Cette nuit-là, ils étaient intervenus dans un village du centre de la France. Là-bas, un nouveau-né sévissait depuis déjà une semaine et avait ravagé durant cette courte période, bien la moitié des habitants. C'est Félix qui le trouva le premier. Il devait avoir à peine quelques mois, un an tout au plus, il souriait, inconscient de sa folie meurtrière, simple caprice d'enfant. Le garde me le tendit. Lorsque l'on découvrait un enfant, on me le confiait toujours avant de poursuivre le massacre. Je pris l'enfant dans mes bras, le berçant tendrement, cachant son regard de la tuerie. C'est une habitude inutile que j'ai pris depuis quelques années. Ce petit venait de décimer la moitié d'un village alors pourquoi lui cacher la vue d'un cadavre de plus ? Futilité de femme. Alors que je jouais avec le nouveau-né, on m'appela auprès du reste de la troupe.

Le gigantesque feu de bois autours duquel ils étaient disposés m'indiqua que le moment était venu. Je m'approchais d'eux et détournant le regard, je confiais le bébé à Jane, essuyant une larme lorsqu'il retint ma main dans la sienne.

Je ne pouvais pas assister une fois de plus à une scène de ce genre, sachant très bien le traitement que l'on réserve aux enfants nouveau-nées. Je partis me réfugier dans une forêt aux alentours du village. Durant ma ballade au milieu de la neige encore fraiche du mois de décembre, je réfléchis à ma vie d'humaine.

Marié au meilleur ami de mon frère, j'avais vécu sans amour mais avec respect et dignité. Mon mari ne m'avait jamais trompé bien que tout le monde sache qu'il préférait mon frère, le beau roi de Macédoine, Alexandre le grand. Il ne m'avait donné aucuns enfants. Puis enfin, on en arrive à la mort de mon frère chéri, après cela, tous mes amis et ma famille furent décimés. Au milieu de la guerre qui opposait tous les conseillers de mon frère pour savoir qui serait son successeur, le terrible Cassandre, qui avait développé un grand amour pour moi, eu l'idée de me mettre en sécurité en Grèce. J'appris plus tard que c'était lui-même qui avait fait assassiner ma mère, je n'en étais nullement attristée bien que choquée.

Quelques années plus tard, je dus partir d'Athènes pour épouser Cassandre devenu roi de Macédoine je ne revins jamais en Macédoine, vivante du moins. Fuyant la Grèce c'est sur des marchands d'esclaves romains que je tombais. Il m'offrit en cadeau à trois riches hommes romains : Les frères Volturis. Ils reconnurent la princesse de Macédoine que j'étais et m'offrirent de rester à leurs côtés « moyennant une petite morsure dans mon si jolie cou » pour reprendre le terme exact de Caius.

Caius. Mon Caius. Mon premier et unique amour. Celui grâce à qui j'étais là aujourd'hui. Ou devrais-je dire à cause ? Non, c'est grâce à lui que j'ai trouvé le bonheur, je ne peux pas dire une telle chose sur mon mari même si il m'a privé du droit sacré accordé à toutes les femmes, celui d'être mère.

On en arrivait là. J'ai bientôt 1600 ans et j'en parais 25, je suis la plus heureuse des épouses, la plus puissante des vampires, la plus convoité des femmes, la plus riche des reines, mais la plus triste des mères.

Le seul fait de voir tous ces vampires transformer de simples enfants en monstre tels que nous suffit à me rendre folle de rage. Comment pouvaient-ils croire qu'ils avaient le droit de faire ce qu'on m'interdisait depuis presque 15 siècles ! Si je n'avais pas le droit d'être mère aucun vampire n'en aurait le droit. Je suis cruelle ? Tant pis, il faut bien remplacer ses besoins maternels par quelque chose. Et l'excursion de ce soir … ce n'est qu'une énième tentative d'Aro pour me convaincre de ne pas avoir d'enfants. Juste un moyen pour me rappeler que transformer un bébé est interdit et que si je venais à le faire ma progéniture finirai au feu comme tous les autres. Pourtant j'en ai de plus en plus envie.

Un étrange bruit me fait sortir de mes pensées. Ce sont des pleurs, des pleurs d'enfants. Je m'approche doucement pour ne pas effrayer le nourrisson posé sur la neige. C'est un garçon, il a de belles boucles blondes cuivrés, les yeux bleus, des pommettes rougis par le froid et un sourire d'ange. Je le prends dans mes bras et commence à le bercer doucement et sous toute cette tendresse il s'endort tranquillement. Une véritable tentation voilà ce qu'il était. Si je suis cruelle le destin l'est encore plus.

Si je le transforme et que je l'aime Caius l'aimera forcement et il le protègera et Aro ne pourrait pas tuer son propre frère, non ?

_ « Athénaïs ? »

Paniquée, je cache l'enfant sous ma cape de velours et fais face à mon interlocuteur. C'est Caius. Je me détends un peu mais reste tout de même sur mes gardes. Il est à une trentaine de mètre de moi mais il peut m'entendre murmurer comme si j'étais tout près de lui. Je lui adresse un sourire qu'il me rend immédiatement.

_ « Qu'est-ce que vous faites seule ici mon adorée ? Vous devriez faire attention des vampires rodent dans les environs » plaisante-t-il. Tout en rigolant doucement, il s'approche de quelques mètres. « Nous t'avions perdu, je commençai même à m'inquiet… » Et là il l'entendit, le cœur de l'enfant. Une lueur de terreur passa un cours instant dans son regard en comprenant ce que j'avais voulu faire. Il courra vers moi et me prit par les épaules. Je luis dévoilais l'enfant, honteuse. Il l'observa longuement en restant muet.

_ « Tu crois qu'on … » commençais-je presque suppliante.

_ « Jamais ! Tu sais que c'est interdit ! Je ne risquerais jamais ta vie pour un vulgaire enfant ! » Cria-t-il.

_ « Caius, je le veux, je ne lui ferais pas de mal, il ne deviendra pas comme nous » murmurai-je à mon mari.

Là, il comprit tout mon plan garder l'enfant, l'élever et le transformer seulement quand il sera adulte.

_ « Il ne sera jamais des nôtres » m'annonça-t-il.

_ « Alors il sera seulement à nous deux »

_ « Il ne sera jamais mon fils » grogna Caius ce qui fit peur au petit qui se mit à pleurer. « Fais le taire et rejoins nous au plus vite » dit-il sèchement avant de repartir, énervé.

Les cris du bébé avaient redoublés. Visiblement il n'appréciait pas vraiment mon mari. Je le berçais une fois de plus tout en lui caressant la joue.

_ « Ne pleure pas mon mignon. Il ne veut pas de toi, tant pis, ça sera juste nous deux, toi et moi, Romane. »