Prologue
Le sifflement du brumisateur la réveilla en sursaut. Elle détestait cet engin. mais, depuis quelques temps, il régnait une telle chaleur qu'il était impossible de s'en passer. Elle risqua un bras hors de la couette et attrapa son niffleur qui grattait le tapis bleu. La petite bête se mussa tout contre sa poitrine et soupira d'aise.
- Max, j'ai peur.
Elle soupira, décidée à refouler son angoisse. En bas, elle entendit son père remuer les casseroles. Un craquement sonore se fit entendre. Maître Galler était pressé, toujours pressé. Il faisait tout trop vite. « Et trop mal », songea la jeune fille, avant de se mordre la langue. Ce n'était la faute de personne, non, si Maître Galler ne s'occupait pas de sa fille. Il l'aimait, elle le savait. Mais, parfois, elle l'aurait préféré plus présent, plus attentif. Il rentrait du ministère tard le soir, l'embrassait sur le front, lui demandant si sa journée s'était bien passée, si elle avait hâte de retrouver ses amis. Puis, il allumait la radio et écoutait Infosorciers.
Elle caressa son niffleur, pensive. Là-basà Poudlard, elle n'était pas seule. Elle avait ses amis, ses professeurs, cette merveilleuse sensation d'être écoutée et de vrais plats au dîner. Elsa avait une peur bleue du feu, et son père n'achetait que des raviolis en boîte Magimax.
Un caillou heurta sa fenêtre
- Eh ! La paresseuse ! Debout ! Les vacances ne sont pas faites pour être gâchées à dormir !
Elle sauta avec légèreté de son lit, envoyant valser au passage le pauvre Max qui leva son museau bien haut, pour exprimer son mécontentement. Elle enfila son vieux jean noir, son tee-shirt préféré, avec un petit singe qui tenait un lampadaire en criant « je t'ai eu» et dévala en trombe les escaliers. A la lumière du jour, adossée à un châtaigner, une frimousse malicieuse la regardait.
- T'en as mis du temps, Candy. T'as pas oublié que c'était le jour des fraises ? demanda-t-elle. Il faut se dépêcher. Dans quelques jours, les touristes auront tout ramassé.
- Des problèmes avec Max, mentit-elle. Mais c'est réglé. On y va Cathy ?
Elle regardait son amie, admirative. Avec ses cheveux d'or chaud et ses yeux azur, Cathy était l'incarnation même de la beauté. Elle n'avait cependant pas son pareil pour rembarrer les gens et son éternelle insouciance visà-vis des problèmes des autres lui valait la désapprobation de pas mal de filles. Mais personne ne résistait à Cathy. Pas même elle, Elsa, experte en amitiés ratées. Son instinct sorcier ne lui avait permis de nouer des relations sérieuses avec des Moldus. Ses camarades finissaient toujours par lui reprocher son étrangeté et son air distrait. Cathy, au contraire, adorait ça. « Toujours dans la lune, ma Candy, hein ? Notre monde n'est pas assez grand pour toi ? Il faut que tu envahisses les martiens ? Goûte moi donc cette sucette à la cerise, toi qui aimes tant les sucreries. »
Voilà. Cathy elle seule avait réussi à lui redonner confiance. Dans ce monde qui n'était pas le sien, qui la refusait, la jeune fille lui avait tendu la mainà elle, Elsa, alias Candy, surnom qui reflétait parfaitement son pêché mignon. Depuis le jour où Cathy avait fait son apparition dans la petite ville de Godric's Hollow, elles ne s'étaient plus quittées. Pas même quand la mère d'Elsa était morte. Pas même encore quand Cathy avait découvert la véritable identité de son amie. Pas même non plus quand elle avait dû la laisser partir à Poudlard.
- Allez Candy, prends ton vélo. J'ai découvert l'endroit parfait. Et j'attends la suite de ta soirée avec Stéphane.
L'intéressée haussa les épaules. C'était une vieille histoire. Tomber amoureuse d'un Moldu serait une grave erreur. Elle passait la plus grande partie de son année à Poudlard, et ne revenait pas icià Halloween et à Pâques. Avant de démarrer, elle adressa un signe de la main au rideau de la fenêtre qui se soulevait. Son père lui laissait une entière liberté, considérant que chacun menait sa vie comme il l'entendait.
Elles causèrent avec animation tout au long du trajet. Cathy lui confia comme il lui en coûtait de la voir à nouveau partir pour son école « d'entourloupeurs », comme elle disait.
- Allez Cathy, sois courageuse. Dans deux ans, on monte à Londres, on se prend un studio et on fait la fête toutes les nuits.
- Entendu, répondit-elle. Mais, d'abord, montre-moi quelque chose. Je t'en prie.
Cathy inclina la tête. Son amie détestait l'air de chaton martyr qu'elle prenait alors.
- Tu sais bien que c'est interdit. Le jour où je me ferai prendre, tu seras bien embêtée.
Elle sortit néanmoins sa baguette. Avisant un hérisson qui somnolait au bord du sentier caillouteux, elle murmura quelques mots, et celui-ci se changea en soupière. Cathy la regarda ébahie. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'elle se livrait à ces petits tours.
- Candy, tu m'impressionnes ! Une soupière sans bosse ! Ce n'est pas chez toi qu'on en trouverait une semblable !
La jeune fille rougit et baissa les yeux, manquant de tomber de vélo. Sa maladresse était légendaireà Godric's Hollow. Elles passèrent devant une maison en ruines. Aussitôt, l'atmosphère changea.
- Je n'aime pas ce lieu. Il me donne la chair de poule, murmura Cathy.
- Il y a de quoi.
- Raconte-moi encore son histoire. S'il te plaît, Candy. Votre monde me passionne tant.
- Il y a certaines choses qu'il n'est pas bon de révéler.
Elle soupira et descendit de son vélo. Elles étaient arrivées à l'orée du bois. Ensemble, elles enlevèrent quelques branches indésirables, sortirent les provisions indispensables, chips, ice tea, chocolat et étalèrent une vieille couverture. Après quoi, Cathy s'y étendit de tout son long et fixa son amie, pleine d'espoir.
- Très bien, commença Elsa. Il y a de cela des années, un terrible mage, Tu-Sais-Qui (et elle jeta un regard entendu à Cathy), spécialisé en magie noir, tenta de prendre le contrôle de notre monde. Il rallia beaucoup de sorciers à sa cause, les Mangemorts. Certains étaient attirés par sa puissance. D'autres y voyaient là une manière de s'enrichir. Ce fut l'époque la plus terrible qui soit, Cathy. Mon père m'a raconté. Ceux qui refusaient de suivre le mage étaient tués. Les sorciers vivaient dans l'angoisse de découvrirà leur retour, le signe vert des Mangemorts, flottant au dessus de leur maison. Godric's Hollow comptait beaucoup de sorciers, autrefois. Nous ne sommes plus que deux familles, les Guillemot, et nous-même. Un soir, Tu-Sais-Qui est venu et a mis un terme à l'existence des autres. Parmi elles se trouvait un jeune couple. Les Potter.
Cathy ravala sa salive. Elle savait tout de cette famille. Son amie lui avait raconté en détail les aventures de leur fils. Au fil du temps, elle en était même venue à aimer Harry.
- Continue, Candy.
Celle-ci, le regard perdu dans les cimes des chênes, tentait vainement de refouler le flot de larmes qui lui montait à la gorge. Elle se pencha vers Cathy et lui serra les mains. Sa peau était devenue livide, mettant en valeur ses taches de rousseur.
- Je les entends, parfois. J'ai l'impression de connaître le jour de leur mort aussi bien que si je l'avais vécu.
Elle se recula. Il n'était pas bon pour une sorcière d'entendre des voix. Cela supposait bien souvent un fort potentiel en magie noire. Or, la jeune fille aurait été bien incapable de blesser quiconque.
- Ils te parlent ?
Cathy était agitée de soubresauts. Sa langue passa douloureusement sur ses lèvres sèches. En voyant sa terreur, son amie tenta de prendre une voix plus rassurante.
- Non. En général, les morts ne communiquent pas avec nous.
- Maisça arrive.
Cathy tremblait franchement à présent. Elle jetait des regards furtifs de tous les côtés, s'attendant à voir surgir quelqu'un.
- Candy, et si Tu-Sais-Qui revenait ?
L'intéressée se pencha, la gorge serrée. Elle avait conscience de l'impact émotionnel que représenterait sa réponse. Mais pourquoi le dissimuler plus longtemps aux Moldus ? Tôt ou tard, il seraient touchés.
- Il est là.
En prononçant cette phrase, Elsa avait baissé les yeux. Et le ton. Certains disaient en effet que quiconque mentionnait Celui-Dont-Le-Nom-Ne-Doit-Pas-Etre-Prononcé provoquait son apparition. Cathy la regarda, horrifiée.
- A Godric's Hollow ?
La jeune fille rejeta la tête en arrière. Non, bien sûr que non. Il ne pouvait pas se trouver ici. La ville était trop calme, trop secrète. Il n'avait aucune raison de revenir. « Mais si. Pour se venger. » Cette affirmation était juste un murmure. Mais elle résonna comme une bombe aux oreilles d'Elsa.
- Candy ? Que se passe-t-il ?
Cathy avait rangé ses affaires et relevait son vélo. Elle avait visiblement eu sa dose d'émotions pour la journée. « ou plutôt l'année. » Elsa trembla franchement. Elle était sûre de ne pas rêver. Quelqu'un avait pris possession de ses pensées. Elle tenta de se ressaisir, pour ne pas accentuer l'angoisse de son amie. Elle ramassa la couverture et la glissa dans son sac.
- Allez, on s'en va. Avec toutes les bêtes qui traînent en cette saison, ce ne serait pas prudent de s'attarder.
- Exactement.
Une voix sifflante s'était élevée de nulle part. Cathy hurla. Son vélo volait à quelques centimètres au-dessus d'elle. Le bois s'obscurcit soudainement. Impossible de s'enfuir. Elsa agita frénétiquement sa baguette « Lumos ! Lumos » Une vague de lumière se répandit autour d'elles. Alors, mues par un désir irrésistible de quitter les lieux, elles se mirent à courir. Les branches rendaient leur progression difficile. Elles s'écorchèrent les mains. Cathy prit de plein fouet un sapin, qui avait surgi d'on ne sait où. Elle roula sur le sol, le visage convulsé par la douleur. Tout près, un ricanement se fit entendre. Il emplit tout le bois. Les oiseaux quittèrent la cime des arbres. Les sangliers, d'habitude si farouches, se terrèrent dans leur futile repaire. Cathy tendit une main désespérée.
- Je t'en supplie, aide-moi.
Les deux filles s'agrippèrent l'une à l'autre. Cathy saignait abondamment. Elle regarda son amie se concentrer. Celle-ci cherchait un sort. « Au cas où vous vous feriez attaquer, récita-t-elle, gardez votre sang froid . » Les cours de défense contre les forces du mal. Bon sang ! Que leur avait-on appris ?
Une salve de douleur l'empêcha de réfléchir davantage. Ses os étaient en feu, l'air refusait d'alimenter ses poumons. Elle avait l'impression qu'un couteau lacérait tout son corps. « Pitié ! Faites que ça s'arrête. » Elle se roulait par terreà présent. Ses bras ne lui obéissaient plus. La souffrance avait dépassé la limite du supportable quand tout cessa. Elle resta immobile un court instant, puis dégagea son visage de la boue. Alors, une main la saisit à la gorge, et la douleur recommença. C'était comme un charbon ardent qu'on lui aurait appliqué sur la peau. Celle-ci grésilla. La jeune fille poussa un cri perçantà la limite de l'évanouissement. Dans un dernier effort, elle réussit à s'arracher à la main enflammée et elle rampa péniblement vers un souche. « Elsa » siffla la voix. « Ne t'enfuis donc pas. Tout vient à peine de commencer. »
- Je vous en prie, gémit-elle.
Sa gorge la brûlait à tel point qu'elle ne put en dire plus. Elle voulait mourir. « Pas maintenant, Elsa. Ce n'est pas encore ton tour. » Le sifflement se fit plus entêtant. « J'ai besoin de toi. » Brusquement, elle se souvint de Cathy. Tendant la main, elle sentit des mèches soyeuses s'enrouler autour de son poignet. Oubliant un bref instant sa souffrance, elle se redressa et attira le visage de Cathy vers le sien.
- Avada Kedavra !
Un éclair de lumière verte jaillit. Cathy s'effondra sur la terre molle, les yeux ggrandis par l'horreur. « Elle, c'était un fardeau. » Submergée par le chagrin, la jeune fille n'eut même pas la force de reveler les yeux. Elle sombra dans l'insconscient.
La voix s'infiltra à nouveau dans ses pensées. « Elsa », sussura-t-elle, mielleuse« Ne crois pas m'échapper. On ne me trompe pas. Non. On ne trompe pas Lord Voldemort. Je pourrais te rêveiller, et te torturer un peu. Par pur plaisir. » Voldemort s'arrêta un moment. Puis, perfide, il ajouta « Je n'en ferai rien, bien sûr. A quoi bon blesser une alliée ? Tu vas m'être si... précieuse. » Loin, très loin au fond d'elle, Elsa s'entendit penser ces mots « Pourquoi l'avez-vous tuée » Le mage ne se donna pas la peine de répondre et s'infiltra un peu plus dans sa tête. Il fouillait ses souvenirs, saccageait tout sur son passage. Quand, enfin, il parut avoir trouvé ce qu'il cherchait, il reprit son discours mielleux. « Oh! Quel beau jeune homme. Un Moldu, sans doute ? Les sorciers ne te satisfont pas ? Tu as raison. Mille fois raison. Rien de plus fourbes que les sorciers. Ne pleure pas, ma jolie. Tu vas pouvoir te venger du mal qu'on t'a fait. Je connais le responsable. Harry Potter mérite de mourir pour une telle injure. » Elle tenta de reprendre le contrôle de ses pensées. « Vous mentez ! Harry ne m'a jamais rien fait. Il ne sait même pas que j'existe» Voldemort se retira de sa tête, après lui avoir envoyé une décharge douloureuse. « Il ne sait pas, oui. Et bien, n'est-il pas temps qu'il apprenne à te connaître » Son rire venimeux résonna désagréablement. Avant qu'il ne la quitte définitivement, il lui adressa quelques ondes mauvaises. « Tu es liée à moi à présent. Ne me déçois pas. Ou c'est toi qui mourras . »
Voldemort disparut aussi soudainement qu'il était arrivé. Le bois retrouva son aspect calme. Ca et là, les feuilles, tachées de sang, formaient une auréole, autour des deux corps. Elsa gisait, méconnaissable, la gorge lacérée. Quant à Cathy, plus jamais les garçons de Godric's Hollow n'entendraient son rire joyeux les éconduire avec légèreté. Une chouette hulula au loin. Puis, le silence se fit.
