C'est une histoire comme connaissent tant de gens. Il marchait seul dans la rue, mains glissées dans les poches de son pantalon, le pas aussi souple que celui d'un chat et le regard aussi perçant. Elle glissait sur les pavés comme le vent se faufile entre les branches une belle journée d'été, le regard vif et le pas assuré. Ils se croisèrent au beau milieu de la rue sombre et vide, observant l'autre du coin de l'œil. Il eut un sourire satisfait, comme s'il savait déjà ce qui allait se passer et qu'il s'en réjouissait d'avance. Il sortit ses mains de ses poches et les frotta l'une contre l'autre. Elle s'arrêta et le regarda, à la fois inquiète et curieuse. Il croisa son regard bleu et stoppa son geste, sourcil haussé. L'inquiétude de la jeune femme disparut totalement pour laisser place à cette petite étincelle qui brûle dans le cœur de chacun.

- T'as pas peur ?

Il ne comprenait pas. Normalement il ne leur adressait pas la parole avant, il ne leur posait même pas de questions, il ne réfléchissait pas. Elle secoua la tête, un sourire amusé aux lèvres.

- Et pourquoi j'aurais peur ?

Il fut surpris de se rendre compte à quel point sa voix pouvait être douce et chaleureuse à la fois, de voir à quel point il la trouvait… humaine. Non, il était surpris de la voir comme un être à part entière.

- Quel est ton nom ?

Elle pencha légèrement la tête sur le côté, un doigt posé sur sa joue dans une pose de réflexion intensive, les lèvres étirées en une petite moue sérieuse. Il ne put s'empêcher de rire tellement cette simple question semblait la plonger dans de profondes pensées.

- A votre avis, quel est mon nom ?

- C'est dans votre habitude de répondre aux questions par des questions ?

A elle de rire. Il frissonna de plaisir à ce son cristallin, merveilleusement agréable à ses oreilles.

- J'aime bien ne pas être la seule à me casser la tête. Allez, donnez un nom.

C'était tellement idiot à ses yeux, mais il tenta le coup quand même. Il aimait jouer, même si ce n'était pas de cette façon qu'il s'amusait.

- Aurélie ?

Elle secoua la tête l'air navré.

- Avez-vous si peu d'imagination ?

- Jeannine ?

Elle avança d'un pas vers lui et sourit, mains croisées dans son dos. Elle avait l'air d'une petite enfant face à une poupée au teint de porcelaine, presque aussi sacré à ses yeux que pouvait l'être une arme à feu pour un soldat.

- Perdu. J'ai une tête à m'appeler Jeannine ?

- Gertrude ?

Elle s'avança encore d'un pas et secoua la tête. Il la regardait, de plus en plus amusé par son comportement. Ses mains glissèrent à nouveau dans ses poches.

- Je commence à être à cours d'idée…

Elle avança encore d'un pas et se retrouva tout contre lui. Elle leva ses yeux bleus rieurs vers lui et lui fit signe de se pencher vers elle. Il s'exécuta, curieux de connaître enfin le prénom de la demoiselle. Elle posa son doigt sur ses lèvres, puis sur les siennes et esquissa un petit sourire. Puis elle recula pas à pas, tout doucement, jusqu'à se fondre à nouveau dans l'ombre du mur de la ruelle. Il haussa les épaules, puis reprit son chemin. Mais il ne put continuer bien loin avant de revenir sur ses pas. Elle était toujours là, la jeune fille aux yeux bleus, le regard fixé sur lui.

- Vous ne voulez toujours pas me dire votre prénom ?

Elle lui sourit, un peu tristement.

- Pourquoi ? Vous en rappellerez vous ?

Il réfléchit une seconde, puis vint vers elle tranquillement.

- Ceci, je ne l'oublierai pas.

Il posa délicatement sa main sur cette joue frêle. Elle ferma les yeux pour apprécier la caresse. Son visage si apaisé le fit frémir. Il se pencha encore, jusqu'à ce que leurs lèvres se frôlent. Et en un baiser, ils scellèrent leur promesse.

- Vous me le direz, un jour ? lui chuchota-t-il à son oreille.

- Un jour, qui sait…

Il plongea une dernière fois son regard dans ses yeux bleus, ce bleu si profond et mystérieux.

- Vous me faites penser à l'océan…

- Et vous à la folie des hommes, monsieur l'homme au regard d'or.

C'est une histoire comme connaissent tant de gens, ce qu'on appelle un coup de foudre. Ce qui l'a rendu si exceptionnel, c'est peut être parce qu'il ne savait pas aimer. Pourtant cette nuit là, Zolf J. Kimblee avait fini par ouvrir son cœur, ne serait ce que durant que cette petite seconde. Mais aujourd'hui et à jamais, et il le sait, il l'aime.