Fandom : Merlin
Pairing : Merthur

Valet de coeur

Chapitre 1

Accoudé au plus haut rempart de Camelot, le jeune roi Arthur observait son royaume s'étendre devant lui. Et pourtant, il ne voyait pas réellement le paysage, si beau soit-il.
Perdu dans ses pensées, il ne cessait de refaire le monde mentalement, à force de « et si… » et de « peut-être ».

Et si j'avais accepté la nature de Merlin ?

Et si j'avais pris le temps d'y réfléchir plus longuement ?

Et si je n'avais pas agis sous l'impulsion du moment ?

Et si je ne lui avais pas crié ces horreurs au visage ?

Et si je ne l'avais pas banni de Camelot…

Peut-être ne me sentirais-je pas aussi seul.

L'été venait d'arriver sur Camelot et la chaleur était assez étouffante, ce qui expliquait que le roi soit venu se réfugier sur les remparts, où le vent rendait plus supportable cette lourde journée. Le soleil frappait fort, aucun nuage ne retenait ses rayons qui venaient se perdre dans la blondeur lumineuse de la chevelure royale.

Arthur aurait sans doute pu trouver plus de fraicheur entre les murs du château, mais il avait ressenti le besoin de sortir prendre l'air. Il se sentait étouffer dans ses appartements. Il avait donc prit sur lui pendant la réunion de la table ronde, mais une fois ses chevaliers partis, il avait quitté la pièce, fuyant bien peu bravement les murs qui semblaient vouloir l'enfermer.

Et pourtant, même ici, même en plein air, il ne semblait pas retrouver sa respiration. Sa poitrine se comprimait bien trop douloureusement. Chaque jour qui passait depuis le départ de son ami – depuis son bannissement intempestif plutôt – Arthur regrettait. Il regrettait ses paroles inconsidérées, il regrettait d'avoir agi sous l'impulsion, la colère, la frayeur. Mais il avait été élevé dans la crainte de la magie, elle était mauvaise et n'apportait que la mort. Elle pouvait corrompre l'âme la plus brillante. Morgane n'en était-elle pas l'exemple parfait ? Il s'était donc emporté contre son valet, son meilleur ami et l'avait rejeté. Même sous la colère, il n'avait pu se résoudre à condamner Merlin comme l'exigeait la loi. Alors il l'avait banni sans possibilité de retour. Mais que ne donnerait-il pas pour que son ami revienne pourtant ?

Il lui avait fallu plusieurs nuits blanches pour en venir à se dire que Merlin était différent. Il ne savait pas comment, mais il était persuadé que son valet ne deviendrait jamais comme Morgane. Cependant, il avait beau regretter de toutes ses forces, il était trop tard. Merlin était parti et ne reviendrait pas.

Arthur cligna plusieurs fois des paupières, cherchant à faire partir le picotement de ses yeux. Non, il ne pleurerait pas. Il s'était retenu jusqu'à présent, ce n'était pas pour se laisser aller maintenant.

Se redressant, il passa une main dans ses cheveux que le vent avait désordonnés. Il déglutit difficilement, mais prit une grande inspiration, et se tint droit face à son royaume. Un roi ne pleurait pas. Un roi n'avait pas de regrets. Un roi était digne et fier.
Hochant la tête pour lui-même, il se retourna et se rendit compte qu'il n'était pas si seul qu'il l'avait cru.

Assis au sol à quelques mètres de lui, Gwaine l'observait sans rien dire. Une main sur le pommeau de son épée, son menton appuyé dessus, il était juste resté là.
Lorsque le roi s'approcha de lui, le chevalier se leva.

- Que fais-tu là ? demanda Arthur d'une voix atone.

- Vous me connaissez sire, s'amusa Gwaine, j'esquive tant que je le peux toutes les tâches ennuyeuses.

Le roi lui accorda un sourire à moitié-sincère. Et lui donna une tape amicale sur l'épaule.

- Oh oui, je sais. Cependant, j'aurais pensé que la taverne serait plus distrayante que de rester assis sur les remparts.

- Et vous, que faisiez-vous ici ? Ne serais-je pas le seul tir au flanc du royaume ? renchérit le chevalier.

Cette fois, le sourire du roi fut totalement sincère.
Depuis le départ de Merlin, Gwaine était le seul à agir avec lui comme s'il était un chevalier parmi tant d'autres. Il ne le défiait pas, ni ne l'insultait comme le faisait son valet, mais il était toujours agréable d'être traité comme un homme plutôt que comme un roi.

- Je réfléchissais, répondit Arthur en se souvenant de la raison qui l'avait poussée à rester seul ici.

- A quoi ?

- Des choses et d'autres, esquiva-t-il en avançant aux côtés du brun. L'entrainement ne devrait pas tarder, je vais aller m'armer.

Gwaine hocha simplement la tête, laissant partir le blond. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait ce regard triste sur le visage du roi, mais ce dernier ne voulait jamais en parler. Il était d'ailleurs évident qu'il n'était pas au meilleur de sa forme ces derniers jours.

Arthur mangeait normalement et tentait d'agir comme si tout allait bien, mais Gwaine n'était pas dupe. Les yeux du roi le trahissaient et pas seulement à cause de ses cernes. Il semblait triste, sans que nul ne sache pourquoi.

La plupart des chevaliers et amis d'Arthur mettaient cela sur la charge qu'étaient les devoirs royaux. Mais Gwaine n'y croyait pas. Et plus que les autres, il voulait s'assurer que son roi allait bien. Il l'avait promis à son meilleur ami.

Son cœur eut un pincement lorsqu'il se rappela la dernière image qu'il avait eue de Merlin. Le regard triste et pourtant étrangement digne, un baluchon sur l'épaule, il l'avait pris dans ses bras.

- Puis-je te demander quelque chose ? lui avait soufflé son ami.

- Si tu veux de l'argent, j'ai bien peur d'avoir tout bu, avait plaisanté Gwaine qui cachait son émotion derrière son humour habituel.

- Non, je voulais te demander de prendre soin d'Arthur.

- C'est déjà mon devoir en tant que chevalier de Camelot.

Avec un sourire étrangement triste, Merlin avait hoché la tête, les yeux fuyants.

- Je ne veux pas seulement dire le protéger Gwaine, je veux dire prendre soin de lui.

Prenant le jeune sorcier dans ses bras et le serrant contre son armure, il lui avait promis tout ce qu'il voulait.

Et pourtant, Gwaine en voulait à Arthur d'avoir banni son meilleur ami. Il lui en voulait d'avoir rejeté Merlin pour une chose qu'il ne contrôlait pas.

Mais jour après jour, il voyait le roi devenir plus terne. Il tenait debout, mangeait, parlait, se battait comme toujours. Mais il semblait n'être plus que le roi. Peu à peu Arthur disparaissait derrière l'image de souverain solide qu'il donnait aux autres. Mais lorsqu'on le regardait vraiment, le masque se fissurait. Son regard semblait hanté. Par son défunt père ? Par la menace constante que Morgane faisait peser sur eux ? Gwaine n'en savait trop rien, mais quelque part, il espérait qu'un peu de cette peine s'appelait Merlin. C'était cruel de sa part ? Peut-être, mais il s'en moquait. Oui, Arthur était son ami, mais Merlin était son frère. Et malgré toute l'affection qu'il avait pour son roi, sa rancœur était toujours présente quelque part au fond de lui. Parce que Merlin n'avait pas mérité cela, il aurait été prêt à tout pour Arthur. Il avait déjà tant fait… et voilà le remerciement ?

De son côté, Arthur marchait à grands pas en direction du château fuyant les yeux de Gwaine qui semblaient comprendre bien trop de choses. Si les autres chevaliers, se contentaient de l'excuse que leur servait Arthur sur sa fatigue, Gwaine semblait toujours sceptique, hochant la tête, semblant dire « je n'y crois pas, mais je vais faire semblant d'accepter cela ».

Mais si le chevalier avait réellement pu lire ses pensées, il en aurait été heureux, car Arthur souffrait d'une blessure que lui-même ne comprenait pas. Il s'avouait qu'au fond, Merlin lui manquait terriblement, mais jamais perdre un ami n'avait été aussi douloureux pour lui.

Mais Merlin était plus qu'un ami, il était son confident, son conseiller officieux, bien plus sage parfois que les conseillers de la cour. Il était la cause de ses fou-rires, bien plus drôle sans le vouloir que le meilleur des bouffons. Peut-être était-ce pour cela qu'il lui manquait à ce point. Rien qu'imaginer son regard bleu, blessé et un peu perdu lorsque le roi lui avait demandé de quitter Camelot faisait souffrir Arthur comme une blessure physique.

Le roi s'arrêta dans sa marche pour prendre une profonde inspiration. A nouveau, l'air semblait lui manquer. Il décida de se rendre au cabinet de Gaïus avant d'aller se préparer.

Arthur se força à rester droit et à marcher d'un pas digne lorsqu'il croisait quelqu'un, bien qu'il ait l'impression que le château entier pesait sur ses épaules à cet instant.

Il frappa à la porte du médecin de la cour, et s'entendit répondre d'entrer. En ouvrant la porte, il découvrit le vieil homme nettoyant un bocal à limaces, l'air plus vieux encore que d'habitude. Arthur se souvint de Merlin, se plaignant d'avoir à nettoyer ce même bocal et il comprit le regard nostalgique du médecin, qui pourtant abandonna sa tâche à son entrée. Merlin lui manquait à lui aussi, et Arthur s'en voulut encore d'avantage d'avoir séparé le vieil homme de celui qu'il considérait comme un fils.

- Que puis-je pour vous sire ? demanda le médecin en venant à sa rencontre.

Le roi était venu pour parler à Gaïus de ses problèmes respiratoires, et pourtant, la phrase qui passa ses lèvres ne se rapportait en rien à ce sujet.

- Savez-vous où il est ? s'entendit-il demander.

Gaïus le fixa, un instant interloqué, il n'avait pas besoin de demander de qui Arthur parlait, il le savait.

- Je ne lui veux pas de mal, crut bon d'ajouter le roi. Je me demande juste où il est. Ce qu'il fait. S'il va bien.

Le médecin ne trouva toujours rien à dire. Il se contenta de suivre le roi des yeux, alors que celui-ci prenait place sur son vieux banc de bois. Il le vit prendre sa tête entre ses mains, et remarqua que ces dernières tremblaient étrangement.

A cet instant, il n'avait plus le souverain de Camelot sous les yeux, mais Arthur. Celui-là même, qui venait enfant lui demander de lui parler de sa mère parce qu'Uther s'y refusait. Le blond releva la tête et croisa son regard, attendant toujours ses réponses.

- J'ai reçu une lettre de lui il y a quelques jours, avoua le médecin. Il se trouvait à Ealdor, mais il m'a dit qu'il ne comptait pas y rester.

- Savez-vous où il est à présent ?

- Non, sire.

- Et… il allait bien ?

Gaïus observa à nouveau son souverain, sachant qu'il se sentirait mieux s'il lui répondait oui, mais ce n'était pas la vérité. Dans sa lettre, Merlin tentait de rassurer son mentor, mais Gaïus n'était pas homme à se laisser duper. Il connaissait trop bien son apprenti pour cela. Finalement, il décida de dire la vérité au roi, même si ce n'était sûrement pas ce qu'il souhaitait entendre.

- Je ne pense pas qu'il aille bien, sire.

Voyant les épaules du roi s'affaisser, il vint prendre place à côté de lui. Il n'avait pas envie d'en vouloir à Arthur, il connaissait sa vie, son éducation et il savait que le roi s'en voulait suffisamment pour deux.

- Est-ce qu'il vous manque ? lui demanda le blond d'une voix étouffée par ses mains qui couvraient son visage.

- Chaque jour, répondit le médecin d'une voix triste.

- A moi aussi.

Les deux hommes restèrent longtemps assis l'un à côté de l'autre sans rien ajouter. Leurs pensées dirigées vers la même personne. Chacun d'eux se sentant terriblement seul sans le bavardage de Merlin, ses plaintes, sa répartie cassante, son sourire immense. Il était difficile à cet instant de savoir lequel des deux paraissait le plus nostalgique. Gaïus se demandant quand il reverrait le jeune sorcier, et Arthur s'il le reverrait un jour.