Une silhouette sombre et encapuchonnée observa avec placidité la jeune fille au visage racé face à laquelle elle venait d'apparaître.

Quelques secondes plus tôt, l'un de ses sens d'une extrême puissance lui avait révélé, alors même qu'elle se trouvait en Extrême-Orient à fomenter quelques ruses, que l'âme d'une sorcière - d'un caractère notable - se situait entre les deux mondes, dans cet endroit intermédiaire et flou appelé les limbes dont la Mort était Maître.

L'alitée ne se trouvait cependant pas du bon côté de celles-ci et luttait avec un acharnement et une ténacité rare contre chaque obstacle se mettant sur son chemin.

Car elle se créait un chemin.

La Mort plissa les yeux, oblitérant le personnel médical qui s'affairait autour de la sorcière, le traversant pour être au plus prêt de la malheureuse qui avait attiré son attention.

Fait cependant inhabituel en de telles circonstances, la jeune sorcière ne laissait entrevoir aucun signe extérieur de la lutte létale qu'elle menait.

La Mort, toujours aussi placide, entra dans l'esprit, notant la dextérité de la mise en place mais faisant fi de la barrière protectrice élaborée avec minutie.

Si la Mort avait été dotée d'émotions humaines, elle n'aurait pu cacher son agacement.

La sorcière pouvait vaciller mais se rééquilibrait toujours. La sorcière pouvait faiblir mais se ressaisissait aussitôt. La sorcière ressentait sa propre peur mais s'en servait comme levier. Un crédo plaintif mais tonitruant ne cessait de pourfendre son jeune esprit : « l'honneur avant le déshonneur, pas à pas tu avanceras, ne te sous-estime pas, tu es capable ! ».

La déferlante d'esprits, d'entités et de damnés qui ne cessaient de lui barrer le passage aux portes de la vie ne désemplissait ni en nombre ni en force. La jeune sorcière semblait pourtant habitée par son mantra, et une flamme intérieure, un feu jaillissant se transformant en brasier malgré les ténèbres, l'emplissait par sa seule incantation, la poussant à lutter, le dernier ennemi étant la Mort ne s'étant pas encore présenté.

Elle utilisait son essence magique pure, faisait appel en son fort intérieur à ses toutes ses dernières forces. Son mental était d'acier, ses frappes létales. Les baguettes n'avaient pas d'existence dans les limbes mais elle avait réussit à en faire apparaître une à l'image de sa véritable comparse. Elle semblait connaître les lieux, les avait étudié avec un acharnement rare pour une sorcière de cet âge, apprit la Mort. Un père Auror. Une mère Langue-de-Plomb... et une ardeur furieuse à comprendre les travaux qui avaient menée cette mère d'une intelligence notable au trépas l'avait tout bonnement préparée à pouvoir se porter candidate à l'éventualité d'un sort terrible à la place d'autrui.

Mais une telle volonté de vivre… une telle opiniâtreté dans la lutte, la poursuite, l'effort, alors même que son esprit et son âme se trouvaient si loin dans les limbes... cela était inhabituel.

La Mort sortit de l'esprit tortueux de la jeune fille, désordonné à dessein. L'Occlumencie était dûment maîtrisée comprit-elle avec un relent d'agacement. La Mort balaya alors la physionomie de la jeune britannique dans son ensemble, songeant sur quelle malédiction se positionner si celle-ci réussissait à s'échapper... mais la Mort se figea subrepticement.

Ses yeux plissés se firent plus sombres qu'ils ne l'étaient déjà et ne dévièrent pas de la tâche de naissance légèrement charnue située à la base du cou de la sorcière. Si la Mort avait eu un souffle, elle l'aurait retenu. Cette tâche de naissance rappelait à l'Entité présente celle d'une bien vielle connaissance, qui, apposée au même endroit, était d'une similarité confondante.

La Mort ne croyait pas aux coïncidences. Elle glissa au plus prêt du visage de l'endormie et apposa une main sur le front dégagé. Au diable le fait que la sorcière sente sa présence. Il était nécessaire qu'elle sache. Elle était le Maître.

La Mort apparue dans les limbes, à l'écart de la lutte principale en cours et ne fut pas déçue. Elle se dirigea dans un souffle près d'une vieille connaissance qui, impassible, se laissa approcher sans démontrer ni la moindre surprise… ni la moindre crainte.

La Mort attendit patiemment mais rien ne fut dit.

D'une voix lente et froide, elle s'exprima la première, les yeux fixés sur quelques damnés et entités qui escomptaient quérir l'âme de la sorcière.

« Ta descendante démontre une volonté de vivre bien dérangeante.

- Hn. »

La Mort amorça un mouvement en avant, habitée par une quelconque rage passée qui la traversa telle la foudre mais la silhouette à ses côtés se positionna face à elle avec célérité.

Le visage relevé, toute impassibilité ôtée, le regard de l'homme tempêtait de mécontentement.

« Renonce à la maudire.

- Je ne reçois aucun ordre.

- Tu détestes perdre, soit, mais elle n'est pas ici de son plein gré.

- Elle s'est interposée sciemment.

- De la bravoure.

- Un affront.

- Son heure n'est pas arrivée. Ne mérite-t-elle pas ton respect ? »

La Mort s'attarda à prendre en compte nombre de probabilités, son regard noir comme l'Enfer positionné sur son vis-à-vis sans que celui-ci ne détourne le sien une seule seconde.

« Elle est à ce jour la plus émérite sorcière de ma lignée.

- Tu as eu deux enfants. Ta lignée s'est scindée en deux. Voici donc la dernière de la deuxième branche, restée sans protection et qui, pourtant, n'a jamais attiré mon attention.

- Aucunes fomentations contre toi n'ont jamais été envisagées. Renonce à la maudire.

- Son âme est intéressante. Et sa lignée s'est affranchie de toute envie de pouvoir autre que mérité... »

La Mort finit par s'évaporer, non sans un semblant de hochement de tête vague effectué.

Ignotus Peverell, premier possesseur de la Cape d'Invisibilité, l'une des trois Reliques de la Mort, reporta alors sa pleine attention sur sa descendante.

Bien que sa lignée n'héritait pas de la Cape d'Invisibilité, elle était de son sang, songea-t-il, et semblait être assez rusée et combative pour tromper les sous-fifres de la Mort.

Ignotus en était certain, de tout temps, l'excellence acquise par opiniâtreté dans la douleur avait forcé le respect de la Mort.

Et au vu de la situation actuelle dans le monde des sorciers, selon les choix de vie de son héritière, cette excellence allait être mise à l'épreuve.

Et la Mort voudrait apprécier le spectacle.