Past Lovers .

Elle aime sa vie. C'est la vie dont elle a toujours rêvé. Une carrière à l'apogée, des amants fantastiques qui ne demandent rien à part combler le vide de son grand lit, des relations haut placées et un appartement magnifique. Définitivement, elle aime ça vie.

C'est pour ça qu'elle ne comprend pas les larmes qui s'amassent doucement et en silence dans ses yeux, ces larmes qui refusent leur liberté et restent désespérément coincées dans ses cils sans jamais se déverser sur ses joues pales.

C'est un jour ordinaire, un jour sans grandes rencontres, sans interviews importantes, un jour où Hannah Burley peut prendre son temps, regarder un instant par la baie vitrée de son spacieux bureau et apprécier les couleurs naissantes d'un automne qui s'annonce indien. Un jour où son cœur, qu'elle s'efforce à penser de pierre, va connaitre une fissure de plus.

Pourquoi est-elle venue ici ? Après toutes ces années ? Elle ne sait pas, pousse simplement la porte du Diner, souriant au tintement de la clochette qui annonce sa présence.

Personne ne se retourne pour l'accueillir, elle soupire, prend place sur un tabouret directement au comptoir et se laisse submerger par ses souvenirs.

Quatre ans. Quatre années aujourd'hui qu'elle franchissait ces mêmes portes, qu'elle souriait à la même clochette et qu'elle se perdait dans les bras d'un amant qui n'est plus. Elle n'a pas de regrets, ces quatre années ont fait d'elle une femme forte, une reporter reconnue, une personne seule.

Une serveuse, la même qu'autrefois, lui demande ce qu'elle désire dans un sourire, elle se souvient de l'odeur de la tarte aux pommes, en commande une part en riant doucement, et puis la clochette la rappelle à l'ordre, elle tourne son regard vers la porte et un instant cesse de respirer.

_Temperance ?

_ Hannah ?

Elles ont parlé en même temps, sont surprises et quelque part légèrement peureuses.

L'une et l'autre se contemplent, observant les changements que les années ont dessiné sur leurs visages, sur leurs corps, dans leurs cœurs.

La journaliste remarque l'apaisement qui émane de l'anthropologue judiciaire, cette femme qui fut, un temps durant, son amie. Elle est toujours aussi belle, physiquement bien sûr, mais il y a désormais autre chose. Une sorte de sagesse et de bonheur qui se répercutent dans chacun de ses gestes.

Temperance Brennan est heureuse, pleinement et purement heureuse.

Dans un élan soudain, la reporter se retrouve dans les bras de la scientifique et sans vraiment comprendre, elle retourne gracieusement l'étreinte.

_ Je suis heureuse que vous soyez en vie. Murmure Brennan dans un sourire.

L'autre rit en s'écartant.

_Je le suis aussi. Avoue-t-elle

_Quand êtes-vous rentrée du Moyen-Orient ?

_Oh…heu… Il y a un peu plus d'un an, mais je me suis installée à Boston pendant un temps, repartir à zéro une bonne fois pour toute, avant que l'on ne me fasse une offre qui ne se refuse pas, et me voilà de retour à Washington !

Elles rient toutes les deux, comme le font les vieux amis et un instant la journaliste envie la sincérité qu'elle lit dans les yeux de l'anthropologue. Aucune rancune, pas d'amertume, seulement le plaisir de la revoir.

Alors elle se lance et pose la question qui lui brûle les lèvres depuis que Brennan a passé la porte du Diner.

_Comment va Seeley ? Toujours partenaires ?

A cette question Temperance plonge son regard dans celui de cette jeune femme qui a l'air toujours aussi seule, aussi libre. Nomade se disait-elle il y a longtemps.

Sa main gauche, d'un geste inconscient vient caresser les anneaux d'or entremêlés à son majeur droit. Pas une alliance, non, une simple promesse.

A l'intérieur des anneaux une phrase est gravée . « Everything happens eventually »

Son sourire s'agrandit, et alors qu'elle ouvre la bouche pour répondre à la femme blonde qui semble être pendue à ses lèvres, la porte du restaurant s'ouvre en fracas, laissant apparaitre une boule d'énergie de trois ans à peine, qui vient percuter de plein fouet la scientifique en laissant échapper un « Maman » joyeux et essoufflé.

_ Keenan… Répond doucement Brennan en s'accroupissant au niveau du petit garçon au sourire enjôleur. Elle ne peut empêcher un sourire d'apparaitre un instant sur ses lèvres, avant de continuer sur un ton plein de réprimande.

_Où est ton père ?...

_Oups… Murmure le garçonnet en baissant les yeux.

_ Qu'avait-on dit à propos de ne plus courir en entrant dans le Diner ? Demande gentiment la scientifique, passant ses doigts sous le menton de son fils pour qu'il la regarde dans les yeux.

_ Mais… Mais Papa mettait trop de temps à arriver avec Joy, on serait venus dans très très longtemps, si je les aurais attendu.

Entendant l'explication du petit garçon, Hannah rit doucement, Keenan la regarde lui offrant son plus beau sourire, heureux d'avoir fait rire quelqu'un Et c'est avec ce sourire que le cœur de la journaliste se brise.

Elle n'a pas le temps de demander depuis quand les « partenaires » le sont devenus aussi dans leur vie privée, qu'il est là, tenant dans ses bras une petite fille aux yeux grands et bleus, à la peau porcelaine et dont les cheveux naissants reflètent déjà une couleur auburn.

Leurs regards s'accrochent comme cette première fois dans le désert, seulement les blessures et la douleur d'un cœur brisé n'existent plus dans les yeux bruns de son ancien amant. Elle n'y voit que de l'amour : sincère, vrai, éternel.

Un seconde il regarde celle qu'il aime, elle lui sourit, sa main s'attarde sur son bras, un geste qu'ils semblent être les seuls à comprendre, avant qu'elle ne saisisse la fillette qui suce allégrement son poing et ne se dirige vers « leur » banquette, un petit garçon bavard sur les talons.

_ Ils sont magnifiques… expose simplement la reporter, son regard suivant la famille.

_Merci. Répond l'Agent.

Sa voix n'est pas froide, ni austère, c'est ce qui lui pique le cœur, cette tendresse qu'il garde envers elle et qui lui donne envie de se perdre dans ses bras et de lui dire « oui », un mot, trois lettres, une vie.

_ Alors tu es heureux ? Elle se dégoute d'espérer qu'il ne le soit pas, que tout ceci n'est qu'une grande farce.

_Plus que jamais. Sa voix est sure, son sourire radieux.

_Tu m'aimais ? La sienne tremble.

_Oui.

_Mais pas autant que tu l'aimais, elle ?...

_Pas autant que je l'aime, non.

Il s'approche, sa main trouve la sienne, elle est chaude, grande, rassurante.

_Hannah, je…

Elle ne le laisse pas finir, son index se perd sur cette bouche qu'elle a tant aimée, elle sourit, les yeux embués laisse ses lèvres déposer une caresse sur sa joue. Il esquisse un sourire, elle fuit encore. Et alors que la clochette retentit une dernière fois, elle entend le rire d'une petit garçon, sent l'odeur sucrée d'une tarte qu'elle ne goûtera jamais et n'essuie pas les larmes qui se sont échappées.

A suivre.