Peter regardait les traits du soleil se dessiner à travers les nuages, seul l'odeur d'humidité et ses vêtements témoignait de la récente averse. Si seulement tout pouvait être aussi limpide que cette pluie. Il était sorti mû par son instinct comme attiré par cette eau. Pouvait-elle apaiser ce brasier en lui?
La lande anglaise s'étendait à sous son regard mais quelque chose de différent y éveilla son intérêt; il lui semblait que pour la première fois il voyait ce paysage pourtant arpenté tant de fois. Pourquoi? Pourquoi tout devait toujours lui rappelait ce qu'il avait perdu... Narnia lui manquait tant, ses collines vertes, orangées à l'automne, blanche et puis il y a les arbres, le parfum des fleurs, des personnes avec qui parlait et surtout son pays, son devoir, son fardeau tout ce pourquoi il avait tant donné. Donner jusqu'à oublier l'Angleterre car pour une fois il avait eu le choix. Et il avait ce choix, sa maison était Narnia; vous savez lorsque vous regardez le paysage par la fenêtre et que votre coeur s'apaise, oui c'était chez lui. Oh roi n'avait sans doute pas était une sinécure, mais là-bas tout lui était si évident jamais il n'avait eu à douter de sa présence, de son rôle de ses devoirs. L'évidence ici ne lui apparaissait pas, il acceptait les dires d'Aslan et pensait que le temps ferait le reste. Du moins c'est ce qu'il se répétait. C'est comme si le sens des choses n'étais plus, que faire désormais? Il marchait perdu, ivre de ses souvenirs qui n'aurait pu être que des fantasmes si sa fratrie ne l'en rassuré pas à longueur de journée. Tout était à reconstruire ici, lui en partie, ses idées, sa place, que faire? Que penser de ce monde, "son" monde? Ces questions lancinantes tournaient comme une ritournelle dans son esprit, et quand cela cessait un vide terrible prenait place.
Mais ce matin, cette pluie et la lande tout était différent. Quelque chose l'appelait et l'accueillait, quelque chose d'infime et pourtant omniprésent ce qui lui insufflait sa force à Narnia, peut-être? Non ce n'est pas cela mais ça n'en n'est pas très différent. Il ferma les yeux et ressenti une chaleur dans sa poitrine et quand il rouvrit ses yeux ce fut pour apprécier non pas un simulacre du pays mais bien l'Angleterre. Ce paysage il le voyait, il l'observait. Le ruisseau chantait, l'herbe fredonnait, le vent sifflait; tout son être vibrait au rythme de son observation. C'est comme si l'on venait de soulever le voile gris, les couleurs reprenaient de leur intensité, un ensemble de possible se découvrait. Il saisissait un peu de paix, se sentait en accord. Il comprenait ou plutôt commençait à ressentir. Les questions, le vide, ils étaient là mais ne le dérangeait pas un peu comme un souvenir qui nous rassure, nous apaise. Non tout n'étais peut-être pas à reconstruire.
Des bruits de pas foulant l'herbe humide se firent entendre et une légère bise vint caresser sa peau. Alors Peter sourit comme il l'avait fait en passant la première fois l'armoire. Un sourire d'enfant émerveillé qui sent que c'est le début, un sourire qui rayonnait, illuminait, réchauffait son âme; à moins que ce ne soit ce soleil après la pluie! Susan posa une main sur l'épaule de son frère et lui sourit complice, Edmund se plaça à sa gauche et Lucy l'enlaça. Tous les quatre regardèrent le soleil se lever et triompher de la grisaille.
