JEU D'ENFANTS

I

- Qu'est ce que tu fais Einstein ? Encore en train de bosser sur l'anti-virus ?

La tête blonde de Jérémie émergea de son écran de portable.

- Non je fais mon journal de bord, chuchota t'il.

- De bord de quoi ?

- Odd ! un journal de bord c'est un journal qui raconte la vie d'une personne embarquée dans une expédition, une aventure…tu vois ce que je veux dire ou il t'en faut plus ?

- Donc là c'est Lyoko ? supposais-je.

- Ouaip ! Je tiens ça depuis le début. J'ai aussi un journal vidéo mais il est au labo à l'usine.

- Et…je peux lire, demandais-je dans un énorme sourire qui se voulait irrésistible.

- Si ça peut t'empêcher de parler tout haut dans la bibliothèque pourquoi pas, répliqua t'il en me tendant le PC.

Je me plantais devant l'écran et commençais la lecture depuis le début. Dans l'ordre : la découverte de l'usine abandonnée, du PC, des scans juste en dessous, du supercalculateur/ordinateur encore plus bas. Je sautais quelques lignes jugeant cette partie ennuyeuse. Le prénom d'Aelita me stoppa dans ma progression.

- Alors voyons ce que tu dis de beau sur la princesse enfermée dans ses tours virtuelles.

En réponse un rougissement caractéristique sur les joues du petit génie me confirma la bonne orientation de mes pensées. Je continuais donc ma lecture devenue intéressante enchainant les paragraphes : Aelita, Lyoko, monde virtuelle, 4 territoires, blablabla…

- Ah !! « Odd della Robbia venu nous aider dans notre mission ». T'aurais pu dire ça autrement quand même ! Je sais pas un truc du style : Odd della Robbia, élément in-dis-pen-sable du groupe qui aide à déjouer les attaques de Xana le virus informatique et qui n'hésite pas à protéger ses amis au péril de sa vie.

- Figure toi que j'y ai pensé et puis j'ai décidé de dire toute la vérité rien que la vérité.

- Vexé je me retournais vers Ulrich à ma gauche en pleine partie de petits mots doux avec Yumi qui lui faisait face.

- Ulrich tu ne voudrais pas taper un peu Jérémie ? Je le trouve vraiment cruel avec moi en ce moment, dis-je d'un ton larmoyant.

- Nan, tu te débrouilles.

- Mouais c'est ça, tu préfères envoyer des mots doux à Yumi pendant…

- Odd !!

- Bon Ok je me tais, lâchais-je dépité.

Cela faisait plusieurs mois que nous formions à 4 la bande plus soudée du collège Kadic. Autant dire qu'avec nous c'est plutôt les opposés s'attirent tant nous sommes différents. Pourtant nous étions vite devenus inséparables par la force des choses. La découverte par Jérémie de l'usine nous avait tous les quatre engagés dans une vie bien différente de celle de collégiens normaux. Jonglant entre les cours et sauver le monde d'attaque d'un virus informatique. Dit comme ça, ça fait pompeux, mais une fois vécue, ça fait réel.

- Quand même si Aelita était parmi nous elle me soutiendrait, elle !

- Elle le sera bientôt, enfin je l'espère, chuchota Jérémie depuis son portable. Je touche au but je le sais.

Cela devait faire des nuits que Jérémie planchait sur le problème de l'année : comment matérialiser dans le monde réel, une entité virtuelle. Vous disposez d'un temps illimité, d'un ordinateur surpuissant et des scans servant d'interface entre les deux mondes. La solution tenait en un mot : programme de matérialisation. Programme qu'il convenait de créer, ce à quoi s'acharnait Jérémie. L'affection qu'il portait à Aelita était sans doute sa première motivation.

- Odd !!

- Quoi j'ai pensé tout haut ? demandais-je surpris.

- Bah non, c'est juste qu'on est tous prêt à aller manger et toi t'es encore assis et tu réagis pas.

Deux bonnes nouvelles : je n'avais pas pensé tout haut et c'était l'heure de manger.

L'après-midi passa très vite et à la dernière sonnerie je rappelais à Ulrich qu'il serait bien vu qu'il raccompagne Yumi chez elle. Il m'envoya un regard noir et par réflexe j'entendis un « Odd !! » résonner à mes oreilles.

- Allez Roméo, en plus tout n'as pas été rose entre vous ces derniers temps.

Je dirais même tendu le climat.

C'est du passé, on a réglé cette histoire tu le sais bien ! répliqua t'il froidement.

- Ouais d'ailleurs j'aimerais savoir ce qui s'est passé sur Lyoko, t'as rattrapé Yumi mais on a eu beau vous appeler vous ne répondiez pas…alors ?

- Au fait ? T'as pas rendez-vous avec Émilie toi ?

Changement de sujet, bien joué Ulrich.

- Si, si t'inquiètes je la vois ce soir, mais faut aussi que je vois Ophélie d'ailleurs…glissais-je.

- Je vois, tu joues sur tous les tableaux ! rigola t'il.

- C'est mieux que de rester assis à se languir de celle qu'on aime !

- C'est bon là tu me saoules !

Susceptible, comme d'habitude. Il se dirigea vers les chambres et je ne le revis qu'au souper. Le temps d'avaler quelque chose de léger, enfin de mon point de vue, et je filais au rendez-vous avec Emilie.

Je ne sais plus à quel moment mon portable sonna. J'hésite entre la gifle d'Ophélie, ou le baiser d'Émilie. Toujours est-il que je me débrouillais comme je pus et elle apprécia moyennement que je la laisse en plan au beau milieu de la salle de ciné.

Je suis à la bourre, ils vont me tuer pensais-je…. Je m'engouffrais dans le monte-charge et tandis que les portes se refermaient j'appelais Jérémie.

- Jérémie je suis là je descends direct aux scans !

- Bah y'était temps, les autres t'attendent, pour le moment on est coincé…

Arrivé dans la salle des scans je les observais rapidement, comme si le choix du scan avait son importante. Trois cylindres métalliques couleur or et s'ouvrant dans la longueur sur un espace blanchâtre…ou trois sarcophages…tout dépend de l'humeur. Rien de très réjouissant à première vue pensais-je en m'engouffrant dans l'un des trois. J'entendis vaguement Jérémie mais je connaissais par cœur le processus : Transfert, Scanner, Virtualisation.

J'eus à peine le temps de reprendre conscience que j'atterrissais souplement sur le sol. Il ne fallait surtout pas leur laisser la 1ère parole…question de style ! D'autant plus qu'ils s'étaient tous retournés et je sentis qu'ils attendaient de moi plus qu'un atterrissage parfait.

- Je vous ai manqué ? Désolé pour le retard mais vous savez ce que c'est, les filles m'adorent et veulent me garder rien que pour elle !

- Autrement dit t'as plaqué Ophélie, voulut sortir avec Émilie qui était au courant pour Ophélie donc t'es retourné voir Ophélie pour te remettre avec, elle a refusé et t'es retourné voir Émilie et pour te faire pardonner tu lui as payé le ciné, me répliqua Ulrich le sourire aux lèvres.

- Plaqué, plaqué, tout de suite les grands mots ! Bon bref qu'est ce que j'ai manqué ?

- Oh et puis non laissez moi deviner, coupais-je aussitôt. Vous avez bataillé un peu et maintenant il y a trop de monstres pour qu'Aelita atteigne sereinement la tour et la désactive afin de déjouer l'attaque de Xana. Vous avez donc besoin de mes capacités de destructeurs de Kankrelats, Frôlions et autres bestioles Xanatiques.

- Euh…non, en fait pas du tout, répondit Jérémie surpris de ma tirade.

M'apprêtant à écouter le récit de leurs aventures j'observais pour la 1ere fois le décor qui m'entourait. Je n'avais même par pris la peine de demander à Jérémie où il me virtualisait. Territoire des montagnes, pas mon préféré pensais-je aussitôt. Les tunnels de glace de la banquise étaient plus dans mes goûts. L'endroit était quasi désert, quelques rochers posés ici et là. J'entendis Ulrich me parler de blocks et j'imaginais aussitôt l'attaque qui s'était déroulée quelques instants plus tôt.

- Mais dans l'ensemble pas une forte résistance, conclut-il.

Yumi et Aelita acquiescèrent de la tête et ce fut Aelita qui continua le récit. Sa voix trahissait une pointe d'inquiétude qui me força à d'avantage d'attention.

- On est maintenant coincé ici, la tour semble être en face d'après Jérémie. T'es toujours sûr de toi là ?

- Aucun doute, la tour est en face mais elle est isolée, à la manière d'une île...

- C'est bien la première fois que ça nous arrive ! fit remarquer Aelita. D'habitude l'entrée est bien gardée mais le chemin est plutôt accessible…

- Faut croire que Xana innove… Ce qui m'inquiète c'est qu'on ne sait toujours pas la nature de l'attaque.

- Et pour le moment pas moyen de passer, d'autant plus qu'on ne voit même pas l'autre rebord, la brume est trop épaisse à cet endroit.

Contrairement au récit de la bataille précédente ce que je voyais ne collais pas à la description que m'en faisait Aelita. Cela dut se lire sur mon visage car tous les trois se retournèrent de nouveau vers le rebord de la plate forme et purent enfin apercevoir le but de notre mission.