La mauvaise compliance des passions : Prologue
Je dédie cette nouvelle histoire à Donny qui était là au commencement et à Gevoel qui m'a donné un nouvel élan, en espérant qu'elle vous plaise !
Compliance : en santé, disposition du patient à suivre les instructions ou recommandations qui lui sont données. [le titre provient d'un lapsus qui m'avait semblé parfait pour nommer cette fanfiction]
L'histoire se place un peu après la fin du manga. Le prologue sert surtout à recentrer l'action, le chapitre 1 sera, normalement, plus intéressant car l'intrigue s'y met vraiment en place ! Merci de me lire :)
La rumeur de la foule et les odeurs mélangées, de sucrées à âcres, ne laissaient aucun doute il approchait de la capitale, surement visible en contre-bas du chemin qu'il empruntait, Tokito sur ses talons.
Il s'y était fait, mais c'était toujours un peu pesant de sentir en permanence une présence dans son dos. Il en était cependant également flatté car cela le propulsait à la place de Kyo. Et qui n'a pas envie d'être Kyo ? Et puis comme ils n'avaient pas vraiment de sujets de conversation, ne pas marcher côte à côte semblait alors presque plus sensé. La plupart du temps leurs échanges se résumaient à s'envoyer des piques et se chamailler sur à peu près n'importe quel point.
Pour éviter que cela ne se produise encore une fois, et les ralentissent alors qu'ils cheminaient d'un bon pas pour atteindre la ville avant la fin de l'après-midi, il se garda de lui reprocher ses soupirs ostensiblement las et mécontents. Il soupira à son tour et sentit Tokito se pencher légèrement en avant, attendant avec le dévouement d'un chien fidèle, qu'il lui lance la première remarque qui amorcerait un échange plein de reproches et de mauvaise foi. L'impression de confort que cette attitude tellement prévisible lui procurait, lui donna, quelque part, envie d'ébouriffer les cheveux de Tokito avec affection. Mais bon, fallait pas déconner non plus, à la place il afficha un sourire moqueur, percevant parfaitement que la jeune fille était frustrée qu'il n'ait même pas fait mine de se retourner pour lui sommer d'arrêter.
Même si lui ne se serait jamais plaint, de la fatigue ou du temps chaud et lourd, prédisant une période de pluie à venir en ce début de mois de juin, il fut satisfait d'entrer dans Edo tandis que le soleil commençait à décliner.
...
Le domaine du shogun se dressait fièrement au bout de la rue, dominant sans peine, par sa taille et son panache, toutes les bâtisses alentours. Il commença à en faire le tour puis, sentant l'enceinte se prolonger sur une longue distance, revint sur ses pas avec une moue de réflexion, Tokito toujours une dizaine de pas derrière lui, sans jamais lui rentrer dedans, comme un jeu de Snake bien maîtrisé. Un garde les ayant remarqués, et vraisemblablement, trouvés suspects, vint les accoster pour leur dire d'aller rôder ailleurs. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire qui signifiait : « Ah oui ? Et tu penses pouvoir m'empêcher de rôder ? Je rôde chez ta mère si je veux.». Chacun sait que les sourires ne parlent pas réellement mais le garde comprit au mot près ce que celui-ci voulait dire. Et ça ne semblait pas lui plaire.
Une jeune femme vêtue d'un sobre kimono qui allait les dépasser pour rentrer dans l'enceinte de la demeure, s'arrêta à quelques pas pour regarder si l'échange ne dégénérait pas. Il reconnut sans mal son aura : « Mahiro ! ». Parfait, il ne pouvait espérer mieux. La dite Mahiro mit quelques secondes à retrouver les prénoms des deux visages vaguement familiers en face d'elle.
...
Dans la large pièce toute en boiseries qui lui tenait lieu de bureau, Tigre Rouge, coudes posés sur la table, jouait distraitement avec une missive de moindre importance qu'il avait transformée par un pliage. Il releva la tête l'ombre de Mahiro venait de s'agenouiller derrière la porte en papier de riz et lui demandait l'autorisation de le déranger. La porte coulissa, révélant derrière la jeune femme deux personnages qui lui étaient assez familiers.
« Waaah Akira, Tokito !... On dirait deux clodos ! »
Effectivement les deux voyageurs, après leur vie à la dure des derniers mois, avaient une allure un peu sauvage. En dépit de leur apparence peu reluisante, Tigre Rouge se leva pour leur donner une accolade de retrouvailles. Qui fut bien sûr esquivée par Tokito, peu adepte des effusions. Akira lui, laissa faire. Revoir son ami (il ne s'était pas complétement fait à l'idée) lui faisait réaliser que peut-être, un peu, il lui avait manqué. Frôler la mort ensemble, avoir vécu côte à côte des combats plus qu'intenses avait bel et bien eut raison de leurs désaccords et fait place à une amitié solide toujours teintée de taquinerie et de provocation bon-enfant.
Le maître des lieux leur offrit ensuite de profiter de son palace pour, d'abord se laver, puis se restaurer et se reposer. Et puis ils pouvaient même séjourner quelques temps.
Tokito mangea peu et parla moins encore, conservant un air renfrogné dont absolument personne ne semblait faire grand cas. Mahiro avait tenté d'entamer la conversation au début du repas mais avait laissé tomber devant le mutisme de la jeune fille. Celle-ci était sidérée, vaguement écœurée. Akira baissait considérablement dans son estime lorsqu'il était en présence du fils Tokugawa il devenait complètement futile, à discuter cordialement et s'intéresser aux autres. Et puis il y avait à certains moments ce large sourire idiot, qui était si inhabituel qu'il donnait l'impression de déformer complètement son visage. C'était surréaliste. Akira ne souriait que de manière sarcastique ou vaniteuse normalement. Enfin, quand il était avec elle en tout cas. Ce constat accentua le sentiment de mise à l'écart qui l'habitait depuis qu'ils étaient arrivés dans le domaine shogûnal.
...
Une domestique aurait pu le faire mais Mahiro s'était proposée pour les guider dans les couloirs jusqu'aux chambres d'invités qui avaient été faites préparer pour eux. Une fois qu'elle leur eut souhaité bonne nuit, elle s'éloigna à petits pas légers, les laissant seuls dans le couloir faiblement éclairé.
« Combien de temps comptes-tu que l'on reste chez cet imbécile ? »
Akira, sur le point de prendre congé, parut légèrement surpris par la virulence du ton et se fit un plaisir de répondre avec un calme exagéré.
« Allons, on est très bien ici et si ça te déplaît, je te rappelle que tu n'es pas enchaînée à moi.
- Ça ne répond pas à ma question ! Je n'aime juste pas cette andouille et je ne comprend pas pourquoi tu l'apprécies. Tu vaux mieux, ajouta-t-elle plus bas mais avec la même hargne.
- Et bien il va falloir faire meilleure figure parce que, vois-tu, commença-t-il d'un ton condescendant, on ne pouvait pas espérer mieux on n'a plus un sou et aucun moyen d'en regagner. Soyons sérieux, nous n'avons pas vraiment d'autre talent utile que le combat, or c'est un temps de paix et comme dit la chanson travailler c'est trop dur et voler c'est pas beau.
Tokito leva les yeux au ciel avec un air d'ennui profond, ce que son interlocuteur perçut sans mal. Il continua :
- Et puis qui voudrait embaucher une peste dans ton genre ? Bref. Là où je voulais en venir c'est que c'est une aubaine que Tigre Rouge nous offre l'hospitalité. Alors on va en profiter jusqu'à ce qu'il ne puisse plus nous supporter et c'est tout. »
Tokito, ne trouvant rien à objecter, afficha une moue peu convaincue et tourna les talons pour rentrer dans la chambre qui lui avait été attribuée.
