Riff ne répondit pas. Sauf ordres contraires, il allait toujours là où allait Cain.

"Je vous abandonnerai." répondit Daniel.

"J'espérais que tu parlerais un peu plus avec mes invités." dit Thomas d'un air déçu. "Tu es vraiment trop peu sociable, petit frère. Enfin, ce sera pour ce soir. Je fais le repas si tu veux!" Daniel acquiesça de la tête, mais sans regarder son frère déjà sorti de la cuisine qui passait la tête par la porte pour finir sa phrase. Il fixa du regard la vieille pendule, eut un soupir, et se remit à ses réussites.


Mary avait vite déchanté : les os de vache ressemblaient... à des os de vache.

"Il n'y a même pas de sang ou de viscères." dit-elle d'un air déçu.

"Cela fait près d'un mois que l'animal a été dévoré." dit Thomas. On est venu me prévenir trop tard, malheureusement, le terrain autour avait déjà été piétiné par des curieux. Pourquoi n'a-t-on jamais la chance de tomber le premier sur la pièce à conviction? En examinant le terrain autour, je n'ai trouvé aucune trace de loups. Par contre, il restait quelques marques de pieds humains, nus, dont certains étaient anormalement grands. Mais on ne peut plus les voir. Cependant, les traces de morsures étaient celles de loups.

- Tout a déjà été décomposé?" demanda Cain. Ou peut-être mes propriétaires ont-il récupéré sur le cadavre ce qui leur semblait bon à prendre?

- Non, non," dit Thomas. Tout la viande avait été dévorée, comme si une très grande quantité de chiens sauvages, ou à la rigueur de loups, s'y étaient attaqués.

- Il dévorent une bête entière en une fois... et leur dernière attaque remonte à un mois?" demanda Cain. Leur façon de se nourrir semble très irrégulière.

- C'est peut-être des pythons." dit Mary en observant l'intérieur de la cage thoracique, en testant la solidité pour voir si elle pouvait y grimper. C'est ce que m'a dit une voyante avec un python, un jour : il mangeait un animal entier à la fois, mais une fois que c'était fait on était tranquille pour plusieurs semaines. Tu as regardé, Thomas, s'il n'y avait des traces de pythons?

- Les os ne seraient pas restés, Mary." dit Cain. "Un serpent mange tout. Peut-être les bêtes sont-elles nomades et ont-elles mangé dans des cantons voisins les dernières semaines?

- Je ne crois pas." dit Thomas, perplexe. "Je suis les nouvelles, et elles n'attaquent jamais qu'ici. Mais c'est vrai que dans ces cas-là, l'animal ou les animaux sont mangés entièrement, et qu'il y a à chaque fois des semaines entre les attaques.

- C'est à la pleine lune?" demanda Mary. "parce que si c'est des loups-garous, c'est normal.

- Non." répondit Thomas. "Ce n'est pas aussi régulier que ça.

- Il y a parfois plusieurs animaux?" demanda Cain.

"Oui. Tu penses que c'est quoi? Cela a l'air faux, comme tu le fais remarquer, mais je ne vois pas qui aurait intérêt à monter une machination.

- Peut-être un rituel." dit Cain. "Je ne sais pas si on peut qualifier cette histoire de machination, mais en tout cas, j'y sens la main de l'homme. Tu as du le sentir aussi?" demanda Cain avec une certaine malice.

"Oui, oui." dit Thomas. "En fait, vous êtes presque venus trop tôt. Il y a quelque chose que je dois vérifier ce soir, et qui complètera mes théories. Demain, je vous montrerai mes notes sur les lieux des attaques, et je vous expliquerai les conclusions auxquelles je suis parvenu. Mais pour l'instant, rentrons."


Une fois rentrés chez eux, après un bref repas, ils envoyèrent Maryweather se coucher, et Thomas proposa un dernier verre. Cain et Riff refusèrent, mais lui tinrent compagnie, et Daniel ne refusa pas. Dehors, le soleil venait de se coucher, une pluie fine commençait à tomber.

"Cette maison est vraiment magnifique." dit Riff, par politesse.

"C'est sûr!" s'exclama Thomas. "C'était une partie du château autrefois, une sorte de cottage particulier, à l'époque où la famille d'ici, les Dawnshill, était nombreuse et puissante. Mais maintenant, ils ne sont plus que deux, le chef de famille et sa soeur, et ils louent la plupart de leurs dépendances. On a récupéré celle-là, et je dois avouer que je n'en suis pas mécontent.

- Le reste de la famille a quitté le château?" demanda Cain.

"Non, non, c'est vraiment une petite famille. Ils sont tous les deux très jeunes, ils n'avaient que leur grand-père, qui est mort récemment. Je crois qu'ils n'ont plus beaucoup d'argent non plus. On imaginerait que des gens dans leur condition chercheraient à marier leur fille le plus vite possible, avec quelqu'un de riche et de noble. Mais ils ne le font pas, elle voit rarement des gens. En fait, nous devons être ceux qu'elle voit le plus, après ses domestiques, puisque nous sommes voisins." Il se tourna vers son frère "Et pourtant, avec le visage qu'elle a, elle pourrait facilement se marier, pas vrai, Daniel?"

Daniel grogna : "Oui, elle n'est pas mal."

"Et s'il dit ça!" exulta Thomas, "c'est qu'elle est vraiment belle, croyez moi! Le chef de famille n'est pas marié non plus. Je ne sais pas ce qu'ils attendent. Pourtant, ils ont presque déjà dix-huit ans, si ma mémoire est bonne. C'est presque du folklore local. Des gens bizarres.

- Si jeunes?" s'étonna Cain.

"Oui. Mais vous verriez John Dawnshill! Il fait plus que son âge. Il a toujours l'air sérieux. Je me disais," continua Thomas en se tournant vers son frère, "que peut-être que Cain aurait ses chances avec la fille de la famille, Virginia. Demain, je pourrais les présenter, quand on aura fini l'enquête, qu'est-ce que tu en penses?"

Daniel, qui avait fini son deuxième verre, et qui était resté très calme pour l'instant, sembla soudain s'énerver. "Je déteste cette façon que tu as de te mêler des affaires des autres et de médire dans leur dos, Thomas! Continue avec tes invités, moi je ne veux pas être témoin. je monte dans ma chambre. Et ne viens pas me chercher, sous aucun prétexte! Je ne suis là pour personne, de toute façon."

Daniel partit, et Thomas prit l'air abattu.

"Pourquoi ne pas le poursuivre pour vous réconcilier?" demanda Riff.

"Non, ce n'est pas la peine, ça l'énerverait encore plus." dit Thomas d'un air malheureux. "Vous êtes tombés un mauvais jour. D'habitude, même si on n'a pas grand chose en commun, on s'entend plutôt bien... Enfin pas toujours, mais ça arrive. j'espère que ça ira mieux demain. Il vaut mieux que nous allions nous coucher, nous aussi."

Il prit une lanterne, et leur indiqua le chemin.


"Que penses-tu de ça, Riff?" demanda Cain alors que son serviteur le déshabillait.

"Il est un peu tôt pour conclure quant aux loups, my lord. Mais si vous parlez de Monsieur Sullivan, il ne me semble pas mauvais.

- Mauvais, non. Il m'en coûte de le dire, mais ce qu'il a dit à propos de notre rencontre est vrai. Cependant, il a des idées bizarres. Je voudrais bien rencontrer John et Virginia Dawnshill, car je n'ai pas l'impression qu'on puisse se fier à ce qu'il a dit.

- Je pense que nous en aurons l'occasion."

Il y eut un silence, puis Cain se lança, hésitant.

"Riff, que penses-tu de ce qu'il a dit à propos des domestiques?

- Quoi?

- Ses discours sur l'égalité, et le fait qu'il ne t'appelle que mon "homme de confiance". Cela semble juste, mais... Riff, que serais-je devenu si tu n'avais pas été mon domestique?

- Cela me semble évident, my lord." dit Riff en finissant de défaire les chaussures de Cain. "Je vous aurais rencontré quand même. Je serais toujours resté à votre côté quand même. Tout aurait été exactement pareil."

Cain eut un instant l'air troublé, puis sourit. Il posa ses mains sur les épaules de Riff. "Tu dormiras dans la chambre à côté, et je t'appellerai si je ne peux pas dormir, Riff?

- Bien sûr." répondit le majordome.

Cain s'allongea dans son lit, et regarda Riff quitter la pièce, en souriant d'un air un peu triste.


Il était très tôt, l'aube commençait à peine à pointer, quand Cain fut réveillé par le lourd bruit répété du marteau sur la porte d'entrée. Il grogna, s'enfouit sous les couvertures.

Ce mouvement n'avait pas échappé à Riff, qui venait de passer la tête dans l'encadrure de la porte. Il demanda "Dois-je y aller, my lord?"

"Fais comme tu veux." lui répondit la voix ensommeillée de Cain. "Mais nous ne sommes pas chez nous ici, un des frères Sullivan ira.

- Monsieur Daniel a demandé qu'on ne le dérange pas." dit Riff, "et monsieur Thomas avait quelque chose à faire hier soir, il a dû se coucher tard. J'ai votre autorisation.

Riff descendit l'escalier sombre. Aucun des deux frères Sullivan n'arrivait. Il ouvrit le verrou, puis la porte. A l'extérieur se tenait un jeune homme d'une vingtaine d'années, maigre, en costume de paysan.

"C'est pas trop tôt!" dit-il d'une voix traînante. Daniel Sullivan n'est pas là? Moi je m'en fiche, je rentre, tu lui transmettras le message. Pourquoi mon père m'a envoyé moi, Seigneur? On vient de retrouver le cadavre de Thomas Sullivan. Apparemment, c'est les hommes-loups qui l'ont bouffé."

Riff le regarda, incrédule.

"Tu veux que je répète, ou tu as pas compris? C'était à la hauteur de l'étang qui est entre ici et le château, un peu après le carrefour. Bon, ceci dit, je rentre, salut!"

Il disparut. Riff se retourna, agité par des sentiments confus, et aperçut Daniel Sullivan qui venait d'arriver, descendant l'escalier, portant un costume de jour tout débraillé. Il ouvrait des yeux emplis de panique. Apparemment, il avait entendu la fin de la conversation.

"Quelqu'un est mort? Qui ça?"

Riff ne sut quel air convenable prendre pour dire "Votre frère Thomas."

Daniel ouvrit de grands yeux, de surprise, cette fois.

"Mon... mon frère?"