C'est en début de soirée que commence cette histoire, Marion était assise par terre, dans sa chambre et dessinait ses joueurs de Quidditch préférés.
Pendant ce temps-là, ses parents se disputaient.
Encore.
- J'en ai assez !
Comment quatre mots pouvaient-ils contenir autant de colère, de désespoir, de violence ?
Elle essaya de se plonger encore plus dans son dessin pour tenter de ne pas les entendre.
Mais n'y parvint pas.
- J'en ai assez !
Alors qu'en temps normal la voix de sa mère serait empreinte de tristesse, aujourd'hui on en entendait que de la rage.
- J'en ai assez tu comprends ! Assez de vivre avec un homme qui passe sa vie au travail. Assez de devoir toujours te réclamer un geste, une parole, un regard que tu ne me donnes jamais. Assez de devoir supporter tes idées raciales, tes assemblées secrètes avec Grindelwald et tes tas d'ambitions stupides que tu appelles Avenir.
Elle commença à dessiner minutieusement un Vif d'or devant la main de l'attrapeur.
Sa mère balaya la table d'un revers de bras, faisant tomber assiettes, couteaux, fourchettes, verres…
Le bruit qu'ils firent en tombant sur le carrelage fut assourdissant.
Le silence qui suivit fut autant écrasant.
- Louise, tu es vraiment…
- J'en ai assez, le coupa-t-elle. Assez d'être la femme transparente, assez de devoir casser la vaisselle pour attirer ton attention, assez de devoir mentir aux agents du ministère sur tes activités illicites, assez de me faire tromper par mon mari et de ne pas pouvoir réagir. Tu ne crois pas que j'ai assez souffert ? Tu me penses assez forte pour tout supporter indéfiniment ?
Elle esquissait les buts, en s'appliquant à faire de beau cercle pour chaque anneau.
- Arrête !
Un mot. Un cri. Plein de haine. Son père s'énervait.
- Que j'arrête ? Je peux faire mieux que ça !
Elle entendit des pas monter les escaliers en direction des chambres et redescendre plus tard avec un objet trainé par terre. Un sac ? Une valise ? Les pas se dirigèrent ensuite vers la porte d'entrée.
Elle s'était mise à colorier les joueurs.
- N'y pense même pas!
- Je fais ce que je veux David !
- As-tu songé à Marion? Je n'aurai jamais le temps de m'en occuper ! Si tu pars sans elle, je serai obligé de m'en débarrasser. C'est toi qui voulais un enfant pour pouvoir occuper tes journées. Tu l'as voulue, tu la gardes !
Les pas se stoppèrent, hésitèrent, puis remontèrent les escaliers et se rapprochèrent lentement vers sa porte. Sa mère entra, pris son sac d'école et commença à y mettre ses vêtements sans avoir sorti les livres qui s'y trouvaient.
- Marion, on s'en va, prépares-toi.
Quelqu'un toqua à la porte d'entrée.
- Louise ! La porte !
- Pis quoi encore ! Tu es à deux mètres d'elle, tu peux te lever ! Je ne suis plus ta bonne !
Mais personne n'alla ouvrir. On toquait toujours. Sa mère soupira.
- Continue à préparer tes affaires. Dans cinq minutes tu as terminé et tu descends. Ne prends que le strict nécessaire.
Elle posa son crayon et se leva. Sa mère descendit ouvrir la porte et quelqu'un entra. Elle mettait dans son sac ses habits préférés, quand elle entendit du bruit à l'étage d'en dessous, un corps tomber, sa mère crier, puis du bruit dans les escaliers. Louise arriva en courant, effrayée, sa baguette en main et ferma son sac à dos alors qu'elle allait y mettre sa boite de crayons. Elle s'agenouilla devant elle, enleva la bague que sa mère lui avait offerte de son doigt et la mit dans la poche de sa fille sans justification.
- Marion, tu vas m'écouter attentivement, quelqu'un veut nous faire du mal, je vais te faire passer par la fenêtre grâce à la magie et tu vas courir le plus loin possible pour te cacher. Tu ne vas vers personne, même si elle te propose de l'aide, même si tu la connais, même si c'est nos amis, même si c'est papa. D'accord ? Vas-y.
Sa mère avait parlé très vite et elle n'était pas certaine d'avoir tous compris mais elle hocha la tête, s'approcha de la fenêtre et l'ouvrit. Sa mère lui mis son sac sur le dos et la porta sur le rebord de la fenêtre. Louise pointa sa baguette sur elle et la fit léviter. A mi-chemin vers le sol, la fillette entendit quelqu'un entrer dans la chambre. A deux mètres de la pelouse, une lumière verte sortie de la fenêtre et le sortilège cessa de fonctionner. Elle tomba. Elle n'eut pas le temps de sentir si elle s'était fait mal que les mots de sa mère lui revinrent. Elle se mit à courir. Sa vie dépendait de sa course, elle le savait, alors elle traversa le jardin, passa par-dessus la barrière et entra dans la forêt, le seul endroit où elle était sûre de ne tomber sur personne, comme le lui avait demandé sa mère. Elle s'enfonça dans la forêt, sans regarder où elle allait, sa seule préoccupation du moment étant de s'éloigner le plus possible de la maison. Au bout de plusieurs minutes de course, ses jambes commencèrent à devenir lourdes, sa respiration se bloquer, ses poumons s'enflammer, son sac s'alourdir et sa gorge prendre feu. Un goût de sang vint s'installer dans sa bouche et son corps réclamait de l'eau. Elle s'appuya contre un arbre et remplit ses poumons d'air.
De la peur.
Voilà ce qu'elle ressentait.
Cette sensation insolite qui apparait dans les moments et les endroits les plus inattendus. Une sensation qu'elle n'avait presque jamais éprouvée.
Au prix d'un terrible effort, elle trouva la force de se calmer, elle s'assit là où elle s'était arrêtée et ferma les yeux.
Les rouvrit.
Son cœur s'accéléra. A moins que ce fut l'inverse.
Elle avait perçu un bruit derrière elle.
«De simples animaux »
Se dit-elle pour se rassurer, après tout elle était dans une forêt. Mais la peur prit le dessus sur la raison en laissant son imagination inventer toutes sortes de créatures aussi terrifiantes les unes que les autres qui expliqueraient ces bruits.
Elle prit une grande inspiration.
Se calma ou plutôt essaya de se calmer.
Il y avait eu un nouveau bruit. Plus proche.
Tout en elle lui criait de partir en courant, alors que son corps, lui, était pétrifié et craignait le résultat que lui procurait le moindre mouvement, ses oreilles étaient à l'écoute de tout. Elle se sentait observée de tous les côtés. La seule chose qu'elle réussit à faire est de se coucher en boule sur ce sol humide et recouvert de feuilles mortes, des larmes ruisselantes sur ses joues de petite fille.
Doucement, elle s'endormit.
Des pas. Des personnes s'approchaient d'elle.
- Marion, tu vas m'écouter attentivement, quelqu'un veut nous faire du mal, je vais te faire passer par la fenêtre grâce à la magie et tu vas courir le plus loin possible pour te cacher. Tu ne vas vers personne, même si elle te propose de l'aide, même si tu la connais, même si c'est nos amis, même si c'est papa. D'accord ? Vas-y.
Les mots de sa mère tournaient en boucle dans sa tête. Elle aurait voulu bouger, partir, continuer de courir, mais elle n'y arrivait pas, son corps était trop fatigué, trop lourd. Des gens parlèrent entre eux, puis quelqu'un s'avança vers elle et la prit dans ses bras. Elle voulut ouvrir les yeux, n'y arriva pas.
Paupières trop lourdes.
Ou manque de force.
La personne qui la portait se mit à marcher. Les ballotements que produisaient les foulées de l'individu la firent replonger dans l'inconscience.
Elle se réveilla couchée dans un lit. Les gens installés autour d'elle ne l'avaient pas remarquée et elle referma les yeux pour les écouter parler.
- Nous avons de la place, nous pouvons la garder, dit une jeune femme.
- Me voilà rassurer. Je dois avouer que je n'aurais pas pu la garder, je suis bien trop vieille pour éduquer une petite fille, avoua une femme dont la voix lui était familière.
- Savez-vous où sont ses parents, ce qu'ils leurs sont arrivés, s'il lui reste de la famille ou autre chose en particulier, car ces informations sont importantes, nous aimons connaître le passé de nos orphelins, car en grandissant ils veulent le savoir et c'est rares que nous ayons les réponses à leurs interrogations…
- Oui je comprends. Hier soir, j'avais commencé à préparer mon souper plus tard que d'habitude, quand j'ai remarqué qu'il me manquait de la crème. J'aurais pu m'en passer, mais puisque je savais ma voisine forte sympathique je suis allée lui en demander. Ma voisine était peut-être sympathique, cependant ce n'était pas le cas de son mari. Il ne me parlait jamais, me saluait que lorsque sa femme était à côté, je la soupçonnais d'ailleurs de l'obliger, il me regardait de haut, me méprisait, comme s'il était supérieur à moi d'une quelconque façon et travaillait tout le temps. Enfin bref, je m'égare. Je disais donc que je suis allée chez les Emérithe pour demander à la charmante Louise de la crème, en supposant qu'avec un peu de chance son mari ne serait pas là. Mais lorsque je suis arrivée, la maison était en feu. J'ai appelé la police et les pompiers. Ils ont retrouvé David devant la porte et Louise devant la fenêtre dans la chambre de leur fille, morts, mais aucune trace de l'enfant. Les autorités ont cherché la petite partout et l'ont trouvée dans la forêt, avec ce sac à dos. Personne ne connait la cause de l'incendie, on pense que c'était volontaire. Je me suis rendue ce matin dans la maison pour essayer de retrouver quelques choses qui auraient échappé aux flammes, mais il ne reste rien, pas l'ombre d'un souvenir…
- Bien… Merci pour votre récit Mme Palmas, Je vous en suis très reconnaissante. Ne vous inquiétez surtout pas pour Marion.
Les deux femmes sorties tout en continuant de discuter, la laissant seule.
Morts.
C'était impossible.
Il n'y avait pas eu d'incendie ! Mais elle ne pouvait pas le dire, elle était chez des Moldus, elle ne pouvait pas en parler…
Pourquoi n'était-ce pas des sorciers qui l'avaient retrouvée ?
Pourquoi c'était la voisine, une Moldue, qui les avait trouvés en premier ?
Où était-elle ?
Après un bon moment de cogitation, elle se rendormit, les joues mouillées.
Des dizaines de chuchotements la réveilla, elle ouvrit les yeux et vit…
- Bienvenue à l'orphelinat de Wesfold !
…pleins d'enfants de tous les âges autour d'elle. Elle était donc dans un orphelinat…
Génial.
Ils se rapprochèrent de son lit et lui posèrent des questions tous en même temps. Elle essaya de répondre à tout le monde du mieux qu'elle put.
- Comment on doit t'appeler ?
- Marion ou…
- Samira?
- Euh… Et bien… C'est comme vous voulez… Comment vous avez appris mes deux prénoms ?
- C'est Mlle Cremia…
- Qui nous les a dit, ils étaient écrits…
- Dans ton agenda scolaire qui se trouvait dans…
- Ton sac !
Elle avait de plus en plus de mal à les comprendre, ils parlaient tous en même temps. Le souvenir de sa mère qui m'était ses habits dans son sac d'école lui revint en mémoire et des larmes lui montèrent aux yeux. C'est à ce moment-là qu'elle se souvint de l'anneau que sa mère lui avait glissé dans sa poche. Elle le ressortit et le passa à son doigt. Il était bien trop grand pour ses petits doigts d'enfants, mais c'était la seule chose qui lui restait, alors elle trouverait un moyen de le porter. Elle fit part de son problème aux orphelins qui y réfléchirent longuement.
- J'ai trouvé ! cria un petit garçon blond, on n'a cas trouver une ficelle et l'utiliser comme un collier !
Des murmures d'approbations se rependirent dans la petite chambre.
- C'est une très bonne idée John ! Allons vers Mlle Cremia ! Elle trouvera surement quelque chose.
Dans un grand « ouais ! » collectif, ils sortirent tous en courant dans le corridor. Elle les suivit, en prenant la peine de rester à l'arrière. Si son père voyait qu'elle allait vivre entourée de Moldus, que dirait-il ?
Ils étaient arrivés dans une grande pièce, avec tout le monde qui s'y trouvait, elle ne voyait pas comment elle était, mais elle laissait penser à une salle à manger. Tous les enfants parlaient maintenant en même temps et la femme, à qui ils essayaient d'expliquer le problème, avait l'air d'avoir de la peine à comprendre.
- Marion ?
L'ensemble des orphelins se déplacèrent afin de lui laisser la place pour avancer vers la jeune femme qui devait être la fameuse Mlle Cremia. Elle marcha lentement vers elle en prenant le temps de la dévisager. C'était une jeune femme qui devait encore être dans la vingtaine, elle avait les yeux bleus, légèrement cachés par sa frange rousse. Ses cheveux mi-longs, lui arrivaient aux épaules en ondulant et un sourire bienveillant avait l'air de ne jamais se décoller de son visage.
- Désolé de n'avoir pas été là pour ton réveil, mais je devais mettre la table pour le diner. Tu ne m'en veux pas j'espère ?
Elle fit non de la tête.
- Et tu as mal à quelque part ?
Elle répéta son geste.
- Les enfants m'ont expliqué pour ton anneau, je peux le voir ?
Elle lui tendit l'anneau de sa mère, hésitante. Et la jeune femme le vit.
- Je te le rendrai juste après, promis, la rassura-t-elle, où l'as-tu eu ?
- Ma maman me l'a donné juste avant de… de… Il appartient à la famille depuis longtemps.
Elle hocha la tête, n'ajouta rien, et alla dans sa chambre. Elle revint quelques minutes plus tard avec une longue chainette. Elle y glissa l'anneau et la mit autour du cou de la fillette.
- Merci, chuchota-t-elle.
- Je t'en prie Marion. Et bienvenue à l'orphelinat.
