Prologue

Assis dans son fauteuil, au sein de Baker Street, serrant dans ses bras sa fille endormie, avisant de temps à autre -comme si son regard y était irrémédiablement attiré- un papier chiffonné posé sur la cheminée, John réfléchissait. La colère, l'incompréhension, la tristesse qu'il ressentait venait de passer un nouveau cap, le laissant dans une apparente sérénité déserte, à contempler les monceaux brisés de la vie qu'il avait essayé de se construire.

Mary était partie, laissant derrière elle une simple lettre larmoyante, lui expliquant qu'elle avait le devoir de se battre seule face à ses vieux démons, et qu'elle avait dû donc les fuir, pour les protéger.

Un proche qui choisit de disparaître pour assurer sa protection. Ça lui était familier.

Il leva la tête sur Sherlock, croisant le regard triste de son éternel colocataire, qui s'excusa une nouvelle fois de n'avoir pas su anticiper ce départ. Le détective avait sincèrement pensé qu'après tout ce qu'ils avaient vécu, Mary la laisserait l'aider.

Il eut un sourire sans joie.

Lui, avait su. Mary, malgré tous ses secrets, n'était plus si imprévisible. Même si… Il regarda sa fille, tendrement. Même si elle lui avait encore mentie. Sherlock lui avait raconté leur échange. Quatre noms. Quatre lettres. Et R, c'était celle de Mary.

Rosamund Mary.

Un rire jaune le secoua brièvement, relançant l'inquiétude de son ami. Il ignora ses questions, trop concentré à tenter de maîtriser le flot de pensées qui l'envahissait.

Rosamund. Ou l'art de cacher ses secrets en surface.

Il aurait pu tout savoir, tout comprendre depuis le début. Et il s'était contenté de la laisser partir, sans un mot, sans un regard. Elle reviendrait, elle l'avait promis. Mais plus rien ne sera jamais comme avant. L'aimait-il seulement encore ?

Probablement, oui, s'il se fiait à la douleur qui lui transperçait la poitrine, mais ce n'était juste plus possible avec tous ces mensonges, que ce soit ceux de Mary, ou les siens. Car lui aussi avait sa part de responsabilité, son portable en témoignait. Sa femme s'était-elle doutée, elle aussi, que John s'éloignait de plus en plus d'elle, qu'il la fuyait dans un autre regard, dans une autre conversation ?

Il prit une longue inspiration. Il ne devait pas se laisser déborder par ses émotions, au risque de troubler le sommeil de sa source de réconfort. Il ferma les yeux, lâchant un sanglot muet, serrant un peu plus son enfant contre lui.

Une main se posa sur son genou, et, rouvrant les yeux, il croisa le regard désolé de Sherlock.

Lui aussi, avait agi de la même manière. Lui aussi l'avait abandonné, pour le protéger. Et il ne pouvait lui en vouloir. Il s'était juste dit qu'il n'avait pas eu le choix. Comme Mary après lui. Chacun leur tour, ils l'avaient materné, éloigné d'eux. Et quand bien même ça le mettait hors de lui, il comprenait.

Il comprenait, car, si la vie de Sherlock, de Rosie ou de Mary était en danger par sa faute, lui aussi, il partirait.

Sans hésiter un seul instant.