** C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. **
Il faisait beau.
Un soleil magnifique jouait avec son reflet dans les vitres des immeubles surplombant la scène.
C'était un jour comme les autres.
Dans la grande rue, la circulation était dense.
Les gens avançait regardant droit devant eux.
Pas un regard n'était pour la petite ruelle adjacente.
Pourtant dans quelques heures, cette ruelle insignifiante serait rempli de monde.
Mais en attendant, elle semblait paisible, loin de l'agitation et des bruits de la ville.
** Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. **
Un oeil curieux pouvait y voir une jeune fille assise de dos.
En son giron reposait une personne, tête contre son buste, bras balants.
Elle le berçait tout en chantant une donce mélopée.
Sur son visage pale seul ses lèvres remuaient.
Son corp était raide, ses yeux vides.
Pour quelques instants, elle n'appartenait plus à ce monde.
La vie semblait la déserter comme elle avait déserté celle de l'homme indolant.
** Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid. **
L'homme la regardait d'un air absent.
Un doux sourire était plaqué sur son visage. Il était serein.
Un peu de rouge au coin des levres venait colorer son visage.
Sa peau était froide sous les doigts de la jeune fille.
Pourtant il faisait chaud, en cette journée enseillée.
Insuffle lui un peu de ta chaleur avant qu'il ne soit trop tard !
Mais il était déjà trop tard.
** Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. **
Une tache sombre s'agrandissait tachant irrémédiablement, la robe, la chemise, le pavé.
Comment imaginer qu'une personne ayant survécue et vaincu le plus puissant des sorciers puisse tomber sous les coups d'un simple pistolet.
Une balle ne lui étant même pas destinée, l'avait finalement vaincu.
Du survivant il ne restait que le nom.
** Arthur RIMBAUD **
