Titre : Une dent en moins, une voix en plus

Auteur : Saturne

Coach : Jackallh

Disclaimer : Les personnages et l'univers de Supernatural appartiennent à Kripke et compagnie et je ne tire aucun profit autre que ma satisfaction personnelle en les empruntant.

Résumé : « Je trouve quand même qu'il y a quelque chose de pas bien net chez ce garçon…

- Ce qu'il y a de pas net, c'est comment il peut être dentiste s'il ne supporte pas la vue du sang.

- Non, c'était autre chose… Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. »

Note de l'auteur : Ceci devait être un petit OS spécial Halloween, mais je me suis un peu emballée et c'est en train de devenir une fanfic à chapitres. Oups.

La fic se déroule quelque part entre le final de la saison 5 et le début de la saison 6.

Je reprends un headcanon que j'avais développé dans ma fic Au-delà du sang, mais vous n'avez pas besoin de l'avoir lue pour comprendre.

ATTENTION, cette histoire contient des scènes gores, des mentions de troubles mentaux et de suicide, et je vous déconseille de lire si vous êtes arachnophobe et/ou ne supportez pas tout ce qui touche aux dents…

Rating élevé pour ces raisons seulement. Il n'y a pas de slash, pas de pairing.

Bonne lecture !

oOo

Une dent en moins, une voix en plus


Vendredi 29 octobre 2010

HALLOWEEN J -2

.

Sept heures du matin.

La sonnerie du réveil hurlait ses longs bips dans le noir. Un bruissement de draps, et une main s'abattit pour la faire taire. Puis, tâtonnant, elle alluma la lampe de chevet.

Garth Fitzgerald IV étouffa un bâillement et roula de l'autre côté en serrant son oreiller entre ses bras. Il y pressa sa joue, un sourire paresseux sur son visage alors qu'il savourait le silence. Les brumes du sommeil s'évaporaient avec le souvenir de ses rêves, le laissant éveillé et alerte pour une nouvelle journée.

Garth enfila ses chaussons et traîna des pieds jusqu'à la cuisine, allumant les lumières une à une. Au passage, il adressa un sourire aux photos de sa famille encadrées et accrochées sur les murs tout le long du couloir. Ses parents, ses frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs, cousins et cousines, oncles et tantes, neveux et nièces. Autant dire que le mur était plus qu'encombré.

La cafetière ronronna et diffusa un parfum café tandis qu'il enfonçait ses toasts dans le grille-pain. Il faisait encore nuit dehors, aussi la fenêtre n'était qu'un cadre noir où sa silhouette maigre se reflétait comme dans un miroir. Il s'adressa un clin d'œil polisson.

La porte d'entrée couina lorsqu'il sortit en robe de chambre pour aller chercher le courrier. Le froid acheva de le réveiller et son souffle se déploya en vapeur dans la nuit. En traversant l'allée menant à sa boîte aux lettres, il adressa de loin un signe amical à son voisin qui faisait exactement la même chose que lui. Comme chaque matin depuis des années, ils sortaient à la même seconde pour prendre leur courrier. C'était si cocasse qu'ils ne manquaient pas de plaisanter à ce sujet à chaque fois qu'ils discutaient.

Ils échangèrent quelques politesses, discutèrent du temps frisquet et de Halloween qui approchait et des paquets de bonbons qu'ils avaient acheté en prévision des enfants qui ne manqueraient pas de frapper à leur porte. Garth retourna chez lui juste à temps pour le café et ses toasts, et lut le journal en sifflotant, d'excellente humeur. Dehors, la nuit pâlissait, et bientôt quelques rayons de soleil éclairèrent ses cheveux en bataille.

Il était huit heures moins cinq lorsque Garth sortit de chez lui, frais comme un gardon et bien coiffé d'une raie sur le côté. Sur la pelouse, son voisin qui s'affairait à décorer son jardin de citrouilles grimaçantes lui souhaita une bonne journée.

Sur le chemin, Garth porta le sac de courses de la vieille Marthe qui allait sur ses 90 ans, échangea quelques passes de ballons avec des enfants en route pour l'école, et parla joyeusement de météo avec le facteur qui achevait sa tournée.

Lorsqu'il arriva enfin à son cabinet dentaire qui n'était pourtant que deux rues plus loin à Main Street, il avait près de cinq minutes de retard sur son horaire. Son assistante était déjà arrivée et se trouvait juchée sur un tabouret pour fixer au plafond de fausses toiles d'araignées et des chauve-souris en plastique.

« Mazette, Carol ! la salua-t-il avec un sifflement admiratif. Vous m'aviez caché vos talents de décoratrice !

Son assistante eut un petit rire et descendit de son perchoir en replaçant ses cheveux derrière ses oreilles.

- Ça vous plaît ? Vous n'avez encore rien vu, j'ai apporté une citrouille que j'ai creusée moi-même, pour décorer l'accueil !

- J'ignorais que vous aimiez Halloween, vous qui êtes toujours si sérieuse !

- C'est ma période préférée de l'année. Vous avez prévu quelque chose, docteur ?

Garth rit, secouant la tête.

- Oh, non, je n'ai pas fêté Halloween depuis des lustres. Mais j'adorais ça quand j'étais petit !

Tout souriant, Garth admira autour de lui les décorations qui lui rappelaient son enfance, à l'époque où il se déguisait avec ses frères et son meilleur ami Gary pour aller taper aux portes et réclamer des bonbons.

Carol lui tendit sa blouse blanche avec un air contrit.

- Navrée de vous presser, docteur, mais votre premier rendez-vous est déjà arrivé. Il y a aussi dans la salle d'attente une maman avec sa petite fille qui a mal à une dent qui demande si elles peuvent être prises en urgence.

- Bien sûr ! sourit Garth en enfilant sa blouse blanche. Fais-les entrer et dis à mon rendez-vous de huit heures que je suis tout à lui juste après !

Il entra dans la salle d'examen et alluma les lumières en sifflotant gaiement. Il en était à enfiler ses gants avec un peu de talc quand Carol ouvrit la porte et guida une femme d'une trentaine d'années tenant par la main une fillette de six ou sept ans.

- Merci de nous prendre sans rendez-vous, docteur, sourit la mère qui semblait épuisée. Elle a mal depuis hier soir et ça ne passe pas. Elle a pleuré toute la nuit, je ne sais plus quoi faire alors nous voilà…

Garth adressa à la maman angoissée un sourire Colgate – hé, quand on est dentiste il faut bien présenter la marchandise et vendre du rêve ! – et s'accroupit pour se trouver nez à nez avec la petite fille.

- Coucou, pitchoune ! Alors comme ça, on a mal à une quenotte ? On a mangé trop de bonbons ?

La gamine fit non de la tête et gardait les yeux obstinément rivés au sol, le nez et les joues rouges d'avoir trop pleuré. Elle serra plus fort contre elle ce qui ressemblait à un doudou.

Garth avait tant de neveux, nièces et petits cousins pour qui il avait servi de babysitter, qu'il savait s'y prendre avec les enfants. Aussi pointa-t-il du doigt le doudou.

- Oh, je vois que tu as de la compagnie ! Est-ce que je dois regarder ses dents aussi ?

La fillette secoua à nouveau la tête, mais leva les yeux d'un air timide en reniflant. Elle desserra sa main pour lui montrer le doudou qui s'avérait être une chaussette avec des yeux, une bouche et des cheveux grossièrement cousus. Encouragé, Garth inclina la tête et toucha la tête du bout des doigts, et prit une voix flûtée comme pour la faire parler :

- Ma maîtresse c'est la pluuuuus courageuse du monde ! Toi, à sa place, monsieur le grand docteur, tu aurais teeeeeellement mal que tu crierais comme ça : KYAAAAAAAAAAAAAH !

Garth fit mine d'être vexé et secoua la tête en reprenant sa voix normale :

- Même pas vrai, madame la chaussette ! Je ne crie pas du tout comme ça !

Bingo. La petite fille eut un petit gloussement, pouffant derrière sa main :

- C'est pas une madame, c'est un garçon et il s'appelle Mr Fizzles !

- Oh, toutes mes excuses, monsieur ! J'espère que je ne l'ai pas vexé ! Il a l'air fâché contre moi… »

Garth glissa sa main dans la chaussette pour faire répondre Mr Fizzles avec cette même voix flûtée. Il improvisa ainsi tout un sketch jusqu'à ce que la fillette se mette à rire et participer. Debout à côté de Carol, la mère les regardait d'un air confus. Mais Garth savait ce qu'il faisait – sa petite patiente semblait enfin en confiance. Une fois qu'il lui eût promis que sa maman et Mr Fizzles resteraient avec elle, et qu'elle n'aurait pas du tout mal grâce aux piqûres magiques, l'enfant répondit à ses questions, expliquant qu'elle avait mordu dans un bonbon trop dur et que sa molaire avait fait crac. La dent qui était déjà cariée s'était fendue et le nerf avait été touché. La matinée commençait fort !

oOo

« Je l'avais dit, qu'on aurait dû prendre la route 115 pour rejoindre Harrisburg.

- La 29 est plus rapide.

- Mais ça nous fait faire un putain de détour, Rufus ! Balls, parti comme t'es, tu vas nous emmener jusqu'au Nebraska. Fallait prendre la sortie à gauche il y a dix minutes !

- T'as fini de râler comme une bonne femme, ouais ?

- Si tu m'avais laissé prendre le volant, on serait arrivés depuis longtemps.

- Hors de question que je laisse un type sans âme conduire ma bagnole.

Bobby leva les yeux de sa carte routière en se renfrognant.

- J'ai toujours mon âme, idjit.

- En sursis. Elle ne t'appartient plus, ça revient au même. J'aurais jamais cru que tu serais assez con pour vendre ton âme à un démon.

- Parce que tu crois que j'avais le choix ? Le sort de l'humanité était en jeu ! De toute façon, je vais la récupérer. C'est qu'une question de temps, mais je trouverai le moyen d'annuler ce foutu contrat.

Rufus lui glissa un regard sceptique, mais se contenta de hausser les épaules en tournant le volant. La voiture s'engagea dans la sortie d'autoroute pour s'enfoncer dans la périphérie lointaine de Sioux Falls. Bobby plissa les yeux en scrutant sa carte routière, et la pivota pour mieux voir où ils se dirigeaient.

- Maintenant, tout droit jusqu'à ce qu'on rejoigne la route 115, bougonna Bobby dans sa barbe. Celle que j'avais dit depuis le début qu'il fallait prendre. Mais tu ne m'écoutes jamais.

- Au lieu de râler, explique-moi à nouveau à quoi on doit s'attendre une fois arrivés à Harrisburg.

Bobby laissa sa carte retomber sur ses genoux et fronça le nez en regardant le paysage défiler à travers la fenêtre. Des champs côtoyaient des entrepôts et stations d'essence, et de loin en loin une maison isolée se dressait.

La nuit commençait à tomber.

- J'ai reçu un message de Tamara, la veuve d'Isaac.

- Une sacrée chasseuse, commenta Rufus avec un hochement de tête approbateur. Douée, rapide, sans pitié.

- Mouais, en tout cas elle a l'air d'avoir des problèmes. Tout à l'heure, elle m'a envoyé ce message, sans aucune explication. Et elle ne répond pas quand j'essaye de l'appeler. Son numéro n'est plus attribué. Regarde ça.

Bobby sortit un de ses téléphones de sa poche. Celui qu'il réservait pour ses contacts chasseurs.

Il sélectionna le dernier sms reçu et le montra à Rufus :

N 43° 25' 49'' W 96° 41' 56''

Rufus y jeta un œil rapide et haussa les sourcils.

- Et c'est pour ça que tu m'as traîné hors de chez moi sans me laisser finir mon omelette ? Pour des coordonnées géographiques ? Tu veux que je te tienne la main pour trouver un endroit ?

- J'y serais bien allé seul si je ne savais pas que Tamara est depuis des mois sur la trace d'une sorcière qui a fait un pacte avec les démons pour augmenter sa puissance, grommela Bobby en rempochant son téléphone. J'ai déjà un démon qui détient mon âme, et je ne suis pas assez stupide pour affronter une sorcière sans quelqu'un pour couvrir mes arrières.

Rufus plissa les yeux, tandis que le moteur de la voiture ronronnait et vibrait sous leurs pieds.

- Je vois. Comme les Winchester sont hors course, tu te rabats sur moi faute de mieux. Je suis flatté.

Bobby replia la carte routière et la replaça dans la boîte à gants, serrant la mâchoire en songeant à Sam qui s'était sacrifié pour sauver le monde, Dean qui n'était plus que l'ombre de lui-même, et Castiel qui était retourné au paradis sans même dire adieu.

- Va falloir que tu t'y habitues, Rufus. Toi et moi on est à peu près les seuls chasseurs expérimentés encore en activité aux États-Unis. On a pas vraiment de relève digne de ce nom. Cette histoire d'Apocalypse a dévasté nos rangs.

- Dean pourrait nous aider, lui. Il paraît qu'il joue à la petite maison dans la prairie avec une femme et un gosse.

Bobby lui jeta un regard noir.

- Laisse-le vivre sa vie en paix, il l'a mérité. Dean a perdu son frère, il a déjà donné.

- Et alors ? Toi, tu as perdu ta femme et même ton âme. Moi, j'ai perdu ma fille. Tamara a vu son mari se faire tuer sous ses yeux. Tout le monde a perdu quelqu'un, Bobby. Et ça nous empêche pas de continuer à faire notre boulot, parce que les monstres eux non plus ne s'arrêtent pas. Fais moi plaisir et cesse de le couver, tu sais aussi bien que moi qu'on ne quitte jamais le monde de la chasse. Jamais.

Bobby s'assombrit et détourna le regard. Le soleil s'enfonçait à l'horizon et les ombres s'allongeaient quand ils s'engagèrent enfin sur la route 115.

- Samhain est proche, reprit Bobby après un moment de silence. Dans deux jours, ce sera le moment de l'année où les sorcières sont au sommet de leur puissance et peuvent réussir des sorts dévastateurs. J'ai un sale pressentiment. Il faut qu'on trouve Tamara et qu'on attrape la sorcière avant qu'il ne soit trop tard.

- Regarde, le coupa Rufus en plissant les yeux. Le ciel.

La nuit avait beau tomber, ils pouvaient voir qu'au-dessus de la petite ville de Harrisburg une masse épaisse de nuages noirs s'amassait dans le ciel, comme un lent tourbillon de ténèbres.

- C'est pas naturel, ce merdier.

- Sans blague. J'espère que tu sais ce que tu fais, Bobby.

- J'en ai pas la moindre idée. C'est pour ça que je t'ai amené.

- Super, lâcha Rufus en roulant des yeux. C'est exactement comme ça que je voulais passer mon week-end.

Ils dépassèrent le panneau annonçant leur entrée dans Harrisburg, et Rufus tapota son GPS pour entrer les coordonnées exactes du message de Tamara.

- On approche de l'endroit en question. Pour l'instant, à part le gros nuage au-dessus de la ville, tout me paraît calme et normal ici.

C'était effectivement une petite ville suburbaine et résidentielle comme il y en a tant. Les maisons étaient espacées de jardins et pelouses, décorées de citrouilles et épouvantails habillés en sorcières et autres squelettes en plastique. Ils croisèrent des enfants déguisés en vampires, et un en fantôme avec un drap troué au niveau des yeux.

- Je déteste cette période de l'année, râla Rufus en bifurquant à un tournant, les sourcils froncés. Si les gens savaient que tous ces monstres existent réellement, s'ils savaient quel danger ils représentent, ils ne s'amuseraient pas à se déguiser et rire de tout ça.

Ils s'engagèrent dans Main Street, dépassèrent quelques bâtisses avant de s'arrêter devant un établissement.

- On y est. Allons voir si Tamara est là.

Ils sortirent de la voiture et s'avancèrent vers le bâtiment, leur respiration se déployant en vapeur blanche. La porte vitrée était close, et toutes les lumières éteintes. Une plaque de marbre arborait en lettres gravées :

DOCTEUR GARTH FITZGERALD IV

DENTISTE

- … Un cabinet dentaire ? Pourquoi Tamara nous enverrait-elle droit chez un dentiste ?

- J'ai bien une petite idée, se moqua Rufus en jetant un regard appuyé vers la bouche de Bobby. Allez, entrons voir, on aura peut-être une explication à l'intérieur.

Bobby monta la garde pendant que Rufus forçait la serrure avec des fils de fer. Mais il n'y avait personne à l'horizon. C'était à peine si un chien aboyait au loin et que le lampadaire le plus proche grésillait. À présent que la nuit était tombée, les rues de Harrisburg étaient désertes et silencieuses.

Ils entrèrent discrètement dans le cabinet dentaire, et fouillèrent les décorations de Halloween, l'intérieur de la citrouille creusée, la paperasse, les sièges de la salle d'attente. Mais rien. Pas de sacs de sort, pas de matériel de sorcellerie. Rien à part le téléphone de Tamara, rangé parmi les objets trouvés dans un tiroir de l'accueil.

Il était fissuré et brisé, comme s'il avait été écrasé d'un coup de talon.

- Tamara était ici, conclut Rufus en observant le téléphone de près. Je pense que ce message que tu as reçu était automatique. Tamara est une femme maligne, elle a sûrement installé une application smartphone pour que tu reçoives les dernières coordonnées au cas où son téléphone serait détruit.

Bobby n'y connaissait rien en applications et en smartphones, mais acquiesça en échangeant un regard avec la citrouille grimaçante qui trônait sur le comptoir d'accueil.

- Balls. On est pas plus avancés. Ça fait plus de deux heures que j'ai reçu ce message. Son téléphone a été détruit ici, mais elle pourrait être n'importe où. On va devoir aller cuisiner les flics pour des infos en espérant qu'ils sachent quelque chose.

- Il nous reste une autre solution si la police ne sait rien, annonça Rufus en prenant une carte de visite sur le comptoir. On sait que Tamara était ici cet après-midi. Il faut qu'on interroge ce dentiste pour voir ce qu'il peut nous dire sur elle. Que dis-tu d'un petit détartrage par le docteur Fitzgerald demain matin à la première heure ? »