J'écoutais "Dreamlife" de Tony Anderson, et c'est vraiment venu comme ça. Prenez-le comme vous voulez.. Je ne met pas cette créature en "complet", parce que je pense que je vais poursuivre un truc. Cependant, je ne sais pas où cela mène. L'entête vient d'"Oublie-moi" de Cœur de Pirate.


Et oublie-moi

Parcours ces flots

Efface mes pas


Parfois, les matins deviennent difficiles. Sanji ouvre les yeux et il n'y a que la peau écorchée du monde devant lui.

Pour ces aurores là, il se lève et va sur le pont. L'univers est vide. Il n'y a que la respiration grinçante du navire, les voiles de brume qui s'étirent dans l'onde du vent. Il y a aussi le froid contre la plante de ses pieds et la peau nue de ses bras, de ses mollets, de son cou et de son visage. L'air chahute ses cheveux de ses doigts indicibles, et il se sent comme un gosse triste que le souvenir d'un père flatterait tendrement.

Il finit par se presser contre le bastingage, son estomac écrasé fort sur le bois. Il voudrait être aspiré par la mer, disparaître dans l'horizon.

L'eau est une lame grise, immobile, sur le fil de laquelle les flancs ronds du soleil – qui se lève – se blessent et saignent.

Et rien ne devient plus facile. Le temps ne fait pas oublier la perte. Il l'éprouve. Dans la distance qu'il permet d'acquérir. Dans le répit qu'il laisse aspirer. Sanji oublie ce qu'il ne voudrait pas. Il oublie les traits de Zoro, l'inclinaison de sa voix, la forme de ses mains. Tout devient des lambeaux immondes, sinon des cendres, et tombe dans sa mémoire. Sanji contemple cet amas – au fond de son esprit –, ce nœud qui finit par devenir un corps dans l'ombre. Un corps monstrueux, sans visage, qui le fixe. Qui le nargue.

La créature ne laisse rien s'effacer de la perte, mais dévore les quelques sourires de Zoro, la couleur de ses yeux et celle de ses tâches de rousseur après le soleil, juste sur ses muscles.

Il n'y a que du vide pressé contre ses côtés.


Affectueusement,

Charlie.