Disclaimer : l'univers de Pirates des Caraïbes appartient à Walt Disney.
Rating : T ou PG-13
Avertissement : cette fanfiction est une prequelle du Mystère du Queen Mab, mais il n'est pas nécessaire d'avoir lu cette dernière pour comprendre celle-ci.
Chapitre 1
Mauvais départ
Les dernières notes de la sonate s'envolèrent et aussitôt le musicien, un garçon efflanqué, se tourna vers son professeur d'un air anxieux.
« Très bien, très bien, Mr Norrington, fit-celui-ci avec un hochement de tête appréciateur. Vous avez parfaitement respecté le rythme cette fois-ci. Essayez cependant d'y mettre davantage d'émotion. C'était un peu mécanique. »
Le vieil homme se leva et s'apprêtait à prendre congé, la leçon hebdomadaire étant finie, quand il fut interrompu par l'arrivée d'une femme d'une trentaine d'années à la mine fatigué.
« Oh, bonjour, Mr Crawley. J'espère que la leçon a été satisfaisante ?
– Tout à fait, Mrs Norrington. Votre fils est très doué. »
La femme sourit mais ne se départit pas de son expression soucieuse et se tourna vers le garçon.
« James, ton père ne devrait pas tarder à arriver. Bernard était au village et il l'a aperçu dans la voiture de poste. Tu devrais te préparer à l'accueillir. »
L'air radieux que le garçon avait affiché aux compliments de son professeur s'effaça immédiatement.
…
Une demi-heure plus tard, la mère et le fils attendaient dans le grand hall de la vaste demeure, quand un homme de haute taille à l'aspect sévère, vêtu d'un uniforme d'amiral, franchit la porte d'entrée. Les salutations furent des plus froides, après quoi la petite famille se rendit dans le salon où le thé les attendait.
« Je ne pensais pas vous revoir si tôt », commença Mrs Norrington d'un ton neutre.
L'amiral ne daigna pas répondre. Cela faisait six mois qu'il était parti en mer, et il savait qu'il n'avait pas manqué à grand monde dans la maisonnée.
« Pourquoi n'arrive-t-il toujours pas à se tenir droit ? » lança-t-il sèchement après un coup d'œil en direction de son fils.
Celui-ci rougit. À douze ans, il dépassait déjà d'une bonne tête tous les garçons de son âge, ce qui ne manquait pas d'attirer l'attention sur sa personne, chose qu'il préférait généralement éviter. Se tenir courbé dans une tentative de diminuer l'écart était une habitude bien implantée désormais.
« J'avais pourtant fait l'acquisition d'un appareil pour qu'il se tienne correctement, continua l'amiral Norrington. Qu'en avez-vous fait ? »
James serra les dents au souvenir de l'espèce d'instrument de torture destiné à lui donner une posture bien droite. Dès que l'amiral avait rejoint la flotte pour sa dernière expédition, Mrs Norrington avait jeté l'instrument derrière la maison en déclarant que plus jamais son fils ne porterait une chose pareille. Ce dernier s'était empressé de le récupérer et l'avait revendu à un de ses amis du voisinage féru de bricolage, qui avait été ravi de trouver un nouvel objet à démonter et remonter.
Devant le silence de son épouse, l'amiral eut un reniflement de frustration.
« Et qu'en est-il de sa conduite ?
– Oh, tout le monde est très content de lui, assura Mrs Norrington, soulagée de se retrouver en terrain plus sûr. Son précepteur trouve qu'il est très doué, ainsi que son professeur de dessin, et son professeur de musique, qui était là à l'instant…
– Félicitations, ma chère, vous en avez fait de toute évidence une jeune fille accomplie, l'interrompit l'amiral d'un ton sarcastique. J'espère être revenu avant que les dégâts ne soient trop profonds, même si j'en doute. Quoiqu'il en soit, James, il ne sera désormais plus question de musique et autres absurdités. J'ai convaincu le capitaine Cole, du Flamboyant,de t'accepter à son bord comme aspirant. Le départ est pour dans un mois. »
James ne put trouver que répondre à cela. Il avait toujours su qu'il était destiné à être officier de marine, comme son père, et n'avait jamais envisagé une autre existence. Il se doutait qu'il était à présent en âge d'embarquer pour apprendre son métier. Mais tout était si soudain…
– Où… Où irais-je ? balbutia-t-il.
– Bombay, répondit négligemment son père. Le Flamboyant a pour mission d'escorter un navire de la Compagnie des Indes et de le protéger des attaques de pirates éventuelles.
– Bombay ! s'exclama sa mère. Il sera absent pendant plus d'un an ! »
L'amiral lui lança un regard agacé.
« Il faudra en prendre votre parti, très chère. J'aurais volontiers laissé James à vos côtés si j'avais eu un autre fils un peu plus dégourdi à envoyer en mer.
– Si je ne vous ai pas donné d'autres enfants, la faute ne me revient pas », rétorqua Mrs Norrington avec mépris.
L'amiral pâlit et se tourna immédiatement vers son fils.
« Allez dans votre chambre, James pendant que nous finissons cette discussion. »
James obéit et quitta la pièce après un dernier regard anxieux vers sa mère. Une fois dans sa chambre, il se laissa tomber sur son lit. Moins d'une heure auparavant, il était encore tranquillement absorbé par son cours de musique, sans se douter que son père revenait une fois de plus troubler l'atmosphère paisible de la maison, définitivement cette fois. Il savait qu'il devait admirer son père. Après tout, son entourage ne cessait de lui répéter que l'amiral était un homme admirable. Il avait sauvé tant de personnes de pirates sanguinaires, et protégé la Couronne des ambitions des nations voisines. James devait faire de son mieux pour suivre ses traces, et malheureusement, rien ne lui paraissait plus difficile.
Quoiqu'il en soit, il allait devenir aspirant de marine… Était-il vraiment fait pour cette vie ? Son père avait peut-être de bonnes raisons de supposer le contraire.
…
Un mois plus tard, James Norrington se tenait sur un quai de Portsmouth, assis sur sa lourde malle. Affublé d'un uniforme d'aspirant trop grand pour lui, il attendait qu'un canot l'emmène à bord du Flamboyant, une frégate ancrée non loin. Malgré ses inquiétudes, il devait admettre que le navire avait fière allure.
Il retroussa vainement les manches de son manteau. Le tailleur avait insisté pour que l'uniforme soit un peu grand :
« Les garçons de cet âge sont en pleine croissance, avait-il expliqué à sa mère, et une fois loin des côtes, on ne pourra plus lui en tailler un autre. Mieux vaut se montrer prévoyant. »
James avait retenu un gémissement. Il n'allait tout de même pas encore grandir ? Mais qu'il le veuille ou non, il en était là, avec une allure plus proche de celle d'un épouvantail que d'un officier du roi. Arriverait-il vraiment à être pris au sérieux par qui que ce soit à bord dans ces conditions ?
« Eh, jeune monsieur ! Sur quel navire vous vous rendez ? »
James leva la tête et aperçut un vieux marin dans un canot qui lui faisait signe.
« Le Flamboyant.
– Pas de chance pour vous, fit le loup de mer avec une grimace. Faîtes-moi passer votre malle et embarquez ! »
Alors que James venait de prendre place et que son guide s'emparait de ses avirons, un homme en uniforme de lieutenant les héla :
« Permettez que je vous accompagne ! Lieutenant Ferguson, du Flamboyant ! »
James salua maladroitement celui qui allait être un de ses supérieurs hiérarchiques pendant les mois à venir. L'homme avait dépassé la trentaine, ce qui était vieux pour quelqu'un de son grade, et affichait un air morose. Le jeune aspirant se poussa pour lui faire de la place, se demandant quel genre d'officier il était.
…
Dans la grande cabine de la frégate, le capitaine Oliver Cole, un individu à la large carrure et à l'air rude, mettait un terme à son entretien avec le représentant de la Compagnie des Indes, un jeune homme de petite taille, qu'ils escorteraient jusqu'à Bombay.
« Le Flamboyant est la plus belle frégate jamais sortie de nos chantiers, assurait Cole en reconduisant le petit homme vers le pont. Sa seule présence dissuadera la plupart des forbans, mais en cas d'attaque, elle sera parfaitement à la hauteur.
– Il vaudrait mieux, répondit nonchalamment le représentant de la Compagnie.
– Et j'espère avoir le bonheur de vous avoir comme hôte à bord un soir ? Le voyage sera si long que quelques dîners fins seront une distraction bienvenue, Mr Beckett.
– Naturellement. »
Une fois que l'homme fut parti rejoindre son propre navire, Cole se tourna vers Harvey Jackson, le deuxième lieutenant.
« Ferguson n'est toujours pas revenu, j'imagine ? S'il ne regagne pas le bord d'ici la marée, nous partirons sans lui, et il fera avec.
– Il ne s'est absenté que quelques jours, pour les funérailles de son fils, fit remarquer faiblement Jackson.
– Je le sais bien, c'est tout de même moi qui lui ai accordé ce congé ! Dieu sait quel besoin il a d'organiser des funérailles, ce qui restait du garçon a été livré aux flots, comme d'habitude. Enfin, une semaine de congé ou un jour, quelle différence, c'est en revenir à temps qui compte. Et les aspirants ? Sont-ils tous là ? Nous avons deux nouveaux.
« Mr Black et Mr Norrington, oui. Mr Black est arrivé il y a un quart d'heure, mais il ne se sentait pas très bien. Mr Norrington n'est pas encore là.
– Le fils de l'amiral se fait désirer, hein ? Je peux difficilement refuser une faveur au père, sans cela… Mais n'est-ce pas Ferguson qui arrive ? ajouta-t-il en désignant un canot qui fendait l'eau dans leur direction. Et un aspirant, ça doit être lui. Dès qu'il sera à bord, envoyez dans ma cabine tous les jeunes messieurs. Un petit discours de bienvenue devrait mettre les points sur les i à ces jeunes blancs-becs. »
…
À peine James eut-il posé un pied à bord qu'il manqua d'être renversé par un groupe de matelots qui se pressaient vers le mat de misaine, non sans l'avoir salué machinalement au passage. Reprenant tant bien que mal son équilibre, il sursauta quand un lieutenant se matérialisa devant lui.
« Mr Norrington ? Allez rejoindre les autres aspirants dans la cabine du capitaine. »
Au moins, celle-ci, gardée par un fusilier marin en sentinelle, était-elle facile à trouver. Quand il entra, Cole lui tournait le dos, le regard fixé sur les quais qu'on voyait de l'autre côté des fenêtres de poupe. James se rangea aux côtés des trois autres aspirants, les examinant rapidement. Il retint un gémissement. À l'exception du plus jeune, un garçon malingre au teint verdâtre, ils avaient l'air plus âgé que lui. Mais il les dépassait tous en taille, même le plus vieux, qui paraissait avoir franchi le cap de la vingtaine.
« Ah, enfin ! lança Cole en se retournant brusquement. Comme le disait ce roi français dont nous sommes heureusement débarrassés à présent : « J'ai failli attendre. ». Puisque nous sommes au complet, je vais pouvoir commencer. Je connais déjà messieurs Davidson et Baker, qui n'ont je l'espère pas oublié ce que j'attends de mes hommes. Si c'est le cas, un petit rappel leur sera bénéfique. Quant à vous qui venez à peine de quitter les jupes de vos mamans, je tiens à vous avertir que vous êtes à présent des officiers du roi. Peu importe votre âge et la façon dont vous étiez traités avant, à partir de maintenant, je m'attends à ce que vous vous fassiez respecter de vos hommes. Une erreur ne vous vaudra pas une mauvaise note, ici. Mr Norrington ? »
James releva la tête, inquiet :
« Monsieur ?
– J'ai appris que vous avez eu une éducation très… raffinée. Vous a-t-on par hasard enseigné l'art de vous tenir droit ? Redressez-vous, bon Dieu, vous avez l'air d'un singe. Seuls les êtres humains sont autorisés à passer l'examen de lieutenant. »
Un des aspirants plus âgés laissa échapper un ricanement. Le regard de Cole passa sur lui pour se fixer sur son voisin.
« Vous riez, Mr Baker ?
– Non, monsieur, protesta Baker, l'aspirant qui avait dépassé la vingtaine.
– Vous me contredisez, Mr Baker ? Combien de fois avez-vous été candidat à cet examen ?
– Quatre fois, monsieur.
– Oubliez ce que je viens de vous dire, Mr Norrington, lança Cole, sarcastique. Au moins un singe a été autorisé à passer l'examen. Pour des résultats nuls, comme on le voit. Vous serez en bonne compagnie, tous les deux. Maintenant rejoignez votre carré, et soyez prêt au moment même où l'on vous demandera. »
En sortant de la cabine, James croisa le regard narquois de Davidson, l'aspirant qui avait ri et laissé son camarade être réprimandé à sa place. Âgé d'environ quinze ans, il faisait une tête de moins que James mais était beaucoup plus large d'épaules et affichait un air sur de lui.
« Je ne trouve pas que vous avez l'air d'un singe, moi, ricana-t-il. Plutôt à un de ces animaux avec des longues pattes, vous savez ? Une girafe ou un dromadaire… »
Avant que James ait pu trouver un moyen de répliquer, par une remarque acide ou un coup de poing sur le nez, les deux étaient tentants, le jeune Mr Black fournit une diversion en vomissant inopportunément à leurs pieds.
« Ah bravo, quel crétin, il y en a qui ne sont vraiment pas fait pour la marine, vitupéra Davidson, furieux au spectacle de ses souliers salis.
– Conduisez-le plutôt à son hamac, il n'y a pas de honte à souffrir du mal de mer les premiers jours. »
Ferguson venait d'apparaître derrière eux, se rendant de toute évidence à son tour chez le capitaine. Davidson saisit un des bras de Black de mauvaise grâce, et James s'apprêtait à en faire autant de son côté quand le lieutenant le retint par l'épaule.
« Ne répondez à aucune provocation de la part de Mr Davidson, conseilla-t-il à voix basse. Vous n'en retirerez que des ennuis, et aucun respect de sa part ou de celle des autres.
– Bien monsieur », répondit platement James avant de rejoindre les autres.
Ferguson avait beau dire, pensa plus tard James en se glissant dans le hamac qui serait le sien pendant toute la durée du voyage, serré entre celui de Baker et la cloison, il n'avait pas l'intention de se laisser faire. Il avait bien l'intention de montrer à tout le monde, son père, Cole et Davidson en particulier qu'il avait l'étoffe d'un officier. Même si pour l'heure, il avait surtout envie de rentrer chez lui auprès de sa mère.
…
À suivre.
Note : le titre est une allusion à Mr Midshipman Hornblower, de C.S Forester, le pape du roman d'aventures se déroulant dans la Royal Navy de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.
