Une voix enregistrée annonça l'arrivée du train. La rame entra en gare et s'arrêta doucement le long du quai. Très vite, les portes s'ouvrirent et un flot de voyageurs pressés envahit les quais. Un jeune homme attendit patiemment son tour puis monta à bord. Du regard, il engloba le wagon, mais comme attendu, toutes les places assises étaient occupées. Il se cala dans un coin, s'accrochant à une barre et se perdit dans ses pensées. Brun, les cheveux assez longs et ondulés qu'il avait attachés en arrière ce jour-là, il attirait les regards. Quelques jeunes femmes lui lançaient des coups d'œil à la dérobée, mais il n'y fit pas plus attention. Aujourd'hui il commençait son nouveau travail et il était un peu nerveux. A 26 ans, il avait enfin un premier emploi stable. Ce n'était pas vraiment le genre de job qui le rendrait riche, mais il lui offrait au moins un revenu fixe et décent pour un célibataire comme lui. L'entreprise n'était pas très grande et l'ambiance amicale, tout ce qui lui convenait. Il avait pour mission de rencontrer et convaincre des magasins de proposer à la vente les produits d'artisanat que l'entreprise fabriquait. Lui qui aimait communiquer avec les autres, c'était tout à fait ce qu'il avait recherché. Le seul inconvénient, c'était qu'il devait porter le costume, pensa-t-il en replaçant le nœud de sa cravate. Il n'avait jamais été très à l'aise habillé ainsi, mais il finirait bien par s'y habituer.
Son regard se perdit à nouveau sur ses voisins. Il aimait les observer et tenter de deviner quelques fragments de leurs vies à travers leurs vêtements, leurs attitudes ou leurs conversations téléphoniques. Ses yeux se posèrent sur un jeune homme un peu plus loin. Il pianotait sur son portable, le visage penché, mais il avait l'impression de le connaitre. Il aurait aimé qu'il relève la tête, mais il arrivait déjà à son arrêt et dû en détourner les yeux et descendre. Sans trop savoir pourquoi, son cœur s'était accéléré dans sa poitrine puis il s'était serré douloureusement. Et ce n'était pas le stress.
Le lendemain, il se retrouva à nouveau dans ce train. Sa routine se mettait doucement en place. Sa première journée s'était bien passée. Il s'était contenté de se familiariser avec le travail de l'entreprise et les potentiels clients ou revendeurs. Aujourd'hui, il accompagnerait un senpai dans sa tournée des magasins. Il se sentait à l'aise dans son travail et en était heureux. Il en avait même oublié le jeune homme de la veille. Jusqu'à ce que ses yeux se posent à nouveau sur lui. Cette fois-ci, il regardait par la fenêtre, appuyé contre la paroi du train. Il ne voyait que son profil, mais l'impression qu'il avait eue la veille se confirma. Il était persuadé que c'était lui. Mais il ne savait pas quoi faire. Il aurait voulu l'aborder, mais il avait peur de sa réaction. Il le vit fermer les yeux et il se décida à ne rien tenter. Il détourna le regard, essayant de chasser au loin tout les souvenirs qui revenaient soudain le tourmenter.
La journée avait filé rapidement. Il avait passé son temps à arpenter la ville dans tout les sens et il était fatigué. Il monta dans le train qui le ramènerait chez lui sans faire attention à ce qu'il se passait autour de lui et s'accrocha machinalement à une barre qui se trouvait devant lui. Mais sa main rencontra une autre main, le faisant sursauter. Il releva rapidement la tête en s'excusant auprès de la personne avant de se figer. C'était lui. Il lui avait répondu rapidement par un sourire avant de ramener son attention vers son téléphone. Il se sentit soudain transpirer plus qu'il ne l'aurait du. Que devait-il faire ? C'était une occasion en or…
- Kazuya ? demanda-t-il avant même qu'il n'ait le temps de réfléchir plus.
Il vit le jeune homme sursauter et le regarder interrogativement. Mais quand il croisa enfin ses yeux, il comprit son erreur. Il y manquait quelque chose. Une petite étincelle qui lui était particulière.
- Excusez-moi, s'exclama-t-il rapidement. Je me suis trompé de personne.
L'inconnu le regarda encore un moment en fronçant les sourcils, puis l'ignora à nouveau. Il se traita mentalement d'idiot. Cela faisait bien longtemps que ce genre de malentendu ne s'était produit. Il essaya de ne plus regarder dans sa direction, et quand son arrêt arriva enfin, il sortit précipitamment et ne vit pas son regard le suivre dans son mouvement.
Les jours passèrent. Tous les matins, et parfois même le soir, il le voyait mais se tenait à distance. Il continuait cependant à l'observer chaque fois qu'il en avait l'occasion, et il avait fini par comprendre qu'il ne s'était pas trompé. C'était bien lui. Il avait des gestes, des expressions du visage, qui ne pouvaient appartenir à personne d'autre. Et il en était perturbé. Il semblait tellement différent. Il est vrai qu'il ne l'avait pas vu depuis de nombreuses années, mais quand même. Il détourna rapidement le visage quand il le vit regarder dans sa direction. Il n'était pas vraiment discret, mais c'était plus fort que lui. Il voulait comprendre. Il lui lança un dernier coup d'œil avant de descendre du train et constata que lui aussi l'observait. Tout en sortant de la station, il tenta de se persuader de trouver le courage pour l'aborder enfin.
Mais il n'en eut pas besoin. Ce soir-là, la première chose qu'il vit quand il monta dans le wagon, c'était qu'il était là, un peu plus loin. Il le regardait et il se demanda s'il l'avait reconnu. Et il sentit sa nervosité grandir en lui quand il le vit s'avancer vers lui.
- Excusez-moi ? l'aborda-t-il gentiment.
- Oui ?
- Est-ce que vous me connaissez ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
- Euh oui, enfin je crois, bégaya-t-il. Vous êtes bien Kamenashi Kazuya-san ?
Le jeune homme le regarda comme s'il cherchait dans ses souvenirs s'il l'avait déjà vu quelque part. L'avait-il si bien oublié ?
- Oui, c'est bien ça. Et vous ?
- Tanaka Koki, se présenta-t-il la bouche soudain sèche.
- Tanaka Koki…, répéta doucement Kazuya. Je suis désolé, mais je ne me souviens pas de ce nom. Comment me connaissez-vous ?
- On était amis…
- Amis ? Vraiment ?
Koki le regarda en silence. Il semblait vraiment perturbé de ne pas se souvenir. Il regarda brièvement par la fenêtre et constata que son arrêt était le prochain. Mais il ne voulait pas descendre maintenant.
- Est-ce que vous avez un peu de temps ? demanda soudain son voisin. Est-ce que ça vous dit de prendre un verre ? On pourra discuter plus longuement.
Koki s'empressa d'accepter. Il y avait un mystère là-dessous qu'il avait hâte de percer. Ils descendirent tout deux à son arrêt puis se dirigèrent vers un petit café. Ils s'installèrent et commandèrent dans un silence pesant et embarrassé.
- Vous avez dit qu'on était amis, c'est ça ? reprit Kazuya. Est-ce que vous pouvez me rappeler quand c'était ?
Koki le regarda un moment en silence, puis lui répondit.
- La première fois qu'on s'est rencontré on avait 7 ans, expliqua-t-il. On habitait dans le même quartier et on allait dans la même école.
- Jusqu'à quel âge ?
- 18 ans, répondit Koki en fronçant les sourcils.
- Pendant 11 ans…
Le jeune homme semblait choqué et triste à la fois. Koki ne comprenait plus rien. L'avait-il vraiment oublié. Est-ce que tout ce qu'ils avaient vécus ensemble n'était rien pour lui ?
- Je suis désolé, vous ne devez pas comprendre, reprit Kazuya doucement. Je vous dois des explications je pense.
Un léger silence se fit, puis il reprit.
- Je souffre d'amnésie. J'ai eu un accident il y a trois ans et je ne me souviens de rien de ce qu'il s'est passé avant. Enfin ce n'est plus tout à fait exact puisque maintenant ma famille et mes proches m'ont raconté mon histoire, donc j'en ai une petite idée. Je suis vraiment désolé si je vous ais blessé à ne pas vous reconnaître.
- J'avoue que je me suis posé des questions, mais je comprends maintenant, répondit Koki encore sous le choc.
Tout s'expliquait et il en était d'ailleurs un peu rassuré. Ce n'était pas de sa faute s'il l'avait oublié, cela n'avait pas été intentionnel.
- Vous n'avez probablement pas de photos sur vous, demanda Kazuya en souriant de sa requête étrange. Parfois, j'ai des images qui me reviennent en voyant des photos.
- Si, j'en ai une, s'exclama Koki.
Il attrapa son portefeuille et en sortit une photo, qu'il regarda un moment en souriant avant de la lui tendre.
- Vous allez peut être trouver ça bizarre que je l'ai encore sur moi, mais je ne me suis jamais résolu à l'enlever.
- On avait l'air proche, remarqua le jeune homme en observant l'image en souriant tristement.
- Vous étiez mon meilleur ami, avoua Koki.
- Mais comment on s'est perdu de vue ? Si on était si proches…
- Vous avez déménagés.
- Et on n'est pas resté en contact ? s'étonna-t-il.
- Au début si, on s'écrivait et on se téléphonait mais au bout d'un moment…
- Au bout d'un moment ? l'encouragea-t-il à continuer.
- Vous avez cessé de me répondre.
Il vit son voisin ouvrir sa bouche sous la surprise, puis reporter son attention sur la photo.
- Je suis désolé, murmura-t-il. Est-ce que… est-ce que vous savez pourquoi ?
- Non, je ne l'ai jamais su. J'ai supposé que vous aviez trouvé de nouveaux amis.
Kazuya ne répondit pas mais semblait plus triste que jamais. Cela devait vraiment lui peser de ne se rappeler de rien, et Koki le comprenait, même si ça faisait mal. Parce qu'il ne pouvait pas lui donner de réponses aux questions qu'ils s'étaient posées et reposées pendant tout ce temps.
- Et aujourd'hui vous allez bien ? demanda-t-il tout de même inquiet de sa santé.
- Ça va. Parfois j'ai des images qui me reviennent. Mais parfois c'est l'inverse. Il m'arrive d'oublier une journée, ou parfois même une semaine entière. D'après les médecins ce serait normal et passager… mais ça fait quand même plus de deux ans que ça dure.
- Quel genre d'accident était-ce ?
- On m'a dit que j'avais été renversé par une voiture et que ma tête avait subit un grand choc. Je suis resté presque quatre mois dans le coma.
Koki baissa les yeux, et un détail le frappa soudain. Son ancien ami jouait avec une bague…
- Vous êtes marié ?
- Ah oui, depuis deux ans, répondit-il en regardant son alliance. Ça fait peut être cliché, mais ma femme est l'infirmière qui s'est occupée de moi.
- C'est un moyen comme un autre de se rencontrer, remarqua Koki en essayant de sourire.
- D'ailleurs je suis désolé, mais je vais devoir y aller, elle va commencer à s'inquiéter.
- Oui, je comprends.
Ils se relevèrent en silence et Kazuya insista pour payer aussi sa consommation. Ils sortirent finalement du café d'un pas lent.
- Est-ce que… est-ce qu'on pourra se revoir ? proposa Kazuya.
- Je ne sais pas… je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit Koki.
- Oui, je comprends, désolé, s'excusa-t-il en s'inclinant lentement avant de se détourner.
Koki ne réagit pas et le regarda simplement s'éloigner. Il avait mal. Très mal. Toutes ses anciennes blessures venaient de se rouvrir. Toutes ces questions, toutes ces images, tous ces souvenirs se bousculaient dans sa tête, lui donnant le vertige.
Il se détourna finalement lui aussi et rentra chez lui d'un pas éteint. Cela faisait plus mal que ce à quoi il s'était attendu. Pendant toutes ces années il avait voulut le revoir pour comprendre. Mais maintenant, il regrettait de l'avoir revu. Il aurait préféré rester dans l'ignorance.
Cependant, tous les matins Koki le revoyait dans ce train. Il essayait de ne pas le regarder, de l'oublier, mais c'était plus fort que lui. Quelque fois, leurs regards se croisaient, et à chaque fois une nouvelle blessure s'ouvrait en lui. Il paraissait triste, et perdu. Et Koki comprenait aussi qu'il s'en voulait pour son comportement qu'il avait eu dans le passé. Il reporta son attention sur le paysage qui défilait. Il avait l'impression que sa vie se passait dans ce train. Que ses journées et ses nuits avançaient à une vitesse phénoménale, mais que les moments qu'il passait à proximité de lui s'écoulaient lentement, comme si le temps s'arrêtait. Il se remémorait tout ce qu'ils avaient vécus ensemble, leurs joies, leurs peurs, leurs tristesses. Tout ce qui appartenait au passé et qu'il ne revivrait plus. Mais dans sa peine, il se sentait privilégié, parce que lui n'avait même plus ces souvenirs. Tout ce qu'il devait avoir à leur place c'était un grand vide. Un trou noir et terrifiant. Sans même un dernier regard vers lui, il descendit du train et se dirigea d'un pas éteint vers son travail. Il lui semblait être revenu des années en arrière, quand il avait du surmonter leur séparation. Il avait faillit sombrer, mais il s'était jeté à corps perdu dans ses études, et ensuite dans ses petits travails à mi-temps qu'il avait enchainés jusqu'à aujourd'hui. Il soupira fortement puis plaqua un sourire sur ses lèvres en passant la porte de l'entreprise, prêt à remplir avec succès sa journée.
Ce soir-là, il monta avec le sourire aux lèvres dans la rame. Il avait permis à la boîte de signer un important contrat avec un revendeur et se sentait fier de lui. Cependant, sitôt entré, son attention se porta sur un petit attroupement sur la gauche. Curieux, il s'avança dans cette direction et découvrit Kazuya, les deux mains plaquées contre sa tête et semblant souffrir énormément. Il s'était appuyé contre les portes fermées pour ne pas tomber. Koki pesta intérieurement en voyant tous les autres passagers le regarder sans tenter de faire quoi que ce soit pour l'aider, puis se fraya un passage jusqu'à son ancien ami.
- Kazuya ? Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il, inquiet.
Celui-ci releva la tête vers lui et sembla soulagé de le voir. Cependant, son visage était déformé par des grimaces de douleur.
- C'est rien, répondit-il d'une voix saccadée. Ça arrive, c'est rien.
- Tu es sûr ?
- Oui, c'est rien.
Et en effet, quelques minutes plus tard la douleur sembla disparaître. Il l'aida à s'asseoir sur un siège qui venait de se libérer et s'accroupit devant lui.
- Ça arrive souvent ?
- De temps en temps.
- C'est dû à quoi ?
- Les souvenirs…, c'est la douleur des souvenirs qui reviennent. Ça me le fait à chaque fois que des images réapparaissent.
- Et tu as un traitement, quelque chose ?... ah mais désolé, je ne devrais pas te tutoyer, s'excusa-t-il soudain en réalisant ce qu'il venait de dire.
- Non, c'est rien, on était amis après tout, remarqua Kazuya en souriant légèrement. Non je n'ai plus de traitement, apparemment ça risquerait de retarder les choses.
- Oh, d'accord. Tu veux que je te raccompagne chez toi ?
- Tu ne veux pas retourner dans ce café plutôt ?
- Ce n'est pas prudent, tu devrais rentrer te reposer…
- S'il-te-plait…
Koki eu soudain l'impression de le revoir quand ils étaient jeune. Quand il faisait ces yeux de chiens battus, il ne pouvait pas résister.
- D'accord, mais pas longtemps alors.
- Merci.
Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent assis à la même table que la dernière fois.
- Je suis désolé d'avoir insisté, mais je n'ai pas envie de rentrer chez moi, s'excusa le jeune homme.
- Pourquoi ? Ça ne se passe pas bien avec ta femme ?
- Si… enfin ça va. C'est juste que, je me sens un peu prisonnier chez moi. C'est étrange comme sensation. Je l'ai toujours ressentie depuis que je me suis réveillé. Mais quand tu es là c'est différent.
- Différent ?
- Oui, je ne sais pas… je ne sens pas de pression ni rien. Désolé, tu ne dois rien comprendre mais c'est très confus dans ma tête.
- C'est bon, je comprends. Ça doit être très perturbant d'avoir oublié une grande partie de sa vie.
- Oui. Parfois j'ai l'impression que la vie que j'ai depuis ce jour n'est pas la mienne. Quand on me raconte des anecdotes ou des évènements de mon passé, je n'ai pas l'impression que ce sont les miens. Je ne revois pas d'images, je ne me rappelle pas des sensations que j'ai eues… c'est vraiment étrange.
- Je suis désolé…
- Pourquoi tu t'excuses ? Tu n'y es pour rien, s'amusa Kazuya.
- Je sais, mais c'est juste que je ne sais pas trop comment réagir, avoua-t-il avec un sourire gêné.
Kazuya le regarda un moment en silence.
- Raconte-moi tout !
- Quoi ?
- Oui, je veux tout savoir, comment on s'est rencontré, les conneries qu'on a faites ensemble, tout, déclara-t-il en riant. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien, juste que… j'ai l'impression de te retrouver, et ça fait bizarre. Tu sais, je ne sais pas si c'est une bonne idée de se voir comme ça. Tu avais peut être une bonne raison de vouloir couper les ponts alors…
- Je n'avais pas de bonnes raisons.
- Quoi ?
- J'en suis sûr, je ne pouvais pas avoir de bonnes raisons. Je ne comprends pas comment j'ai pu abandonner mon meilleur ami comme ça. Je suis désolé pour tout ce que je t'ai fait subir.
Koki ne sut quoi répondre. Il était tellement sincère. Et puis ce Kazuya-là n'était pas le même que celui qui l'avait oublié, il ne pouvait pas lui refuser ça.
- Tu connaissais mes parents ? demanda soudain Kazuya qui avait perdu son sourire.
- Oui, j'allais quelques fois chez toi, pourquoi ?
- Pour rien, s'empressa de répondre le jeune homme.
Il fronça les sourcils. Pourquoi personne ne lui avait parlé de Koki ? S'ils le connaissaient, ils savaient que c'était son meilleur ami, alors pourquoi ? Peut être qu'ils avaient préférés éviter ce sujet sachant qu'ils ne se voyaient plus…
- On avait d'autres amis ? demanda-t-il.
- Oui quelques uns, il y avait Nakamaru, un peureux qui se réfugiait souvent dans les jupes de sa mère, Taguchi, un grand dadais toujours souriant, et Ueda qui ressemblait à une fille mais qui était plus terrifiant que tout les caïds de l'école.
Kazuya sourit à ces descriptions. Il avait l'impression de les connaitre.
- Et toi ? Tu étais comment ?
- Moi ? Un branleur avec une tête à faire peur.
- Sérieux ? J'étais ami avec un branleur ? s'amusa-t-il.
- Ouais, personne ne comprenait pourquoi on s'entendait si bien, se rappela Koki avec nostalgie.
- Et tu es toujours en contact avec eux ?
- On s'est un peu éparpillé au fil des années, mais on essaye de se revoir de temps en temps.
- Tu n'aurais pas de photos dans ton portefeuille magique par hasard ? rigola-t-il.
- Non, mais je t'en amènerais si tu veux.
- Merci, c'est vraiment gentil…
Mais une sonnerie le coupa dans sa phrase. Il s'excusa rapidement et jeta un coup d'œil au message qu'il venait de recevoir.
- Désolé, je vais devoir y aller, expliqua-t-il en perdant son sourire.
- Ta femme ?
-Hm. Elle a tendance à s'inquiéter facilement.
- C'est compréhensible.
- Oui, mais un peu lourd à force, laissa-t-il échapper en se relevant.
Il s'apprêtait à sortir de l'argent de sa poche, mais Koki l'arrêta en disant qu'aujourd'hui c'était pour lui. Kazuya n'insista pas et après un dernier salut, il sortit du café. Il prit la direction de chez lui, sachant qu'il avait quelques minutes de route puisqu'il était descendu une station plus tôt. Mais cela ne le gênait pas, il aurait le temps de réfléchir. Et il avait de quoi. Quand il était avec Koki et qu'il lui parlait de leur passé, il y croyait, comme si quelque chose au fond de lui s'en rappelait. Et ça lui faisait du bien. Pour une fois il savait que c'était bien de sa vie qu'on lui parlait.
Perdu dans ses pensées, il arriva enfin chez lui.
- Je suis rentré, annonça-t-il depuis l'entrée.
- Tu étais où ? demanda sa jeune femme quand il entra dans le salon.
Kazuya fronça les sourcils. Il n'aimait pas son ton.
- Avec un ami.
- Un ami ?
- Oui que j'ai rencontré dans le train. Je vais prendre un bain je suis fatigué, annonça-t-il pour couper court à la conversation.
Il s'enferma dans la salle de bain puis ouvrit le robinet de la baignoire et se déshabilla. Il se regarda un instant dans le miroir, avec l'impression de voir une autre personne. Après avoir retrouvé Koki, tout se mélangeait dans sa tête. Il ressentait des choses étranges quand il était là. Il le voyait comme une lumière, comme la vérité qu'il cherchait depuis presque trois ans. Parce qu'il avait beau être amnésique, il n'était pas idiot. Il savait qu'on lui cachait quelque chose. Il l'avait toujours sentit. Il se glissa dans l'eau chaude puis se détendit. Il repensa à ce qu'il lui avait apprit. Quand il lui avait parlé de leurs amis, il savait que ces personnes avaient vraiment existées dans sa vie. Mais quand sa mère lui avait dit qu'il connaissait déjà Reiko avant son accident, il n'arrivait pas y croire. Même si elle était gentille avec lui, et même s'il avait fini par l'épouser sous les insistances de sa mère, elle était toujours une étrangère pour lui. Elle semblait fausse, comme si elle jouait un rôle. Il n'avait jamais rien dit, peut être même qu'il venait juste de s'en apercevoir. Mais Koki, lui, était différent. Il se sentait à l'aise avec lui, en confiance. Il soupira en entendant sa femme le prévenir à travers la porte que le dîner serait bientôt prêt. Il profita quelques minutes encore des bienfaits de l'eau chaude sur son corps puis se lava rapidement et sortit du bain. Il enfila un jogging et se dirigea vers la cuisine. En silence, il aida Reiko avec les derniers préparatifs puis ils se mirent à table.
- Tu aurais du me le dire que tu sortais avec ton ami, reprocha-t-elle soudain.
Elle ne l'avait pas dit méchamment, mais cela ne plut tout de même pas à Kazuya. Il était quand même libre de faire ce qu'il voulait non ?
- C'est que ce n'était pas prévu.
- Ce n'est pas grave, évite juste de recommencer d'accord ? Je m'inquiète quand tu ne rentres pas à l'heure.
- Désolé.
- Ça fait longtemps que tu le connais ?
Kazuya hésita. Il ne savait pas s'il devait lui en parler. Mais après tout, c'était quand même sa femme.
- C'est un ami d'avant.
- D'avant ? Tu l'as reconnu ?
- Non, c'est lui qui m'a reconnu.
- Comment il s'appelle ? demanda-t-elle.
- Tanaka Koki, répondit le jeune homme.
Elle ne fit pas de remarque, mais il était sûr qu'il l'avait vu réagir à ce nom.
- Tu le connais ?
- Non, non pas du tout, s'empressa-t-elle de dénier. Et de quoi vous avez parlé ? Du passé ?
- Un peu de tout, répondit-il vaguement.
Il n'aimait pas la tournure que prenait la conversation, on aurait dit un interrogatoire. Cependant, elle n'insista pas.
- C'est bien, je suis contente pour toi, répondit-elle simplement en souriant.
- Moi aussi je suis content de l'avoir retrouvé. Ça fait un morceau de plus.
Ils terminèrent le repas en silence, puis Kazuya alla s'allonger, laissant sa femme ranger un peu. Quand elle arriva enfin, il posa son journal sportif et éteignit la lumière. Il la sentit se coller contre lui mais ne fit aucun geste. Cela faisait déjà quelques mois qu'il n'arrivait plus à la toucher, ne serait-ce que pour la prendre dans ses bras. Plus le temps passait et plus elle lui semblait être une étrangère. Il avait finit par se poser des questions, et il en avait conclut qu'il ne l'avait jamais aimée. Il avait sûrement prit sa reconnaissance pour de l'amour. Elle s'était tellement bien occupée de lui quand il était à l'hôpital qu'il se sentait redevable envers elle. Et puis sa mère lui avait dit qu'ils se connaissaient depuis déjà quelques temps, et elle avait insisté, lui disant qu'elle ferait une femme parfaite. Et Kazuya avait cédé. A cette époque il était encore déboussolé, il n'était sortit de l'hôpital que depuis quelques mois et n'avait pas plus réfléchit. Aujourd'hui il le regrettait. Il se retourna dans le lit, lui tournant le dos, et tenta de s'endormir.
Le lendemain, il avait retrouvé avec joie Koki dans le train. Celui-ci lui avait amené des photos de leurs amis et il avait été heureux de pouvoir mettre des visages sur des noms. Ils avaient ensuite un peu parlé, mais l'arrêt de Koki arriva bien vite et ils se séparèrent avec le sourire. Ce jour-là, Kazuya termina plus tôt que d'habitude. Il décida de passer rapidement chez lui pour se changer puis d'aller faire un peu de sport. Il hésitait encore entre aller courir et faire un tour au club de baseball du quartier. Cependant, quand il arriva chez lui et qu'il vit les chaussures de sa mère dans l'entrée, il perdit son sourire. Il les entendait parler, ne l'ayant sûrement pas entendu rentrer. Sans bruit, il s'approcha doucement et écouta leur conversation.
- Tu as bien fait de m'en parler Reiko. C'est vraiment un gros problème. J'espérais sincèrement qu'il ne revoit jamais ce garçon, entendit-il sa mère dire.
- Qu'est-ce qu'on peut faire ?
- Je ne sais pas. On ne peut pas l'empêcher de le voir, il se poserait des questions. Qu'est-ce qu'il lui a dit ?
- Je ne sais pas, il est resté vague.
- Essaie d'en savoir plus alors, je ne veux pas avoir fait tout ça pour rien. S'il faut on fera pression sur ce garçon pour qu'il disparaisse de la vie de mon fils.
- Mais même aujourd'hui cela représente un risque ?
- Malheureusement je crains que oui.
Kazuya ne put en entendre plus. Sans bruit, il fit demi-tour, attrapa ses chaussures et sortit sur le palier. Il se sentait mal. Ses craintes s'étaient confirmées. C'était même plus que ce qu'il avait imaginé. Il enfila ses escarpins et prit les escaliers pour redescendre. Il se dirigea vers un petit parc tout près de chez lui et s'assit sur un banc.
Pourquoi sa mère ne voulait pas qu'il revoit Koki ? Qu'avait-elle fait de si important pour qu'elle ne veuille pas que cela soit réduit à néant ? Tant de questions tournaient dans sa tête. Pourquoi Koki représentait-il un risque ? Il ne comprenait pas. Une violente migraine le prit. Il encercla sa tête de ses mains et se pencha en avant sous la douleur. Des images défilaient à grande vitesse dans son esprit. Un parc, un terrain de baseball, un sourire, une salle de classe, une main tendue. La douleur était atroce et il ne put s'empêcher de gémir de douleur. Il n'avait encore jamais vu autant d'images d'un seul coup. Et puis les visions disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues. Essoufflé, Kazuya reprit lentement ses esprits. Le sourire qu'il venait de voir était celui de Koki, il en était sûr. Il était enfant mais il savait que c'était lui, et il était content de l'avoir vu.
Il resta encore quelques temps sur son banc, essayant de se rappeler à quoi correspondaient ces images, mais voyant l'heure tourner, il se décida finalement à rentrer. Revenu dans son entrée, il signala sa présence et sa femme vint l'accueillir avec le sourire. Mais Kazuya ne la verrait plus jamais comme avant. Il allait devoir surveiller tout ce qu'il dirait.
- Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il en lui rendant son sourire.
- Oh oui comme d'habitude, j'ai fait le ménage et le repassage.
- Tu sais je vais mieux maintenant, tu devrais reprendre le travail. Ça ne doit pas être très amusant de rester enfermée ici sans voir personne.
- C'est gentil, mais cette vie me convient maintenant. Et puis je peux m'occuper de toi, ajouta-t-elle en se serrant contre lui.
Avec effort, il passa un bras autour de sa taille et lui déposa un baiser sur la tempe.
- Tu veux que je fasse le dîner ce soir ?
- Non laisse je vais le faire…
- Non, toi tu te reposes, tu en as assez fait aujourd'hui, insista-t-il en s'écartant.
Il se dirigea vers la cuisine en jetant un coup d'œil dans le salon. Rien n'indiquait que sa mère était encore là quelques instants plus tôt. Il soupira en ouvrant le frigo puis se mit au travail, ses pensées le ramenant sans cesse à ce qu'il venait d'apprendre.
Les jours passèrent. Il ne parlait plus de Koki à la maison, mais il appréciait de plus en plus passer du temps avec lui. La plupart du temps, il se voyait dans le train, mais parfois, Kazuya prétextait une sortie entre collègues et ils se voyaient au petit café qui était désormais leur repère. Pendant ces moments-là, ils parlaient de tout et de rien. Parfois Koki lui racontait leur passé commun, ce qui faisait toujours plaisir à Kazuya. Mais en général, il parlait du travail, des évènements qui se produisaient dans le monde, de politique parfois. Kazuya ne lui avait pas rapporté la conversation qu'il avait surprise. Il venait de retrouver un ami et il ne voulait pas que le passé les sépare à nouveau.
Surtout que Koki avait un effet bénéfique sur sa mémoire. De plus en plus souvent, il revoyait de nouvelles images, parfois en rapport avec ce que Koki lui avait raconté. C'était la nuit qu'elles apparaissaient le plus souvent et elles n'étaient plus aussi douloureuses qu'avant. Et plus ses souvenirs revenaient, plus cette impression de vivre une vie qui n'était pas la sienne s'accentuait. Lorsqu'il avait revu sa mère, il avait eu peur qu'elle lui pose des questions, mais heureusement, elle n'avait rien dit, et lui avait tenté d'agir le plus normalement possible.
Assis sur le pied de son lit, il repensait à toutes ces choses. Il n'entendit pas sa femme venir s'agenouiller derrière lui et réagit à peine lorsqu'elle enroula ses bras autour de son cou.
- Qu'est-ce qui ne va pas Kazuya-kun ? demanda-t-elle contre son oreille.
- Rien, je crois que je suis juste fatigué, se justifia-t-il, n'ayant pas du tout envie de lui raconter ses inquiétudes.
Il savait qu'elle s'empresserait de tout aller raconter à sa mère.
- Tu ne fais plus de progrès en ce moment, remarqua-t-elle d'une voix douce.
Bien sûr que si il en faisait, comme jamais auparavant. Seulement il ne lui disait pas.
- Le médecin a dit que ça prendrait du temps.
Elle commença à embrasser la peau tendre de son cou, et Kazuya se laissa faire. Peu à peu, elle devint plus entreprenante et il suivit le mouvement, sans réfléchir. Il se retourna et l'allongea sous lui, puis déposa ses lèvres sur les siennes. Mais alors qu'elle approfondissait le baiser et que ses mains se posaient sur son corps, une nouvelle image le frappa, mêlée à des sensations. Il sentait d'autres lèvres sur les siennes, d'autres mains sur sa peau, qui lui apportaient bien plus de sensations que Reiko ne pourrait jamais provoquer en lui. Il se figea, les yeux fermés, tentant de voir un visage, mais rien. Tout restait flou et il en était frustré. Il se décala soudain et laissa sa femme en plan pour aller s'enfermer dans la salle de bain.
Appuyé contre le lavabo, il tenta de réfléchir. Sa mère lui avait dit qu'il n'avait jamais eu de petite amie avant. Alors qui pouvait bien être cette personne. Bien sûr, sa mère n'avait pas forcément été au courant de tout. Il aurait aimé pouvoir avoir des réponses tout de suite, mais il savait que ce n'était pas possible. Il soupira puis regagna sa chambre. Sa femme s'était couchée sans l'attendre et lui tournait le dos. Il se sentait un peu mal pour elle, mais il ne chercha pas à s'excuser ou à s'expliquer. Il se coucha à son tour et attendit le sommeil, essayant de toutes ses forces de repousser ces images qui le troublaient tant.
Quelques jours plus tard, il fut content de voir Koki monter à son arrêt habituel. Il avait fait exprès de laisser passer le train précédent pour pouvoir le voir ce soir aussi. Il ressentait désormais comme un besoin de le voir aussi souvent que possible. Un sourire illumina le visage de son ami quand il le vit s'avancer vers lui. Apparemment, le plaisir était partagé. Comme d'habitude, ils parlèrent de leur journée de travail, des souvenirs de Kazuya, mais aussi du temps qui avait tourné à l'orage dans l'après-midi. Et à peine le sujet abordé, toutes les lumières s'éteignirent et une grande secousse se fit ressentir. Kazuya perdit l'équilibre et cru se fracasser la tête contre les vitres, mais des mains l'avaient retenu.
- Ça va ? demanda Koki qui l'aida à retrouver son aplomb.
Mais Kazuya ne répondit pas. Cette sensation. Ces frissons qui partaient de là où il avait posé ses mains sur lui et qui se transmettaient à tout son corps. Et cette chaleur. Tous ces sentiments si agréables. Ils ressemblaient tellement à ceux qu'il avait retrouvés l'autre soir. Il releva la tête et son regard croisa le sien. L'intensité qu'il vit dans ses yeux lui fit à la fois plaisir et peur. Que se passait-il ?
- Kazuya ?
- Oui, désolé, tout va bien, c'est bon, répondit-il en retrouvant ses esprits. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Le train s'est immobilisé. Il a du y avoir une coupure de courant à cause de l'orage. Mais ça ne devrait pas tarder à revenir.
- Ah, d'accord. Merci de m'avoir retenu.
- De rien. Ça aurait pu être dangereux que tu te cognes à nouveau la tête non ?
- Oui, ou ça aurait pu faire revenir tout mes souvenirs d'un coup, remarqua-t-il en souriant, se rappelant ce que le médecin lui avait dit.
Quelques minutes plus tard, les lumières se rallumèrent et le train redémarra. Tout les deux perdus dans leurs réflexions, ils ne pensèrent pas à parler, et bientôt, Koki dû descendre du train. Il salua son ami puis sortit sur le quai. Il rentra chez lui en laissant la forte pluie lui rafraichir les idées. Il avait faillit craquer, et il s'en voulait. Ils avaient toujours été tactiles quand ils étaient jeunes, et il devait bien avouer que cela lui manquait maintenant qu'il l'avait retrouvé.
De nouveaux jours passèrent. Kazuya ne pouvait s'empêcher de repenser à ce qu'il avait ressentit cette fois-là. Désormais, lorsque son regard se perdait sur ses lèvres, il se demandait quel goût elles avaient. Et quand il se tenait un peu trop près, il remplissait ses poumons de son odeur. Il se demandait souvent pourquoi il ressentait ça. Pourquoi il lui faisait soudain cet effet-là. Il n'aurait jamais cru un jour être attiré de cette façon par un homme. Pourtant lui se comportait normalement avec lui, il n'avait aucun geste déplacé, aucun regard appuyé, ni rien qui aurait pu lui confirmer qu'il ressentait la même chose. Cela devait donc venir de lui. Peut être qu'inconsciemment, il avait besoin de contact physique, et comme il était la seule personne à laquelle il parlait hormis sa femme, peut être qu'il avait reporté ce besoin sur lui. Il avait essayé de réprimer ces envies, de les enfouir au fin fond de son âme et de les oublier, mais elles resurgissaient toujours quand il était là.
Il se coucha une nouvelle fois avec les pensées embrouillées et pleines de questions. Ces derniers temps, il était tellement soucieux concernant ce qu'il ressentait envers Koki qu'il avait complètement oublié sa mère et tous les secrets qu'elle semblait vouloir conserver. Il n'avait pas non plus montré trop d'attention envers sa femme. Il savait qu'elle devait en souffrir, mais il n'y pouvait rien. L'indifférence s'immisçait entre eux et Kazuya s'en satisfaisait. Peut être espérait-il qu'ainsi elle se lasse et qu'elle parte. Il éloigna ses pensées de Reiko, et c'est avec l'image du visage souriant de Koki en tête qu'il s'endormit enfin.
Des lèvres s'étaient emparées des siennes, des mains couraient sur son corps nu. Il voyait un torse le surplomber. Un torse d'homme. Il sentait ses caresses, ses baisers, ses soupirs. Il sentait leurs excitations se frotter lascivement l'une contre l'autre, éveillant un désir et une faim énorme. Cette bouche s'aventura sur son propre torse et les sensations qu'il ressentit alors surpassèrent tout ce qu'il avait pu vivre jusqu'à présent. Il était partout à la fois, et lui, perdu dans ses émotions, ne savait plus ce qui était touché de ce qui était souvenir. La bouche gourmande se referma sur sa virilité, lui faisant éprouver d'autres sensations encore, toujours plus fortes. Puis il sentit la chaleur l'entourant s'évanouir, et la bouche remonta sur son torse, puis sur ses lèvres. Il s'était complètement abandonné à cet homme. Avec délice. Avec envie. Il rouvrit les yeux et put enfin voir son visage. Des cheveux bruns, des yeux marron débordant d'amour et de douceur, une bouche attirante et affolante, un petit grain de beauté sur le bout de son nez. Il connaissait ce visage par cœur mais ne se lasserait jamais de le contempler. Devenu incontrôlable, son corps agit de sa propre volonté et son bassin se souleva. Pour lui faire comprendre qu'il voulait encore plus de sensations, plus de plaisirs, mais surtout qu'il n'en pouvait plus d'attendre. Il le vit sourire, puis son visage disparut et il fixa le plafond. Quelques instants plus tard, il ressentit une vive douleur, qui dura plusieurs minutes, puis un soulagement, et une douleur plus grande encore. Mais cette souffrance se changea rapidement en vagues de plaisir. Elles envahirent tout son être, le perdant dans des méandres sans fins, où seul leur amour coulait à flot. Il sentait son corps s'enfoncer dans le sien, il sentait ses mains agrippées à ses hanches, il entendait ses soupirs et ses gémissements. Il entendait aussi ses propres petits cris, il percevait les battements de son cœur et cru qu'il allait exploser dans sa poitrine. Incapable de garder les yeux ouverts, il les referma et se sentit partir dans un autre monde.
Il ouvrit les yeux en sursaut et resta de longs instants allongé, les yeux perdus dans l'obscurité de la chambre, cherchant son souffle. Après plusieurs minutes ainsi, il retrouva finalement ses esprits. Il avait rêvé. Il avait rêvé qu'il faisait l'amour avec Koki. Il n'arrivait pas à y croire. Il jeta un coup d'œil à côté de lui et comprit que sa femme dormait encore. Il s'assit sur le rebord de son lit, se demandant comment un simple rêve avait pu autant l'exciter. Il se releva et se dirigea vers la salle de bain. Il referma la porte derrière lui mais ne prit pas la peine d'allumer la lumière. La faible luminosité provenant de la fenêtre lui suffisait. Il s'appuya de ses mains sur le lavabo, cherchant à reprendre son calme. Mais des images lui revinrent. Des images qui semblaient si réelles. Il revoyait son corps nu pressé contre le sien, son visage amoureux penché au dessus de lui. Mais soudain un détail le frappa. Son visage. Ce n'était pas celui du Koki actuel, mais celui de l'adolescent qu'il avait vu sur la photo qu'il lui avait montrée. Il releva la tête et croisa son propre regard dans le miroir. Il avait peur de comprendre ce que cela signifiait. Ce qu'il venait de vivre, ce n'était pas un rêve, mais un souvenir. Un souvenir qui avait gardé le moindre détail, la moindre sensation qu'il avait éprouvée ce jour-là. Il avait fait l'amour avec Koki. Il était amoureux de Koki. Et même s'il ne se rappelait que de ça, il pouvait ressentir la puissance des sentiments qu'il avait éprouvé pour lui. Ses envies étranges de ces derniers jours s'expliquaient finalement. C'était son corps qui voulait retrouver le sien. Son corps qui voulait lui rappeler que cet homme était plus qu'un ami, devait être bien plus qu'un ami.
Il soupira et baissa à nouveau la tête. Cette découverte ne l'avait pas calmé. Il était toujours autant excité, et ces images revenaient sans cesse. Résigné, il ferma les yeux et, tandis que sa main descendait vers son bas ventre, il laissa ces souvenirs l'envahir et guider ses gestes. A peine quelques instants plus tard, la tension qui l'habitait se libéra enfin, dans un soupir portant son nom. Après avoir reprit quelque peu son souffle, il s'aspergea le visage d'eau froide, puis croisa à nouveau son regard dans la glace. L'esprit vide de toutes questions, il n'avait plus qu'une seule certitude : il aimait Koki.
Le lendemain matin, il attendait avec appréhension d'arriver à l'arrêt de Koki. Pourtant, il constata avec déception qu'il n'était pas là. Il commençait à s'inquiéter de son absence quand il se rappela soudain qu'il lui avait dit avoir prit sa journée. Il soupira et se résigna à devoir attendre encore avant de le revoir. En se réveillant ce matin, il avait toujours ces images dans sa tête, mais il avait commencé à douter. Peut être que sa mémoire lui jouait des tours, peut être qu'il avait superposé l'image de Koki qu'il avait vu sur la photo avec un fantasme enfouit au fond de lui. Peut être que rien de tout ça ne s'était vraiment passé. Et même si ça avait vraiment eu lieu, c'était il y avait des années. Tout avait changé depuis cette époque.
Il passa la journée perdu dans ses pensées, à essayer de voir d'autres images, de se souvenir d'autres moments vécus avec lui, mais rien ne vint. Il s'était fait réprimander quelques fois pour son manque d'attention, et en milieu d'après-midi, las de le rappeler à l'ordre, son patron lui avait dit de rentrer chez lui et de se reposer. Embarrassé, il s'était excusé, mais son patron connaissait ses problèmes et il avait insisté. Il avait bien travaillé ces derniers mois et méritait bien quelques heures de repos.
Heureux de cette liberté, Kazuya avait quitté son travail et s'était rendu rapidement à la station de métro. C'était une occasion en or pour aller voir Koki. Un jour il lui avait donné son adresse sur un morceau de papier, en disant qu'il pouvait venir quand il le voulait. Kazuya avait fait le pari de miser sur sa mémoire et l'avait apprise par cœur avant de jeter le papier dans une poubelle publique, ne voulant pas qu'elle tombe entre de « mauvaises mains ».
Après le trajet en train et quelques minutes de recherche, il se trouva enfin au pied de son immeuble. Il entra à l'intérieur et prit l'escalier pour monter les trois étages qui le séparait de son appartement. Il se sentait soudain nerveux, et il ne savait pas du tout ce qu'il allait dire pour justifier sa présence. Il avança dans le couloir, et trouva finalement sa porte. Sans réfléchir plus longtemps, il frappa trois coups et attendit.
Koki se releva de son canapé et se dirigea vers sa porte, intrigué. Il n'avait pas l'habitude d'avoir de la visite. Il ouvrit et resta stupéfait.
- Kazuya ? Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il en se reculant pour lui permettre de rentrer.
Mais le jeune homme ne répondit pas. Il avait planté ses yeux dans les siens, et Koki n'arrivait pas à déterminer ce qu'il pouvait penser. Et puis soudain il avança, encadra son visage de ses mains et l'embrassa. Koki cru défaillir. Même dans ses rêves les plus fous il n'avait jamais pensé pouvoir à nouveau sentir cette sensation contre ses lèvres. Son cœur battait la chamade.
- Qu'est-ce que…, commença-t-il quand il eut relâché sa bouche.
Mais il ne put continuer plus loin. Kazuya l'avait coupé, un grand sourire éclairant son visage.
- Je m'en souviens. On a fait l'amour. Et on s'aimait.
Il s'en souvenait ? Il se souvenait de lui ? Le visage de Koki s'illumina à son tour. Il ne put résister plus longtemps et s'empara de sa bouche avec passion. Kazuya répondit immédiatement, et bientôt, leurs langues se frôlèrent, puis se redécouvrirent avec ardeur. Ils ne pensaient à rien d'autre qu'à leur amour retrouvé sans plus se soucier du reste.
Les mains de Kazuya partaient déjà à la découverte du corps de Koki. Ses doigts se promenèrent sur son dos et son corps se pressa contre le sien. Mais le brun rompit le baiser et le repoussa.
- Désolé Kazuya, je ne peux pas faire ça…, murmura-t-il.
- Pourquoi ?
- Ta femme…
- Oublie-la, répondit-il sur un ton déterminé.
Pour couper court à ses protestations, il déposa ses lèvres contre les siennes et il fut satisfait quand son amant craqua enfin et participa à l'échange. La fièvre les reprit. Kazuya enleva rapidement le t-shirt qui l'empêchait d'explorer sa peau brune. Il était avide de sensation. Avide de revivre ce souvenir. Et avide d'en retrouver de nouveaux.
Tout en reculant doucement pour les entraîner vers la chambre, Koki enleva sa cravate et délaissa ses épaules de sa veste de costume. Il défit ensuite un à un les boutons de sa chemise et caressa avec délice la peau douce de son torse. Leurs bouches, elles, ne se quittaient que quelques instants pour reprendre un peu d'air, puis se retrouvaient avec tout autant de ferveur.
Quand ils arrivèrent enfin dans la chambre, Koki fit tomber la chemise blanche à terre et allongea Kazuya sur le lit. Il se positionna au dessus de lui et reprit tendrement sa bouche. La passion sembla se calmer et la douceur prit le dessus. Après ce baiser, il contempla son visage souriant, s'attardant sur ses yeux noisette qui avaient retrouvés leur éclat qui le fascinait tant. Il passa une main sur sa tempe, dégageant quelques mèches de doux cheveux. Kazuya ferma un instant les yeux sous l'agréable de cette caresse.
- Le jour où tu m'as dit que tu m'aimerais toujours, quoi qu'il arrive, c'était la première fois qu'on le faisait ? demanda-t-il en rouvrant les paupières.
- Oui, un des plus beaux jours de ma vie, répondit-il en souriant à ce souvenir. Tu sais je n'ai pas mentit ce jour-là. Je n'ai jamais cessé de t'aimer Kazu.
- Tu m'aimes encore ?
- Hm. Plus que tout.
- J'aimerais te dire que moi non plus je n'ai jamais cessé de t'aimer, mais j'en sais rien, murmura-t-il tristement.
- Oublie ça pour le moment d'accord ?
- Tu as raison, on verra ça plus tard, répondit Kazuya en retrouvant le sourire.
Il releva la tête et déposa chastement ses lèvres contre les siennes puis la reposa sur l'oreiller.
- Et il y a eu d'autre fois après ? demanda-t-il curieux.
- Quelques unes oui.
- C'est quoi ce sourire en coin ?
- Disons que tu étais très… insatiable.
- Insatiable ? Moi ?
- Oui toi, rigola Koki en plaquant un bisou sur le bout de son nez.
- C'est facile de tout mettre sur le dos de celui qui ne se souvient de rien.
- Quand tu t'en souviendras tu verras que j'ai raison.
- Si tu le dis… Et il y a eu des endroits insolites ?
- Hmm, on peut dire ça oui, fit Koki en faisant semblant de réfléchir.
- Où ?
- Tu le découvriras toi-même, ce n'est pas marrant si je te dis tout.
Kazuya fit une moue boudeuse mais ne perdit pas son sourire pour autant. Koki profita de son silence pour parcourir son torse avec sa bouche. Il se dirigea immédiatement vers une zone sous son cœur.
- Tu vas où comme ça ? s'amusa Kazuya.
- Là où je sais que tu réagiras.
- Ça ne fera rien ici…
- Ah tu crois ça ?
Et sans plus attendre, il déposa ses lèvres sur sa peau et commença à malmener la zone. La réaction ne se fit pas espérer et un gémissement s'échappa des lèvres de Kazuya.
- Comment tu…
- Je te connais pas cœur Kazuya, lui rappela Koki.
Il continua son cheminement sur la peau pâle s'attardant sur des points qui le faisaient gémir. Kazuya avait fermé les yeux sous les sensations, et des images lui envahirent bientôt l'esprit.
- Ton lit.
- Hein ?
- On l'a fait dans ton lit.
- Oui, et pas qu'une fois d'ailleurs, s'amusa Koki.
Sa langue trouva son nombril et s'amusa avec quelques instants.
- Mon lit aussi.
- Non, on ne l'a jamais fait chez toi, répliqua Koki en relevant les yeux vers son visage.
- Alors c'était où ? Ce n'est pas chez toi j'en suis sûr, c'est différent.
- Tu vois la couleur des draps ? demanda le brun en fixant ses yeux fermés.
- Noirs, finit-il par répondre après avoir froncé les sourcils.
- Qu'est-ce que tu vois d'autre ? continua Koki en revenant vers lui.
Il s'allongea contre son corps et reprit ses caresses dans ses cheveux. Kazuya paraissait perdu dans une réflexion intense, à la recherche de ses souvenirs perdus.
- Une odeur… des roses, il y avait des roses, comprit-il en rouvrant les yeux.
- C'était le jour de la Saint-Valentin. J'avais loué une chambre d'hôtel.
- Et tu avais mis des roses partout ?
- Oui, avoua-t-il.
- Mais tu m'as dit que tu étais un branleur à cette époque…, insinua-t-il en souriant.
- On peut être branleur et romantique en même temps tu sais.
Cette remarque fit rire Kazuya.
- En tout cas c'était beau. Merci d'avoir fait tout ça pour moi…
- Tu m'as déjà remercié tu sais, s'amusa Koki.
- Je m'en doute, mais comme…
- Shht, je sais, j'ai compris Kazu, le coupa-t-il en posant un doigt sur ses lèvres.
Leurs regards s'accrochèrent une nouvelle fois et leurs bouches se retrouvèrent. La passion reprit bientôt le dessus, et Koki continua d'explorer son corps. Il malmenait la fine peau entre ses clavicules quand Kazuya reprit la parole.
- Les escaliers ! On l'a fait dans les escaliers !
- Ah oui c'est vrai, je m'en souviens. On était tellement pressé ce jour-là qu'on n'a même pas eu le temps d'arriver dans ma chambre, se rappela-t-il.
Il vit Kazuya sourire, mais comme il ne répondit pas, il reprit là où il avait été coupé. Il refit le chemin qu'il avait prit un peu plus tôt sur son torse, puis arriva bientôt à la barrière de sa ceinture. Il ouvrit lentement la boucle et s'attaquait à la fermeture du pantalon quand il fut une nouvelle fois interrompu.
- Non, j'y crois pas !
- Quoi ?
- Les toilettes du lycée, comment on a pu faire ça dans un endroit pareil !
- Et c'est toi qui demande ça, s'amusa malgré tout Koki. Tu m'as traîné jusque là-bas et à peine la porte refermée tu m'as littéralement sauté dessus.
- Ah ? Mais j'étais vraiment un pervers, remarqua-t-il en souriant.
- Je dirais plus obsédé…
- Et amoureux, pour ma défense.
- Si tu veux… Mais je peux te demander quelque chose ?
- Hm, vas-y.
- Je comprends que tu sois heureux de retrouver tout ces souvenirs, mais est-ce que tu pourrais arrêter de parler ? On ne va jamais y arriver sinon.
- Désolé, tu as raison, je me tais, pardon, s'excusa-t-il.
- A moins que tu ne veuilles pas aller plus loin, ajouta Koki en comprenant que cela puisse faire trop d'un coup pour lui.
- Non mais t'arrête de dire des conneries ! Je n'arrête pas d'y penser depuis cette nuit !
- Cette nuit ?
A la surprise de Koki, il vit ses joues se teinter de rose.
- Rien, j'ai juste… rêvé de toi. Enfin c'était pas un rêve, plus un souvenir.
- Quel genre de souvenir ? demanda Koki, curieux.
- Le genre qui te force à aller t'enfermer dans la salle de bain, avoua-t-il en se cachant le visage avec ses mains.
Koki ne put s'empêcher de rire à cette révélation. Il était touché par son attitude trop craquante, mais aussi par ce qu'il venait de lui dire. Il décida alors d'accélérer les choses. Après un baiser sur son nombril, il entreprit de lui enlever son pantalon, puis son boxer. Sa gorge se serra quand il découvrit sa virilité tendue. Tout était allé si vite. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il l'avait retrouvé. Pendant toutes ces années, il avait été persuadé que son amour pour lui était mort, et qu'il l'avait complètement oublié. Mais aujourd'hui il était là, dans ses bras, et prêt à s'offrir à lui une nouvelle fois. Il entreprit alors de remplir ses gestes d'amour, de faire passer ses sentiments en eux. L'entendre soupirer et gémir sous ses attentions lui chavira le cœur, et quand, dans un spasme, il se libéra dans sa bouche, il avala chaque goutte de ce nectar divin.
Il remonta ensuite son visage vers le sien et embrassa chacune de ses paupières fermées. Il l'observa ensuite revenir de ses émotions en lui caressant tendrement les cheveux. Kazuya ouvrit les yeux quelques instants plus tard et quémanda immédiatement un baiser, que Koki lui offrit avec plaisir. Leurs langues joutaient entre elles avec délice quand Kazuya stoppa le baiser.
- Attends, demanda-t-il d'une voix coupée.
Intrigué, Koki le regarda faire en silence. Il ramena ses deux mains sur son torse, et il le vit retirer son alliance puis la poser sur la table de nuit.
- Désolé.
- Non ne t'excuse pas, je comprends. D'ailleurs on ferait mieux de s'arrêter là je pense.
- Non ! S'il-te-plait…, le supplia-t-il.
- Tu es sûr que tu ne vas pas le regretter ?
- Non, j'en suis sûr. Je ne l'ai jamais aimée tu sais.
- Mais tu peux lui faire de la peine avec ça.
- Je sais, mais je ne veux pas arrêter pour autant. Elle s'en remettra. Et je sais qu'au fond d'elle elle sait déjà que notre mariage est voué à l'échec.
- Pourquoi tu l'as épousée ?
- Ma mère. Elle n'arrêtait pas de me dire qu'elle ferait une bonne femme. Et elle m'a dit aussi que je la connaissais avant l'accident et qu'on s'entendait bien. Mais je ne me souviens pas d'elle, et je sais que ce n'est pas vrai. Je ne la connaissais pas avant.
- Vous vous êtes mariés peu de temps après l'accident, remarqua Koki en se souvenant qu'il lui avait dit être marié depuis deux ans.
- Oui, je venais à peine de sortir de l'hôpital. A cette époque j'étais complètement déboussolé, je croyais que sans souvenirs je ne pouvais plus avoir de vie. Je n'avais plus d'amis, plus de travail… en admettant que j'ai eu tout ça avant d'ailleurs… Alors j'ai cédé à ma mère, en me disant qu'elle au moins serait toujours là. Mais ce jour-là j'ai fait une grave erreur. Si j'avais attendu ne serait-ce que quelques mois, je ne l'aurais jamais fait.
- Ça a du être dur pour toi, je comprends ce que tu as pu ressentir.
- Mais ne parlons plus de ça d'accord, demanda soudain Kazuya.
D'une main sur sa nuque, il rapprocha Koki de lui et l'embrassa à nouveau. Il ne voulait plus penser à tout ça, mais simplement profiter de sa présence. Il se rappelait de toutes ces sensations, et de nouvelles images se présentaient sans cesse à son esprit. Mais ce n'était pas celles qu'il aurait aimé voir à cet instant.
- Dis Koki, appela-t-il alors que la bouche de son amant avait retrouvé le chemin de son torse.
- Hm ?
- Je suis désavantagé moi, se plaignit-il.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne sais plus quoi faire. Tu as dit tout à l'heure que tu me connaissais par cœur, mais moi je ne m'en souviens pas, je ne sais plus où te toucher pour te faire réagir.
Koki prit quelques instants avant de répondre.
- Ton cerveau ne s'en souviens plus, mais peut-être que tes mains elles s'en souviennent encore.
- Comment ça ?
- Ça doit être ce qu'on appelle la mémoire tactile si je ne me trompe pas. Tu devrais essayer. Ferme les yeux et n'y pense plus.
Kazuya s'exécuta, sceptique. Il ferma les paupières puis posa ses mains dans son dos. Koki se réempara de ses lèvres et il se laissa aller, entrainé dans ce baiser. Sans réfléchir, il balada ses mains sur la peau nue. Il la sentait frémir sous son passage. Instinctivement, il en descendit une jusqu'à ses reins et, du bout d'un doigt, il s'immisça légèrement dans le sillon entre ses fesses, puis d'un geste rapide, il le ramena vers ses reins. Il entendit Koki gémir fortement dans le baiser, et sa peau se recouvrit d'une fine chaire de poule.
- Tu vois que tu t'en souviens, remarqua le brun en souriant.
- Hm, tu avais raison, lui accorda Kazuya sans toutefois ouvrir les yeux. Et tu sais quoi ? Je te préfère maintenant, tu es bien plus sexy et attirant.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? s'amusa Koki.
- Avant je sentais tes os, maintenant au moins c'est plus doux et plus agréable à toucher.
- C'est vrai que c'est plus moelleux maintenant, confirma Koki en enfonçant un doigt dans son ventre blanc, ce qui lui fit lâcher un petit cri de surprise et rouvrir les yeux.
Ils échangèrent un sourire complice puis leurs bouches se retrouvèrent. Kazuya fit glisser ses mains sur ses hanches et il lui enleva petit à petit son pantalon de jogging gris. Koki l'aida pour la fin et ils se retrouvèrent enfin nus, l'un contre l'autre. Kazuya vint titiller un moment le sexe tendu de son amant de ses doigts, puis d'un regard, il lui fit comprendre que le moment était venu.
Leurs deux corps se retrouvèrent enfin complètement, et entamèrent une danse dont eux seuls avaient le secret. Sous la puissance du plaisir, ils avaient tout deux l'impression de revivre après toutes ces années passées à survivre loin l'un de l'autre. Ils profitèrent au maximum de ce moment, ne sachant ce qui les attendrait à l'avenir.
Kazuya se réveilla presque en sursaut. Cependant, des caresses sur son bras le rassurèrent. Il ouvrit les yeux et tomba sur le regard de Koki. La pièce était dans une semi-obscurité apaisante. La nuit était tombée au dehors, et seule une lampe de chevet diffusait sa lumière.
- Ça va ? demanda doucement Koki.
- Hm. Il est quelle heure ?
- 22h.
Kazuya grogna. Il aurait aimé se rendormir et passer la nuit dans ses bras, mais il savait qu'il n'avait déjà que trop tardé. Koki l'avait compris lui aussi.
- Je vais te raccompagner, lui dit-il avant de déposer un baiser sur son front.
- Je suis grand tu sais, je peux rentrer tout seul.
- Je préfère venir, on ne sait jamais, insista-t-il.
- Comme tu veux, on restera un peu plus longtemps ensemble comme ça.
Malgré tout, ils restèrent encore ainsi près d'une demi-heure, puis ils se résignèrent enfin à se lever. Ils se rhabillèrent dans un silence fataliste puis sortirent de l'appartement. Ils s'enfoncèrent dans l'obscurité de la nuit, marchant lentement, comme pour retarder au maximum l'heure de leur séparation. Blottit contre Koki, Kazuya se sentait triste. Si seulement il n'avait pas eu cette idée stupide d'accepter de se marier…
Ils arrivèrent beaucoup trop vite à leur goût au pied de l'immeuble de Kazuya. Ils s'embrassèrent longuement dissimulés dans l'ombre du bâtiment, puis se séparèrent en se promettant de se revoir le lendemain dans le train. Koki le regarda disparaitre dans le hall, puis attendit de le voir réapparaitre à la fenêtre de son palier. Ils se saluèrent une dernière fois, puis il vit Kazuya revenir devant sa porte avant de l'ouvrir et d'être avalé par les ténèbres de son appartement.
Koki soupira puis fit demi-tour. Il se sentait inquiet. Même s'il avait dit ne pas aimer sa femme, il s'en voulait de s'immiscer ainsi dans leur couple. Cependant, il repoussa ces pensées douloureuses pour la soirée. Il serait bien assez tôt pour y penser. Pour l'instant, il voulait juste se fondre dans le bonheur dans lequel ces retrouvailles l'avaient plongé.
A suivre...
