Venez, venez, n'aillez pas peur…

C'est bientôt l'heure…

Le spectacle va commencer…

Soyez bien installés…

Un être grotesque, au sourire trop grand pour être honnête, accueille la foule bigarrée et bruyante à l'entrée d'un chapiteau coloré.

Un chapiteau de cirque, La Congrégation, on dirait.

Passez l'entrée aux merveilles,

Et ouvrez grand vos oreilles…

Les spectateurs s'installent dans de confortables siège rouges, papotant de ci de là de ce qui allait se jouer se soir.

La personne qui les avait accueillis se retrouve maintenant devant eux, son fier chapeau sur la tête.

Il pointe alors un doigt gros et potelé vers une scène petite et peu éclairée. Seul un spot vient illuminer l'estrade, une cascade de lumière déferlant sur une personne debout en son centre.

Regardez ce personnage cracheur de flammes

Cet être dépourvu d'âme

Il croit tout savoir, un des maîtres dans son art

Mais il ne fait que se consumer sans y prendre gare

Ses connaissances sont autant une prison

Que ses pouvoirs un poison

Pour son avenir tracé

Pour son futur imposé.

Cheveux roux flamboyants, œil vert unique et inquisiteur posé sur le public dissimulé dans l'ombre, un adolescent tenant un maillet est sous les feux de l'éclairage allumé.

Quelques commentaires appréciateur s'élèvent de l'étendue sombre.

Son arme décrit alors une courbe jusqu'à ce que sa tête se trouve dans les airs, et ne se retrouve entourée de différents cercles légèrement luisant.

Un est sélectionné par l'arme, la lumière douce émise par le saut s'intensifiant et donnant un hale rougeoyant au visage grave du porteur.

Une tornade de feu s'élève alors autour de lui, le noyant aussitôt dans des flammes vives.

Un cri s'élève de la foule apeurée.

Et quand la tempête se calme, plus rien ne se trouve sur la scène. Le spot met en valeur le plancher sombre qui compose l'estrade vide.

Constatant, ou préférant croire, qu'il ne s'agit que d'un de ses spectacles de magie où la personne ne fait que disparaître, le public applaudit la performance, devenant impatient de la suite.

Un jour il se fera déchirer

Entre son devoir et l'amitié

Il devra faire alors un choix

Reprendre ses archives ou mourir de bon droit.

Mais passons au tour suivant

La sainte sur son fil blanc

Une funambule marchant sur la corde raide

De la vie, et ce sans aide.

Une jeune fille aux longues couettes brunes succède au jeune homme, suspendue sur un fil d'une taille digne d'une aiguille.

Ses pieds se croisent au dessus du vide, gardant leur propriétaire en vie.

Elle ne tremble pas, le filin le fait pour elle.

Ceux qui la voient suspendent leur souffle, impressionnés par la technique.

Elle se doit de tenir sur ses pieds

Sinon elle va tomber

Soit disant pour ses amis,

Elle veut rester en vie

Mais ce n'est pas la seule vérité

Que vous devez savoir à son sujet.

L'hésitation pave son chemin

Rendant ses combats faibles et incertains

Elle a beau paraître forte et déterminée

Ce n'est encore qu'une jeune fille moralement épuisée.

La jeune fille qui jusque là tient sur le fil en parfait équilibre commence à tanguer.

Elle oscille au dessus du vide avant de finalement perdre l'équilibre.

Des cris d'effroi retentissent, les mains cachent les bouches grandes ouvertes.

Alors elle chute vers le sol, ces cheveux se retrouvant à voler autour de sa silhouette gracile, coupés par l'invisible.

La lumière s'éteint avant qu'elle ne touche le sol, laissant un lourd silence planer.

L'éclairage redonne de la lumière sur l'esplanade de nouveau vide.

Quelques murmures s'élèvent, ne sachant que faire.

Applaudir ou se taire ? La première idée gagne, des applaudissements s'élèvent.

Passons au suivant, s'il vous le voulez bien

Cet apôtre de Dieu n'a la patience pour rien

Un autre garçon aux traits particulièrement fins s'avance alors sur scène, sous nombre de soupirs appréciateur.

Des cheveux sombres sont retenus en une élégante queue de cheval haute, fouettant l'air à chaque pas fait.

Un regard froid de couleur acier rivé devant lui, il dégaine un katana à la lame aiguisée et combat un ennemi invisible.

Sa raison de vivre se résume au combat

Emotions, gentillesse, il ne s'en embarrasse pas

Sa seule raison de vivre est de défaire l'ennemi

Il n'a pour cela pas besoin d'ami

Pourtant, son sabre s'émousse

Ces coups deviennent en mousse

Et il n'y a qu'une raison à cette faiblesse

Le sabreur continue de porter des coups dans le vide, mais il semble perdre du terrain sur son ennemi.

Des plaies maculent son corps et ses bras dénudés, un filet écarlate s'écoulant des blessures fraîchement infligées.

Un coup tranche le fil rouge qui retient sa chevelure disciplinée, faisant voler les cheveux librement.

Il traîne sa mort au bout d'une laisse

Proche elle devient

Et va bientôt emporter sa main

Comme une poupée de chiffon, l'épéiste lâche son sabre et s'effondre au sol inerte et terrassé. Il y a des zébrures couleur jais qui macule maintenant son épaule gauche.

Ses cheveux forment une auréole autour de son visage maculé de sang.

Les spectateurs, subjugués par la maîtrise du japonais, se figent d'effroi face à cette soudaine défaite.

L'obscurité se fait, plongeant la salle dans les ténèbres épaisses.

Mais voici l'un des derniers grands pions

De ce jeu d'échecs dans lequel nous vivons

Ce dernier exorciste est plus particulier

Que les trois premiers

Un jeune homme de petite taille se montre en même temps que la lumière.

Ce qui frappe au delà de son jeune âge évident, de ses habits immaculés faisant penser au costume d'auguste, c'est cette larme rouge barrant sa joue gauche.

Une boursouflure disgracieuse sur un visage d'ange.

Des fragiles cheveux blancs encadrent ce tableau surréaliste.

Un clown blanc pleurant du sang.

Son histoire est bien triste, oh oui

La vie n'a pas été gentille avec lui

Cette cicatrice est un rappel constant

De son triste passé dans son présent

Et même se présent est mis en péril

Par des nouveautés apprises par mille

Pauvre garçon pris dans le tourbillon

De la guerre dans laquelle nous vivons

Le mystérieux personnage sort un mouchoir d'une belle taille de sa poche et essuie des larmes imaginaires de ces yeux cachés derrière des petites lunettes, pendant que le petit homme se fond parmi les ombres de la scène.

Pas un bruit n'a troublé le spectacle visuel de ces yeux couleur ciel orageux mélancolique alliés à ce sourire chaleureux engloutis par les ténèbres.

Parce que oui, mes chers amis

Nous ne nous battons pas par envie

Chacun avons nos objectifs à atteindre

Pas le temps pour les adversaires pour se plaindre

Mais ce qu'ils ne savent pas, ces apôtres de Dieu, c'est qu'ils ne sont que des marionnettes du Grand d'En Haut. Ils ne sont que de la chaire à canon en cette guerre millénaire, des poupées bonnes à jeter dés que l'on s'en lasse.

Remarquant qu'il commence à s'emballer, il reprend un air guilleret, le narrateur à l'imposante stature.

Et plus que d'être sous Sa coupelle

Ils sont menés par le bout du nez par Elle

Ma vengeance

Ma puissance.

Mot asséné avec force et fierté.

Je pourrais vous présenter ceux qui risquent aussi leur vie

Le vampire ne connaissant rien de la vie

La maîtresse du temps et ces craintes absolues

L'homme fort ayant perdue la vue

Celui à la force herculéenne et aux convictions inflexibles

Ne parlons pas des maréchaux et leur puissance risible

Ils sont tous destinés à mourir

Et moi à vivre.

Tout s'obscurcit.

D'un coup, tous ce retrouvent à l'entrée du chapiteau, comme si de rien n'était.

Plus de gros bonhomme mystérieux, aux mots entraînants dans une fable inventée de toute pièce.

Plus d'adolescents privés d'eux même à cause de la guerre soit disant, et aux tours impressionnants.

Et tous s'en vont, libre de repartir vivre leurs vies.

Parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas à s'occuper de cette histoire, qui ne sort pas des murs en toile du cirque.

Une fois écoutée, une fois oubliée.

Il ne s'agit que d'un conte parmi tant d'autres pour romancer une série de numéros.

Le cirque de la Congrégation, un parmi tant d'autre.

Mais ce n'est pas ce que ressent un des spectateurs, animé par une mine soucieuse derrière de fines lunettes.

De la peur se fait voir dans ses yeux légèrement bridés.

Et il espère que toute cette pièce ne se rejouera pas, alors qu'il traverse la rue pavée.

Il se retourne vers la bâtisse en tissue, et alors que les lumières colorées illuminent les verres de ces moutures, il veut croire de tout son cœur que cela sera la seule représentation du spectacle nommé la « Fin du monde ».