Démarrons une nouvelle fanfiction plutôt différente, où mon style ne change absolument pas, mais où l'idée, elle, sort de mon contexte habituel.

En effet, même si je garde mon côté plutôt tristounet et un peu glauque, je n'utilise pas le point de vue d'un exorciste ou d'un Noah, mais plutôt celui d'une traqueuse, étant donc obligée de partir dans l'OC.

J'espère que ça sera tout de même bon. :)

Je rappelle que le monde de -Man, les exorcistes, la section scientifique, la section d'investigation, Thomas, Komui et tout leurs amis ne sont toujours pas à moi, seul le scénario et l'héroïne m'appartiennent.

Rating T pour les allusions à la mort, la guerre et la pauvreté.

NOTE: Ce premier chapitre se déroule vers la fin du tome 5, dont je tire les dialogues. Et je n'ai pas réussi à trouver si Thomas était mort ou non, j'ai donc décidé qu'il serait vivant.


« - Daisiya Barry de l'unité Tiedoll… »

Un.

« - Kazana Reed et Charker Rabon de l'unité de Sokaro. »

Deux, trois.

« - Tina Spark, Gwen Frer, et Sol Garen de l'unité Cloud. »

Quatre, cinq, six.

« -Six exorcistes… »

Je sais.

« - Avec les traqueurs, c'est cent quarante-huit de nos hommes qui sont tombés au combat. »

Aujourd'hui est un jour de deuil.

Cent quarante-huit hommes sont morts. Cent quarante-huit êtres humains, tous sacrifiés pour cette guerre sainte, où même les apôtres de Dieu n'arrivent pas à survivre.

J'entends des sanglots autour de moi. Souffrance. Colère désespérée.

On va tous se faire massacrer par le comte. Ce n'est pas une supposition pessimiste, mais la dure réalité. Nous autres, traqueurs, n'avons que très peu de chance de survivre à ce conflit, notre rôle est éphémère, personne ne nous pleurera. C'est pour ça que nous sommes ici. Pour servir une dernière fois avant notre salut.

Rien d'autre.

Qui se condamnerait en rejoignant la congrégation ?

J'entends des pas lourds. Thomas. Je n'ai pas besoin de lever la tête pour deviner sa présence. Un calme stoïque, cachant sa peine derrière un masque calme et tranquille. Ca ne prend pas avec moi. Je commence à devenir forte pour déjouer les mensonges, qualité indispensable acquise durant mon enfance. Les mensonges tombent, je dérange.

Il me pose une main réconfortante sur mon épaule. Bizarrement, sa présence me rassure. Pourtant, je vais bien, un calme plat traverse mon cœur. Tous ces morts ne me font ni chaud ni froid.

Je tourne lentement ma tête vers lui, d'après son regard, mon visage semble douloureux, pourtant, je me sens paisible.

Je suis un monstre.

Aujourd'hui est un jour de deuil.

Aujourd'hui, ma sœur est morte.

Elle n'est plus de ce monde, et pourtant, je ne ressens rien.

Cette putain de guerre à finit par me rendre insensible. Quelle horreur.

Pourtant, les autres du groupe d'investigation semblent si tristes, si accablés.

Je suis plus choquée par mon indifférence que par ces décès. Je me dégoute. Enfin, pas vraiment. Je suis détachée au point de ne ressentir qu'une pointe de frustration. C'est rageant, je réalise enfin que je suis une parfaite sociopathe.

Je cache mon visage en rabattant ma capuche, tout en tentant de lancer un sourire rassurant à Thomas, avant de m'approcher doucement de la bière.

Le cercueil est d'un noir magnifique, surplombé d'un drap de lin où est cousu un rosaire. A contrario des tombeaux des traqueurs, d'un blanc cassé et sale, où une simple croix est gravée, celles des exorcistes sont vraiment belles. Je sens une pointe de jalousie transpercer mon cœur, lorsque je me dis que la caisse où je passerais toute ma mort sera aussi simple.

Les mots Tina Spark sont gravés sur le cercueil en lettres dorés. C'est plutôt joli.

Je sens le regard de Thomas me transpercer le dos. Gêne. Je tire sur ma capuche, masquant un peu plus mon visage par une ombre voulue. Le manteau des traqueurs est vraiment chaud, mais je n'aime pas l'enlever, même à l'intérieur d'un bâtiment tel que la congrégation, je m'y sens plus en sécurité. Ne pas l'avoir signifierait se mettre à paniquer bêtement à cause d'une paranoïa qui n'a aucune raison d'être. Alors je tire sur mes manches, réalisant enfin que je ne verrais plus jamais Tina.

Lorsque nous étions jeunes, Tina et moi, nous étions deux vulgaires gamines des rues, deux petites voleuses qui n'avaient pas d'autres choix pour survivre dans cette trop grande ville.

Cambridge nous semblait effrayante, mais au fil des années, nous la connaissions comme notre poche.

C'était il y a longtemps.

« -Silence ! »

Je sursaute, ne m'attendant réellement pas à ce que quelqu'un élève la voix.

Reever Wenhamm. Un australien plutôt gentil, qui n'hésite pas à dire deux trois mots tout en travaillant d'arrache pied, alors que nous ne sommes rien, de simples dommages collatéraux.

Un bon gars. Je l'aime bien, malgré notre absence totale de relation. Je suis de la section d'investigation, lui de la section scientifique, nous n'avons aucun lien.

« - Cessez de vous lamenter devant les corps de vos camarades qui ont fait le sacrifice suprême. »

Nous ne sommes que des sacrifiés. Rien de plus, rien de moins. Cette idée m'obsède, apparemment. Je l'entends retentir dans ma tête, inlassablement. C'est agaçant.

Je pianote malgré moi le cercueil de Tina, sentant sous mes doigts la fraicheur agréable de la bière, me rappelant fatalement la mort, glacée. Morbide mais vrai. Triste, triste réalité.

Je relis doucement les mots d'or, Tina, Tina, Tina, Tina, Tina Spark, je les relis jusqu'à me les graver dans la tête. Comme si j'allais oublier.

Ma sœur avait la désagréable habitude de se mettre à parler d'elle à la troisième personne du singulier, comme si elle perdait toute identité. J'avais parfois l'impression qu'elle n'était pas tout-à-fait à l'aise avec elle-même, mais ce sentiment était si fugace que j'en doutais. Ou alors, elle cachait très bien son jeu.

Ce tic était tout autant pénible qu'elle était d'une franchise désagréable, Tina était attachante, mais mesquine sur les bords, n'aimant pas se faire trop remarquer.

Je l'aimais bien tout de même, cette idiote.

« - Vous voilà rentrés à la maison… »

Intendant Lee, Komui de son petit nom. Un type bien, vraiment, un mec qui avait bossé pendant trois ans sans interruption pour sauver sa sœur, sa petite sœur, une exorciste qui n'avait rien demandé, comme les autres, et qui avait plongé dans une folie noire, inconsciente du monde extérieur. Il avait gardé de ces trois années un goût pour le travail incertain, même s'il était beaucoup plus efficace qu'il ne le voulait le montrer. Connu pour porter un amour démesuré à sa sœur, je me demande parfois si ce n'est pas juste un rôle, pour pouvoir relâcher la pression en toute impunité. Mais je ne le saurais jamais. Je décèderais avant même de penser à oser lui demander.

« - Merci pour tout le mal que vous vous êtes donnés. »

Je le vois s'incliner respectueusement, à la japonaise, avant que Monsieur Wenhamm lui murmure quelque chose, trop bas pour que je puisse comprendre un seul mot.

Je caresse la bière.

A l'âge de douze ans, Tina s'était fait un tatouage, avec une bonne partie de l'argent que nous avions volé. Un magnifique tatouage, à l'encre noire, légèrement colorés sur les bords de rose, représentant, dans l'intégralité de son dos, de grandes ailes de fées, démarrant sur sa colonne vertébrale, épousant ses hanches et ses épaules. Je n'avais que huit ans à l'époque, mais j'en étais déjà jalouse. Il était vraiment beau, démesuré pour une fillette de son âge, et peu courant dans les quartiers anglais, mais beau. Elle m'avait raconté que l'encre était vivante, une entité pure, un ange gardien qui l'empêcherait de me quitter. Ce n'était pas entièrement faux, mais ce ne lui a pas permit d'éviter de mourir. Malheureusement pour elle. Une victime de plus.

« - Grand intendant ! »

Un traqueur vient de parler. Je le reconnais plus ou moins. Je sais qu'il s'entendait bien avec un certain Phillip, ou quelque chose du genre, connu pour être un doux rêveur naïf, ne souhaitant qu'une seule chose, devenir exorciste. Il était obnubilé par l'innocence, une obsession malsaine selon moi. Résultat, il est mort, tué par je ne sais quoi, surement un akuma.

Nous ne sommes que des sacrifiés. Je suis aussi obsédée que lui, apparemment. Nous tomberons tous, ou presque, au profit de cette guerre sainte, et d'autres nous remplacerons. Cercle vicieux, terriblement vicieux.

« - Je me demandais si on ne pouvait pas retourner le corps du chef de notre unité à sa famille… »

Idiot. C'est impossible, tu le sais trop bien.

« - Et tu es ?

- Membre de l'unité 46. Nous avons été attaqués pendant nos investigations en Roumanie… »

Je ne suis jamais allée en Roumanie.

« - Mon chef est mort pour me sauver ! »

C'est fort louable de sa part, mal lui en prit.

« - Je sais qu'il a un fils de mon âge au pays et… »

Sa voix tremble, entrecoupée de sursaut sanglots, il s'étouffe un peu. Il pleure malgré lui.

Le grand intendant reste stoïque, essayant de faire fit de tout sentiments, ou du monde je l'espère. Je n'arrive pas à lire sur son visage. Perturbant. Je fais claquer ma langue avec agacement.

« - Je vous en prie. Donnez l'ordre de renvoy…

- Les morts doivent être incinérés à la citadelle. C'est la règle de notre ordre.»

Sa voix est terriblement froide. Effrayante. Serait-il devenu un monstre d'indifférence, comme moi ?

« - Il n'y aura pas d'exception. »

Le visage du traqueur se décompose, tandis que le grand intendant lui explique qu'il est impossible de contacter les familles.

Nous sommes destinés à mourir en secret. Glauque mais vrai.

D'autres se révoltent un peu. Pour le soutenir dans un combat perdu d'avance.

« - Peux-tu garantir que nos camarades ne deviendront pas des akuma ? »

Le traqueur comprend, enfin.

L'Intendant continu.

« - Que le fils de ton chef d'unité ne fera pas tout pour revoir son père ? »

Je sens mon corps frissonner en regardant la bière. Pourquoi n'ai-je pas songé une seconde à faire appel au comte pour ma sœur ? La tristesse qui s'écoule dans mon cœur est superficielle, je le sens. Comme si je perdais un jouet que j'avais adoré. Mon esprit ne ferait donc plus la différence entre une vie et un objet ? Entre ma sœur et une babiole ?

« -C'est justement pour le bien de l'humanité qu'ils doivent disparaitre. »

Et ils sortent. Lee, Wenhamm, la section scientifique, tous. Après ces simples mots, ils font leur sortie, laissant une atmosphère glaciale s'entremêler à celle de la mort, perturbant un instant ces pleureuses. Après quelques instants, les jérémiades reprennent, et moi, je fixe stoïquement le cercueil, l'esprit ailleurs.

L'encre était une innocence. De type équipement donc, même s'il faisait plus ou moins partie de son corps. Je n'ai, en réalité, jamais réellement compris sa nature.

Magic horror. L'horreur féérique.

Un jour, elle s'était approché de moi, secouant ses boucles brunes, emmêlées, faute d'entretien, et me regardait dans les yeux, pétillants de malice.

Elle m'annonça tout simplement qu'elle pouvait voler. Rien de moins que ça. Tout à fait. Normal.

Bien sûr, je ne la crus pas. La magie n'existait pas encore, dans mon monde.

Tina fut frustrée que je ne lui fasse pas confiance, ses iris furent tourmentées d'un méchant orage, tandis qu'elle me forçait à la suivre à l'abri des regards.

Le vol nous avait appris la prudence et la discrétion. Personne ne faisait attention à des gamines en lambeaux, mal peignés et aux visages sales.

Elle put activer son innocence en toute sécurité, ou presque. Le tatouage se détachait petit à petit de son dos, animé de leur propre force, lui donnant de jolies ailes féérique, ses yeux bleus devinrent plus ou moins pourpre, j'appris plus tard que sa masse musculaire était elle aussi renforcée.

Nous étions à l'abri, ou presque. Presque, parce que quelqu'un était là, une blonde aux cicatrices béantes, un joli visage déformé, un peu répugnant pour les adolescentes que nous étions. Une sorte de petit singe sur son épaule nous observait avec des grands yeux, et bailla.

Je retins un cri, conscience qu'il fallait faire le moins de bruit possible. L'inconnue était en face de nous, mais ne bougeait pas. Peut-être était-elle aveugle ? Aussi bien, nous pouvions nous enfuir librement, sans risquer qu'elle n'interpelle les passants. Mais elle semblait nous fixer.

J'avais peur, tandis que Tina se mettait devant moi, innocence désactivée, comme pour me protéger. Deux gamines contre une adulte –et un singe-, nous pouvions presque faire le poids.

Mais l'inconnue ne nous voulait pas de mal, ou tout du moins, ça ne semblait pas être dans ses desseins.

Effectivement, elle avait une toute autre mission, et un autre projet pour Tina. Celui de partir, me laissant ici, seule.

Je ne voulais pas, elle non plus, mais elle était compatible, elle devait rejoindre la congrégation de l'ombre, qui manquait cruellement d'exorcistes.

Il fut finalement conclut que je les suivrais, étant ainsi formée à devenir traqueuse, tandis que Tina serait une apôtre de Dieu. Cela nous convint, totalement ignorantes au sujet de cette guerre, et désireuse de quitter les rues de Cambridge.

C'est ainsi que nous intégrions la citadelle.

Cinq ans plus tard, Tina mourrait. Fatalement.