Introduction
La surface miroitante qui ondulait tel un océan au centre de la porte des étoiles se désagrégea à la fermeture du vortex. Erigée au coeur de ce qui devait être jadis un chef-d'œuvre de l'architecture ancienne, elle semblait avoir été épargnée par l'usure du temps et régnait encore, de toute sa splendeur, en maîtresse absolue sur les vestiges d'une lointaine et prestigieuse civilisation, aujourd'hui disparue.
« Waouh ! Vous avez vu la taille de cette pièce ? C'est gigantesque ! » S'exclama le lieutenant-colonel John Sheppard, les yeux levés vers le ciel.
De toute sa vie, il n'avait jamais vu d'endroits avec de telles proportions et il se demandait comment diable il était encore possible que cette tour tienne toujours debout. Instinctivement, il se tourna vers le membre de son équipe qui était le plus enclin à répondre à ses interrogations. Le docteur Rodney Mckay était le spécialiste de tout ce qui touchait à la technologie ancienne sur la mission Atlantis et bien qu'affublé d'un égo un peu trop surdimensionné à son goût, il fallait reconnaître qu'il était effectivement le meilleur. C'était d'ailleurs pour cette raison, qu'il l'avait choisi. Mckay croisa son regard.
« Quoi ! Je n'ai encore rien dit ! » S'insurgea-t-il avant même de savoir ce que lui voulait Sheppard.
« Mais qu'est-ce qui vous fait croire que je suis en train de vous reprocher quelque chose ! »
« Parce que ce n'est jamais le cas, bien sur ! »
« Dans ce cas précis, ça ne l'est pas. » Affirma sèchement le colonel, quelque peu agacé par les humeurs de son partenaire.
Le docteur Mckay ne sut que répondre à cela. Il avait encore parlé sans réfléchir, comme à son habitude. Et il détestait ça, se retrouver dans la position de celui qui devait présenter des excuses. Mais là, en l'occurrence, il avait merdé.
« Oh… » Répondit-il simplement.
Teyla Emmagan et Ronon Dex, les deux autres membres de l'équipe, s'échangèrent un regard amusé. Ce n'était pas la première fois qu'ils assistaient à une scène de ce genre. Surtout qu'avec Rodney Mckay, c'était plus souvent la règle que l'exception. Ils préféraient donc ne pas prêter attention à ses divagations et s'en portaient beaucoup mieux ainsi. Il fallait dire qu'en tant que non terriens, ils appréhendaient les événements et les gens d'une façon plus détachée, à la manière d'observateurs.
« Alors… euh… Qu'est-ce que vous vouliez me dire ? » Poursuivit Mckay de façon maladroite ne sachant plus vraiment où se mettre.
« Je voulais simplement votre avis "d'expert". »
« Ah, ça ! Et bien… » Soudainement soulagé, Mackay s'approcha des panneaux de commande qui se trouvaient sur sa droite et enleva la poussière qui s'y était déposée d'un geste de la main. « J'ai bien peur qu'on ne puisse rien en tirer. Regardez l'état de ces commandes. Complètement obsolètes. Le temps a fait de sacrés ravages ici ! »
« Pourtant tout semble encore tenir debout. » Objecta Sheppard.
Mckay s'approcha de l'une des nombreuses colonnes qui soutenaient l'édifice et passa sa main droite dessus. Un copeau de rouille lui resta entre les doigts.
« Oui, les matériaux anciens sont très résistants. Ce sont même les matériaux les plus résistants que l'on connaisse à ce jour. Mais là… » Poursuivit-elle en secouant cette fois-ci légèrement la colonne. « Je peux vous dire qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que tout s'effondre. » Il se tourna en direction de ses trois équipiers. « Je ne sais pas ce qui s'est passé ici, mais on dirait bien que le temps est parvenu à prendre prise sur la construction en elle-même. Je n'avais jamais vu ça auparavant. »
« Ce qui signifie ? » Demanda Teyla.
« Que c'est bien plus vieux qu'Atlantis. » Intervint alors Ronon. Teyla posa un regard suspicieux sur son compagnon. Ronon n'était pas ce qu'on pouvait appeler quelqu'un de très éloquent. Il ne parlait que quand cela s'avérait nécessaire ou alors lorsqu'il était sur de ce qu'il avançait. Mais dans ce cas précis, elle avait tout de même besoin d'une confirmation. Elle se tourna donc vers Mckay, l'air interrogateur.
« Il l'a dit, oui. »
Chapitre 1
« Saloperie de moustiques ! » meugla pour la énième le docteur Mckay après s'être donné un coup sur la nuque.
Il commençait à en avoir vraiment marre. A croire que ces maudites bestioles prenaient un malin plaisir à s'acharner contre lui. Il aurait du amener sa bombe. Il savait qu'il aurait du le faire. Mais à cause de ce cher colonel, il avait été contraint d'y renoncer. Et voila que maintenant, il était là, à déambuler en plein cœur d'une immense forêt qui semblait ne pas avoir de fin, subissant les attaques répétées d'une horde de moustiques, éreinté, assoiffé et loin d'être frais.
« Et pourquoi on ne fait pas demi-tour, déjà ? » Se plaignit-il à l'encontre de ses amis.
« Pour les mêmes raisons que je vous ai énuméré il y a cinq minutes. » Lui répondit Sheppard qui ne prit même pas la peine de se retourner.
« Mais enfin ! Faut pas avoir fait bac + 5 pour savoir qu'on ne trouvera rien ici ! On marche depuis des heures et tout ce qu'on a réussi à se mettre sous la main, c'est des arbres, des arbres et encore des arbres ! Toujours des arbres ! Waouh… quelle avancée prodigieuse… »
« Rodney. » Le coupa le colonel.
« Vous n'allez pas me dire le contraire, quand même ! »
« Rodney ! »
« Et voila, c'est toujours la même chose ! Je… » Une main se posa sur l'épaule de Mckay, l'obligeant à s'interrompre.
« Je crois que vous devriez regarder devant vous, Docteur Mckay. » L'invita Teyla en portant son regard en direction de Sheppard.
Mckay tourna alors la tête et demeura interdit devant le spectacle qui s'offrait à sa vue. Qui aurait pu imaginer une telle chose ? Certainement pas lui. En aval de la falaise que le petit groupe surplombait, se dressait une cité gigantesque. Et, à en juger par les surfaces planes et chromées des diverses constructions de formes ovoïdales, ils avaient affaire à une société technologiquement plus avancée que la Terre. C'était tout simplement stupéfiant. D'autant plus que, contrairement aux grandes villes terriennes, tours, maisons et bâtiments de toutes tailles s'entremêlaient jusqu'à se fondre les uns dans les autres. Les quatre amis s'échangèrent des regards entendus et entreprirent de descendre jusqu'à la ville. Ils tenaient là la meilleure opportunité d'alliance qu'ils n'avaient eu depuis longtemps. Une opportunité qui leur parut soudain toute relative. Pas une âme qui vive à un kilomètre à la ronde. La cité semblait avoir été désertée comme si toute forme de vie avait subitement disparue par enchantement. Ronon réprima un frisson. Cela réveillait en lui des sentiments encore bien douloureux. Sateda, sa mère patrie, anéantie, vidée de son essence, cette impression de solitude qui l'avait alors submergée, tout lui revenait en mémoire. La colère, le désespoir, l'effroi, la révolte, il ne les avait pas encore digérés. Il en était tout bêtement incapable. C'était la seule chose qui lui restait, ce qui le motivait. Simplement, se retrouver là, dans cette ville désertique, c'était comme se prendre un deuxième coup de poignard, en plein cœur. Sheppard leva la main droite pour signifier aux autres de s'arrêter. Ils se trouvaient sur une petite place de forme triangulaire pavée, bordée de massifs de fleurs inconnues aux couleurs chatoyantes, au centre de laquelle s'élevait une fontaine de deux mètres de hauteur. L'eau jaillissait de son sommet et dévalait ensuite, flasque par flasque, jusqu'au grand bassin dans un bruit assourdissant.
« Vous n'avez pas entendu ? » Interrogea le colonel.
« Non, entendu quoi ? » Lui répondit Teyla qui jeta instinctivement un œil à gauche puis à droite.
« Ecoutez… » Dit-il simplement.
Mais à part le bruit de l'eau qui se déversait à grands flots dans la fontaine, les autres ne percevaient aucun son. Mckay secoua la tête.
« D'accord. Nous sommes venus, nous avons vu… En l'occurrence pas grand-chose… Et bien que je sois sur que cette ville regorge de petits bijoux technologiques…M'est d'avis que nous devrions rentrer. »
« Qu'est-ce qu'il y a que vous ne comprenez pas dans les termes "mission" et "reconnaissance", Mckay. » Répondit assez froidement Sheppard, fatigué de devoir toujours lui répéter la même chose.
« Oh, absolument rien. Voyez-vous, c'est juste… c'est juste cette statue qui est… là » Le scientifique indiqua du doigt la dite sculpture. « … qui me pose un petit problème. »
« Wraiths. » Formula Ronon dans un souffle.
Son regard sombre luisait d'un éclat qui ne laissait place à aucune ambiguïté. S'il y avait dans cette galaxie des êtres qu'il haïssait plus que tout au monde, c'était bien les Wraiths. Ils étaient à l'origine de toute la souffrance qu'il endurait encore et toujours, cette même souffrance qu'il avait ressentie un peu plus tôt. Et maintenant, il y avait cette statue, édifiée, sculptée en l'honneur d'un Wraith. Teyla posa sa main gauche sur son épaule. Il tourna légèrement la tête dans sa direction, puis reporta son regard sur la statue.
« Ok…Ca c'est… Vraiment c'est… Beurk ! » Fit le colonel Sheppard encore sous le choc de cette vision d'horreur. Une semaine s'était écoulée depuis qu'avec Ford, ils avaient été retenus prisonniers à bord d'un vaisseau ruche qui comptait parmi ses passagers des humains vénérant les Wraiths, et il avait vraiment eu du mal à accepter cet état de fait. Alors, ça, c'était tout simplement le bouquet ! Comment pouvait-on en arriver à de telles extrémités ?
« Le docteur Mckay a raison. Nous devrions partir. » Intervint Teyla.
« Sauf qu'il y a un truc qui cloche. » Objecta Sheppard. « Cette ville est intact. Aucune trace de bataille. Rien. Et je n'imagine pas les Wraiths éliminer toute une population qui les idolâtre. Ca ne leur serait pas profitable, au contraire. »
« Rester ici demeure une mauvaise idée, colonel. » Insista la jeune femme.
« Alors là, je suis tout à fait d'accord ! » S'empressa de rajouter le docteur Mckay. « Je préfère ne pas tenter le diable. »
Les trois amis se tournèrent ensuite vers Ronon pour connaître son opinion. Mais celui-ci semblait absent.
« Ronon ? » S'enquit le colonel.
« Des clameurs. » Il regarda dans sa direction. « Vous aviez raison. Elles viennent du nord. »
Le sourire aux lèvres, Sheppard toisa ses deux autres camarades, ravi de l'intervention plus que propice de Ronon.
« Très bien ! Nous restons ! »
Teyla inclina la tête pour signifier qu'elle consentait à rester. Elle était prête à passer outre le danger qu'elle pressentait, si effectivement cet endroit n'était pas aussi désert qu'il n'y paraissait. Quant à Mckay, il expira de dépit. Et voilà, il n'avait plus aucune chance d'obtenir gain de cause. Le petit groupe prit donc la direction du nord et force était de constater que plus ils se rapprochaient du centre ville, plus les clameurs s'élevaient avec intensité. A n'en pas douter, on célébrait ici une fête sans commune mesure, ce qui expliquait pourquoi les lieux semblaient avoir été abandonnés. Aussi, ne furent-ils qu'à moitié surpris lorsqu'ils découvrirent l'immensité de la foule qui s'amassait sur la place centrale. Agglutinés les uns contre les autres, tous les habitants semblaient animés par la même fougue débordante. Tous, sans exception, s'efforçaient de se rapprocher au plus près du temple d'inspiration maya qui siégeait au milieu de l'assistance. Forte de ces quinze mètres de hauteur, la bâtisse de grès contrastait étrangement avec la modernité de la cité. Mais ce qui faisait vraiment l'objet de toutes les attentions, c'était la représentation qui y était donnée. Une vingtaine de personnes, revêtues de tuniques blanches, était agenouillée aux pieds d'un homme arborant le costume d'un Wraith. Face à lui, une jeune femme à la longue chevelure ambrée et parée d'une somptueuse robe aux reflets irisés se dressait, fière, ses beaux yeux encrés dans ceux de l'horrible créature qui s'apprêtait à lui aspirer jusqu'à son dernier souffle de vie. Jamais elle ne cilla, acceptant son sort comme un soldat acceptait son devoir. Pour Sheppard, c'était la goutte d'eau de trop, celle qui faisait déborder le vase. Ces gens étaient donc si aveugles pour ne pas se rendre compte de l'ineptie de cette cérémonie tout à fait burlesque ! Et puis, à quoi rimait tout ça ? Quel en était le but ?
« Veuillez m'excuser, monsieur… » Fit Teyla à l'encontre de l'une des personnes qui se trouvaient devant eux, comme en réponse à ses interrogations. « Mes amis et moi sommes de passage dans votre ville… » A ces mots, l'homme se retourna, intrigué. « Et nous aimerions savoir ce que vous célébrez exactement ? »
« Vous l'ignorez ! Réellement ! » S'époumona l'homme. Teyla acquiesça de la tête. « Hé bien ! Vous devez venir de vraiment loin… »
« Oui, de très… »
« C'est le jour du grand sacrifice. »
« Sacri...fice ? » Répéta le docteur Mckay afin de s'assurer qu'il avait bien entendu ce qu'il avait cru entendre.
« Oui, bien sur ! Ce jour est une véritable bénédiction. Il y a des milliers d'années, Elotann n'était rien. Et les Wraiths sont arrivés. Ils étaient si puissants, si grands, de véritables dieux ! Ils nous ont apporté paix et prospérité. Il n'y a rien que je souhaite plus au monde que d'être un jour à la place de l'un des élus. Etre sacrifié est un tel honneur ! »
« Attendez, là. » Intervint alors le colonel. « Vous êtes en train de nous dire qu'en échange de leur vie. » Il indiqua du doigt les vingt deux personnes qui se trouvaient sur le sommet du temple. « Les Wraiths vous apporteraient paix et prospérité ! »
« Tous les cinq ans, oui, c'est ce qu'ils font. » L'homme fronça les sourcils. « Mais tous les Elotanniens connaissent cette histoire ! D'où venez vous, déjà ? »
« De bien plus loin que vous ne pourriez l'imaginer. Et j'ai une grande nouvelle pour vous. » L'homme fixa plus intensément le colonel Sheppard. « Les Wraiths n'apportent certainement pas paix et prospérité. Et ce sont encore moins des dieux. » Sur ce, il leva son mp9 en l'air et enfonça la gâchette. Une série de détonations résonna alors, tel un écho, à travers toute la place. Des cris s'élevèrent et bientôt tous les regards avaient convergés sur les quatre amis qui s'étaient regroupés en cercle.
« Il était temps. » Dit Ronon en se tournant légèrement du côté de Sheppard, son arme braquée devant lui.
A son expression, on pouvait voir qu'il espérait cet affrontement depuis un bon moment déjà. Cette bande de fanatiques était à ses yeux toute aussi dangereuse que les Wraiths, voir pire encore. Il ne les considérait même pas comme des hommes. De la pitié ? Pour quoi faire… Ils ne lui inspiraient que du mépris, voila tout. Et rien au monde ne pouvait lui faire changer d'avis.
« Je savais que vous alliez me dire ça ! »
« Et moi je savais que c'était une très mauvaise idée de rester là… » Intervint Mckay dont la voix trahissait une certaine appréhension. « Pourquoi est-ce qu'on ne m'écoute jamais ? » se désola-t-il, la main enserrant son automatique toute tremblante.
« Est-ce que j'ai vraiment besoin de vous le rappelez ?... » Sheppard reporta son attention sur les citoyens d'Elotann, tandis que le petit groupe se frayait un passage à travers la foule jusqu'aux premières marches du temple. « Nous avons toutes nos chances. Ce ne sont que des civils. »
« Je n'aime pas ça. Non, pas du tout. » Continua de se lamenter Mckay.
Ils grimpèrent quelques marches et arrêtèrent là leur course. La foule apeurée, s'agitait avec tumulte et fracas. Sheppard brandit à nouveau sa mitrailleuse et tira en l'air.
« Votre attention s'il vous plait ! Contrairement à ce que vous pourriez croire, comme ça, au premier abord, nous ne vous voulons aucun mal ! Nous demandons juste à parler à l'un de vos dirigeants ! »
En retour, ils n'obtinrent que le silence. Un silence bien étrange et plutôt angoissant si l'on considérait les hurlements qu'il y avait encore quelques secondes plus tôt.
« On dirait que votre discours à été plutôt efficace. » Considéra Teyla d'un air appréciateur.
« Je vous l'avais dit. » Répondit le colonel, satisfait. « Nous avons toutes nos chances. »
« Je ne crois pas, non. » Le coupa Mckay.
Et il indiqua aux autres les hommes armés qui venaient de surgir de la foule et ce aux quatre coins de la place, les encerclant.
« "Je" vous l'avais dit. »
Les forces de l'ordre Elotanniennes se rapprochèrent tout doucement de l'unité sg. Il ne leur était plus possible de fuir. C'est alors qu'une voix s'éleva dans leurs dos.
« Vous feriez mieux de vous rendre ! »
Les quatre amis se retournèrent. La jeune femme aux cheveux couleur de l'ambre, les considérait de toute sa hauteur, comme si ils ne représentaient absolument rien.
« A moins que je ne leur donne l'ordre de vous abattre… »
Sheppard jeta à nouveau un œil sur les gardes armés qui les menaçaient maintenant très clairement, puis reporta son attention sur la jeune femme qui demeurait imperturbable avant de s'adresser à ses hommes.
« Baissez vos armes. »
Mckay et Teyla obtempérèrent aussitôt. Mais Ronon, quant à lui, continuait de menacer les soldats qu'il avait à portée de vue, ses yeux noirs plongés dans les leurs, sur un air de défi.
« C'est un ordre, Ronon. » L'enjoignit le colonel sur un ton qui n'admettait aucune autre option que celle d'obéir.
Ronon laissa échapper un grognement d'insatisfaction puis abaissa son arme.
A suivre…
