Le hall de l'Hyperion est calme ce soir. La lumière feutrée des antiques luminaires éclaire à peine les visages fermés de vos compagnons, réunis à vos côtés sur le canapé central. Vous baignez tous dans une ambiance fébrile, attentifs au moindre son et à la plus petite manifestation en provenance de la pièce servant de bureau à Angel Investigation.
« Pour que le cousin de Lorne soit revenu le voir, c'est qu'il doit y avoir une excellente raison, vous chuchote Angel d'une voix de conspirateur. La dernière fois que nous avons vu sa famille, sa mère lui a craché dessus avant de lui souhaiter de brûler en Kraknah. Et son frère a fait la danse du déshonneur. Ou celle de la joie, je ne sais plus trop. »
Vous vous dénuquez pour lancer un regard inquisiteur vers la petite pièce dans laquelle votre ami démoniaque s'est enfermé avec son cousin de Pylea, Longput. Voilà maintenant une demi-heure qu'ils discutent tous les deux et, comme vos amis, vous subissez de plein fouet les affres de la curiosité.
« Peut-être qu'ils regrettent…, avancez-vous sans trop y croire.
- J'en doute », vous répond le vampire.
Vampire, démon… Vous réalisez subitement que vous vivez un étrange quotidien depuis… Vous soupirez. Depuis toujours. Aussi vrai que vous vous appelez Windom-Pryce et que vous descendez d'une longue lignée d'Observateurs.
« Attention, le voilà… », prévient Cordélia.
Vous vous retournez vers les portes en même temps que le reste du groupe pour voir Lorne réapparaître. Seul. Vous devez reconnaître que l'absence de Longput vous soulage étrangement.
« Ton cousin n'est plus là ? demande Cordélia d'une voix plus aigüe que d'habitude.
- Il est reparti à Pylea, il a… (Vous voyez Lorne hésiter un court instant) des affaires en cours.
- C'est dommage, il aurait pu rester pour le dîner…, insiste naïvement Cordy.
- A moins que tu ne te sois proposée comme repas, ma chérie, je doute que ton invitation l'aurait vraiment retenu. »
Vous aviez presque réussi à oublier à quel point les pyléens sont friands de votre venaison. La terre d'origine de Lorne est un endroit charmant dans lequel vous vous étiez promis de ne jamais remettre les pieds. Votre existence a beau être saturée de monstres anthropophages et autres horreurs lovecraftiennes, vous préférez éviter de provoquer certaines rencontres déplaisantes.
« Que t'a-t-il dit ? intervient Angel, les sourcils froncés.
- Quitte ce visage crispé, mon mignon. Il venait m'annoncer une bonne nouvelle. Du moins la première partie. Je vais devoir me marier.
- Félicitations, Lorne ! », vous exclamez-vous le plus sincèrement possible.
Votre lourd handicap social, héritage d'un père strict, coincé et dépourvu de la moindre capacité à ressentir des émotions, s'améliore progressivement au contact de vos amis. Pour autant, ce compliment sonne un peu feint et exagéré dans votre bouche et vous vous dîtes que vous avez encore du travail pour espérer vous fondre de manière civilisée dans la société.
« Oui, c'est formidable, continue Cordélia. Nous sommes invités ?
- Non, les interrompit Lorne, vous n'y êtes pas, ça, c'est la mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que maman est morte. »
Vous et Gunn vous regardez, gênés et, à vos côtés, Cordy sursaute en plaquant ses mains sur sa bouche.
« Nous sommes désolés, commencez-vous doucement, sans trop savoir quelle réaction adopter.
- Ne le soyez pas, lâche Lorne avec un sourire gigantesque, cela fait un millénaire que j'attends ça…
- Lorne…
- Allons, Angel, tu as vu de quelle façon ma famille me traitait. Un membre en moins, ça ne peut pas faire de mal.
- Mais c'était quand même ta mère… tu n'as pas un tout petit peu de chagrin ? demande timidement Cordélia.
- Tu sais, ma jolie, mes rapports avec ma mère se sont nettement dégradés depuis le jour où j'ai accidentellement mis le feu à sa barbe.
- Oui mais…
- Ce n'est pas ce qui me perturbe le plus, la coupe Lorne en secouant la tête. Puisque mes parents ont mangé mon premier frère, je suis l'aîné de la famille et je me retrouve avec des responsabilités auxquelles je me soustrairais volontiers si les conséquences n'étaient pas si graves.
- Graves comment ? » demandez-vous niaisement.
Question stupide. Vous avez bien un petit soupçon sur la réponse.
« Le shorklah de mon clan.
- Shorklah ?
- L'exécution publique. »
Votre soupçon était bon. Evidemment, vivre au milieu de la lie de l'obscurité ne vous a guère préparé à d'autres dénouements que les massacres dans un bain de sang. Vous évoluez dans un milieu ingrat où l'on ne voit pas souvent de petites fées colorées chantonner dans les prés tout en tressant des colliers en papillons.
Un silence pesant s'installe entre vous et Lorne fait une petite moue indécise.
« Personnellement, cela ne me dérangerait pas si le shorklah ne me concernait pas également », commente-t-il, songeur.
Vous décidez prudemment de ne pas encourager Lorne sur ce genre de confidences sur ses sentiments profonds concernant le reste de sa famille et l'incitez à reprendre une conversation qui ne vous rappellera pas vos propres démons.
« Tu as parlé d'un mariage ? »
L'Hôte acquiesce d'un air grave.
« Par tradition, pour avoir le droit d'exercer pleinement son pouvoir, le chef de famille doit avoir subi la cérémonie du konshahy. Un mariage, précise-t-il en remarquant sans doute que vous l'observez tous fixement sans comprendre. Il faut que je trouve une épouse avant la prochaine lune Pylea.
- Ce qui te laisse combien de temps ? demande Angel.
- Si je compte bien, deux jours. »
Voilà qui ne va pas être coton. Si Lorne, avec sa tête de démon (tout bienveillant et anagogique qu'il soit), trouve une épouse en deux jours alors que vous-même essayez désespérément depuis foulàlà, vous promettez de vous faire moine.
« Tu pourrais peut-être passer une annonce, propose votre chère petite Fred. « Démon vert, mille ans, animateur de karaoké, possédant garde-robe colorée, cherche conjoint urgent pour éviter massacre de sa famille ». Si tu veux, je la poste sur internet tout de suite. »
Après avoir débité d'une traite cette phrase hors du temps, elle vous gratifie d'un sourire radieux qui vous liquéfie les genoux. Vous aimez cette fille. Dieu que vous l'aimez !
Lorne la regarde sans rien dire pendant quelques secondes et vous vous surprenez à sourire vous aussi. Fred fait souvent cet effet aux gens. Au bout de plusieurs longues secondes de silence, vous voyez votre ami inspirer profondément avant de tenter une réponse.
« Oui, eh bien laisse tomber l'annonce, trésor, tu seras mignonne.
- C'est peut-être pas si bête comme idée, dit Gunn, parce qu'à moins que tu ne connaisses déjà ta future femme, tu n'arriveras pas à trouver quelqu'un et à la convaincre de t'épouser à temps.
- Tu veux dire malgré mon charme naturel et ce teint délicieux que tout le monde m'envie ?
- Euh… », bredouille Gunn, désarçonné.
- Il n'a qu'à choisir entre Cordélia et moi, suggère Fred.
- Hé ! », proteste énergiquement Cordy.
Hé ! protestez-vous dans le secret de votre tête.
Le démon secoue la tête.
« C'est un peu ça que j'avais en tête à vrai dire. Avec une nuance toutefois. Vous réfléchissez trop comme des humains.
- Excuse-nous d'en être, s'indigne Cordélia.
- Ce n'était pas une insulte, ma chérie, l'apaise Lorne. Vous oubliez tous que, dans mon espèce, les femelles sont loin d'avoir les charmes d'ici.
- Ce qui veut dire ? demandez-vous, interloqué.
- Ce qui veut dire que, sur Pylea, nous n'avons rien qui ressemble de près ou de loin aux femelles humaines. Ce qui veut dire, répète-t-il d'une manière que vous jugez un peu trop théâtrale, que, si je devais faire un choix entre vous selon les critères pyléens, je devrais plutôt me tourner vers Angel, Gunn ou Wesley…
- Eh ! clame Gunn. Je suis un mec !
- Tu n'as pas vu sa mère… bredouille Angel, inquiet, en caressant machinalement son menton sur lequel pointent quelques poils de barbe. »
Gunn et son concept personnel de la virilité. Bon, vous reconnaissez que, même évoqué de façon si maladroite, vous partagez un peu son point de vue. Vous non plus n'avez pas spécialement envie de batifoler devant l'autel au bras de Lorne.
« Et puis c'est pour sauver Lorne », renchérit Cordélia.
Evidemment, maintenant qu'elle ne sent plus concernée, Miss Chase a retrouvé la logorrhée naturelle que le monde entier vous envie.
« C'est dommage, dit Fred, boudeuse. Ça m'aurait bien plu de faire ce mariage. »
Etonnant comme certaines femmes sont connectées à leur cerveau. Ou pas.
Si vous aviez su qu'il suffisait de raconter à Fred une histoire de roman de gare pour qu'elle accepte de vous épouser dans les deux jours… Cela dit, avec votre chance, vous risquiez de vous retrouver avec deux possibilités : petit un, elle ne vous croit pas et vous regarde comme un idiot… petit deux, votre préférée, elle ne vous trouve pas autant à son goût qu'Angel. Ou Lorne, de toute évidence. Vous songerez plus tard à aller vous jeter sous un train.
« Si mon clan n'avait pas des goûts aussi lamentables, c'est toi que j'aurais choisie, ma petite Winifred.
- C'est vrai ?
- Vrai de vrai, trésor. »
Vous échangeriez n'importe quoi contre un dispositif qui vous permettrait de décoder l'esprit insondable de Fred.
« La prochaine fois, peut-être, propose-t-elle avec un sourire tout en miel.
- Tu crois qu'il va se marier combien de fois ? marmonne Gunn, affolé.
- Une fois me suffira ! s'exclame Lorne. Alors, les garçons, vous décidez quoi ? »
Angel, Charles et vous vous regardez en silence, effarés. Cette discussion est-elle réellement en train d'avoir lieu ?
« Angel a déjà rencontré ta famille, propose Gunn, vous coupant dans vos pensées douteuses. Il serait le meilleur candidat. »
Bien joué, Charles !
« C'est vrai que mon cousin le tient en haute estime, concède Lorne. Je crois même qu'il préférerait l'avoir comme cousin si l'occasion lui était donnée de m'échanger. »
Il regarde longuement Angel. Le vampire de 270 ans vous semble mal à l'aise et il se met rapidement à se tortiller comme une jeune vierge. Vous auriez dû filmer ça pour avoir un moyen de pression sur lui. Juste au cas où.
« Malheureusement, tout le monde chez moi sait que notre vampirounet est un mâle. Ça ne fonctionnera pas. »
Angel laisse échapper un long soupir de soulagement en même temps que Gunn et vous retenez votre souffle. Vous n'avez pas de miroir sous la main, mais vous supposez que vous et Lorne êtes approximativement du même vert en ce moment même. Vous ne savez pas pourquoi, mais vous le sentez mal.
« Ça ne laisse plus que Wes et Charles ! claironne le vampire d'un ton léger, un large sourire aux lèvres. »
Vous allez le tuer. Un jour.
En attendant vous levez la main pour parler, contrarié.
« Il y a un problème, dîtes-vous plein d'espoir. Gunn et moi, nous sommes humains. Ton clan ne semble pas particulièrement apprécier les humains autrement que dans leur assiette…
- Déjà que je me marie pour leur faire plaisir, ce serait pousser le vice un peu loin que de choisir quelqu'un de ma dimension…
- Oui, mais est-ce que cela ne risque pas d'être un souci ? », insistez-vous lourdement.
Cordélia vient se planter devant vous et vous toise, les bras croisés, dans une attitude revendicatrice.
« Tu oublies que le Groosalugg est sur le trône.
- Exactement, ma jolie, approuve Lorne. Les règles de Pylea ont changé, les hommes ont le même statut que les démons, maintenant. »
Génial. Comment aviez-vous pu oublier ce « détail » ? Vive le Groosalugg, pour le coup. Youpi.
« Oui, d'ailleurs, je crois me souvenir que ta mère avait bien accueilli la nouvelle », note Angel.
Il commence à se marrer, ce sournois. Vous voyez frémir sa lèvre supérieure.
Ouaip, vous allez le tuer.
« Bah, comme tous les vieux conservateurs de Pylea, continue Lorne sans se douter du conflit qui se joue à l'intérieur de votre esprit traumatisé. De toute façon, mon clan n'a guère son mot à dire. Ils devraient déjà s'estimer heureux que je me marie.
- Mais pourquoi avec l'un de nous ? gémit Gunn.
- Je vous trouve particulièrement mesquins, tous les deux, siffle Cordélia. Lorne vous demande un tout petit service et vous ergotez comme les deux vieux du Muppet Show. »
Tiens. En y réfléchissant, Cordy aussi vous allez la tuer.
« Tu n'étais pas spécialement pressée de dire oui quand Fred a proposé à Lorne de choisir entre vous deux, rétorquez-vous, acerbe.
- Ce n'était pas pareil, s'offusqua Cordélia.
- Ben voyons, dîtes-vous en même temps que Gunn, dans un ensemble parfait.
- Mes amis ! intervient le démon. Je comprends que la situation soit délicate. Wes, Charles, Je ne vous oblige en rien. J'ai encore deux jours pour trouver un candidat. Il y aurait bien ce k'kladan qui est venu plusieurs fois au club… ou encore ce démon lurgavh pas trop repoussant… j'ai oublié son nom… »
Vous réfléchissez à toute vitesse. Vous voyez Fred vous regarder avec de grands yeux larmoyants. Vous savez l'affection qu'elle porte à Lorne, malgré ce que son peuple lui a fait subir. Elle ne voudrait pas qu'il se fasse « shorklé » parce que ni Gunn ni vous n'auriez fait l'effort de lui rendre un service, même aussi glauque que celui-ci. En y réfléchissant, votre attitude est un peu puérile.
Après tout, vous aussi appréciez Lorne malgré ses airs parfois pompeux de démon anagogique qui lit les auras comme dans un livre. Vous n'avez aucune envie de le voir subir un shorklah avant de brûler en Kraknah.
Si vous dîtes oui (et vous vous faites violence pour y songer), peut-être Fred sera-t-elle fière de vous ? Peut-être sera-t-elle si impressionnée par votre courage et émue par votre sens du sacrifice qu'elle se jettera dans vos bras, vous étreindra et vous…
« Laisse tomber Lorne, soupirez-vous. Je me porte volontaire. »
Tous se tournent vers vous en arborant diverses expressions allant de la stupeur à la goguenardise. Un long silence stupéfait s'installe dans le groupe et vous baissez la tête, vous sentant rougir. Comme vous l'aviez espéré, Fred est la première à réagir. Vous voyez son doux visage s'animer. Ses lèvres s'étirent sur un sourire éclatant sous son adorable nez retroussé et elle bondit sur place en poussant de petits piaillements aigus. Vous tendez les bras, prêt à la recevoir.
« Wes et Lorne vont se marier ! »
Vous poussez un grognement désespéré et vous vous prenez la tête entre les mains. Cette idée formidable qui avait à l'instant la saveur d'un stratagème machiavélique pour séduire votre bien-aimée Winifred est en train de retomber comme un soufflé et revêt à présent le spectre d'une cocasserie à peine digne d'un épisode de Benny Hill.
Venez-vous vraiment de dire devant tout le monde que vous acceptez d'épouser Lorne ? Lorne ?!
« Merci mon vieux ! s'exclame Gunn en vous flanquant une claque magistrale dans le dos. Je t'en dois une !
- Une grosse, précisez-vous, dépité.
- Alors toi mon chéri, je t'adore, vous dit Lorne avec un soulagement non feint. Sans exagérer, tu me sauves la vie…
- A ton service, grommelez-vous, irrité de l'entendre d'ors et déjà vous donner du « mon chéri ».
- Je te serrerais volontiers sur mon cœur si celui-ci n'était pas situé dans ma fesse gauche. »
Vous rangez cet aveu spontané dans la catégorie des détails malsains à connaître chez vos amis et songez que vous vous passerez sans regret d'un tel témoignage de gratitude.
Gunn éclate soudainement de rire à côté de vous et vous le frappez durement à l'épaule. Il couine sans cesser de se moquer de vous.
« Donc tu vas devoir retourner sur Pylea ? demande Angel pour détourner un peu la conversation, ce dont vous lui êtes gré.
- Oui, l'un des autres tristes aspects de la bonne nouvelle de départ. Je pensais que notre Fred pourrait m'y aider mon cher cousin m'a laissé de quoi ouvrir un portail.
- Mais tu nous invites, quand même ? s'inquiète brusquement Cordélia.
- Tu veux voir le mariage ou le Groosalugg ? demande timidement Angel
- Je te trouve gonflé de me dire ça après ce qui s'est passé avec Darla…
- Attention, marmonne Gunn, ils remettent ça…
- Vous êtes les bienvenus ! s'exclame le démon. L'idée de me retrouver là-bas tout seul, même en compagnie de notre séduisant Wesley me terrifie un peu, je dois bien l'avouer… »
Vous auriez préféré qu'il évite le « séduisant Wesley ». En même temps, vous n'en êtes plus à ça près. Vous réalisez que toutes les personnes que vous considérez comme vos amis vont assister au limogeage définitif de votre crédibilité. Non qu'elle n'ait jamais été écornée, mais vous sentez qu'après ce coup-ci, vous pourrez la ramasser à la petite cuillère et l'enterrer pour de bon. Au fond, cela vous rappellera de vieux souvenirs vous n'avez plus connu d'humiliation publique depuis le jour où Anthony Perkins a exposé vos sous-vêtements sales dans le réfectoire de l'internat. Vous aviez quinze ans et des boutons plein la figure.
« Alors c'est réglé, conclut Cordélia en souriant, nous partons tous. Et il est possible, reprit-elle en se tournant vers Angel, que j'aille voir comment va le Groosalugg. »
Le vampire soupire, ce qui vous remonte un peu le moral. Serait-il possible que votre grand nigaud de l'obscur soit réellement jaloux ?
« Au moins, j'espère que le mariage se fera en journée, je pourrai retourner au soleil.
- Au pluriel, Angelito, n'oublie pas…
- C'est vrai, dit pensivement Angel, il y en a deux… Il y aura des miroirs ? »
La bizarrerie des dimensions. Ce qui détruit un vampire ici le transforme en diva glapissante sur Pylea. Vous admettez vous ne rateriez ça pour rien au monde.
« Tant que tu veux, vampire de mon cœur, je demanderai qu'on en mette pour toi. Tu pourras te recoiffer…
- Tu trouves que ça manque de gel ? »
Vous le voyez passer avec entêtement une main dans des cheveux d'une consistance déjà semblable à celle du plastique. Avec le temps, vous vous apercevez que sa coiffure ressemble de plus en plus à un dessous de bras.
Tout le monde s'active brusquement et vous interrompez vos réflexions capillaires. Vous voyez Cordélia monter dans sa chambre pour, vous le supposez, préparer des bagages volumineux dont les deux tiers ne serviront à rien.
Fred s'isole avec Lorne dans le bureau d'Angel et commence à étudier les instructions de Longput pour ouvrir le portail. Vous l'entendez avec horreur chantonner quelque chose qui ressemble à la Marche Nuptiale, qu'elle ponctue d'un baragouin dans lequel vous craignez de déceler plusieurs fois votre nom et celui de Lorne.
Gunn tapote une dernière fois votre épaule et s'éloigne vers l'armurerie en riant de bon cœur. Vous commencez sérieusement à méditer sur un moyen de vous faire rembourser de cette dette inestimable.
Vous remarquez Angel s'approcher de vous, l'air encore plus abattu et soucieux que d'habitude.
« Si tu me félicites, je te tue… marmonnez-vous en guise d'avertissement.
- Non, je voulais juste te dire que je trouve ta décision très courageuse », réplique Angel, soudain facétieux.
Un Angel facétieux n'est pas de ces choses que l'on croise tous les jours, vous en convenez. Vous jugez frustrant que cette histoire semble faire rire tout le monde, même les moins aptes à la réjouissance, sauf vous.
« C'est un mariage fictif, Angel, lui rappelez-vous, acide.
- Alors pourquoi es-tu aussi nerveux ? », rigole le vampire avant de s'éloigner pour rejoindre Gunn dans l'armurerie.
Vous vous effondrez sur les coussins moelleux du canapé et vous repliez sur vous-même, la tête dans les mains. Vous avez décidé de laisser les autres s'agiter vainement dans leur agaçante bonne humeur. Vous vous faites tout petit et vous appliquez à ruminer dans votre coin le résultat embarrassant de votre candeur. Vous aviez vraiment cru que cette bonne action (qui, à votre avis, alimentera votre karma pour les mille ans à venir) vous ouvrirait le cœur de Winifred ?
Vous avez encore de sérieux progrès à faire en matière de psychologie féminine.
Finalement, vous haussez les épaules en songeant que ce n'est qu'un mauvais moment kafkaïen à passer. Un de plus. Après tout, vous êtes plutôt familier avec la notion de ridicule et vous savez d'expérience qu'il ne tue pas.
En attendant, vous êtes bien embêté : vous ne savez pas comment vous habiller pour votre propre mariage…
