Ses pas devenaient de plus en plus lents. De plus en plus lourds. Mais il avançait toujours avec la même hargne.
Ne surtout pas m'arrêter. Il faut continuer.
Il regarda autour de lui. Du sable. Du sable, à perte de vue. Et parmi ce tout ce sable, parmi tous ces grains : rien. Absolument rien. Pas un seul cactus pour boire. Pas un seul animal égaré pour manger. Même un lézard serait le bienvenue. Mais rien. Rien que du sable.
Soudain un bruit étouffé. Instinctivement il se retourna. Une masse étalée à terre.
« Ino !
Il se mit à courir, puisant dans ses dernières ressources, et vint lui aussi s'étaler par terre. Sur le sable brûlant, à côté d'elle.
« Ino ? Ino, relève-toi ! Vite !
Il retourna la jeune fille et ôta sa capuche.
« Chôji…J'en peux plus…
« Mais il faut se relever ! Sinon on pourra pas repartir Ino !
« Mais je peux pas, j'y arrive pas !
Il s'agenouilla et regarda vers l'horizon. Maintenant qu'ils s'étaient arrêtés, lui non plus ne pourrait pas repartir avant un moment.
« Ok Ino, on va faire une pause…
Nouveau regard autour de lui. A quelques pas d'eux se dressait une dune.
« … mais pas ici, pas en plein soleil ou alors on pourra vraiment plus se relever…
Après un effort presque surhumain, Chôji réussit à se relever. Il reprit son souffle quelques secondes : sa tête tournait. Puis il attrapa les bras d'Ino et la releva tant bien que mal.
« Allez, il faut encore marcher un peu, un tout petit peu…
Ils s'arrêtèrent 10 minutes plus tard, au pied de la dune et s'installèrent sous l'ombre qu'elle leur offrait.
Le soleil se couchait. La chaleur étouffante laissa peu à peu place à un froid glacial. Le vent se leva. Une tempête de sable s'annonçait.
Bon bah on va être obligé d'attendre demain pour repartir…
Chôji rabattit sa capuche et l'enfonça jusqu'aux yeux. A côté de lui, Ino dormait.. Il s'assura qu'elle était assez couverte avant de se coucher près d'elle. Mais le vent qui sifflait l'empêchait de s'endormir. Et les grains de sable qui fouettait son corps le maintenait bien éveillé. La tempête était là.
Les grondements incessants qui emplissaient le désert réveillèrent Ino. Le soleil n'était pas encore levé. Elle sentait son corps picoter de partout.
« Qu…qu'est-ce qui se passe ?
« Tempête de sable. Mais ça se calme là.
Ino regarda autour d'elle. Comment pouvait-il dire que ça se calmait ? Le sable était projeté de toute part. Les dunes semblaient se mouvoir. Elle avait l'impression qu'elle finirait là, engloutie par le désert comme les vagues l'engloutiraient dans un océan trop agité.
« C'était pire avant…
Ino observa Chôji. Il avait l'air serein.
« On partira dès que le vent sera calmé. Prépare-toi.
Elle quitta son ami des yeux et se pencha pour attraper son sac. Elle vérifia une nouvelle fois que tout était dedans. La gourde. Elle la regarda comme un trésor et sa main fût attiréevers celle-ci. Elle l'attrapa et dévissa lentement le bouchon. De l'eau. Juste un petit peu pendant que Chôji ne la regardait pas. Juste une gorgée, une goutte.
« Ino, t'es prête, on va y aller.
Elle sursauta. Vite, il fallait la ranger. Il s'approchait.
« Qu'est-ce que tu fais ?
« Je…je range !
Chôji fixa Ino dans les yeux. Ses joues rougirent à une vitesse inimaginable. Il attrapa sa cape, la mit et prit son sac.
« Bien, alors on y va.
Et il se mit en marche, suivit d'Ino qui enfila elle-aussi sa cape avant de prendre son sac.
Ils marchèrent droit devant eux, la tête baissée. Mais pas longtemps. L'eau manquait à leurs muscles. La nourriture à leurs ventres. Et le sommeil à Chôji. Ils décidèrent de s'arrêter, à peine une heure de marche plus tard. Ils ne pouvaient risquer une nouvelle chute, mieux valait une pause avant de reprendre.
« Bon Ino, on ne s'assit pas compris ?
« Hein ? Pourquoi ?
« Si on s'assoit ça va faire comme hier : on repartira pas avant des heures !
Ils restèrent donc debout, derrière une grande dune afin d'être à l'ombre. La chaleur était écrasante. Chôji observa Ino. Son corps semblait vaciller.
« Bon ok... on va boire un peu.
Un sourire éclaira le visage terne d'Ino.
« Mais juste une gorgée hein ?
« Pas une goutte de plus !
Ino sortit la gourde de son sac. Elle la dévissa à nouveau lentement. Et la porta à ses lèvres sèches. Elle l'inclina légèrement. Juste assez pour sentir l'eau couler doucement. Juste assez pour sentir chaque goutte caresser ses lèvres, glisser le long de sa langue et venir se loger dans ses joues. Elle passa la gourde à Chôji. Chez lui aussi, un sourire était apparu. Il y a une semaine à peine, ils buvaient de l'eau si facilement. C'était tellement étrange de la savourer ainsi aujourd'hui. D'en rêver toutes les nuits. De la vénérer… Ils restèrent un moment ainsi, vaguant à leurs pensées, muets, gardant l'eau le plus longtemps possible dans leur bouche.
A contrecœur Chôji avala sa gorgée. Il fallait repartir tout de suite : le soleil devenait haut dans le ciel.
« Bon, Ino on repart, allez.
Et sans un mot de plus, ils se remirent en marche. Avec une impression de déjà vu. Et ils s'arrêtèrent deux heures plus tard, au pied d'une nouvelle dune. Le soleil était au zénith, il devenait dangereux de rester exposé ainsi.
Ils s'installèrent l'un à côté de l'autre. Toujours muets. Maintenant immobiles. Chôji fixa son regard à l'horizon, toujours à le recherche de quelque chose à se mettre sous la dent.
Ino leva les yeux au ciel. D'après la position du soleil, elle estima que cela faisait plus d'une heure qu'ils étaient assis à rien faire. Elle expira bruyamment pour exprimer son agacement. Mais Chôji ne broncha pas. Son visage était tendu. Les yeux fixés au loin. Les lèvres collées. C'était bizarre de le voir ainsi. La bouche vide. Les mains vides. Lui qui avait toujours de la bouffe sur lui…
Ino souffla de nouveau. Mais il resta de marbre. Alors elle se leva. Rester assise sans rien faire était au dessus de ses forces.
« Bon sang Chôji faut qu'on bouge !
Il ne répondit pas. Ne se leva pas. Ne la regarda même pas. Comme s'il ne l'avait pas entendue.
« Chôji bordel, tu m'écoutes ? Allez, lève-toi ; on bouge !
Ino était à présent debout devant Chôji, les mains refermées sur les poignés dodues de son compagnon. Elle tentait vainement de le relever. Chôji détourna son regard de celui, accusateur, d'Ino. Il ramena ses jambes contre son torse et les entoura de ses bras à présent libres. Il flippait ça crevait les yeux.
« Putain Chôji, t'es vraiment une ptite fiotte ! Tu veux rester là ? Bah reste-là ! Mais moi je le laisserai pas tomber, t'entends ? JE LE LAISSERAI PAS TOMBER !
